1L’opération archéologique conduite sur le castrum de Malemort répond à une demande de la municipalité de Malemort qui, après avoir initié des démarches de conservation en 2005, souhaitait engager un programme de mise en valeur du site castral et de ses abords. Le SRA a établi un cahier des charges pour l’étude archéologique. D’un point de vue scientifique, cette opération s’inscrit à la suite d’un premier travail de synthèse (Conte et al. 2006), réalisé dans le cadre du projet collectif de Recherche « Morphologies et mutations du castrum, l’exemple du Limousin, xe-xive s. » dirigé par C. Rémy. Les résultats présentés dans cette notice sont provisoires, l’étude post-fouille étant en cours de réalisation.
2Au total, neuf sondages ont été ouverts : cinq sur la plate-forme sommitale, où logent les vestiges d’une tour à contreforts ; un sur le tracé du chemin périmétral séparant l’excroissance tabulaire d’une vaste zone plane, assimilée à un possible enclos aristocratique ; les trois derniers, à l’intérieur de cet hypothétique enclos. L’étude archéologique a confirmé le fort potentiel archéologique du site, que les textes documentent à partir du début du xie s.
3Deux ensembles architecturaux ont été dégagés au sein la zone 1. L’un est une tour à contreforts dont ne subsistent plus, en élévation, que deux moignons de murs ; l’autre est un mur en pierres de taille mis au jour dans le sondage 2.
4Constituant le seul vestige médiéval en place de toute la plate-forme sommitale, avant les travaux de sondages, la tour présente un état de conservation médiocre. Cet état est dû à d’importants dégâts ayant entraîné la démolition des trois quarts de la carcasse du bâtiment primitif. Le plan de l’édifice peut être restitué toutefois dans ses grandes lignes. Il est celui d’une tour carrée épaulée par huit contreforts : a priori, quatre contreforts d’angle enveloppants, et quatre contreforts intermédiaires. Les deux pans de murs restants suggèrent de restituer une tour approximativement carrée, mesurant environ 8,70 m de côtés hors-œuvre. L’épaisseur des murs avoisine 2,80 m, laissant augurer un espace utile intérieur relativement modeste, de l’ordre de 15 m2. Par analogie avec d’autres tours à contreforts de ce type, une proposition de datation autour de la seconde moitié du xiiie s. peut être envisagée. Les deux sondages ouverts au pied de la tour se sont révélés positifs pour la caractérisation des maçonneries. L’étude de leur comblement a surtout permis de dater l’abandon du bâtiment, qui a peut-être suivi, de peu, sa destruction.
5L’un des principaux apports du sondage 2 a été la mise au jour d’une structure maçonnée de grande ampleur, probablement un mur, contre la tour (fig. 1). Même s’il est impossible, à ce stade de l’enquête, de restituer cet aménagement dans sa globalité, sa description permet de s’interroger sur la nature du bâtiment qui lui était associé. Le mur a été dégagé sur toute la longueur nord-sud de l’excavation. Vu sa largeur (1,92 m), il correspond manifestement à un mur de bâtiment. Sa longueur n’est pas connue ; on la sait supérieure à 6,25 m. L’observation en plan et en élévation de la structure a permis de mettre en évidence ses principales caractéristiques techniques. Il s’agit, a priori, d’un mur à double parement, avec un remplissage constitué d’une maçonnerie de moellons de grès liés au mortier. Attribuable à la période médiévale, ce mur reste énigmatique sur de nombreux points. Si le collage de maçonnerie avec la tour a été clairement identifié, rien n’indique qu’il faille restituer deux séquences chronologiquement distinctes. En réalité, aucune hypothèse de phasage ne semble devoir être écartée en l’état actuel des recherches, même si plusieurs indices témoignent de l’antériorité du mur à double parement (parmi eux, des traces de bûchage pouvant indiquer que les constructeurs de la tour à contreforts ont empiété sur un bâtiment existant). L’absence d’arrachement sur le parement extérieur de la tour oriente aussi les réflexions dans cette direction. L’analyse stratigraphique des différents remblais de comblement n’a pas plus permis d’être décisif sur le plan des datations. Il est acté, en revanche, que le mur a subi une ou plusieurs dégradations ayant entraîné le dérasement partiel de la structure. La datation de cette destruction est incertaine.
Fig. 1 – Vue générale du mur à double parement, au sud-ouest de la tour à contreforts
Cliché : G. Gascuel.
6Implanté sur l’extrémité ouest de la plate-forme, le sondage 3 mesurait 3,20 m de long et 1,30 m de large. L’événement le plus significatif a été la découverte de deux aménagements sur le substrat, dont une structure de support destinée à un « bâtiment sur poteau ». La présence d’une pierre liée au mortier de chaux, posée à plat sur le substrat géologique (ou légèrement creusée dans celui-ci), confirme l’occupation bâtie de l’extrémité occidentale de la plate-forme castrale. Des remblais stratifiés qui comblent et couvrent les structures, nous ne retiendrons en revanche rien de définitif. Ces résultats nous ont incité à ouvrir deux autres sondages de reconnaissance dans la zone 2.
7Creusé jusqu’à une profondeur maximale de 1,05 m environ, le sondage 4 a permis de mettre au jour plusieurs aménagements anthropiques. Sur une surface pourtant restreinte (un peu moins de 5 m2), nous avons pu constater la concentration d’au moins quatre aménagements : une structure maçonnée et trois structures en creux. Témoignant de l’importance de l’occupation de ce secteur de plate-forme sommitale, ces aménagements restent néanmoins très difficiles à ancrer chronologiquement.
8Orienté sud-est – nord-ouest, parallèlement au sondage 4, le sondage 5 devait permettre de vérifier l’activité du sous-sol à proximité de la villa « 1900 ». Son implantation a aussi été guidée par les résultats obtenus sur le sondage 4. Il s’agissait, notamment, d’éprouver la continuité du substrat en direction du nord-est. Un des événements les plus significatifs de ce sondage a été la découverte de vestiges maçonnés qui pourraient être ceux d’un mur à double parement, établi selon un axe sud-ouest – nord-est. La section dégagée par la fouille laisse entrevoir une épaisseur avoisinant 1,30 m.
9L’ouverture d’une zone de fouille aux abords du tracé périmétral ouest de la plate-forme sommitale avait pour objectif de dater le mur bordant la plate-forme, au nord, et d’en préciser les caractéristiques techniques. Était aussi en jeu l’étude des niveaux sédimentaires adossés à ce mur. La fouille de cette zone a permis de mettre en avant un certain nombre de questionnements, à défaut d’avoir pu poser des jalons chronologiques précis. La découverte d’un remblai chargé de céramiques médiévales est probablement l’information la plus importante qu’il faille retenir. Cette découverte conduit à penser que le tertre correspondant à la plate-forme sommitale pourrait être artificiel. Il reste à tenter de mieux connaître la datation de cette séquence et à en déterminer l’origine : cet emmotement est-il lié à la construction de la tour à contreforts ? Correspond-il à une séquence plus tardive, liée à l’abandon du site à la fin du Moyen Âge ? Est-il synchrone avec le mur périmétral, ou doit-on envisager que ce mur appartient à une phase plus récente ? On peut espérer que la poursuite des excavations sur le pourtour de la butte donnera des informations sur la chronologie du mur et, plus globalement, sur le contexte relatif à l’emmotement de la butte.
10Les investigations sur la zone 4 ont consisté à ouvrir deux tranchées à l’intérieur d’un espace suspecté d’avoir abrité un enclos bâti. La tranchée principale, qui correspond au sondage 7, était destinée, en premier lieu, à identifier des vestiges de structures bâties. Le sondage 8, positionné sur une rupture de pente, au sud-ouest de la zone 4, devait permettre d’identifier les limites de cet hypothétique enclos.
11Le sondage 7 a livré un mur qui pourrait dater de la période médiévale (fig. 2). Les caractéristiques techniques de ce mur montrent qu’il a probablement servi d’armature à une structure d’habitat. Son orientation, parallèlement à la pente, plaide en faveur de cette hypothèse. L’utilisation d’une maçonnerie fourrée au mortier de chaux est aussi un indice susceptible de l’identifier aux vestiges d’un logis plutôt qu’à un mur de soutènement ou à un mur parcellaire. Si la vocation de cette structure peut donc être suggérée, sa datation intrinsèque n’a pu être étayée par aucune donnée significative. Les impacts de taille subcirculaires et le mortier constituent des éléments de reconnaissance, mais ils se révèlent insuffisants, seuls, pour lui attribuer une datation. La mise au jour de plusieurs niveaux sédimentaires stratifiés, au sud du mur, a permis de poser quelques jalons chronologiques susceptibles de dater, a minima, son abandon. Celui-ci a consisté en un arasement des parties supérieures du mur, dont il ne reste plus, en élévation, qu’une dizaine d’assises. L’utilisation d’une maçonnerie fourrée large d’1 m s’avère remarquable, et semble témoigner d’un bâtiment important. Nous n’avons aucune idée du plan de ce bâtiment. Ces données confirment que l’espace défini comme un hypothétique enclos subcastral a été occupé durant le Moyen Âge.
Fig. 2 – Vue générale du mur de « l’enclos »
Cliché : V. Cousi.
12Le sondage 8 a été ouvert dans l’espoir de retrouver des vestiges correspondant à la limite sud de l’enclos. L’implantation de l’excavation a été déterminée en fonction d’une rupture de pente dont le tracé en plan, régulier, semblait révéler l’existence d’une clôture. La fouille a rapidement confirmé ces hypothèses, livrant les vestiges d’un mur de gros calibre, maçonné et manifestement assisé.
13L’emprise du sondage 9 a été déterminée de façon à fournir des données archéologiques sur une salle voûtée localisée à l’ouest du chemin périmétral, en bordure de la route goudronnée. L’objectif était de recueillir des informations sur le programme, la datation et la fonction des bâtiments susceptibles d’avoir existé au-dessus de cette salle voûtée. La fouille a répondu à certaines de ces interrogations, en dévoilant, notamment, une structure maçonnée identifiable à un mur.
14Le bilan de cette opération s’est donc révélé extrêmement positif. Plusieurs structures d’habitat ont été mises au jour, dont un mur qui semble révéler l’existence d’un bâtiment antérieur à la tour à contreforts, sur le sommet de la butte. L’occupation bâtie de l’ « enclos » est par ailleurs pleinement confirmée par les découvertes du sondage 7. L’étude (en cours) du mobilier devrait permettre d’apporter les jalons chronologiques qui font actuellement défaut pour dater avec précision ces différents événements.