Roger J. 2012 : Moutier-Rozeille, Creuse (23), église Saint-Hilaire, fouille programmée 2011-2013, rapport intermédiaire 2011, rapport de fouille programmée pluriannuelle, Limoges, SRA Limousin, 135 p.
Moutier-Rozeille – Église Saint-Hilaire
Entrées d’index
Année de l'opération :
2011Numéro d’opération :
123091Chronologie :
Antiquité, Antiquité gréco-romaine, Antiquité romaine, époque médiévale, Haut Moyen Âge, époque mérovingienneNature de l'opération :
fouille programméeNotes de la rédaction
Organisme porteur de l’opération : Ministère de la Culture
Texte intégral
1La fouille entreprise depuis 2007, à l’emplacement de l’ancienne église Saint-Hilaire, s’est poursuivie du 15 juin au 14 juillet 2011. Cette année constitue la première campagne d’une fouille programmée triennale, programmée en fonction d’objectifs déterminés lors du rapport 2009, validés lors de la demande 2010 en commission interrégionale de la recherche archéologique.
2Le programme de recherche proposé pour les trois prochaines années s’articule pour partie sur la poursuite de la recherche de l’emprise du mausolée antique et de ses éventuels aménagements, notamment dans sa partie occidentale (abside, emmarchement, ...). De plus, pour espérer à terme proposer une restitution de l’élévation du mausolée, un architecte spécialisé dans la construction romaine monumentale a été sollicité pour permettre de mieux appréhender la fonction de certains blocs antiques remployés dans les constructions postérieures ainsi que des matériaux utilisés pour le décor ou l’élaboration de certaines parties architecturales (éléments de terre cuite notamment).
3Le deuxième axe de recherche porte sur la connaissance du premier édifice du haut Moyen Âge, et notamment sur les limites de sa nef et son articulation avec les maçonneries du mausolée antique reprises dans le chœur. On s’efforcera de préciser la période d’utilisation de cette première église et de ses éventuelles modifications (ajout d’absidioles latérales). On essayera également de préciser la période chronologique où cet édifice sera abandonné au profit d’une nouvelle église à vaisseau unique.
4Enfin, et parallèlement à la connaissance de ces structures, la poursuite de la fouille augmentera le corpus des tombes ; elles seront fouillées selon le protocole établi depuis 2008.
5Tout d’abord, et suivant les recommandations de la CIRA, l’occupation protohistorique mise au jour au sud du mausolée n’a pas fait l’objet de recherches particulières cette année. Aucune autre structure de cette période n’a été mise au jour, et l’on remarque d’ailleurs que les tessons de céramique, que l’on retrouvait jadis dans les couches postérieures dans les zones du cimetière sud et dans le chœur, sont absents ou non attribuables à cet état chronologique. Il faut toutefois indiquer que les secteurs nouvellement ouverts – partie orientale de la nef et cimetière nord – n’ont pas encore livré les couches les plus profondes, potentiellement plus riches en mobilier ou en structure de la période protohistorique.
6La phase d’occupation suivante, caractérisée par l’implantation du mausolée funéraire à la fin du iie s., voire au début du iiie s. apr. J.‑C., n’a pas fait l’objet de découverte supplémentaire fondamentale ; tout au plus pouvons-nous indiquer la mise au jour d’un soixante-dixième bloc antique dans la fondation de l’angle nord-ouest de la nef. Ce dernier, long de 1,30 m, présente sur sa face visible cinq aménagements dont il conviendrait de définir la fonction (trou d’agrafe, de pinces, ... ?). D’autres éléments supplémentaires fragmentés encore conservés dans les murs postérieurs sont peut-être aussi à attribuer à cette construction monumentale, certains fragments pouvant être identifiés comme de possibles seuils de fenêtres ou des claveaux. La principale information sur le monument, cette année, concerne la provenance du granite utilisé. L’analyse visuelle de certains blocs sur le terrain, réalisée par J.-P. Floc’h, montre une nature différente de la roche, extraite dans deux ou trois zones géographiques différentes éloignées pour certaines d’une dizaine de kilomètres de Saint-Hilaire. Ce fait nouveau, sur la construction et les moyens mis en œuvre, nécessite pour les campagnes suivantes une analyse de tous les blocs identifiés comme antiques.
7La campagne de fouille 2011 a surtout été marquée par la mise en évidence d’une nouvelle église de la période mérovingienne construite à partir des vestiges du mausolée antique et dont les proportions se dévoilent peu à peu. Rappelons rapidement que cet état chronologique n’a réellement été découvert que l’année dernière, avec la mise au jour sous le dallage de la sacristie d’une construction possédant une abside et faisant pendant au bâtiment découvert au sud du chevet, les campagnes de fouille précédentes ayant seulement fait apparaître des sarcophages et des inhumations en coffrage du haut Moyen Âge.
8L’agrandissement des secteurs de fouille au nord du site aura donc été primordial pour comprendre et mieux appréhender l’emprise de cette vaste construction mérovingienne. L’abside à l’est de l’annexe nord a ainsi été complètement dégagée, pour un rayon interne de 1,50 m environ (fig. 1). La grande nouveauté réside ici dans la présence de niveaux stratigraphiques conservés pour cette période, absents jusqu’alors. On peut ainsi observer pour l’intérieur de l’abside la présence d’une couche de pierres liée à la démolition des murs recouvrant un niveau de couverture en tuiles à rebords effondré au-dessus d’une couche riche en fragments d’enduits peints qui proviennent des maçonneries attenantes, comme l’attestent les éléments de recouvrement des murs encore en place. Bien que non fouillé, le niveau de sol de l’abside semble être marqué par une couche de mortier de tuileau que l’on ne retrouve pas dans l’espace interne de l’annexe nord. Cette pièce, qui ne montre pas de sol de circulation, possède cependant une importante couche de démolition recouvrant un sédiment riche en charbons de bois daté entre 1023 et 1163 apr. J.‑C. (Lyon-8362 [GrA]). Ce niveau pourrait être interprété comme la fin de l’utilisation de cette construction. Cette annexe, dont l’extension au nord n’a pas été reconnue, a livré 2 nouveaux sarcophages en trachyte (S.21 et S.22) au contact du mur occidental, portant ainsi à 4 ce type d’architecture funéraire dans cette pièce.
9Les sondages ouverts cette année au nord de la nef ont également montré des couches de démolition de maçonneries datant peut-être de cette période, ainsi que deux nouvelles fondations de murs (M.34 et M.36) que l’on pourrait interpréter comme les limites de la nef mérovingienne. Bien qu’il faille encore rester prudent au vu des faibles longueurs de maçonneries dégagées, il semblerait que la nef soit nettement plus large que celle qui la remplacera (superficie d’environ 95 m2 contre 55 m2), sa limite occidentale étant recoupée par l’installation du mur portant les cloches.
10Il devient maintenant évident qu’au début du second millénaire, cette église monumentale du haut Moyen Âge va être remplacée par un édifice religieux plus modeste, réduite en largeur alors que les proportions en longueur semblent avoir été gardées. On conserve les murs d’origine antique du chœur au sud et à l’est, celui au nord étant démonté pour être pour partie réutilisé dans la nouvelle maçonnerie septentrionale (M.14). L’intérieur de cette nouvelle église est enduit dans la nef et le chœur possède un autel central marqué par une imposante fondation (4 m2). Le niveau de circulation est alors constitué d’un niveau en terre battue, attesté dans la nef.
11La campagne 2011 apporte pour ce troisième état de construction quelques informations complémentaires, notamment chronologiques, avec la datation d’une couche charbonneuse reposant sur le sol en terre battue de la nef. L’analyse isotopique permet de placer chronologiquement ce niveau de circulation entre 1017 et 1153 apr. J.‑C. (Lyon-8360 [GrA]). Une seconde datation par 14C effectuée sur des charbons de bois prélevés dans le mortier de chaux contenu à la base du mur occidental a montré qu’ils étaient postérieurs à 1650 (Lyon 8377 [GrA]), indiquant une reconstruction très tardive du mur occidental supportant les cloches. La prise en compte de cette nouvelle donnée invite soit à considérer que le mur de la première nef a été complètement détruit lors de la reconstruction tardive liée au deuxième état de la nef, soit que celui-ci soit plus vers l’est, la première nef étant alors plus courte.
12Les nouvelles sépultures, mises au jour cette année dans tous les secteurs, accentuent le corpus pour ce site, avec une forte proportion de tombes de la période moderne à contemporaine mises au jour dans la nef et dans l’extension occidentale du cimetière sud. On note toutefois la présence de deux ou trois nouvelles tombes en coffre en matériaux périssables de la période mérovingienne trouvées dans le cimetière oriental (Sp.113, 120, us 335), mais aussi trois autres sarcophages (S.21, 22, 23), deux dans l’annexe nord et un troisième dans le cimetière sud. Cet inventaire est complété par trois nouvelles inhumations de très jeunes enfants de la période carolingienne (?) à l’est du chevet (Sp.121, 128, 139) et de deux sépultures en coffres de pierres au sud de la nef (Sp.148 et 149).
13Ce nouvel apport permet de commencer à percevoir, pour certaines périodes, une ébauche d’organisation du cimetière vis-à-vis de l’édifice religieux auquel il se rattache. On peut ainsi remarquer que les sarcophages sont majoritairement concentrés dans les annexes latérales, bien qu’il faille encore modérer nos propos du fait de la dichotomie des surfaces fouillées entre les annexes latérales, largement étudiées, et la nef. Pour la période suivante, et bien qu’il soit difficile d’attribuer des tombes à cette période, on note une concentration de sépultures de très jeunes enfants enterrés au chevet de l’église, dans sa partie septentrionale. En admettant que tous ces enfants soient de la même période chronologique (celui trouvé l’an dernier, Sp. 52, a été daté par 14C entre 885 et 1016 (Lyon-7423), nous aurions alors dans ce secteur de quelques mètres linéaires une zone réservée à cette population enfantine. Les inhumations en relation avec la nouvelle église des xie-xiie s. sont également assez difficiles à mettre en évidence, bien que 2 coffres en pierre aient été retrouvés dans le cimetière sud, ce qui en fait maintenant 4 dans cette zone, et seulement dans cette partie du site. On voit ainsi se dessiner pour ce cimetière du Moyen Âge classique un développement essentiellement au sud de l’église, bien qu’il soit étonnant que des tombes de cette période ne se soient pas implantées au chevet. Elles sont en revanche manquantes dans la partie septentrionale du site, ou tout au moins absentes dans l’emprise de l’ancienne église mérovingienne. Il faut en réalité attendre au mieux la période moderne pour que de nouvelles inhumations fassent leur apparition dans cette zone, avec une extension tout autour de l’église, comme le montrent les quelques inhumations relevées au-devant de l’entrée occidentale.
Table des illustrations
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Titre | Fig. 1 – Vue zénithale de l’absidiole nord-est de l’église mérovingienne |
Crédits | Cliché : J. Roger (SRA). |
URL | http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/80478/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 203k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Jacques Roger, « Moutier-Rozeille – Église Saint-Hilaire » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Nouvelle-Aquitaine, mis en ligne le 16 juin 2021, consulté le 16 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/80478
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