1À la suite du diagnostic archéologique réalisé en amont des travaux routiers de la RN 141 sur la déviation à 2 x 2 voies entre La Barre et Le Breuil (communes de Saint-Victurnien, Veyrac et Verneuil-sur-Vienne), la Drac a prescrit une fouille sur le site du Petit Moulin, à Veyrac. L’opération, réalisée par une équipe d’archéologues de l’Inrap, a débuté le 13 décembre 2010 et s’est achevée le 23 mars 2011.

2Sur les 2,2 ha concernés par l’opération, trois occupations ont été mises en évidence. La première et la plus importante concerne l’occupation protohistorique (secteur 1) avec l’installation rurale gauloise (fig. 1). Celle-ci a été étudiée sur une surface de 3 000 m² environ. La seconde occupation, matérialisée par quelques vestiges gallo-romains (secteur 2), a été entrevue au nord et en marge de l’habitat gaulois. Enfin, l’occupation médiévale est représentée ici par un enclos et quelques structures fossoyées (trous de poteau et fossés) situés dans la partie est de la fouille (secteur 3).

L’installation rurale gauloise

3Le contexte archéologique régional de l’installation rurale gauloise du Petit Moulin est, dans le détail, encore assez mal connu. Sa fouille constitue donc un enjeu scientifique majeur pour la connaissance des populations et des pratiques sociales communautaires de cette période, car c’est la première fois qu’un habitat rural gaulois fait l’objet d’une fouille approfondie dans le département de la Haute-Vienne. L’analyse des vestiges devrait également permettre d’examiner les relations entre cette exploitation rurale et l’agglomération gauloise de Saint-Gence, située à moins de 6 km à vol d’oiseau.

4Implanté à moins de 900 m d’une importante voie romaine reliant Augustoritum/Limoges à Mediolanum/Saintes, l’établissement est installé sur un replat, largement ouvert vers le nord et le nord-est. Construit au ii^e s. av. J.‑C., il est occupé durant tout le i^er s. av. J.‑C. Il est délimité par un grand enclos fossoyé de forme trapézoïdale de 5 500 m², dont les côtés sont orientés suivant les points cardinaux. L’intégralité du site gaulois n’a pu être reconnue dans le cadre de cette opération de fouille préventive. En effet, seule la partie située dans l’emprise routière a pu être décapée. La fouille a toutefois permis d’étudier l’établissement rural de la fin de l’âge du Fer sur une surface de 3 000 m² environ. Les fossés qui limitent l’enclos n’ont pas été intégralement repérés. Dans la partie étudiée, le fossé est large de 1,40 à 2,20 m et profond de 0,40 m à 1 m sous le niveau de décapage. Une entrée de 4 m de large, marquée par une simple interruption des fossés, se situe sur la façade orientale de l’enclos.

5L’espace interne est scindé en deux par un fossé rectiligne (fossé de partition) de 1,20 à 1,70 m de large et de 0,50 à 0,70 m de profondeur. Ce fossé, interrompu au centre et à l’une de ses extrémités, délimitait probablement des zones d’activités différenciées.

6L’érosion aratoire du site a bouleversé les vestiges archéologiques et aucun niveau d’occupation n’a été conservé dans le périmètre décapé. Deux bâtiments sur poteaux et plusieurs groupements de structures fossoyées ont néanmoins été identifiés à l’intérieur de l’établissement.

7Le bâtiment 1, daté de l’âge du Fer, est situé à une dizaine de mètres à l’est du fossé de partition. Il possède un plan carré (5,50 m x 5,50 m) et se distingue par des poteaux d’angle solidement ancrés dans le sol, de grands modules, tous implantés à une même profondeur, entre 0,45 m et 0,55 m sous le niveau de décapage, et leur diamètre est compris entre 0,92 m et 1,12 m. Les sections des négatifs des poteaux, qui ont été parfaitement observés en plan et en coupe, varient entre 0,35 m et 0,59 m. Leur empreinte est englobée dans un sédiment arénisé jaune orangé qui a été damé. Le seul trou de poteau découvert à l’intérieur est légèrement décentré par rapport au centre théorique de la bâtisse. Placés à un peu plus de 1 m à l’extérieur des poteaux porteurs, deux autres marquent l’emplacement de l’entrée du bâtiment. Celle-ci large de 1,50 m environ, a été implantée sur son côté est.

8Cette construction a un plan proche de ceux de bâtiments mis au jour notamment sur les sites de la Chapellière à la Chaize-le-Vicomte (Vendée), et des Natteries à Cholet (Maine-et-Loire) (Maguer 2005), ainsi que des Épanours à Peyrat-de-Bellac (Haute-Vienne) (Beausoleil 2008). Ce type de construction, déjà mis en évidence sur de nombreux sites de la fin de l’âge du Fer du Centre-Ouest, des Pays de Loire, de Bretagne, de Normandie ainsi que de l’est et du nord de la France, était vraisemblablement construit sur plan centré, avec une paroi disposée en périphérie du module porteur. Sur le site des Natteries, la base de la paroi non porteuse du bâtiment E49 était bien visible à l’extérieur du module porteur défini par les trous de poteaux (Maguer 2005).

9Le caractère massif et relativement imposant de la construction, qui ne devait pas passer inaperçu dans le paysage, confère assurément à ce bâtiment un statut particulier. Par sa superficie au sol (64 m²), notre bâtiment ne serait pas une simple construction, mais très probablement un bâtiment d’exploitation et de stockage avec étage, entièrement occupé par un grenier, réserve supposée de produits de culture (fourrage d’après l’étude carpologique réalisée par M.-F. Dietsch-Sellami).

10Quant au bâtiment 2, implanté au nord-ouest de l’enclos, il possède un plan quadrangulaire avec une abside évoquant un grenier de 10 m² au sol environ. L’étude carpologique tend à conforter cette proposition. En effet, la prépondérance de grains non traités (millet, épeautre), retrouvée dans les prélèvements des sédiments des trous de poteau, cadre assez bien avec l’idée d’une structure de stockage (étude : M.-F. Dietsch-Sellami).

11L’étude du mobilier céramique de l’établissement rural (fosses et trous de poteau), réalisée par G. Landreau, incline à penser que le site connaît une continuité d’occupation du dernier tiers du ii^e s. av. J.‑C. jusqu’au début du i^er s. apr. J.‑C.

L’occupation gallo-romaine

12Elle se limite à un alignement de trous de poteau et une fosse, découverts en marge et au nord-est de l’occupation gauloise. Le mobilier archéologique provenant de ces structures atteste que le site est encore occupé à la période gallo-romaine, entre la fin du i^er s. et le milieu du ii^e s. apr. J.‑C.

L’enclos médiéval

13Le secteur oriental a révélé l’existence d’un petit enclos qui a été intégralement fouillé. Il présente une forme rectangulaire, de 31,5 m de long sur 27,90 m de large et 0,40 m de profondeur. L’entrée est disposée sur son côté sud.

14La fouille de l’enclos fossoyé permet de considérer cette tranchée comme fondation de palissade. Une clôture à poteaux jointifs ou à poteaux espacés, avec une armature de branchages entrelacés au niveau du sol, pouvait prendre place dans la structure excavée et ainsi délimiter un espace clos, peut-être destiné à contenir le bétail. Vers le centre de l’enclos, un petit bâtiment en matériaux périssables (terre et bois) recouvrait dans son angle nord-ouest un silo comblé de blocs de granit et de rejets anthropiques (charbons de bois et céramiques). Il s’agit d’une fosse piriforme de 0,60 m de diamètre à l’ouverture, profonde de 1,60 m, creusée dans l’arène. Le matériel céramique, recueilli tant dans les fossés de l’enclos que dans le silo, est relativement homogène. Il indique, pour l’ensemble, une période d’occupation assez courte qui se situe aux alentours des xii^e-xiii^e s.