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2015
73 – Savoie

Conjux – Pré-Nuaz, La Vacherie, site PNLV 1

Prospection thématique (2015)
Responsable d’opération : Sébastien Nieloud-Müller

Notes de la rédaction

Organisme porteur de l’opération : Sorbonne Université

Texte intégral

1Le site a été mis au jour en 2000, lors d’une prospection subaquatique menée dans le lac du Bourget. Immergé à une profondeur moyenne de 3,5 m, il se trouve à environ 200 m de la rive actuelle, sur l’emprise lacustre de la commune de Conjux. Suite à cette découverte, un premier diagnostic limité avait permis, dans un triangle de 5 m de côté, de topographier et de prélever l’ensemble des bois et la totalité du matériel archéologique rencontrés (iis.). Dans le cadre d’un travail universitaire, les études du contexte et du mobilier issu de ce gisement ont été entreprises. Il en est ressorti qu’il s’agissait d’un site à vocation cultuelle. Suite à ces premiers travaux, cinq campagnes archéologiques ont été menées sur le gisement de 2011-2015.

2L’intervention de 2015 avait pour objectif d’achever les observations in situ dans les trois zones principales reconnues. Le dévasage d’un petit secteur oriental de la zone 1 avait pour but d’identifier les limites du site. Dans la zone 2, nous souhaitions dévaser les extrémités septentrionale et méridionale, afin d’observer la densité des bois et du matériel présent. Quant à la zone 3, le but était de documenter cette zone pour laquelle nous n’avions pratiquement pas d’informations. Dans chacune de ces zones, après dévasage, les nouveaux bois mis en évidence ont été topographiés et l’ensemble des vestiges relevés. Le matériel archéologique et une partie des bois ont ensuite été prélevés. En complément, quelques carottages ont été réalisés dans différents secteurs afin de compléter la documentation déjà acquise.

3L’ensemble des données de cette campagne, ainsi que les résultats des analyses spécialisées relatives à l’examen des bois et des mobiliers mis au jour lors de la campagne 2014, permettent de dresser un premier bilan : le petit mobilier par Stéphanie Roussel, les restes osseux par Thierry Argant (Eveha) et la céramique par Jean-Michel Treffort (Inrap, UMR 6298 – ARTeHIS) et Sébastien Nieloud-Muller (UMR 8167 – Orient et Méditerranée).

4Les datations dendrochronologiques se limitent pour l’instant au iis., avec une première phase d’abattage en 130-131 apr. J.‑C. et une dernière en 185-186 apr. J.-C. Les analyses dendroarchéologiques ont été menées par Christian Dormoy (Archéolabs). Toutefois, grâce à l’étude des monnaies par Olivier Lempereur (UMR 5189 – HiSoMA), il apparaît que la fréquentation du site s’est poursuivie au Bas-Empire, du moins jusqu’à Constantin Ier, comme l’atteste la présence d’un nummus de l’empereur frappé entre 315 et 316 (fig. 1). Ces nouveaux éléments de datation outrepassent donc très largement la séquence chronologique précédemment définie.

Fig. 1 – Monnaie de Constantin Ier

Fig. 1 – Monnaie de Constantin Ier

Monnaie no d’inv. 14.15.17.01, nummus au 1/96e de livre, 315-début 316.

Clichés : O. Lempereur (UMR 5189 – HiSoMA).

5Le site est aujourd’hui isolé à plusieurs centaines de mètres du rivage actuel. Dans son environnement archéologique se trouve l’officine céramique de Conjux IV, occupée entre ~280 et ~350 apr. J.‑C. Elle était autrefois installée au bord du lac et hors de l’eau. Sa position altimétrique permet de restituer théoriquement le niveau de la nappe lacustre et la limite du rivage entre la fin du iiie et la première moitié du ivs. Pour cette période, il apparaît que la hauteur d’eau sur le site était inférieure à un mètre et que la rive devait se trouver à moins d’une centaine de mètres.

6Alors que nous pensions le plan du site quasiment complet, les dévasages effectués dans la partie septentrionale du gisement, la plus proche de la rive, ont montré que de nombreux bois étaient dissimulés dans les couches sédimentaires superficielles. Il apparaît notamment que les deux alignements de piquets de la zone 2 tout comme les bois de la zone 3 s’étendent au-delà des limites de l’emprise du secteur investigué. De même, les dévasages menés dans la partie orientale du site ont montré que les vestiges matériels se poursuivaient plus loin que les derniers piquets. Ainsi, le site ne se limite pas à la seule emprise des bois.

7À ce stade, il apparaît que le site est constitué de trois zones principales aux caractéristiques propres.

8La zone 1 est fréquentée pendant les deux derniers tiers du iis. Les apports de bois se font année après année et leur positionnement en fonction des phases d’abattage montre un développement excentrique, du nord vers le sud, que l’on peut attribuer à différents facteurs (vieillissement des bois, encombrement de l’espace, etc.). Le corpus de bois est assez hétérogène. Il est constitué de bois de dix essences végétales différentes, aux diamètres et aux âges variés. Certains bois couchés permettent de restituer la morphologie des piquets pour lesquels il ne reste que la partie inférieure protégée par les sédiments. Ils se présentent sous la forme de grands mâts ou perches. Dans la zone 1 se trouve un abondant mobilier céramique. Il s’agit pour l’essentiel de gobelets en céramique fine, de pots en céramique commune sombre et de quelques cruches en céramique commune claire. Nombreux sont les récipients complets et quelques-uns portent des traces de graffites et de mutilations volontaires. Ils sont accompagnés de nombreuses monnaies et d’objets métalliques manufacturés tels qu’un style, des couteaux et des clochettes. À noter également la présence de restes osseux et d’autres éléments organiques, ainsi que la découverte exceptionnelle d’une monnaie à l’intérieur d’un piquet. Sans détailler les pratiques dont pourraient témoigner ces mobiliers, différents dépôts monétaires effectués sous des fonds de pots ou des tuiles, des monnaies associées à des piquets et un dépôt dans une tubulure attestent de déposition directement sur le site. Cette zone apparaît dès lors comme un secteur privilégié dans le cadre du culte pour les dépôts, où sont associés du matériel et des piquets, interprétés comme de simples mâts (support, marqueur rituel, etc.), ou comme les restes d’éléments de constructions précaires ayant eu un rôle dans le cadre de l’exercice du culte (édicule, autel, support, etc.).

9La fréquentation de la zone 2 est contemporaine de la zone 1 et se poursuit jusqu’au début du ivs. Comme pour la zone 1, les apports de bois sont aussi annualisés, mais il est néanmoins délicat de tirer des conclusions sur l’évolution de leur implantation, puisque les datations disponibles sont toutes concentrées dans un même secteur. Tout au plus est-il permis d’avancer que la zone semble se développer sur un modèle concentrique, qui trouverait une justification dans la présence d’un élément prééminent au cœur de la zone, précisément où se concentre l’essentiel du mobilier découvert. Cela permettrait également d’expliquer le plan singulier de ce secteur et la volonté de préserver des espaces d’accès entre les alignements identifiés (fig. 2). Le corpus de bois apparaît beaucoup plus homogène que dans la zone 1. Il n’est quasiment constitué que de jeunes chênes, de petits diamètres. Numériquement bien supérieur au matériel mis au jour, il semble que ces bois aient eu un rôle important dans le cadre du culte. Quant au mobilier, il ne s’agit pratiquement que de monnaies. Il est encore trop tôt pour conclure sur sa fonction, mais la longue période de fréquentation identifiée, son plan singulier, le nombre et l’homogénéité des bois, la seule pratique du dépôt monétaire, laissent augurer que cette zone occupait un rôle central dans le cadre du culte.

Fig. 2 – Vue des bois de la zone 2

Fig. 2 – Vue des bois de la zone 2

Cliché : R. Masson.

10Pour la zone 3, faiblement dégagée, nous ne disposons que de trois monnaies de l’empereur Marc Aurèle comme données d’ordre chronologique. De la répartition des bois, il est possible de distinguer quelques alignements. Les quelques pieux prélevés sont de plus grands diamètres que ceux de la zone 2 et semblent être des conifères. Il pourrait alors s’agir des vestiges de fondations d’un appontement ou bien d’une plate-forme d’accès au site. Dans ce cas, cette structure serait alors dans l’axe du centre de la zone 2, perpendiculaire à la rive et quasiment parallèle au site d’appontement voisin PNLV 2, daté de 112-110 av. J.‑C.

11Quant aux raisons de la consécration du site, outre la documentation déjà prise en considération (sources archéologiques, littéraires et ethnographies), il ressort que c’est davantage dans le contexte même du gisement qu’il est possible de trouver des éléments de réponse. L’environnement lacustre (couleur, profondeur, etc.), l’inversion saisonnière du proche canal de Savières et les variations de la nappe lacustre sont autant de paramètres pouvant justifier la sacralisation de ce secteur. Des indices convergents permettent de penser que le site pourrait trouver son origine dans les bouleversements hydrologiques qui ont eu lieu au iis. apr. J.‑C.

12Au terme de cette dernière campagne, il ressort que les avancées scientifiques ont été importantes depuis la reprise des travaux de terrain en 2011. Toutefois, reste une bonne part de la documentation acquise à exploiter afin d’achever l’étude de ce site aussi singulier que stimulant à étudier. Pour l’année 2016, nous souhaitons poursuivre les études de mobilier, notamment celles de la céramique et de la monnaie découverte à l’intérieur d’un piquet. En parallèle, il apparaît nécessaire de poursuivre l’examen dendroarchéologique des bois prélevés en 2015. Enfin, la réalisation d’un système d’information géographique (SIG), pour intégrer, traiter et analyser l’ensemble des données concernant les mobiliers et les bois apparaît nécessaire. Il devrait permettre de croiser différents critères et mettre en évidence des caractéristiques spécifiques pouvant nous renseigner sur les pratiques rituelles dont ce site a été le cadre.

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Bibliographie

Nieloud-Muller S. 2015a : Site et dépôts cultuels gallo-romains en contexte lacustre : l’exemple du site de Conjux (lac du Bourget, Savoie), in Dumont A., P.-J. Rey P.-J. (dir.), L’homme et son environnement : des lacs, des montagnes et des rivières. Bulles d’archéologie offertes à André Marguet, 40e suppl. à la RAE, p. 209-240.

Nieloud-Muller S. 2015b : Le lac du Bourget, Lieux-dits Pré-Nuaz, La Vacherie, site PNLV 1 à Conjux (Savoie), in Journées archéologiques régionales, Saint-Vulbas, 2014, SRA Rhône-Alpes. Bilan Scientifique 2014-2, Ministère de la Culture et de la Communication, p. 38-43.

Nieloud-Muller S. 2015c : Vaisselle métallique romaine des gués de la Saône. Observations préliminaires à partir de sites identifiés, in Raux S., Bertrand I., Feugère M. (dir.), Actualité de la recherche sur les mobiliers non céramiques de l’Antiquité au haut Moyen Âge, Monographies Instrumentum, 51, p. 127-143.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Monnaie de Constantin Ier
Légende Monnaie no d’inv. 14.15.17.01, nummus au 1/96e de livre, 315-début 316.
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/98278/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 391k
Titre Fig. 2 – Vue des bois de la zone 2
Crédits Cliché : R. Masson.
URL http://journals.openedition.org/adlfi/docannexe/image/98278/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 591k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Sébastien Nieloud-Müller, « Conjux – Pré-Nuaz, La Vacherie, site PNLV 1 » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France - Informations [En ligne], Auvergne-Rhône-Alpes, mis en ligne le 18 février 2021, consulté le 17 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/adlfi/98278

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Sébastien Nieloud-Müller

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