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Mélanges
Comptes rendus

Haour Anne (ed.), 2019, Two Thousands Years in Dendi, Northern Benin. Archaeology, History and Memory

Leiden/Boston, Brill, « Journal of African Archaeology Monograph Series » 13, 802 p.
Christian Dupuy
p. 346-348

Texte intégral

1Cet imposant ouvrage est surtout consacré à l’archéologie du Dendi – une région située au nord de la république du Bénin, sur la rive droite du Niger – et, dans une moindre mesure, à sa géographie, à son histoire récente à travers le prisme de la tradition orale et à deux savoir-faire locaux : le tissage et l’habitat. Afin de pallier l’absence de connaissance dans ces domaines, Anne Haour a dirigé, entre janvier 2011 et décembre 2015, cinq missions interdisciplinaires auxquelles ont participé trente chercheurs.

2Les prospections ont révélé 6 à 20 tertres par kilomètre carré, aux surfaces généralement inférieures à un hectare. Quarante-quatre sondages de 1 à 4 mètres carrés ont été réalisés dans 26 d’entre eux. Parallèlement, le gisement de Birnin Lafiya, eu égard à son étendue exceptionnelle de 26 hectares, a fait l’objet de prospections géophysiques par magnétométrie sur plus de 6 hectares et a été fouillé sur près de 700 mètres carrés. On peut féliciter Haour d’avoir rassemblé, quatre ans seulement après la dernière mission, l’ensemble des données archéologiques, écologiques et technologiques enregistrées sur le terrain, et les résultats des analyses de laboratoire subséquentes, dans ce livre d’excellente tenue qui pose les jalons de connaissances nouvelles appelées à se développer. D’ores et déjà, son contenu permet d’approcher les stratégies économiques suivies tout au long de l’ère chrétienne dans une zone bioclimatique de transition aux marges de la savane arborée et de la forêt tropicale humide. Ces apports sont d’autant plus précieux qu’ils nous renseignent sur une région qui n’est mentionnée ni dans les textes arabes de l’époque médiévale, ni dans ceux, européens, de la période précoloniale, trop éloigné qu’était le Dendi de la frange méridionale du Sahara et de la façade atlantique où se jouait l’essentiel du commerce eurasiatique avec l’Afrique de l’Ouest.

3Les 121 datations au carbone quatorze effectuées sur les charbons issus des fouilles se rattachent aux trois derniers millénaires, une majorité de dates s’inscrivant entre les milieux des ier et iie millénaires apr. notre ère. L’absence d’occupations humaines, il y a plus de trente siècles, ou du moins la difficulté à les repérer, tient sans doute à une faible densité de peuplement due à l’existence de milieux par trop humides, peu salubres. La colonisation des bassins fluviaux- lacustres subtropicaux de l’Ouest africain, dont fait partie intégrante le Dendi, devient manifeste au ier millénaire av. notre ère, lorsque l’aridité s’intensifie sur la frange saharo-sahélienne au point de contraindre les populations agropastorales à se replier vers des régions plus favorisées par la géographie et le climat. Les groupes qui s’établissent à cette époque dans le nord du Bénin possèdent un outillage de pierre taillée et des poteries décorées d’impressions de cordelettes roulées et d’incisions. Ils s’adonnent à l’agriculture du mil, du sorgho et du niébé et à la cueillette de petites graminées non encore identifiées. Ils pêchent en basses eaux, et chassent les antilopes sans négliger le petit gibier. La morphométrie des quelques ossements de bovidés, issus des couches profondes des deux seuls gisements connus de cette époque, ne permet pas de se prononcer sur leur statut sauvage ou domestique et, par conséquent, sur la pratique de l’élevage.

4Le riz est cultivé dès le début du ier millénaire apr. notre ère. Sa consommation est privilégiée, à en juger par la forte représentativité de ses carporestes parmi les résidus organiques identifiés. Les fruits du baobab (Adansonia digitata) et de l’élémier (Canarium schweinfurthii) font aussi partie de l’alimentation. Le fonio et l’huile de palme d’Elais guineensis sont exploités à partir du xe siècle. Les prospections géophysiques menées à Birnin Lafiya, occupé du vie au xive siècle, révèlent un habitat dispersé sans structure défensive, à une époque où l’insécurité est avérée dans plusieurs régions ouest-africaines. On peut penser que les forêts et les marécages qui entouraient l’agglomération suffisaient à dissuader les groupes de cavaliers belliqueux de s’y attaquer, faute de pouvoir s’enfuir rapidement avec leur butin à travers un tel paysage. Aussi la construction de remparts et le creusement de fossés ne s’imposaient-ils pas. Les fouilles menées sur 600 mètres carrés, dans un secteur en partie incendié, ont conduit à la mise au jour de murs sinueux en terre compactée, attenants à des pièces circulaires de 2,5 à 3,5 mètres de diamètre, elles-mêmes ouvertes sur des corridors et des cours. Les sols dans ce secteur étaient pavés de tessons posés de champ ou bien damés de poudre latéritique. Des revêtements de cette nature sont attestés à 63 reprises dans les couches de plusieurs tertres datées entre les xe et xive siècles.

5Les prospections géophysiques menées à Birnin Lafiya révèlent, à l’entour des habitations, des enceintes circulaires ou semi-circulaires de 12 à 30 mètres de diamètre que l’on peut assimiler à des enclos de parcs à bétail, eu égard aux résultats des analyses des 10 000 restes osseux exhumés localement, qui témoignent de l’élevage conjoint du mouton, de la chèvre, du bœuf et du cheval. Les autres restes de vertébrés et d’invertébrés identifiés indiquent que les villageois, en plus de leurs activités agro-pastorales, chassaient du petit et du gros gibier, pêchaient en eaux peu profondes, et collectaient des mollusques. Les prospections géophysiques mettent aussi en évidence de nombreuses aires de combustion dont certaines marquent probablement les emplacements d’ateliers sidérurgiques à l’origine des scories et des objets en acier retrouvés épars dans le gisement.

6Trente-cinq lieux de réduction des minerais de fer ont été repérés par ailleurs dans le Dendi et cinq types de fours identifiés. Les plus anciens d’entre eux se rapportent au début du iie millénaire apr. l’ère commune. La pratique de la sidérurgie remonte sans doute à plus haute époque, à en juger par les dates obtenues dans des régions voisines, qui situent son avènement dans les derniers siècles avant l’ère chrétienne. Le contexte socioéconomique appelait au développement de cet art du feu : qui mieux, en effet, que les forgerons pouvaient répondre aux besoins en outils à bras variés qu’imposaient les déboisements et les défrichements en bordure du Niger, le travail des sols plus ou moins lourds selon la nature des plantes cultivées, les modes de récolte, le traitement des denrées, les activités cynégétiques et halieutiques ? Quelques parures en matériaux exotiques témoignent d’échanges à grandes distances au début du iie millénaire. Ainsi en va-t-il de ces perles discoïdes en bauxite originaires des gisements du Ghana, à plus de cinq cents kilomètres au sud-ouest, voire peut-être de ceux plus lointains de Guinée, de ces perles en verre étiré riche en chaux et en aluminium qui étaient produites à Ile-Ife, à plus de cinq cents kilomètres au sud, de celles tubulaires en cornaline et de celles en verre utilisant de la cendre végétale comme fondant, issues d’Asie.

7La plupart des sites occupés depuis le milieu du ier millénaire apr. notre ère sont abandonnés au xive siècle pour des raisons que les données archéologiques n’ont pas permis d’établir : désordres sociaux, épidémie, changement climatique ? Au sortir de ce tournant, le riz semble délaissé, à la différence du mil et du sorgho qui, eux, continuent d’être cultivés et consommés. L’exploitation du coton, ignorée jusque-là, se développe. Ses fibres sont filées au moyen de fusaïoles de terre cuite. La présence de cauris en provenance de la mer Rouge, de l’océan Indien et des Maldives est attestée dans onze sites datés du xive au xixe siècle, période au cours de laquelle ces coquillages sont utilisés comme monnaie en Afrique de l’Ouest.

8Le tableau qui vient d’être brossé à grands traits ne saurait intégrer toutes les données rassemblées dans cet ouvrage. Les lecteurs pourront l’enrichir de multiples touches supplémentaires, en se reportant au catalogue qui compte pour les deux tiers de ce livre, dans lequel sont indiqués, gisement par gisement, plans de fouilles à l’appui, la position, la nature et l’âge des vestiges exhumés. Ils pourront aussi le faire, et préciser son cadre socio-économique, en lisant attentivement les vingt-huit chapitres consacrés à l’examen et au classement des artefacts, des écofacts et des structures mises au jour, chaque auteur s’appliquant, dans son domaine de compétences, à comparer les fruits de ses analyses à ceux de même nature récoltés dans d’autres régions ouest-africaines. Que tous les contributeurs soient remerciés pour leurs expertises qui donnent à réfléchir sur plus de deux millénaires d’histoire du Dendi.

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Pour citer cet article

Référence papier

Christian Dupuy, « Haour Anne (ed.), 2019, Two Thousands Years in Dendi, Northern Benin. Archaeology, History and Memory »Journal des africanistes, 91-2 | 2021, 346-348.

Référence électronique

Christian Dupuy, « Haour Anne (ed.), 2019, Two Thousands Years in Dendi, Northern Benin. Archaeology, History and Memory »Journal des africanistes [En ligne], 91-2 | 2021, mis en ligne le 01 novembre 2022, consulté le 23 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/africanistes/11427 ; DOI : https://doi.org/10.4000/africanistes.11427

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Auteur

Christian Dupuy

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