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Mélanges
Comptes rendus

Boulvert Yves, Explorations en Afrique centrale, 1790-1930 : apport des explorateurs à la connaissance du milieu

Paulette Roulon-Doko
p. 413-414
Référence(s) :

Boulvert Yves, Explorations en Afrique centrale, 1790-1930 : apport des explorateurs à la connaissance du milieu, Paris, Y. Boulvert, 2019, 352 p. multigr. + 1 vol. d’annexes (98 p. multigr.), fonds IRD [F A010076007].

Texte intégral

1Yves Boulvert commence par présenter son itinéraire de chercheur en Afrique centrale où il s’est retrouvé, écrit-il (p. 4), « partageant la vie des explorateurs qui nous avaient précédés moins d’un siècle auparavant », avec, contrairement à eux, un recours fondamental à la géolocalisation. Sa zone de recherche est centrée sur le « dernier blanc de la carte d’Afrique », à savoir la République centrafricaine et le Cameroun qu’il veut « mettre en lumière […] par esprit de curiosité, de découverte, d’ouverture à la diversité du monde ». Rappelant les nombreuses études historiques, géopolitiques, etc. qui documentent cette région, il précise sa démarche en la définissant comme « l’histoire des explorations d’après les témoignages glanés dans les archives et confrontés à la vérité-terrain, chaque fois que cela a été possible » (p. 6), ce qui constitue dit-il « un double regard sur des documents bibliographiques plus nombreux qu’on ne le pense et sur mes observations in situ », pour lequel il a fait le choix de « suivre un ordre chronologique, plus parcellaire, mais plus près du vécu des explorateurs ». (p. 7)

2Après une brève introduction rappelant combien l’Afrique centrale restait « à l’orée au xixe siècle : un “carré inconnu”, voire mythique au centre, [avec] des observations fragmentaires et éparses sur les pourtours côtiers » (p. 8), l’ouvrage comporte quinze chapitres qui suivent l’ordre chronologique des explorations et mettent en évidence leur progression. Aux quelques précurseurs européens (Bruce, Le Vaillant, Browne et Brue) de la fin du xviiie siècle, succèdent des explorations souvent individuelles, réussies ou inabouties pour certaines. En 1821 est fondée la Société de géographie, qui prime l’expédition de René Caillié et Jean-Baptiste Douville en 1830 et 1832 (chap. 1). Entre 1850 et 1870, le domaine exploré s’étend plus largement (chap. 2) et pendant la décennie suivante, l’exploration, effectuée dans un esprit universaliste, devient plus scientifique (chap. 3). Peu à peu, les visées politiques et économiques de l’Europe s’ajoutent à l’exploration géographique et naturaliste (chap. 4), avant que le bassin du Congo ne soit exploré (chap. 5). Autour de 1890, Anglais, Français, Belges et Allemands s’observent et entrent en concurrence dans le but de s’implanter sur les terres explorées (chap. 6). À partir du Congo, deux voies de pénétration vers le nord coexistent, celle de l’Oubangui et celle de la Sangha (chap. 7), tandis que la progression vers le Nil et le Tchad, qui met en concurrence les Belges et les Français, se poursuit lentement. (chap. 8). Les visées françaises sur le Nil n’aboutissant pas (chap. 9), les Français se tournent vers le Tchad (chap. 10). Au tournant du xxe siècle ont lieu des explorations d’inventaires (Sud-est centrafricain, région de l’Ouham ; chap. 11) qui se poursuivent dans l’Est oubanguien et au Tchad de 1901 à 1909 (chap. 12). Au début du xxe siècle, la mission Chari-lac Tchad (1902-1904) d’A. Chevalier, qui affirmait que « l’apanage du Naturaliste est de glaner des faits nouveaux » (p. 261) fut, en raison de la personnalité exceptionnelle de son chef, des plus fructueuses en termes d’enrichissement des connaissances (chap. 13). Du début du xxe siècle jusqu’à la Première Guerre mondiale, diverses missions sont menées en lien avec l’épineux travail de délimitation des frontières, particulièrement celles avec le Cameroun allemand (chap. 14). Les dernières explorations eurent lieu entre les deux guerres mondiales (chap. 15).

  • 1 L’italique figure dans l’original.

3En guise de conclusion, Yves Boulvert reprend les mots de Jean-Paul Ngoupande (2003) dans L’Afrique face à l’Islam. Les enjeux africains de la lutte contre le terrorisme pour rappeler que « La merveilleuse faune africaine apparut innombrable, quasiment inépuisable, aux explorateurs qui croyaient pouvoir y faire des cartons1 pour le plaisir, et non plus seulement pour se nourrir, comme les indigènes pour qui l’ivoire n’avait pas de valeur commerciale, contrairement à celle que lui accordaient les traitants Arabes et Européens ! » soulignant ainsi des optiques bien différentes. Il mentionne également la célèbre expédition Citroën Centre-Afrique qui après avoir traversé le Sahara, le Niger et le Tchad, parvint à Bangui le 11 janvier 1925 avant de partir jusqu’à Am Dafok sur la frontière soudanaise et de redescendre au sud vers Bangassou puis le Congo belge en direction de Madagascar. Enfin il rappelle qu’un autre voyageur bien connu, l’écrivain André Gide (1869-1951) qui publia en 1928 Voyage au Congo. Carnets de route, fut un observateur curieux. Il fit en particulier un périple pédestre qui le conduisit à Bossangoa via Nola, Carnot, Baboua et Bouar dont il dit que « C’est une région mal soumise » (p. 305). Il mentionne pour finir, s’ajoutant aux explorateurs, les activités des missionnaires catholiques ou protestants, tels Joseph Daigre et Rev. P. C. Tisserant. Il rappelle ensuite combien furent difficiles les inventaires scientifiques, soulignant que les travaux de synthèse « concernant la géologie, la géophysique, la climatologie, l’hydrologie, la pédologie, la géomorphologie » (p. 307) ne furent publiés qu’à la fin du xxe siècle. Il insiste en outre sur le rôle qu’ont eu, avant les tout premiers recensements, les observations consignées dans les rapports d’exploration pour l’évaluation de la démographie centrafricaine. L’ouvrage se termine par un index des noms propres cités, un index géographique et un index thématique, forts utiles pour se repérer dans l’ouvrage. Suit une liste des cartes et itinéraires d’explorations qui précède les cartes proprement dites (p. 359-452), puis enfin une liste des sigles et abréviations (p. 351). Les références bibliographiques sont mentionnées au fil du texte dans les notes de bas de page.

4Cet ouvrage constitue une mine de renseignements extrêmement précis donnant accès aux témoignages écrits par tous ces explorateurs qui ont parcouru, brièvement ou sur un temps plus long, l’Afrique centrale. Le dépouillement méticuleux de tous les journaux, revues ou comptes rendus de sociétés savantes qui est systématiquement accompagné de toutes les références consultées, met à la disposition du lecteur une multitude de récits qui le plongent au cœur même de ces explorations et lui font partager le vécu des explorateurs. De plus, Yves Boulvert examine tous ces documents bibliographiques à l’aune de son expérience scientifique « d’Ingénieur agronome, spécialisé en pédologie, passionné d’histoire et de géographie » (p. 2), qu’il a exercée pendant près d’un demi-siècle, période durant laquelle les moyens utilisés par le chercheur ont considérablement évolué. On suit pas à pas les interrogations dont les réponses ont parfois été longues à trouver, cheminant au cœur des diverses hypothèses proposées. Certaines interrogations sont d’ailleurs restées très longtemps sans réponse. Il n’est pas possible de rendre compte ici de la quantité des détails qui font de ce travail un livre passionnant, d’une lecture très agréable, et qui nous introduisent dans la complexité tant des individus que des situations. J’en conseille vivement la lecture à tous ceux qui ont envie de découvrir ce cœur de l’Afrique encore trop méconnu, souvent mis à l’écart, voire ignoré.

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Notes

1 L’italique figure dans l’original.

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Pour citer cet article

Référence papier

Paulette Roulon-Doko, « Boulvert Yves, Explorations en Afrique centrale, 1790-1930 : apport des explorateurs à la connaissance du milieu »Journal des africanistes, 93-1/2 | 2023, 413-414.

Référence électronique

Paulette Roulon-Doko, « Boulvert Yves, Explorations en Afrique centrale, 1790-1930 : apport des explorateurs à la connaissance du milieu »Journal des africanistes [En ligne], 93-1/2 | 2023, mis en ligne le 12 juin 2024, consulté le 17 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/africanistes/13482 ; DOI : https://doi.org/10.4000/11tf3

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Auteur

Paulette Roulon-Doko

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