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Comptes rendus

Goethe à Strasbourg (1770-1771). L’éveil d’un génie

Strasbourg, Musées de Strasbourg/Bibliothèque nationale et universitaire, 2020, 207 p.
Claude Muller
p. 363-365
Référence(s) :

Goethe à Strasbourg (1770-1771). L’éveil d’un génie, Strasbourg, Musées de Strasbourg/Bibliothèque nationale et universitaire, 2020, 207 p.

Texte intégral

1Le XVIIIe siècle alsacien, et notamment strasbourgeois, a fait l’objet de nombreuses études. Le tome 3 de l’Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, sous la direction de Georges Livet et de Francis Rapp, paru en 1981, présente de précieuses contributions de Louis Châtellier, Jean-Pierre Kintz, Yves Le Moigne, Georges Livet, Jean Daniel Ludmann, Roland Oberlé, Marcel Thomann, Bernard Vogler. Il met en scène et en évidence une ville cosmopolite, incontournable étape pour qui possède du temps et quelques moyens pécuniaires au siècle des Lumières. Tout anachronisme assumé, Strasbourg correspond à Barcelone, Florence ou Prague de nos jours.

2Dans le flot de visiteurs, hormis les « Français de l’intérieur », des Russes évoqués par Rodolphe Baudin, des Anglais, des Italiens (à quand la publication de leurs journaux de « grand tour » ?), des Suisses et bien sûr des « Allemands ». Les travaux récents montrent une perception différente de ce « doux XVIIIe siècle » alsacien de nos jours. La guerre de Succession d’Espagne de 1702 à 1713 rompt les transactions économiques avec le Saint Empire et oblige à tourner le regard vers les banquiers bâlois. L’épisode conflictuel de la guerre de Succession d’Autriche en 1744 fait accourir le roi en personne. Les deux soubresauts militaires expliquent la présence massive des troupes françaises dans la région, avec des troupes suisses servant la monarchie française en sus.

3Le mariage de Maria Leszczynska avec Louis XV à Strasbourg ne relève pas du carnet mondain, mais bien de la géopolitique. Il s’agit de montrer à l’Europe entière que l’Alsace est arrimée à la France. Les venues successives à Strasbourg de la dauphine Marie Josèphe de Saxe en 1744, du « roi fou » du Danemark, Christian VII, en 1768, de la dauphine Marie-Antoinette en 1770 permettent de rôder un cérémonial. Ces quatre épisodes ne peuvent occulter les nombreuses autres venues, encore à relater et à compter.

4Les récits des voyageurs, publiés à intervalles irréguliers, en fonction de l’intérêt des chercheurs et des chercheuses, montrent que le voyageur reproduit des données issues des guides de l’époque, tout en voyant midi à sa porte. Le catholique se précipite d’abord à la cathédrale, le protestant à Saint-Thomas. Celui ou celle qui assiste à un mariage juif le décrit en ethnologue. Le militaire s’intéresse aux fortifications. Parmi les incontournables lieux à voir se succèdent la cave de l’hospice des bourgeois qui conserve le vin de 1479. Le Français se sent dépaysé, l’Allemand moins, même s’il perçoit la francisation ou… refuse de la voir.

5Ce long préambule donne à comprendre que le court séjour de Johann Wolfgang Goethe (1749-1832) à Strasbourg, en 1770 et 1771 relève d’une évidence et non d’un hasard. Le futur génie se confronte à la culture locale comme tant d’autres visiteurs de sa condition passés dans la ville, attirés par l’université – protestante faut-il le rappeler ? –, les cabinets de curiosités, la présence de lettrés savants, la « république des lettres ». Par son talent, Goethe la magnifiera, faisant d’une ville un creuset.

6Le petit bijou esthétique et érudit, livret d’une magnifique exposition, vaut par ses magnifiques illustrations et les commentaires précieux des meilleurs spécialistes. Tour à tour Raymond Heitz, Roland Recht, Victoria von der Brüggen, Mathieu Schneider, Florian Siffer, Christophe Didier, Aude Therstappen, Alexandre Kostka et Bernadette Schnitzler nous entraînent dans leur domaine de prédilection, par des textes bien ciselés, effeuillant à la fois un génie et une ville. Cette collaboration réussie des Musées de la Ville et de la Bibliothèque nationale et universitaire (tous les acteurs p. 206‑207) est à saluer. Pour ceux qui ont eu la chance de visiter l’exposition et lire le livret d’accompagnement, il est certainement difficile de dissocier les deux, tant l’excellence commune saute aux yeux.

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Pour citer cet article

Référence papier

Claude Muller, « Goethe à Strasbourg (1770-1771). L’éveil d’un génie »Revue d’Alsace, 147 | 2021, 363-365.

Référence électronique

Claude Muller, « Goethe à Strasbourg (1770-1771). L’éveil d’un génie »Revue d’Alsace [En ligne], 147 | 2021, mis en ligne le 01 janvier 2022, consulté le 22 mars 2023. URL : http://journals.openedition.org/alsace/4794 ; DOI : https://doi.org/10.4000/alsace.4794

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Auteur

Claude Muller

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