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Comptes rendus

Borlée (Denise) et Doucet (Hervé) dir., La plaque photographique. Un outil pour la fabrication et la diffusion des savoirs (XIXe-XXe siècle)

Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, « Cultures visuelles », 2019, 474 p.
Laureline Meizel
p. 371-372
Référence(s) :

Borlée (Denise) et Doucet (Hervé) dir., La plaque photographique. Un outil pour la fabrication et la diffusion des savoirs (XIXe-XXe siècle), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, « Cultures visuelles », 2019, 474 p.

Texte intégral

1Cet ouvrage collectif résulte de la découverte, au début des années 2010, d’une collection de positifs photographiques sur verre destinés à la projection, constituée à des fins pédagogiques entre 1890 et 1940, au sein de l’Institut d’histoire de l’art de l’Université de Strasbourg. Intervenue à un moment de valorisation du patrimoine universitaire, notamment monumental, son étude a été entreprise par deux historiens de l’architecture de cette université : Denise Borlée et Hervé Doucet. En 2016, l’intérêt suscité par leurs travaux les a conduits à organiser un colloque international, dont est issu l’ouvrage en question. Cependant, entre le projet initial et le colloque, le sujet proposé à la réflexion des chercheurs et des professionnels du patrimoine a considérablement changé. Si le premier concernait un objet bien identifié par les historiens de la photographie et de l’enseignement, le colloque a porté sur un objet qui n’a d’existence ni historique, ni patrimoniale : « la plaque photographique ».

2Dans leur introduction, les directeurs l’associent au verre (p. 9). Or, comme l’indiquent les procès-verbaux du premier Congrès international de photographie de 1889, cités de seconde main (p. 9), la plaque photographique peut aussi bien être en verre qu’en métal. En outre, des années 1840 aux années 1940, le verre est employé comme support à des négatifs, des positifs et des matrices d’impression aux formats et aux émulsions photosensibles variés, qui impliquent des pratiques, des images et des usages différenciés par les photographes eux-mêmes, aux XIXe et XXe siècles. Aussi, la mission Photographie et les restaurateurs de photographies des Archives nationales ont-ils supprimé l’expression de « plaque de verre » des vocabulaires de description.

3Articulé à la question de la fabrique et de la diffusion des savoirs, l’objet du colloque était donc non seulement « polysémique » (p. 351), mais tout bonnement océanique, puisque sans forme historicisée. Précisément, la confusion dont il a résulté tient à une mécompréhension de l’histoire matérielle de la photographie, comme de ses enjeux à l’égard de l’histoire des « cultures visuelles » auxquelles est dédiée la collection accueillant ce livre, pourtant irréprochable à cet égard dans ses autres titres. S’exprimant aussi dans des légendes faisant l’économie de la technique et du format des images, cette mécompréhension explique plusieurs problèmes structurels de l’ouvrage, et d’abord la difficulté à l’inscrire dans une historiographie. En effet, si dix-huit des vingt contributions portent sur des ensembles de positifs sur verre destinés à la projection, deux d’entre elles se concentrent sur des négatifs et/ou leurs tirages sur papier, qui ont depuis longtemps fait l’objet d’études distinctes.

4Cette hétérogénéité diminue le réel apport du livre : réunir des études sur la création, la gestion et les usages discursifs d’ensembles de positifs sur verre formés entre les années 1860 et 1940, en France et en Italie. Le parti pris d’envisager cette histoire sans limite disciplinaire ni institutionnelle est alors fructueux, car il éclaire les liens tissés entre des pratiques documentaires et pédagogiques relevant de disciplines et pour des publics variés. Plusieurs contributions apportent aussi des méthodes stimulantes, en comparant par exemple les images reproduites sous forme de plaques de projection avec celles circulant par le biais de tirages, de livres et de périodiques, de façon à comprendre comment ces collections ont été formées, mais aussi comment les cultures visuelles de plusieurs disciplines ont été constituées.

5Rejoignant les travaux conduits depuis la fin des années 2000 en Allemagne, au Canada, en Suisse ou en Belgique, cet ouvrage souffre toutefois de l’application structurelle de catégories mal définies. Outre son sujet, la partition entre sciences « dures » et sciences humaines (p. 10, 114, 389) ou entre enseignement hors et à l’université produit un plan confus, émaillé de répétitions. Ainsi, l’ouvrage aurait bénéficié d’un index des noms propres. De même, ce sujet en pleine effervescence aurait mérité une bibliographie générale, interdisciplinaire et actualisée.

6À plusieurs reprises, les directeurs de l’ouvrage évoquent l’espoir d’avoir ouvert des pistes de recherche. De fait, ce livre indique les travaux à poursuivre, par exemple sur les producteurs de ces ensembles, les débats engendrés par leurs usages ou encore l’expérience cognitive qu’ils ont suscitée. Dans ce but, on complétera toutefois sa lecture par le numéro d’Intermédialités consacré à la projection (2014), non cité dans les notes, ou par le livre Photo-Objects:On the Materiality of Photographs and Photo Archives in the Humanities and Sciences, paru la même année que l’ouvrage examiné. On espère enfin que ces futurs travaux s’appuieront fermement sur les sources de l’histoire de la photographie, des sciences et de l’enseignement.

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Pour citer cet article

Référence papier

Laureline Meizel, « Borlée (Denise) et Doucet (Hervé) dir., La plaque photographique. Un outil pour la fabrication et la diffusion des savoirs (XIXe-XXe siècle) »Revue d’Alsace, 147 | 2021, 371-372.

Référence électronique

Laureline Meizel, « Borlée (Denise) et Doucet (Hervé) dir., La plaque photographique. Un outil pour la fabrication et la diffusion des savoirs (XIXe-XXe siècle) »Revue d’Alsace [En ligne], 147 | 2021, mis en ligne le 01 janvier 2022, consulté le 25 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/alsace/4830 ; DOI : https://doi.org/10.4000/alsace.4830

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