« Un département autrichien, l’autre républicain »
Résumés
L’historiographie alsacienne a retenu le chiffre de 90 % de prêtres réfractaires dans le Bas-Rhin (donc l’Alsace) pendant la Révolution, alors que la citation du titre due à un jacobin parisien semble suggérer une distinction nette entre Bas-Rhin et Haut-Rhin. De fait les travaux d’il y a cinquante ans de Jules Joachim tendent à prouver que la force du clergé constitutionnel dans le Haut-Rhin est réelle. Mais c’est comme si ces travaux sont restés sans lecteurs. La présente communication vise à reprendre, réactualiser et enrichir un dossier prouvant une nette distinction sur ce point précis entre les deux départements du Rhin.
Plan
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- 1 . Auguste Kroener, « Marc Antoine Berdolet », Revue Catholique d’Alsace, 1897, p. 825-826.
- 2 . Jules Joachim, « La réorganisation de l’église constitutionnelle du Haut-Rhin et l’élection de l’ (...)
- 3 . Dominique Varry et Claude Muller, Hommes de Dieu et Révolution en Alsace, éditions Brepols, 1993, (...)
1« La fête du 14 juillet [1801] a été brillante ici [= Paris]. J’ai vu ce matin ce jour là Bonaparte à la grande parade à mon aise1. » Ces propos enthousiastes se lisent dans une lettre du 17 juillet 1801 adressée à Jean Henri Weis, curé de Soultz. Ils émanent de Marc Antoine Berdolet2, évêque constitutionnel du Haut-Rhin en charge aussi, à cette époque, du Bas-Rhin sans titulaire3, alors à Paris, où il participe au second concile national. Pour autant, apercevoir Napoléon Bonaparte ne constitue pas l’objet principal de la missive. La nouvelle sensationnelle est toute autre : « L’église de France ressuscite et reprend un rang dans l’état, mais elle sera régénérée de telle manière qu’il n’y aura plus deux ou plusieurs sortes de catholiques. »
- 4 . Bernard Plongeron, Conscience religieuse en Révolution, Paris, 1969 ; Michel Vovelle, La Révoluti (...)
2Marc Antoine Berdolet nous introduit, de cette manière, dans la tentative bonapartiste de mettre fin à la querelle religieuse qui fait rage en France depuis le début de la Révolution. Depuis septembre 1799, des négociations ont lieu discrètement avec Rome. Elles aboutissent, le 16 juillet 1801, à la signature du Concordat, lequel ne sera promulgué qu’en avril 1802. Le pontife romain, Pie VII, récemment élu, reconnaît la République française. Le gouvernement français admet le catholicisme comme religion « de la grande majorité des Français ». Une nouvelle géographie des évêchés naît. Les prêtres doivent prêter un serment de fidélité à la constitution de l’an VIII, permis par Pie VII, alors que son prédécesseur Pie VI avait condamné les prestations de serment antérieurs4.
- 5 . L’Alsace et la Révolution, CRDP, Strasbourg, 1972, t. I, p. 4 ; Claude Muller, « La liberté ou la (...)
- 6 . Rodolphe Reuss, La constitution civile du clergé et la crise religieuse en Alsace, Strasbourg, 19 (...)
- 7 . Le colloque de Strasbourg des 17, 18, 19 novembre 1988 organisé par Bernard Vogler et Georges Bis (...)
3L’objet de cette communication est d’évoquer l’application de la nouvelle politique par le premier évêque concordataire, sachant que les autorités ne peuvent ignorer, en 1800, la curieuse situation, héritage de la Révolution : un département « autrichien », le Bas-Rhin, s’opposerait à un autre « républicain », le Haut-Rhin, selon les termes d’un commissaire envoyé par Paris en tournée d’inspection en 17935. L’exposé historique se double d’une approche historiographique. Si, de tous temps, cette césure a été mentionnée, le poids de la recherche de l’université de Strasbourg fait que la représentation du sujet correspond à une vision bas-rhinoise de la question catholique6, alors que la série V (Cultes) des Archives départementales, pour la période 1800 à 1820 conserve dix fois plus de documents dans le Haut-Rhin que dans le Bas-Rhin. Aussi avons-nous fait le choix, pour réactualiser et rééquilibrer la présentation, de proposer une « lecture haut-rhinoise » des événements7.
Une double division
4La Constitution civile du clergé, décrétée le 12 juillet 1790, connue en Alsace en septembre, fait valoir une exigence radicale : transformer le clergé en un corps de fonctionnaires, à la fois dévoué à la Révolution et rapproché de la pureté évangélique, à la fois patriote et gallican, en s’appuyant sur le principe de l’élection. La question du serment exigé par le clergé devient d’un coup le nœud d’une crispation irrémédiable, une fois que le pape Pie VI le condamne les 10 mars et 13 avril 1791. Le clergé se trouve placé devant un dilemme : prêter le serment équivaut à être fidèle aux idéaux révolutionnaires, le refuser c’est suivre les injonctions du pape, donc de l’église.
- 8 . Les statistiques des Archives nationales (AN), D XIX, 22 ont le mérite d’exister et sont irrempla (...)
- 9 . Louis Kammerer, « Le clergé constitutionnel en Alsace (1791-1803) », Archives de l’église d’Alsac (...)
- 10 . Timothy Tackett, La Révolution, l’église, la France, le serment de 1791, Paris, 1986, p. 409.
5Que disent les chiffres ? Les flagrantes contradictions des surabondants états révolutionnaires font que la statistique bafouille et embrouille8. Fin 1791, dans le Bas-Rhin, Louis Kammerer dénombre 7,6 % de constitutionnels9, Timothy Tackett 9 % 10, Dominique Varry 9,6 %. Pour le Haut-Rhin, Tackett propose 40 % à l’été 1791, Varry 31,4 % de prestation de serment pur et simple et à 37,5 % de serment avec restriction. Plus on progresse vers l’Alsace méridionale, plus le serment est prêté. Chiffres à comparer avec le Doubs 21 %, la Moselle 32 %, la Haute-Saône 35 %, la Meurthe 45 %, les Vosges 63 %.
Décombres bas-rhinois et vitalité haut-rhinoise
- 11 . Bibliothèque de Port Royal (BPR) à Paris, dossier Bas-Rhin.
6Le 6 mars 1791, François Antoine Brendel, seul candidat, est élu évêque constitutionnel du Bas-Rhin par 371 voix sur 419, dont des protestantes. Il part immédiatement pour Paris pour se faire consacrer le 13 mars 1791, en même temps que neuf autres évêques, dont Henri Grégoire. Il se trouve bien vite confronté à de tels problèmes qu’il perd pied et courage. « Qui m’a forcé à renoncer à ma place ? Ce sont les agents du terrorisme, ces prédicateurs sanguinaires, cette bande de brigands qu’on a envoyés à Strasbourg qui m’y ont contraint », écrit-il à Grégoire le 5 mars 1795, avant de s’exclamer le 17 mars : « Je suis insulté publiquement. Il n’est d’affront qu’on me fasse. Que deviendrons-nous ? Nous périrons de faim et de misère ou de désespoir11. »
- 12 . Louis Kammerer, « Les prêtres allemands dans le clergé constitutionnel en Alsace », Revue d’Alsac (...)
- 13 . Karl Schillinger, « Herkunft F.A. Brendels und sein Lebenslauf bis zum Bischofs Wahl », Archiv fü (...)
- 14 . René Metz, « Un cours de droit canonique à l’université de Strasbourg en 1781 », Mémorial du Cinq (...)
7Brendel ne peut s’appuyer sur le clergé réfractaire qui le récuse avant d’émigrer en masse dès le début de 1792, émigration renforcée par la loi de déportation du 26 août 1792. L’appel au clergé allemand pour combler les vides cache quelque peu la catastrophe statistique12. Notons que dans l’historiographie traditionnelle, Brendel est présenté comme un personnage falot, roux pour amener la représentation de Judas13. Son gallicanisme n’est jamais mis en avant pour exprimer des convictions14.
- 15 . Nicolas Delsor, « Souvenirs d’émigration de Jean Pierre Rosier, curé de Dossenheim, Revue Catholi (...)
8Pour ce qui est du clergé, il nous faut présenter un récit, réalité devenu mythe. Jean Pierre Rossier est curé de Dossenheim dans le Kochersberg depuis le 11 février 1785. Le directoire du district de Strasbourg accuse, le 12 février 1791, réception du procès-verbal de refus du serment de ce prêtre. Il annonce, dans le même temps, la prochaine convocation des électeurs à l’effet de déclarer la cure vacante et de procéder à la nomination d’un nouveau titulaire. La suite des événements est racontée par Rossier lui-même15, notamment comment il quitte l’Alsace en 1792. Rossier revient en 1795. Il ne part pas à la seconde déportation de 1797, se cachant, n’étant pas pris malgré l’une ou l’autre recherche de la gendarmerie. Dans l’état de la paroisse qu’il dresse le 21 octobre 1801, il relève son manque de rémunération. Cessons là le récit de Rossier. Multiplié avec d’autres exemples de ce type, le récit devient un modèle : le vaillant prêtre réfractaire, l’ecclésiastique constitutionnel « intrus », affublé des vices d’ivrognerie et de compagnie féminine, l’évocation de la grande peur de 1793, où Rossier est délibérément du côté ennemi, donc contre révolutionnaire. Le département « autrichien » prend tout son sens à travers cette vie.
- 16 . BPR, dossier Haut-Rhin. Toute cette correspondance alsacienne dans Claude Muller, « L’épistolat, (...)
- 17 . BPR, dossier Bas-Rhin.
9Quittons le Bas-Rhin pour le Haut-Rhin. Au moment où Brendel évoque son découragement, Marc Antoine Berdolet, consacré évêque du Haut-Rhin, s’appuyant sur des prêtres constitutionnels bien plus nombreux, dynamise ses troupes. « Je sens la nécessité du concile, je le désire. Je baptise beaucoup », écrit-il à Grégoire16. Tout en affirmant les principes de l’église gallicane dans le synode diocésain de Soultz du 17 au 23 mai 1798 rassemblant plus de cent prêtres, quand dans le Bas-Rhin, les effectifs sont squelettiques, si l’on suit Joseph Colnet, prêtre constitutionnel de Sélestat, le 21 août 179817 : « Les pères du dit synode au nombre de dix ont adhéré aux canons et décrets du concile national de Paris. »
Le retour du clergé réfractaire : les restés et les rentrés
- 18 . Archives d’Alsace, site de Colmar (AA-C), V 48.
- 19 . AN, F 1a 464.
10Par l’arrêté consulaire du 22 janvier 1800, il est permis aux anciens prêtres réfractaires de demander l’usage d’un sanctuaire à des horaires laissés à l’appréciation de la municipalité. La liberté de culte génère le retour des prêtres réfractaires. « Des prêtres déportés rentrés exercent le culte dans quelques communes du Haut-Rhin », relève le ministre de la Police, Joseph Fouché, dès le 10 février 180018. Le 28 juillet 1800, le préfet du Bas-Rhin, Joseph Laumond, écrit au ministre de l’Intérieur : « Les prêtres insermentés abondent dans les communes de ce département. Jusqu’à présent, ils exerçaient le culte dans l’intérieur des maisons. Ce mal va cesser. Je suis informé que la majeure partie de ces prêtres s’était enfin décidée à faire promesse de fidélité19 », le douzième serment exigé du clergé depuis 1791.
- 20 . AA-C, V 48. Voir Claude Muller, « Le retour des prêtres réfractaires dans le Sundgau (1800-1802) (...)
- 21 . AA-C, V 48.
- 22 . BPR, dossier Haut-Rhin. Certaines des lettres de ce dossier avaient été publiées par Auguste Mari (...)
11Dans les deux préfectures alsaciennes un registre particulier est ouvert pour recueillir la promesse de fidélité à la constitution de l’an VIII. Début septembre, un accroc est à signaler : douze prêtres haut-rhinois font connaître « leur répugnance à faire purement et sincèrement » la déclaration. Ils souhaitent exprimer des restrictions20. L’administration ne fait pas de vagues. Le 21 octobre, le ministre de la Police dissipe toute incertitude : « Je n’autoriserai le retour d’un prêtre déporté qu’autant il aura envoyé d’avance, souscrite de sa main, la promesse de fidélité à la constitution avec offre de la renouveler au sous-préfet21. » Les retours, malgré ce tour de vis, s’accélèrent. Berdolet le signale à Grégoire22 le 28 : « Ces départements limitrophes fourmillent de prêtres déportés et émigrés de toute espèce. »
- 23 . AA-C, V 57.
12Le sous-préfet d’Altkirch, François Xavier Sommervogel, est l’un de ces fonctionnaires placés aux premières loges pour accueillir les « rentrés », ainsi François Thiébaut Gluck qui a pris un passeport à Munich, lieu où il a résidé après son émigration. En conclusion d’un épisode opposant le constitutionnel François Joseph Groell au réfractaire Jean Thiébaut Dubail, revenu d’exil à Hirsingue, Sommervogel propose cette analyse, le 24 mars 1801 : « On ne peut se dissimuler que l’intérêt est l’unique cause des conflits. Les prêtres rentrés ont été bien aises d’avoir de nombreux adhérents pour avoir plus de rétributions et les prêtres restés craignaient par le même motif les voir diminués. L’agitation est plus forte dans le Sundgau qu’ailleurs23. »
- 24 . AA-C, V 37.
13Le sous-préfet d’Altkirch élabore durant l’été 1801 une liste des prêtres connus dans son arrondissement. Elle est achevée le 11 septembre 1801, envoyée ce jour au nouveau préfet du Haut-Rhin, François Joseph Noël. Elle comprend 152 noms d’ecclésiastiques, soit 91 prêtres réfractaires rentrés et 61 prêtres constitutionnels24. Cet état qui est une photographie d’un moment donné est encore incomplet. Lorsque Joseph Thomas Rayber, curé de Leymen, rentre en avril 1802, il fait ce récit d’émigration :
- 25 . AA-C, V 47.
Prêtre déporté en 1797, il fut reçu aumônier au régiment suisse de Bachmann, alors au service du roi de Sardaigne. Cet état était alors en paix avec la France. En 1798, la Révolution était faite en Sardaigne. Le régiment de Bachmann entra au service de la République française, défendit Mantoue et il fut fait prisonnier de guerre... En route pour retourner dans sa patrie, il fut arrêté à Zurich par les troupes autrichiennes et renvoyé dans les fonds de la Basse Styrie25.
Surmonter la double division : les raisons de la nomination de Mgr Jean Pierre Saurine
- 26 . Auguste Marie Pierre Ingold, dans L’épiscopat français depuis le Concordat jusqu’à la séparation (...)
- 27 . Jean-Pierre Laulom, « Monseigneur Saurine, évêque et franc maçon », Bulletin de la Société de Bor (...)
14Dans l’ombre de l’abbé Grégoire, Jean Pierre Saurine est l’un des ecclésiastiques les plus cités dans l’historiographie révolutionnaire et napoléonienne26. Par son rôle joué pendant la Révolution, il acquiert une envergure nationale, qui ne peut cacher un prêtre unique, entier et paradoxal. Né à Eysus, près d’Oloron, dans les Pyrénées-Atlantiques, le 10 mars 1733, il est ordonné prêtre en juin 1761. Nommé à un vicariat perdu à Urdos au bout de la vallée d’Aspe, il refuse formellement de s’y rendre. Frappé d’interdit (une sanction qu’il appliquera lui-même comme évêque à des prêtres jugés incorrigibles), il ne se soumet pas. Sans exercer de ministère, il s’installe à Paris, s’intitulant « prêtre sans fonction officielle ». Après des études de droit, il devient avocat. Ses talents ne s’expriment pas, au début, dans un prétoire, mais dans des loges maçonniques27. Son réseau de relations s’étend manifestement sur tout le territoire français.
- 28 . Pour ne pas citer une bibliographie pléthorique, mentionnons Philippe Bourdin et Philippe Boutry, (...)
15Favorable aux idées nouvelles, il s’engage clairement dans le sens de la Révolution28. Il se fait élire député du clergé du Béarn aux états généraux le 18 mai 1789, arrive donc trop tard pour assister à l’ouverture solennelle. Mais lorsque le 17 juin, le tiers état exige de participer à la vérification des pouvoirs des députés des trois ordres, il fait partie des trois prêtres avec Grégoire et Gouttes, qui se soumettent aussitôt à l’exigence. Il prend une part conséquente dans l’élaboration de la Constitution civile du clergé, organise le 27 mai 1790 une réunion d’avocats pour déterminer le droit de l’assemblée à supprimer et ériger les évêchés, prête parmi les premiers le serment civique.
- 29 . Louis Kammerer, « Gobel », in Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne (NDBA), 13, 1988, p. (...)
- 30 . Bernard Plongeron, L’abbé Grégoire (1750-1831) ou l’arche de la fraternité, Paris, Letouzay et An (...)
16Alors qu’il réside toujours à Paris, il est élu, le 16 février 1791, évêque constitutionnel des Landes. Le 27 février, il est sacré par l’Alsacien Jean Baptiste Gobel29, évêque constitutionnel de Paris. Parmi les témoins du sacre, l’abbé Grégoire30. À Dax, Saurine se heurte au clergé réfractaire. Une porte de sortie s’ouvre à lui quand il est élu député des Landes à la Convention. Il se rend à nouveau à Paris, où il rejoint le 20 septembre 1792 d’autres constitutionnels. Lorsqu’il s’agit de juger Louis XVI, il vote pour la réclusion. Le 3 octobre 1793, il est arrêté sur les bancs de la Convention, n’est libéré que le 23 octobre 1794 et rappelé au sein de la Convention le 8 décembre 1794.
17L’accalmie de 1795 permet à l’église constitutionnelle de se reconstituer sous la houlette de Grégoire, Gratien, Desbois, Royer et Saurine, les « évêques réunis ». Ils fondent le journal Les annales de la Religion où Saurine disserte longuement. Le 11 août 1795, le même Saurine demande l’autorisation de célébrer à nouveau le culte à Notre-Dame de Paris et, de fait y préside la messe solennelle, assisté par Grégoire et Royer. Lorsque la Convention se sépare le 28 octobre 1795 pour laisser place au Directoire, Saurine y entre doublement. Il est d’abord élu le 28 octobre, puis est tiré au sort parmi les conventionnels qui siègent de droit au Conseil des Cinq Cents le 6 mars 1796.
- 31 . Jean Pierre Laulom, « Monseigneur Jean Pierre Saurine, évêque constitutionnel des Landes », Bulle (...)
- 32 . BPR, G 1266.
18Le Sud-Ouest l’attire encore. Il s’installe en avril 1800 et prend possession de la cathédrale d’Oloron. Pour Jean-Pierre Laulom, il n’a jamais été évêque constitutionnel en dépit des annonces de Saurine31. Au moment de son installation à Oloron, les relations avec Grégoire sont encore bonnes. En témoigne cette lettre du 18 septembre 1800 : « Vous avez été enfin sacré. Je vous envoie un mandement pour montrer au ministre et aux consuls quelle doctrine je prêche, à savoir la paix et l’union... On m’engagea à laisser paraître ma croix en marchant dans les rues moi qui ne la montre jamais que dans l’église32. »
- 33 . BPR, G 1271, depuis Oloron, lettre citée par P. Pisani, Répertoire biographique de l’épiscopat co (...)
- 34 . BPR, G 1269.
19Saurine affirme ses idées en matière de politique de l’église constitutionnelle, le 25 février 1801. « Où sont nos affaires ? Je m’attends à des arrangements pour la paix et la réunion d’après une lettre du pape à la manière des Italiens. N’importe pourvu qu’on ait la paix et le bon ordre. » Le 2 mai, il se démarque de Grégoire : « Je désire toujours, vu les circonstances, voir différer le concile, jusqu’à de nouveaux arrangements auxquels on travaille soient terminés et sanctionnés. Alors il pourra être réellement utile33. » Saurine ne varie pas le 5 juin 1801 : « La chose la plus essentielle qui doit nous occuper est la paix de l’église et la réunion des esprits34. »
- 35 . Le questionnement sur les raisons de la nomination de Saurine à Strasbourg se retrouve, peu ou pr (...)
20Cédant aux instances de l’abbé Grégoire, Saurine se décide à se rendre à Paris. Assiste-t-il au concile ? En tout cas il faut être à Paris en bon renard car, le 22 juin 1801, arrive dans la capitale le cardinal Caprara. Saurine, homme politique incontournable, sur la même ligne que Napoléon Bonaparte ne peut être que choisi. Il hérite du diocèse de Strasbourg, en fait de l’Alsace, terre-frontière, point stratégique pour la France, car porte d’entrée de toutes les invasions. Il y faut un homme à poigne, d’accord avec la politique de Bonaparte, pouvant s’appuyer sur le Haut-Rhin et promu à batailler dans le Bas-Rhin sinistré. Sa nomination relève d’une logique évidente, à rebours de l’incompréhension manifestée par ses nombreuses biographies, surpris qu’un « gallican ait hérité d’un diocèse ultramontain », raccourci qui ne correspond pas à la somme des nuances évoquées35.
La mise en place de « l’oubli du passé »
- 36 . Claude Muller, « La prise de possession de l’évêché de Strasbourg par Mgr Saurine (1802) », Alman (...)
21Selon le préfet du Bas-Rhin, Joseph Laumond, Mgr Saurine fait à la cathédrale de Strasbourg, le 4 juin 1802, « un discours qui a obtenu tous les suffrages ». Il ajoute : « Le département du Bas-Rhin n’aura rien à désirer pour le maintien de sa tranquillité civile et religieuse36 ». Le préfet semble à la fois subjugué par le talent oratoire du prélat et satisfait du fond correspondant à la volonté politique exprimée par Napoléon Bonaparte. L’installation est l’occasion pour l’évêque d’établir ses premiers contacts, d’apprendre à les connaître et de cerner les personnalités les plus à même de collaborer avec lui.
- 37 . Jean Puraye, La correspondance de Mgr Zaepffel, Bruges, 1951, p. 8-9.
22Si le préfet Laumond paraît ravi, il n’en est pas de même de Mgr Jean évangéliste Zaepfell, un Alsacien promu évêque de Liège : « La prévention contre l’évêque de Strasbourg est très forte et sans l’entremise du préfet Laumond, il y aurait eu de l’éclat37. » Comme toujours rumeurs et cancans précèdent une venue. Mais ils pointent un gros souci : la fracture révolutionnaire entre constitutionnels et réfractaires.
- 38 . Félix Schaedelin, « La première visite pastorale de l’évêque Saurine dans le Haut-Rhin », Revue d (...)
23À peine installé à Strasbourg, Mgr Saurine se rend à Colmar le 28 juin 180238. Il mesure la distance séparant les deux chefs-lieux de préfecture et surtout celle le séparant de Porrentruy. Il lui faut trouver des relais : il jette son dévolu sur des « frères » maçons et des constitutionnels. De plus, le préfet du Haut-Rhin, François Joseph Noël, ne partage pas du tout l’enthousiasme de son collègue bas-rhinois. Bref les débuts sont compliqués.
La réorganisation du diocèse par Mgr Saurine
24Elle est voulue par le Concordat et les Articles organiques. « Les évêques feront une nouvelle circonscription des paroisses de leurs diocèses qui n’aura d’effet que d’après le consentement du gouvernement » (article 9). « Il y aura au moins une paroisse dans chaque justice de paix ou canton. Il sera en outre établi autant de succursales que les besoins pourront l’exiger » (article 61). C’était là un progrès par rapport à la Constitution civile du clergé de 1790 qui envisageait une paroisse pour six mille habitants. L’organisation nouvelle est calquée sur l’administration civile. L’originalité de ce statut est la hiérarchie entre les paroisses : les « cures » sont plus importantes que les « succursales », les curés étant inamovibles, les desservants ou succursalistes amovibles. Le Concordat introduit surtout une dualité : l’église et l’état ont chacun un droit de regard sur le personnel ecclésiastique, ce qui signifie pour l’historien une double source de documentation.
- 39 . Nous suivons Louis Kammerer, « La réorganisation concordataire dans le diocèse de Strasbourg, pri (...)
25Dès le 16 juin 1802, Mgr Saurine affirme que « dans trois ou quatre jours la circonscription des paroisses du Bas-Rhin sera envoyée au préfet puis au gouvernement. Je me transporterai à Colmar pour y faire la même opération avec les secours que vous voudrez bien me donner relativement à votre département39. » L’évêque envoie la circonscription des paroisses du Bas-Rhin au préfet Laumond le 20 juin : « C’est le résultat de plusieurs conférences tenues en ma présence par un conseil provisoire des prêtres les mieux instruits à cette fin… fixant le nombre des paroisses de première et deuxième classe, celui des succursales et annexes. » Le prélat envoie, le 18 août, la circonscription des paroisses au préfet du Haut-Rhin. Mais ce fonctionnaire change. Mgr Saurine, en exprimant ses vœux de bienvenue au nouveau titulaire, Félix Desportes, lui rappelle qu’il a envoyé le fameux cahier il y a un mois et demi et lui déclare qu’il « y a longtemps que celui du Bas-Rhin est prêt ».
26L’évêque envoie les deux cahiers de la circonscription des paroisses des deux départements le 14 octobre 1802. En additionnant les cures et les succursales, le nombre des paroisses concordataires correspond à peu près à celui des paroisses de l’Ancien Régime. Le « curé cantonal » réside habituellement au chef-lieu du canton, sauf quand celui-ci est peuplé de protestants. Dans le canton de Drulingen, il réside à Weyer. Dans celui de Bischwiller, il vit à Soufflenheim. Dans le canton de Wintzenheim, Eguisheim est pourtant choisi indépendamment du nombre des protestants.
27La question de la circonscription précède celle de la répartition du clergé. Dans le Bas-Rhin, les constitutionnels ne sont qu’une quarantaine facile à ventiler sur l’ensemble du département. Dans le Haut-Rhin, la situation se révèle bien plus compliquée avec 60 % de réfractaires et 40 % de constitutionnels dans l’arrondissement d’Altkirch par exemple. En septembre 1802, Mgr Saurine invite tous les prêtres du diocèse à signer leur adhésion au Concordat, par laquelle ils le reconnaissent, en même temps, comme leur évêque légitime. Les adhésions sont recueillies en un mois, entre le 21 août et le 23 septembre 1802.
28En attendant l’affectation définitive des prêtres, de nombreux déplacements sont opérés par le prélat. Au point que le ministre des Cultes Jean étienne Portalis met le holà, le 8 septembre 1802 : « Le conseiller de préfecture faisant fonction de préfet à Colmar se plaint des placements et déplacements des ministres du culte dans les églises de son département. L’intention positive du gouvernement est que les évêques s’occupent sans interruption de la véritable organisation de leur diocèse et qu’en attendant ils ne se permettent pas des changements. » L’organisation des paroisses avec le nom des curés et desservants du Bas-Rhin est finalement signée par Mgr Saurine le 29 janvier 1803. Ce n’est que le 8 avril 1803 que le prélat remet au préfet du Haut-Rhin une copie de l’organisation du Haut-Rhin tant pour les curés que pour les desservants. Les deux mois supplémentaires ne traduisent rien d’autre que des équilibres plus délicats à trouver dans le sud du diocèse.
L’évêque, le préfet et le clergé du Haut-Rhin
- 40 . Sur François Antoine Basler, voir Louis Kammerer, Le clergé constitutionnel, p. 5, n. 25 et Claud (...)
- 41 . AA-C, V 64.
29Dans la correspondance entre Mgr Jean Pierre Saurine et Félix Desportes, le dialogue à propos de la gestion du personnel clérical constitue l’essentiel du propos. Parmi les cent trente missives échangées, citons-en trois évoquant trois prêtres constitutionnels. La première nomme François Antoine Basler40, ancien vicaire épiscopal constitutionnel, le 4 décembre 1802. Selon l’évêque, « Basler est un prêtre recommandable par son zèle, sa charité et son humanité. Toute la vallée de Saint-Amarin demande sa conservation, excepté quelques maires qui sont contre lui. Il est vivement réclamé par les chefs de la manufacture de Wesserling pour les pauvres, dont il est le médecin41. »
- 42 . Sur François Antoine Stender, voir Louis Kammerer, Le clergé constitutionnel, p. 75, no423.
- 43 . AA-C, V 64.
30Le prélat, qui ne relève pas que Basler est constitutionnel, termine sa missive par un détail intéressant : « Il reste seize prêtres dont quinze constitutionnels exclus dans l’organisation et dont la moitié est vivement demandée par les habitants et recommandée par des citoyens respectables. » La deuxième lettre évoque François Antoine Stender42, que Mgr Saurine loue, alors que la longueur de son curriculum vitae semble plutôt indiquer une personnalité instable, dans une note du 22 juin 180343.
- 44 . Sur Jean Keller, voir Louis Kammerer, Le clergé constitutionnel, p. 42, no241.
- 45 . AA-C, V 64.
31Le troisième courrier, de juillet 1803, porte sur le constitutionnel Jean Keller44, tout autant que le contexte international de l’époque. Le point de départ est une lettre du maire d’Ammerschwihr, Hamburger, qui demande le prêtre Mittelberger qui est à Wettolsheim, né et possessionné à Ammerschwihr, qui pourrait permettre le retour du curé Keller, qui pourrait retourner à Buhl, où il a aussi une maison. Mgr Saurine approuve l’arrangement, sans doute en juillet 180345.
- 46 . Sur Jean Baptiste Jaeger, voir Louis Kammerer, Répertoire, p. 158, no2 468.
- 47 . AA-C, V 60.
- 48 . Sur François Joseph Aloyse Thaler, voir Louis Kammerer, Répertoire, p. 331, no5 062.
- 49 . AA-C, V 64.
32Si Mgr Saurine semble évoquer les constitutionnels avec bienveillance, qu’en est-il des réfractaires ? Deux exemples peuvent être avancés. Le 2 août 1804, Mgr Saurine critique ouvertement Jean Baptiste Jaeger46, prêtre réfractaire, dans une lettre à Félix Desportes, préfet du Haut-Rhin : « Quand Jaeger aura prouvé par une conduite différente de celle qu’il a tenue jusqu’ici, qu’il veut être véritablement du nombre de ces prêtres pacifiques et utiles, je lui donnerai volontiers tous les pouvoirs nécessaires47. » Toutefois l’évêque ne lui accorde plus ces pouvoirs. Jaeger reste sans emploi ecclésiastique jusqu’à son décès à Thann six ans plus tard. Un autre courrier évoque François Joseph Aloyse Thaler48, un rare prêtre ayant prêté le serment et s’étant rétracté avant 1800. Le 14 février 1805, Mgr Jean Pierre Saurine l’évoque en ces termes à Félix Desportes : « J’ai la preuve que Thaler ne remplit point nos intentions49. »
- 50 . AA-C, V 180.
33Apparaît, de manière sous-jacente, à l’énumération de ces quelques exemples, la volonté inébranlable de Mgr Saurine de s’aligner sur la politique napoléonienne, en éliminant les fauteurs de troubles, qu’ils soient prêtres constitutionnels ou réfractaires. L’évêque peut se permettre de faire le tri dans les troupes, dans la mesure où le clergé, malgré son non-renouvellement à l’époque révolutionnaire, est encore assez nombreux au début du XIXe siècle. L’embellie démographique n’est pourtant que sursitaire. Dès le 8 juin 1807, l’évêque s’alarme : « La pénurie des prêtres augmentera bientôt nos embarras50. » Pour autant, le prélat ne peut tout décider seul. Le préfet a, en terre concordataire, son mot à dire.
Des conséquences d’une terre concordataire : le cas de Colmar
- 51 . Sur Théodore Antoine Xavier Reech, voir Louis Kammerer, Répertoire, p. 260, no4021a et Claude Mul (...)
- 52 . Sur Jean Baptiste Graff, voir Louis Kammerer, Le clergé constitutionnel, p. 30, no169 et Claude M(...)
- 53 . AA-C, V 64.
34À son premier déplacement à Colmar, le 28 juin 1802, première visite de Mgr Saurine dans le chef-lieu de préfecture du Haut-Rhin, le courant ne passe guère entre l’évêque et le curé de Saint-Martin, Reech51. La détestation réciproque s’en suit et Mgr Saurine voudrait changer Théodore Antoine Xavier Reech d’affectation. Sauf qu’en terre concordataire, il lui faut l’approbation du préfet du Haut-Rhin. Comment va réagir Félix Desportes? Trois missives méritent une lecture. Le 11 octobre 1802, Félix Desportes écrit à Mgr Saurine : « Je vous recommande particulièrement Graff52 [constitutionnel] et Reech [réfractaire]. J’aime et j’estime également l’un et l’autre. Je m’étais plaint au dernier de sa conduite envers vous, sans lui faire savoir que c’était de vous que je tenais ces détails53. »
- 54 . AA-C, V 180.
35Le préfet fait clairement comprendre à son interlocuteur que Reech, dont il est le paroissien par ailleurs, possède ses faveurs et, par son habilité oratoire, réussit à séduire le prélat, qui accepte le maintien de Reech à Colmar et le déplacement de Graff à Guebwiller. Mais Mgr Saurine reste un bretteur redoutable, qui ne lâche rien. Dans une longue missive du 17 juin 1803, il adresse des considérations générales au préfet, avant de revenir, insidieusement, à Reech : « Il est du nombre de ceux qu’on appelle endormeurs qui voudraient que le gouvernement ignorât tous les dangers qui le menacent et qui font tout ce qu’ils peuvent pour les lui cacher. Ils sont par conséquent ses ennemis les plus dangereux. C’est pour cela que le parti a employé tous ses moyens pour le conserver à Colmar où il peut être très nuisible. Et ils ont réussi malgré moi, comme vous le savez54. »
- 55 . AA-C, V 180.
36Lorsque Félix Desportes propose à Mgr Saurine de faire nommer Reech chanoine honoraire de sa cathédrale, le prélat explose littéralement le 21 janvier 1804. Et comme toujours, quand l’évêque est énervé, la missive s’allonge indéfiniment. Le prélat conclut : « Ce qu’il ne peut pas nier, c’est qu’il a sollicité lui-même et fait solliciter d’une manière scandaleuse la place qu’il occupe. Cet oubli révoltant des règles de l’église commença de me donner une très mauvaise opinion de lui, car il prouvait évidemment qu’il était dépourvu du véritable esprit ecclésiastique si nécessaire dans ces sortes de place55. » Mgr Saurine ne réussit pas à discréditer le curé Reech auprès de Félix Desportes qui obtient même lorsque l’évêque s’assagit progressivement à obtenir pour le curé de Saint-Martin Colmar le titre de chanoine honoraire.
Solder la révolution et l’empire
- 56 . Robert Lutz, « Les Alsaciens présents au sacre de Napoléon et de Joséphine », Bulletin du Cercle (...)
37Dans les archives haut-rhinoises de la série V, la période 1800 à 1804 est surreprésentée, donnant l’impression d’une réelle agitation sociétale par rapport au « schisme catholique ». à partir de 1805 cependant, les correspondances s’espacent, perdant en virulence. Y a-t-il une hypothèse plausible, autre que l’écrémage des archivistes ? Peut-on avancer l’événement du couronnement de Napoléon Ier, le 2 décembre 1804 ? Car à Paris ce jour, mais aussi avant et après, tous les fonctionnaires sont présents. Les deux préfets Shée et Desportes, le sous-préfet d’Altkirch Sommervogel et Mgr Saurine y sont56. Y a-t-il eu des conversations parallèles aboutissant à une harmonisation ou un apaisement des fonctionnements ? Toujours est-il que l’opposition entre réfractaires et constitutionnels réapparaît au moment où l’on s’y attend le moins, embrasant le Haut-Rhin plus que le Bas-Rhin.
Les vicaires capitulaires et l’épuration des constitutionnels
- 57 . Claude Muller, « Le décès de Mgr Saurine à Soultz le 9 mai 1813 », Annuaire de la société d’histo (...)
- 58 . René Epp, Le mouvement ultramontain, op. cit., p. 88-121.
38Mgr Saurine décède à Soultz près de Guebwiller le 9 mai 1813 pendant une tournée de confirmation57. Les négociations en vue de la signature d’un nouveau Concordat, lesquelles n’aboutissent pas, retardent la nomination d’un nouvel évêque jusqu’en 1817 et la prise de possession du siège jusqu’en 1820. Dans l’intervalle, de 1813 à 1820, le diocèse de Strasbourg demeure vacant. Il est dirigé par trois vicaires capitulaires : Vion, Lienhart et Hirn remplacé rapidement par Gérard58.
- 59 . Paul Leuilliot, La première Restauration et les Cent Jours en Alsace, Paris, 1958.
- 60 . Paul Leuilliot, « L’Alsace en 1814 d’après un rapport inédit », Annales Historiques de la Révolut (...)
39Les trois vicaires capitulaires se trouvent confrontés à une situation politique critique, car fluctuante : fin de l’Empire, Première Restauration, Cent Jours, Seconde Restauration59. L’énumération annonce la palinodie, la dénonciation et le règlement de compte entre bonapartistes et royalistes dans le domaine politique d’une part, entre gallicans et ultramontains dans le domaine théologique d’autre part. Tout ceci dans une période d’incertitude, accentuée pour la seule Alsace, de la guerre rôdeuse liée aux deux invasions successives de la région par les troupes russes, autrichiennes et prussiennes en 181460 et en 1815, la dernière s’éternisant par une occupation jusqu’en 1818.
- 61 . Nous suivons Paul Leuilliot, « L’épuration du clergé alsacien sous la Restauration », Revue d’Als (...)
40Tout débute par un incident survenu à Ferrette. Le curé Antoine Wolff, réfractaire, serait responsable, le 22 juin 1815, soit quatre jours après Waterloo, du « mauvais esprit qui règne dans cette commune ». Pour sa défense, Wolff argue que « depuis l’Empereur est sur le trône, il ne lui est échappé aucun mot qui pourrait choquer. Il ne nuit aucunement au gouvernement ». En fait, sous le dessous des cartes, le curé mène la vie dure aux réfractaires. L’incident est exploité par les vicaires capitulaires. Vion écrit au préfet du Haut-Rhin, le comte de Casteja, le 13 décembre 1815 : « Vous regrettez avec nous de trouver dans votre département plusieurs prêtres et même des curés qui ne jouissent pas d’une réputation bien pure… Notre commissaire ne tardera pas à se rendre chez vous. » La chasse aux constitutionnels est désormais ouverte, favorisée par le contexte politique. Les constitutionnels sont assimilés aux bonapartistes par les royalistes. La traque doit se terminer par leur rétractation publique61.
41Des listes sont dressées, canton par canton, dans l’arrondissement d’Altkirch, séparant le blé de l’ivraie. Les mesures s’ébruitent et provoquent des remous qui se traduisent par de multiples pétitions contradictoires. La situation particulière du Sundgau est pointée par les vicaires capitulaires le 20 février 1816 : « Dans deux arrondissements (Altkirch et Belfort) se trouvaient réunis six curés cantonaux et trente desservants, tous infectés des principes schismatiques réprouvés par l’église. C’était une petite église d’Utrecht. Ces jureurs étaient la plupart aussi diffamés par leurs mœurs détestables que par leur opiniâtre attachement à la constitution civile [du clergé]. » Loin de Strasbourg, les deux commissaires, Maimbourg ayant été adjoint à Bruat, rencontrent les prêtres, s’entretiennent individuellement avec chacun d’entre eux leur font signer le formulaire suivant :
La soi disante constitution civile du clergé de l’an 1791 étant contraire à ces principes et ces dogmes et ayant été déclarée erronée, schismatique et hérétique et condamnée comme telle dans les années 1791 et 1792 par Pie VI et par tous les évêques légitimes et vivant dans la communion de l’église, je déclare que je condamne et rejette la dite constitution, conformément à la décision de l’église.
42En juillet 1816, la plupart des rétractations sont obtenues. Néanmoins il reste des récalcitrants, dont Groell, ex desservant de Grentzingen : « Ce turbulent par excellence se fait fort de mépriser son rappel. »
43Jean Jacques Keilbach, ex capucin du couvent de Haguenau, avait été réemployé en 1803 par Mgr Saurine, d’abord à Rantzwiller, puis à Dietwiller. Il prévient ses paroissiens que, sommé de faire sa rétractation selon le formulaire imposé, il en ferait la lecture sans y adhérer ou la réprouver. Gabriel Wendling, curé de Landser, ne tolère pas cette attitude. Il contraint Keilbach à faire une rétractation en règle. Si l’épuration signifie bien l’humiliation et provoque la rancœur, le contre exemple de Wittersdorf, non retenu par Paul Leuilliot, montre que les préoccupations agricoles paraissent, à la campagne, bien plus importantes que les querelles théologiques. Le maire Riss écrit, en effet, au préfet du Haut-Rhin :
- 62 . AA-C, V 47.
La rétractation a eu lieu le 2 juillet 1816 sans le moindre mouvement des opinions religieuses. Les paroles d’édification de notre curé [François Barthélémy Bernou] avant la rétractation et celles du curé d’Altkirch [Jérôme Chevrier] comme commissaire de l’évêché après la dite cérémonie ont eu le meilleur effet chez l’universalité des habitants de cette paroisse… Deux jours avant le jour fixé, notre curé m’annonçait la rétractation, en m’invitant de la faire dire aux membres du conseil et par cela toute la commune était instruite. Le 2 juillet, le commissaire ecclésiastique arrive. On sonnait la cloche. Mais comme le beau temps favorisait notre travail très urgent pour faire sécher le foin, il y avait peu de monde62.
La queue de l’épuration : l’affaire Stehlin
- 63 . AA-C, V 180.
- 64 . Louis Kammerer, Le clergé constitutionnel, p. 74, no439.
44« Comme nous mettons dans Colmar un curé non constitutionnel, ne jugeriez-vous pas que nous lui donnions pour premier vicaire [Joseph André] Stehlin que j’indique pourtant pour Bouxwiller, succursale ? C’est un sujet qui promet beaucoup63. » L’appréciation, pour le moins louangeuse, date du 13 novembre 1802. Elle émane de Mgr Jean Pierre Saurine et désigne un jeune prêtre constitutionnel Joseph André Stehlin64, la trentaine, qui œuvre dans un village du Sundgau. La mère de cet ecclésiastique n’est autre que la sœur de Nicolas Billion de Raedersdorf de 1759 à 1804, le chargé d’âme d’une seule paroisse pendant près d’un demi-siècle, prêtre constitutionnel. Le neveu perpétue la tradition familiale d’un prêtre par génération. Au séminaire de Porrentruy de 1788 à 1791, il est ordonné par l’évêque constitutionnel Arbogast Martin et devient curé constitutionnel de Bouxwiller et de Fislis en 1792. Interné après l’affaire d’Hirsingue à Langres le 26 juin 1794, il est mentionné comme curé constitutionnel au synode de Soultz en 1798 et à la matricule du curé constitutionnel en 1800.
- 65 . AA-C, V 58.
45Le sous-préfet d’Altkirch, François Xavier Sommervogel, le mentionne dans un état statistique du clergé du 11 septembre 1801, avec ce commentaire lapidaire : « agitateur ». Il est vrai que le fonctionnaire affiche une préférence nette pour les réfractaires. Bouxwiller est l’une des cinquante localités qui connaît à cette époque deux cultes catholiques antagonistes, ce qui explique la remarque de Sommervogel le 14 juillet 1802. « Considérant que les citoyens de Bouxwiller et de Werentzhouse sont divisés pour fait d’opinions religieuses et que, si la bénédiction de la cloche se faisait dans le moment actuel par un prêtre quelconque, il y aurait toujours des mécontents de la part des deux partis, il est plus sage d’ajourner cette bénédiction jusqu’à l’organisation définitive du clergé65. » On saisit là, sur le vif, la période de transition entre le solde de l’agitation révolutionnaire et la mise en place d’une nouvelle structure diocésaine par le nouvel évêque.
- 66 . Tous les documents dans AA-C, V 92.
46Enjambons quelques années. Fin 1816 et début 1817, l’épuration des constitutionnels bat son plein. Stehlin est menacé dans son poste par sa hiérarchie. Il est, sans doute, à l’origine d’une pétition, assez extraordinaire dans l’état actuel des recherches, signée par une trentaine d’ecclésiastiques en sa faveur, le 28 septembre 181766. Un survol des signataires ecclésiastiques de l’arrondissement d’Altkirch indique, sur 27 noms, 23 prêtres ex-réfractaires, trois ex-constitutionnels, un constitutionnel s’étant rétracté pendant la Révolution, le plus important de ce groupe ecclésial étant le curé d’Altkirch, Chevrier. Cinq curés de paroisses suisses limitrophes signent aussi ce document. La pétition en précède une autre, celle d’une quarantaine d’habitants de Bouxwiller et d’une trentaine d’habitants de Werentzhouse. Si Joseph Stehlin capitalise des soutiens, les détracteurs se font vite connaître. D’abord le maire de Bouxwiller, Brauer, puis surtout une douzaine de prêtres, ex-réfractaires, le 6 avril 1818, dans une lettre adressée au préfet du Haut-Rhin :
Nous vous supplions de protéger un arrondissement [d’Altkirch] si longtemps troublé par l’inondation de prêtres constitutionnels et de nouveau menacé d’un si grand malheur... [Stehlin] fut le plus grand révolutionnaire de cette contrée, débitant sous le bonnet rouge sur des théâtres et à l’église les sermons les plus blasphématoires, calomnieux et séditieux, marchant à la tête d’une armée révolutionnaire, faisant tout le mal qui lui fut possible comme fonctionnaire public.
47En définitive le préfet intercède pour Stehlin. Si l’intervention du pouvoir civil se retrouve dans cette affaire, on remarquera la longévité des deux prêtres constitutionnels, l’oncle et le neveu à Bouxwiller, ce qui tendrait à prouver que les paroissiens étaient heureux d’avoir un prêtre à demeure, au-delà de son étiquette, en contradiction avec l’historiographie traditionnelle.
L’anomalie récurrente ? La curieuse cure de Seltz
- 67 . Louis Kammerer, Répertoire, p. 95.
- 68 . Claude Muller, « Cent cinquante numéros de l’Outre-Forêt. Le paradoxe de la culture et la culture (...)
- 69 . Louis Kammerer, Répertoire, p. 51, no297. Biographie de sa main dans AA-C, V 108, publiée dans Cl (...)
- 70 . Louis Kammerer, Répertoire, p. 43, no246.
- 71 . Louis Kammerer, Répertoire, p. 50, no290.
48Sous la Révolution, cinq prêtres constitutionnels fonctionnent à Seltz. Leur présence est relevée par Louis Kammerer67 et pourtant aucune étude ne leur a été consacrée68. Le premier curé constitutionnel du bourg est Anton Menhard, originaire de Imptingen près de Wurtzbourg, dominicain défroqué69. Il y officie de janvier à juin 1792, puis se déplace vers le sud de poste en poste jusqu’à mourir dans le Sundgau. Son vicaire, de janvier à mai 1792 se nomme Georg Adam Klarmann, né à Eltmann près de Wurtzbourg, ordonné probablement par François Antoine Brendel, arrêté en janvier 1794 comme complice d’Euloge Scheider, greffier de la mairie de Rochenhausen en 180370. Un Alsacien, Jean Bernard de Mast71, originaire de Seltz, administre la paroisse en septembre et octobre 1792. Procureur syndic du district de Wissembourg en 1795, président de l’administration municipale de Lauterbourg en 1796, commissaire du canton de Seltz en 1797, maire de Seltz de 1800 à 1813, il se marie à Seltz le 24 août 1808 avec Catherine Elisabeth Lemmel, de 18 ans sa cadette et décède comme juge de paix à Seltz le 1er janvier 1814.
- 72 . Louis Kammerer, Répertoire, p. 52, no303. O.R. Landsmann, « Wissembourg pendant la Révolution », (...)
- 73 . Louis Kammerer, Répertoire, p. 37, no210.
49Joseph Meyer72, originaire de Sélestat, curé constitutionnel d’Altenstadt de janvier à mai 1792, administre provisoirement Seltz en avril 1793, s’inscrit pour le service constitutionnel en 1795 et décède à Wissembourg le 21 mai 1797. Après la période déchristianisatrice, Jacques Hoffmann73, né à Seltz en 1748, déjà vicaire à Seltz de 1774 à 1785, devient curé constitutionnel de Seltz de 1796 à 1803, avant de desservir Eberbach/Seltz et y mourir le 8 novembre 1808.
- 74 . Claude Muller, Les dominicains d’Alsace dans la tourmente révolutionnaire, Langres, Dominique Gué (...)
50Le premier curé concordataire de Seltz est François Joseph Colnet74, originaire de Sélestat, ex-dominicain, constitutionnel. De 1784 à 1786, il était prieur de Haguenau et militait alors activement au sein de son ordre pour que les religieux inférieurs puissent choisir le vicaire général. Mais les instances de l’ordre n’admettent pas cette attitude. Colnet est privé de sa voix active, condamné à ne pas sortir du couvent pendant un an, à jeûner deux jours au pain et à l’eau, à faire des exercices spirituels. Il est autorisé à se rendre à Paris, où il exerce comme aumônier à l’hôpital des Invalides et l’hôpital des gardes françaises et suisses. Revenu à Sélestat, en 1790, « il se hâte de prêter le serment prescrit » et « se retrouve tout seul contre deux cents réfractaires », écrit-il à l’abbé Grégoire. Il fonde tout de même la société populaire et devient archiprêtre constitutionnel de Sélestat de 1795 à 1802. Le 21 juin 1802, le secrétaire de l’évêché lui écrit alors qu’il est premier vicaire à Sélestat : « Pour réparer cette faute du passé, Mgr Saurine vous conseille, vous autorise et vous ordonne de monter en chaire pour y faire aux fidèles de Sélestat une explication en faveur de la religion, en protestant qu’il n’a jamais été de votre intention ni de l’abandonner, ni de la trahir. »
51Colnet s’exécute publiquement, premier constitutionnel obligé par son évêque constitutionnel à faire cette démarche. Il adhère au Concordat à Sélestat le 4 septembre 1802. Son nom apparaît dans l’état du 29 janvier 1803 comme curé de deuxième classe de Seltz, seul constitutionnel au milieu d’une quinzaine de succursalistes réfractaires. Il reste à Seltz jusqu’au 1er juillet, puis dessert Fort-Louis de 1816 à 1823. Retiré à Seltz, il y décède le 10 novembre 1824.
- 75 . Claude Muller, « Les brumes orientales. Jansénisme, gallicanisme, ultramontanisme et tiers parti (...)
52Terminons cette énumération de constitutionnels rares dans le nombre de réfractaires, mais concentrés, sans que cela puisse relever du hasard, par François Xavier Voisard, originaire de Porrentruy, une des localités les plus méridionales du diocèse75. Aumônier du régiment suisse de Diesbach jusqu’en 1792, il est élu curé constitutionnel de Thann en 1798, puis il est nommé, en 1803, curé de Brumath, à plus de cent kilomètres au nord, suivant la volonté de Mgr Saurine de transplanter les clercs pour régler les problèmes. Il rétracte son serment en 1816. En juin 1816, il est nommé desservant à Eschbach, ce qui constitue manifestement un déclassement, puis desservant en janvier 1817 de Niederroedern, en juillet 1817 d’Altenstadt. Il y écrit dans le registre paroissial du lieu ce texte en 1818 :
Plût au ciel que le haut clergé eut consenti à vouloir aider à payer les dettes du roi qui, à cet effet, avait convoqué les états généraux en 1788, au lieu de défendre bien mal ses privilèges d’exemption, la haute noblesse aurait suivi le louable exemple du haut clergé et, en cédant une partie (insensible pour ces messieurs) de leurs revenus exorbitants (ce qui est même contre l’esprit de l’église de Jésus Christ), la terrible Révolution avec toutes ses suites funestes n’aurait pas éclaté. Le bon roi Louis XVI aurait pu vivre longtemps et n’aurait pas subi le triste sort malheureux que l’opiniâtreté du haut clergé à défendre ses privilèges lui a attiré. Des millions d’hommes n’auraient pas été dépouillés, des églises profanées, et la France aurait été heureuse sous les rois Bourbons. Mais on voit évidemment que Dieu a voulu châtier les grands par la Révolution comme du temps de Noé par le déluge.
53Le 1er octobre 1819, Voisard est nommé curé de Seltz, quoiqu’ex-constitutionnel ayant rétracté. Il reprend, dans le registre paroissial du lieu, les mêmes idées richéristes. Voisard décède à Seltz le 17 avril 1848, à l’âge de 94 ans.
- 76 . AA-C, V 64.
54Revenons à la personnalité de Mgr Saurine, en guise de conclusion. « [L’Empereur] doit désirer d’avoir, surtout dans les places importantes, des prêtres qui lui soient entièrement soumis, éloignés de tout ultramontanisme, prêchant d’exemple comme de parole, l’obéissance et l’attachement de préférence au souverain », déclare le prélat, le 11 septembre 1809, au préfet du Haut-Rhin76. L’affirmation vaut preuve pour tous les historiens mettant en avant le gallicanisme épiscopal. Pour autant, attirés par la personnalité clivante de l’évêque, quasi tous ses biographes n’ont guère insisté sur le hiatus existant en Alsace et séparant le Haut-Rhin et le Bas-Rhin. Le clivage a obligé Mgr Saurine à doser, selon les départements, sa politique et a contribué au particularisme des arrondissements d’Altkirch et de Belfort dans le domaine catholique au début du XIXe siècle.
Notes
1 . Auguste Kroener, « Marc Antoine Berdolet », Revue Catholique d’Alsace, 1897, p. 825-826.
2 . Jules Joachim, « La réorganisation de l’église constitutionnelle du Haut-Rhin et l’élection de l’évêque Berdolet (1795-1796) », Archives de l’église d’Alsace, 21, 1953-1954, p. 179-214 et « Le diocèse du Haut-Rhin sous l’épiscopat de Marc Antoine Berdolet (1796-1802) », Archives de l’église d’Alsace, 22, 1955, p. 187-225.
3 . Dominique Varry et Claude Muller, Hommes de Dieu et Révolution en Alsace, éditions Brepols, 1993, p. 266. Voir aussi Claude Muller, « Religion et Révolution en Alsace », Annales Historiques de la Révolution Française, 337, juillet-septembre 2004, p. 63-83 et « Der Krieg der Revolution gegen die Religion im Elsass (1789-1802) », in Franz Brendle und Anton Schindling (dir.), Religionskriege im Alten Reich und im Alteuropa, Actes du colloque de Tübingen (5-7 février 2004), Münster, Aschendorf Verlag, 2006, p. 377-395.
4 . Bernard Plongeron, Conscience religieuse en Révolution, Paris, 1969 ; Michel Vovelle, La Révolution française : images et récits (1789-1799), Paris, 1986, cinq volumes ; Claude Langlois, Michel Vovelle, Timothy Tackett, Atlas historique de la Révolution française, t. 9, Religion, Paris, 1996 ; Monique Cubells, La Révolution française. La guerre et la frontière, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 1998.
5 . L’Alsace et la Révolution, CRDP, Strasbourg, 1972, t. I, p. 4 ; Claude Muller, « La liberté ou la mort ». L’Alsace et la Révolution française, Nancy, éditions Place Stanislas, 2009.
6 . Rodolphe Reuss, La constitution civile du clergé et la crise religieuse en Alsace, Strasbourg, 1922 et La grande fuite de décembre 1793 et la situation politique du Bas-Rhin de 1794 à 1799, Strasbourg, 1924.
7 . Le colloque de Strasbourg des 17, 18, 19 novembre 1988 organisé par Bernard Vogler et Georges Bischoff avait reproduit l’opposition entre départements, voir René Epp, « Le Bas-Rhin, département français au pourcentage de prêtres jureurs le plus faible », Revue d’Alsace, 116, 1989-1990, p. 237-243 et Dominique Varry, « Le clergé du Haut-Rhin face aux serments révolutionnaires », Revue d’Alsace, 116, 1989-1990, p. 217-236.
8 . Les statistiques des Archives nationales (AN), D XIX, 22 ont le mérite d’exister et sont irremplaçables. Peut-on affirmer que leur fiabilité est sujette à caution ? Gonflement voulu des statistiques ? Minoration des historiens ?
9 . Louis Kammerer, « Le clergé constitutionnel en Alsace (1791-1803) », Archives de l’église d’Alsace, 48, 1989, p. 1-55.
10 . Timothy Tackett, La Révolution, l’église, la France, le serment de 1791, Paris, 1986, p. 409.
11 . Bibliothèque de Port Royal (BPR) à Paris, dossier Bas-Rhin.
12 . Louis Kammerer, « Les prêtres allemands dans le clergé constitutionnel en Alsace », Revue d’Alsace, 116, 1989-1990, p. 285-294.
13 . Karl Schillinger, « Herkunft F.A. Brendels und sein Lebenslauf bis zum Bischofs Wahl », Archiv für elsässische Kirchengeschichte, 16, 1943, p. 301-342.
14 . René Metz, « Un cours de droit canonique à l’université de Strasbourg en 1781 », Mémorial du Cinquantenaire (1919-1969), Strasbourg, 1970, p. 332-346.
15 . Nicolas Delsor, « Souvenirs d’émigration de Jean Pierre Rosier, curé de Dossenheim, Revue Catholique d’Alsace, 1908, p. 149-160, 219-229, 257-266.
16 . BPR, dossier Haut-Rhin. Toute cette correspondance alsacienne dans Claude Muller, « L’épistolat, l’apostolat, le Concordat. Religion et république en Révolution dans la France de l’Est (1795-1802), Annales de l’Est, 1, 2015, p. 161-181 (Berdolet, Brendel, Francin, Maudru, Nicolas, Saurine).
17 . BPR, dossier Bas-Rhin.
18 . Archives d’Alsace, site de Colmar (AA-C), V 48.
19 . AN, F 1a 464.
20 . AA-C, V 48. Voir Claude Muller, « Le retour des prêtres réfractaires dans le Sundgau (1800-1802) », Annuaire de la Société d’Histoire du Sundgau, 2022, p. 259-274.
21 . AA-C, V 48.
22 . BPR, dossier Haut-Rhin. Certaines des lettres de ce dossier avaient été publiées par Auguste Marie Pierre Ingold, Grégoire et l’église constitutionnelle en Alsace, Paris, 1894, 175 p., sans indication de lieu de conservation.
23 . AA-C, V 57.
24 . AA-C, V 37.
25 . AA-C, V 47.
26 . Auguste Marie Pierre Ingold, dans L’épiscopat français depuis le Concordat jusqu’à la séparation (1802-1903), Paris, 1907, p. 604-605 ; Paul Pisani, Répertoire biographique de l’épiscopat constitutionnel (1791-1802), Paris, 1907, p. 430-441 ; Jacques-Olivier Boudon, L’épiscopat français à l’époque concordataire (1802-1905), Paris, éditions du Cerf, 1996 et Les élites religieuses à l’époque de Napoléon. Dictionnaire des évêques et vicaires généraux du Premier Empire, Nouveau Monde éditions, 2002.
27 . Jean-Pierre Laulom, « Monseigneur Saurine, évêque et franc maçon », Bulletin de la Société de Borda, Dax, 1982, p. 1-9.
28 . Pour ne pas citer une bibliographie pléthorique, mentionnons Philippe Bourdin et Philippe Boutry, « L’église catholique en Révolution : l’historiographie récente », Annales historiques de la Révolution française, 355, 2009, p. 3-23.
29 . Louis Kammerer, « Gobel », in Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne (NDBA), 13, 1988, p. 1208.
30 . Bernard Plongeron, L’abbé Grégoire (1750-1831) ou l’arche de la fraternité, Paris, Letouzay et Ané, 1989 et Rodney Dean, L’abbé Grégoire et l’église constitutionnelle, Paris, Picard, 2008.
31 . Jean Pierre Laulom, « Monseigneur Jean Pierre Saurine, évêque constitutionnel des Landes », Bulletin de la société de Borda, Dax, 1980, p. 1-74, ici p. 57.
32 . BPR, G 1266.
33 . BPR, G 1271, depuis Oloron, lettre citée par P. Pisani, Répertoire biographique de l’épiscopat constitutionnel (1791-1802), op. cit., p. 430.
34 . BPR, G 1269.
35 . Le questionnement sur les raisons de la nomination de Saurine à Strasbourg se retrouve, peu ou prou, dans la nombreuse bibliographie évoquant l’évêque, voir Paul Leuilliot, « Saurine, évêque concordataire de Strasbourg », Revue d’Alsace, 84, 1937, p. 134-140 ; Jean L’Herissaye, « Relation de Saurine », Revue des Deux Mondes, 42, 1937, p. 613-660 ; Georges Fritz, « Un gallican intransigeant : Jean Pierre Saurine », Revue des Sciences Religieuses, 1939, p. 161‑175 ; Fernand L’Huillier, « La doctrine et la conduite d’un évêque concordataire, ci devant assermenté », Revue historique, 1939, p. 286-317 ; Georges Fritz, « Zur Kirchengeschichte der Jahre 1790 bis 1810 », Archiv für elsässische Kirchengeschichte, 16, 1943, p. 351-388 ; Fernand L’Huillier, Recherches sur l’Alsace napoléonienne, Strasbourg, 1947 (fondamental) ; Paul Leuilliot, L’Alsace au début du XIXe siècle (1815-1830), Strasbourg, 1960, t. III ; Jean Charron, Inventaire des archives de légation en France du Cardinal Caprara (1801-1808), Paris, 1975 ; René Epp, Le mouvement ultramontain dans l’église catholique en Alsace au XIXe siècle (1802-1870), Strasbourg, 1975 ; Laurence Depret, La société paroissiale du Bas-Rhin d’après l’enquête de l’an XII, Strasbourg, 1977 ; Claude Muller, Dieu est catholique et alsacien. La vitalité du diocèse de Strasbourg au XIXe siècle, Strasbourg, 1986 ; René Epp, « Mgr Saurine et la célébration des jours de fête », Archives de l’église d’Alsace, 50, 1992-1993, p. 157-164 ; Jean de Mathan, « La bibliothèque de Saurine », Revue française d’histoire du livre, 62, 1993, p. 313-336 ; Louis Schlaefli, « Un portrait peu flatteur de l’évêque Saurine », Archives de l’église d’Alsace, 52, 1995-1997, p. 219-304 ; Claude Muller, « Jean Pierre Saurine », in NDBA, 32, 1998, p. 3376-3377.
36 . Claude Muller, « La prise de possession de l’évêché de Strasbourg par Mgr Saurine (1802) », Almanach Sainte Odile, 1984, p. 81-82.
37 . Jean Puraye, La correspondance de Mgr Zaepffel, Bruges, 1951, p. 8-9.
38 . Félix Schaedelin, « La première visite pastorale de l’évêque Saurine dans le Haut-Rhin », Revue d’Alsace, 84, 1937, p. 141-153.
39 . Nous suivons Louis Kammerer, « La réorganisation concordataire dans le diocèse de Strasbourg, principalement d’après la correspondance de Saurine avec le préfet du Haut-Rhin », Archives de l’église d’Alsace, 49, 1990-1991, p. 21-63.
40 . Sur François Antoine Basler, voir Louis Kammerer, Le clergé constitutionnel, p. 5, n. 25 et Claude Muller, « Le choix de la Révolution, une option familiale ? L’exemple des Deyber de Bernwiller », Annuaire de la Société d’histoire du Sundgau (ASHS), 2013, p. 345-362. Pour des exemples de l’arrondissement d’Altkirch, voir Claude Muller, « Mgr Jean Pierre Saurine, Félix Desportes et le clergé du Sundgau (1802-1804), ASHS, 2022, p. 275-292.
41 . AA-C, V 64.
42 . Sur François Antoine Stender, voir Louis Kammerer, Le clergé constitutionnel, p. 75, no423.
43 . AA-C, V 64.
44 . Sur Jean Keller, voir Louis Kammerer, Le clergé constitutionnel, p. 42, no241.
45 . AA-C, V 64.
46 . Sur Jean Baptiste Jaeger, voir Louis Kammerer, Répertoire, p. 158, no2 468.
47 . AA-C, V 60.
48 . Sur François Joseph Aloyse Thaler, voir Louis Kammerer, Répertoire, p. 331, no5 062.
49 . AA-C, V 64.
50 . AA-C, V 180.
51 . Sur Théodore Antoine Xavier Reech, voir Louis Kammerer, Répertoire, p. 260, no4021a et Claude Muller, « Un terreau de réseaux dévot ? Introspection du microcosme des procureurs du Conseil souverain d’Alsace au XVIIIe siècle », Annuaire de la société d’histoire de Colmar, 52, 2016, p. 85-95.
52 . Sur Jean Baptiste Graff, voir Louis Kammerer, Le clergé constitutionnel, p. 30, no169 et Claude Muller, Les dominicains d’Alsace dans la tourmente révolutionnaire, Langres, éditions Guéniot, 1991, p. 62, no22.
53 . AA-C, V 64.
54 . AA-C, V 180.
55 . AA-C, V 180.
56 . Robert Lutz, « Les Alsaciens présents au sacre de Napoléon et de Joséphine », Bulletin du Cercle généalogique d’Alsace, 117, 1997, p. 529-530.
57 . Claude Muller, « Le décès de Mgr Saurine à Soultz le 9 mai 1813 », Annuaire de la société d’histoire de Thann-Guebwiller, 15, 1983-1984, p. 113-114.
58 . René Epp, Le mouvement ultramontain, op. cit., p. 88-121.
59 . Paul Leuilliot, La première Restauration et les Cent Jours en Alsace, Paris, 1958.
60 . Paul Leuilliot, « L’Alsace en 1814 d’après un rapport inédit », Annales Historiques de la Révolution Française, 1956, p. 180-190.
61 . Nous suivons Paul Leuilliot, « L’épuration du clergé alsacien sous la Restauration », Revue d’Alsace, 1936, p. 60-77, 185-195, 267-304, 446-460. L’auteur utilise AA-C, anciennement V 47 devenu V 87. Nous avons repris le même dossier et citons l’un ou l’autre document non présenté par l’auteur.
62 . AA-C, V 47.
63 . AA-C, V 180.
64 . Louis Kammerer, Le clergé constitutionnel, p. 74, no439.
65 . AA-C, V 58.
66 . Tous les documents dans AA-C, V 92.
67 . Louis Kammerer, Répertoire, p. 95.
68 . Claude Muller, « Cent cinquante numéros de l’Outre-Forêt. Le paradoxe de la culture et la culture du paradoxe », L’Outre-Forêt, 152, 2010, p. 47-60.
69 . Louis Kammerer, Répertoire, p. 51, no297. Biographie de sa main dans AA-C, V 108, publiée dans Claude Muller, « Deux prêtres constitutionnels dans le Sundgau au début du XIXe siècle », ASHS, 2023, p. 291-306.
70 . Louis Kammerer, Répertoire, p. 43, no246.
71 . Louis Kammerer, Répertoire, p. 50, no290.
72 . Louis Kammerer, Répertoire, p. 52, no303. O.R. Landsmann, « Wissembourg pendant la Révolution », Revue Catholique d’Alsace, 1895, p. 346.
73 . Louis Kammerer, Répertoire, p. 37, no210.
74 . Claude Muller, Les dominicains d’Alsace dans la tourmente révolutionnaire, Langres, Dominique Guéniot éditeur, 1991, p. 48-51 et « La croix et la patrie. François Joseph Colnet, ex-dominicain, sentinelle de l’église constitutionnelle à Sélestat », Annuaire des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, 63, 2013, p. 129-136.
75 . Claude Muller, « Les brumes orientales. Jansénisme, gallicanisme, ultramontanisme et tiers parti en Alsace (XVIIIe-XIXe siècles), in Olivier Andurand et Albane Pialoux (dir.), Les forces de la modération. Ligne politique ou accommodements raisonnés dans les crises politico-religieuses européennes (XVIe-XIXe siècles), Actes du colloque de Paris-Sorbonne (28-29 septembre 2016), Bruxelles, Peter Lang, 2020, p. 347-372.
76 . AA-C, V 64.
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Référence papier
Claude Muller, « « Un département autrichien, l’autre républicain » », Revue d’Alsace, 149 | 2023, 127-152.
Référence électronique
Claude Muller, « « Un département autrichien, l’autre républicain » », Revue d’Alsace [En ligne], 149 | 2023, mis en ligne le 01 mars 2024, consulté le 09 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/alsace/5838 ; DOI : https://doi.org/10.4000/11pjs
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