1. Introduction

1En Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique (FWB), le premier cas positif au Sars-CoV-2, connu sous le nom de Coronavirus, est recensé le 4 février 2020. À l'instar de ce qui a pu être observé dans l'ensemble des autres pays du globe, une prolifération exponentielle du virus a ensuite été observée, amenant le Gouvernement en fonction à annoncer, le 17 mars, un confinement de la population.

2Comme dans de nombreux autres pays, l'une des mesures privilégiées pour minimiser la contamination de la population fut la fermeture des établissements scolaires (Hale et al., 2021). Des données récoltées par l'Unicef (2021) indiquent, en effet, qu'entre mars et mai 2020, près de 150 pays ont décidé de fermer entièrement leurs établissements scolaires alors que seulement une vingtaine ont décidé de les ouvrir partiellement ou totalement. L'Unesco (2020) estime à près de 1,6 milliard le nombre d'apprenants à travers le monde touchés par cette mesure.

3Afin de maintenir une forme d'activité d'enseignement, 90% des systèmes éducatifs ont pris des mesures visant la mise en œuvre de l'enseignement à distance (EAD) via la radio, la télévision et/ou Internet (Unicef, 2021). Cependant, ces données internationales indiquent également que de nombreux pays ne possédaient pas les infrastructures numériques suffisantes pour assurer ce passage à l'EAD. En outre, de profondes inégalités subsistent entre les élèves au sein d'un même système éducatif en matière d'accès et de familiarisation à Internet et aux outils numériques, mais aussi en ce qui concerne la qualité de l'EAD, le soutien parental et l'apprentissage en autonomie (Schnepf & Blasko, 2020 ; OCDE, 2020).

4Dans ce contexte inédit, notre recherche vise à étudier les usages du numérique des enseignants de langues modernes de FWB durant le premier confinement et, partant, la première fermeture des établissements scolaires de tout niveau (du 18 mars au 18 mai 2020). Dans le cadre de la réforme éducative du Pacte pour un enseignement d'excellence, la FWB a mis en place sept consortiums disciplinaires et un consortium transversal composé de chercheurs et didacticiens issus de différentes universités et hautes écoles de Wallonie. Notre questionnaire a été conçu dans ce cadre par deux chercheuses du consortium langues modernes et du consortium transversal numérique.

2. Revue de la littérature

2.1. Les pratiques numériques en Belgique francophone

6Le Baromètre 2018 Éducation et numérique (Digital Wallonia, 2018), qui a interrogé 2066 chefs d'établissements et 2585 enseignants dont près de 90% appartiennent à l'enseignement obligatoire, montre que les niveaux d'équipement dans les établissements scolaires en FWB sont encore très inférieurs à ceux de nos voisins : alors que la FWB possède 13 à 17% de terminaux pour 100 élèves en secondaire, la France en proposait 35,3% en 2016 et la Flandre 56,5% en 2012. Aussi, alors que 9 établissements sur 10 possèdent une connexion Internet, il apparait que moins de 50% des locaux de ces établissements bénéficient de la connexion. Un réseau Wifi est présent dans 75 à 80% des implantations, mais n'est accessible à tous que dans 15 à 17% des cas. Par ailleurs, la moitié des établissements ne disposent pas d'une personne-ressource en charge du numérique d'un point de vue technique. La fonction d'animateur pour les technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement (Tice), qui consiste en un soutien aux usages pédagogiques du numérique par les enseignants, existe, quant à elle, dans 25% des institutions. Enfin, un peu moins de 20% des établissements primaires et 67% des établissements secondaires en FWB possèdent une plateforme scolaire numérique (LMS) ou un environnement numérique de travail (ENT). Les outils installés dans ces établissements sont notamment Claroline, Smartschool, Moodle, Office 365 et Google Classroom.

7Concernant les usages pédagogiques du numérique, une enquête de l'OCDE de 2015 révèle que l'utilisation des Tice par les élèves en Belgique se situe en dessous de la moyenne européenne (Digital Wallonia, 2018). Les usages les plus fréquents mentionnés par les répondants concernent des outils de consommation de contenus par le groupe classe dans son ensemble – les ressources en ligne – alors que les outils de collaboration ou de construction de savoir par chaque élève tels que les plateformes ou les outils collaboratifs sont assez peu cités. L'enquête révèle également que près de la moitié des enseignants n'ont jamais reçu de formation à ces usages et 4% seulement déclarent utiliser un LMS/ENT de manière régulière dans leur classe. Ce manque de formation peut les amener à ressentir un sentiment d'incompétence numérique, que Guichon décrit comme une "perte de face en signalant un manque de maîtrise de la situation pédagogique" (2012, p. 56). Plusieurs recherches mentionnent, par ailleurs, le manque de compétences numériques des élèves et leur besoin d'être formés à la littératie numérique (voir, par exemple, Stockwell & Hubbard, 2013 ; Ollivier, 2018 ; Van de Vyver & Delforge, 2020) afin d'utiliser les outils à des fins pédagogiques.

2.2. Les pratiques numériques et l'apprentissage des langues

2.3. L'intégration des technologies par les enseignants

9Intégrer une nouvelle technologie dans son enseignement demande un processus d'appropriation (Guichon, 2012). Par exemple, le modèle Aspid (Karsenti, 2013) indique cinq phases pour modéliser le processus d'adoption d'une nouvelle technologie et son intégration pédagogique en classe. La première est nommée "Adoption" et correspond à la phase de familiarisation avec l'outil, qui peut être très chronophage pour l'enseignant. Ensuite vient la phase de "Substitution", où la technologie n'apporte rien de nouveau à l'enseignement et se substitue à une méthode plus traditionnelle. Puis, la phase de "Progrès", où les enseignants commencent à utiliser le numérique de manière à apporter une plus-value à leur enseignement. Enfin, vient la phase d'"Innovation", la plus élevée, où l'enseignant utilise la technologie pour enseigner de manière totalement nouvelle. Cependant, une phase de "Détérioration" peut également être présente et empêcher le processus d'adoption de la nouvelle technologie. Dans ce cas, la technologie accentue les lacunes pédagogiques et ne permet pas d'améliorer l'enseignement. Ce modèle est un exemple parmi d'autres comme le modèle TPACK (Koehler & Mishra, 2008) ou le modèle de Raby (2004).

2.4. Typologies des ressources et usages

10Plusieurs essais de typologies ont été réalisés par différents auteurs selon des critères différents. Bibeau (2005) propose une taxonomie des "ressources numériques pour la classe", qui les classe en six catégories :

• les portails, moteurs de recherches et répertoires ;

• les logiciels outils, éditeurs, services de communications et d'échanges ;

• les documents généraux de référence (atlas, dictionnaires, lexiques, etc.) ;

• les banques de données et d'œuvres protégées (images, romans, textes, etc.) ;

• les applications de formation ;

• les applications scolaires et éducatives (outils destinés à des apprentissages en établissement ou à distance).

11D'autres typologies se basent sur les usages. En 2002, Basque et Lundgren-Cayrol ont d'ailleurs réalisé une typologie des typologies des applications des Tice en éducation, classifiant celles-ci en trois catégories. Pour commencer, les typologies se basant sur les usages par rapport à l'acte d'enseignement/apprentissage. Ensuite, les typologies centrées sur l'école, qui rassemblent les usages possibles au sein d'un établissement. Enfin, les typologies centrées sur l'application des Tice en fonction de différentes caractéristiques cognitives d'un apprenant (impulsions à apprendre, capacités étendues ou restructurées par l'usage des Tice, étapes du processus d'apprentissage).

2.5. La fermeture des écoles en temps de Covid-19

12À partir du 16 mars 2020, dans le cadre de la crise sanitaire du Sars-CoV-2, le Gouvernement a décidé de fermer les écoles, de limiter les travaux à domicile des élèves à ceux portant sur de la matière préalablement abordée en classe et de proscrire toute forme d'évaluation sommative. De grandes libertés pédagogiques ont été laissées aux équipes éducatives, qui avaient pour mission de maintenir une forme de continuité dans leur enseignement. Dans 90% des systèmes éducatifs (Unicef, 2021) – dont celui de la FWB – la fermeture des écoles est allée de pair avec un passage à l'enseignement dit en distanciel.

14Par ailleurs, une enquête réalisée en Belgique francophone sur 6015 élèves de l'enseignement secondaire a mesuré le bien-être et la motivation des élèves durant le mois de juin 2020 (Baudoin et al., 2020). Dans leur article, les auteurs se sont plus particulièrement intéressés aux 3009 répondants qui n'ont pas repris les cours en juin. Tout d'abord, ils ont évalué la perception par les élèves de la continuité du travail scolaire et du lien social lors de la fermeture des écoles. Une courte majorité des élèves (54,5%) ont rapporté avoir entretenu des contacts réguliers avec leurs enseignants, tandis qu'ils sont près de 71% à avoir reçu du travail scolaire à réaliser à la maison. Ensuite, ils ont évalué la perception par les élèves du soutien que leurs professeurs leur ont apporté. Si la majorité des élèves saluent la qualité des explications et des consignes reçues, une minorité rapporte que les professeurs s'adaptent à leurs difficultés et/ou s'intéressent à leur vécu. Enfin, les analyses multivariées menées par les auteurs ont montré l'importance des contacts fréquents entre enseignants et élèves sur la motivation et, principalement, l'engagement comportemental de ces derniers.

15Pour faire face aux inégalités d'accès au numérique (Unicef, 2021), de nombreux pays ont massivement investi dans des infrastructures et du matériel numérique à destination des écoles et de leurs élèves. Par exemple, aux États-Unis, des campagnes de distribution de Chromebooks, de tablettes, de routeurs Internet ainsi que des campagnes de remboursement des abonnements Internet à destination des étudiants ont été menées (Dorn et al., 2020). En FWB, 5000 ordinateurs ont été distribués aux familles par le Gouvernement (Jeholet, 2020 ; Norman, 2020). En outre, des associations et initiatives individuelles ont permis le don ou le prêt de matériel informatique aux familles nécessiteuses. Même si ces initiatives doivent être soulignées positivement, le cas américain inquiète. L'étude menée par Dorn et al. (2020) indique que, malgré ces investissements, les inégalités d'accès au numérique entre les familles restent importantes. De plus, comme le souligne le rapport de suivi de l'éducation et de la formation 2020 de la Commission européenne, la crise sanitaire est "susceptible d'accroître la fracture numérique des milieux socio-économiques dans toutes les Communautés", mettant ainsi en avant "le besoin urgent de renforcer l'éducation numérique" en FWB.

16Bien que cela ne soit pas au cœur de la présente étude, il est important de noter que cette fermeture des écoles n'a pas été sans effet sur les élèves : les données issues des tests standardisés de fin d'enseignement primaire en Communauté flamande de Belgique (Maldonado & De Witte, 2020) indiquent une diminution substantielle des scores des élèves en 2020 dans l'ensemble des disciplines évaluées (néerlandais, mathématiques, sciences…) par rapport aux scores des élèves des six cohortes antérieures. Ces résultats inquiétants semblent confirmés par des données américaines (Kuhfeld et al., 2020 ; Santibanez & Guarino, 2021).

3. Méthode

17La présente recherche vise à décrire les usages du numérique déclarés des enseignants de langues modernes de FWB durant le premier confinement lié à la crise sanitaire de la Covid-19 et à recenser leur retour d'expérience pendant cette période. Dans ce contexte, elle a pour objectif d'apporter des réponses à trois questions de recherche.

• QR1. Quels ont été les outils numériques utilisés par les enseignants et leurs usages pédagogiques pendant le confinement et la fermeture des écoles ?

• QR2. Dans quelle mesure l'expérience d'utilisation des technologies des enseignants avant la fermeture des écoles a-t-elle influencé leur utilisation de celles-ci pendant le confinement ?

• QR3. Quel est le ressenti de ces enseignants suite à cette période ?

18À cette fin, cette recherche suit un design transversal (Dachet et al., 2020) visant l'étude des caractéristiques d'une population donnée sur la base de l'administration unique (Debout, 2012) d'un questionnaire à un échantillon issu de cette même population. La population d'intérêt de la présente recherche est constituée de l'ensemble des enseignants de langues modernes de l'enseignement fondamental et secondaire de FWB. Les statistiques du système éducatif (FWB, 2022) nous informent qu'en 2020 le personnel de l'enseignement fondamental et secondaire de FWB était composé de 1159 enseignants de langues modernes dans l'enseignement fondamental, 4814 enseignants de langues modernes dans l'enseignement secondaire inférieur et 4311 enseignants de langues modernes dans l'enseignement secondaire supérieur.

19L'échantillon concerné par notre étude peut être qualifié de spontané (au sens de Martin, 2014, p. 22) dans la mesure où seuls les 331 enseignants de langues modernes (néerlandais, allemand, anglais, espagnol) volontaires ont répondu au questionnaire. Ces derniers travaillent dans des écoles de l'enseignement fondamental, de l'enseignement secondaire inférieur et/ou de l'enseignement secondaire supérieur de la FWB ; 140 d'entre eux ont déclaré utiliser des outils numériques dans le cadre de leur enseignement avant le confinement.

20Le tableau 1 présente les données sociodémographiques, ainsi que le profil numérique des répondants. Par profil numérique, nous entendons la distinction entre les enseignants qui utilisaient déjà le numérique dans leur pratique pédagogique avant le confinement et ceux qui ne le faisaient pas.

21Les données ont été récoltées entre le 4 et le 27 mai 2020 par le biais d'un questionnaire en ligne partagé sur les réseaux sociaux par les auteurs du présent article, mais également via leurs réseaux professionnels (réseaux alumnis, maîtres de stage...) et personnels. Le questionnaire est composé de trois questions ouvertes à réponses longues.

• Q1. Lors du confinement, quel(s) dispositif(s) d'enseignement avez-vous mis en place ?

• Q2. Quel(s) outil(s) avez-vous utilisé (plateforme, site Internet, boîte courriel…) ?

• Q3. Quel est votre ressenti par rapport à cette expérience ?

Tableau 1 – Données sociodémographiques de l'effectif.

		Profil numérique
		Utilisaient	N'utilisaient pas
Réseau(x) 1	Enseignement libre	96	87
	Enseignement officiel	24	77
	Les deux	6	10
	Donnée manquante	14	17
Niveau(x) d'enseignement 2	Primaire	18	63
	Secondaire inférieur	33	37
	Primaire et secondaire inférieur	1	5
	Secondaire supérieur	64	40
	Secondaire inférieur et secondaire supérieur	23	42
	Primaire et secondaire supérieur	0	1
	Primaire, secondaire inférieur et secondaire supérieur	1	3
Langue(s) enseignée(s)	Anglais	31	42
	Néerlandais	35	70
	Allemand	3	1
	Espagnol	1	0
	Anglais et néerlandais	53	60
	Anglais et allemand	7	10
	Anglais et espagnol	6	5
	Néerlandais et allemand	2	1
	Anglais et néerlandais & allemand	0	1
	Données manquantes	2	1
Total		140	191

Notes : (1) Par réseaux (Eurydice, 2022), on entend la distinction en FWB entre l'enseignement organisé par le Gouvernement (enseignement officiel) et l'enseignement organisé par une personne et/ou une organisation physique ou morale (enseignement libre) ; (2) les niveaux d'enseignement mentionnés dans le tableau se réfèrent au système éducatif de la FWB : l'enseignement "primaire" correspond aux années entre le CP et la 6^ème dans le système français, l'enseignement "secondaire Inférieur" correspond aux années entre la 5^ème et la 3^ème et l'enseignement "secondaire supérieur" correspond aux années entre la seconde et la terminale.

22Afin de répondre à la première question de recherche et d'identifier les outils numériques utilisés par les participants au questionnaire, les questions 1 et 2 ont été traitées de manière qualitative, s'inspirant des principes de la théorie ancrée (Glaser & Strauss, 1967) sans pour autant en respecter toutes les caractéristiques. Après avoir listé tous les outils cités par les répondants à notre questionnaire, nous avons effectué une revue de la littérature pour catégoriser les outils et trouver une typologie répondant à notre objectif. Notre critère de catégorisation était la fonction principale de l'outil. Cependant, les typologies mises à jour lors de la revue de la littérature ne nous semblaient pas adaptées à notre objectif car elles étaient trop générales (par exemple, l'enseignement à distance étant considéré comme une catégorie à part entière) ou trop centrée sur les usages. Les catégories ont donc été induites et nous avons identifié dix catégories. Ces catégories contiennent elles-mêmes des sous-catégories, qui permettent de préciser la spécificité de certains outils.

23Par ailleurs, dans leurs réponses aux questions 1 et 2, certains participants (n = 35) ont, en plus des outils, précisé les usages qu'ils en ont fait en classe, en mentionnant des exemples d'activités et de dispositifs pédagogiques. Nous utilisons ici le terme "usage" pour désigner ce que font effectivement les enseignants et/ou les élèves avec le numérique (Fluckiger, 2020). Ces réponses ont fait l'objet d'une analyse thématique (Paillé & Mucchielli, 2012), qui permet de mettre en avant les usages décrits par les participants au questionnaire et de mieux comprendre les activités d'apprentissage qui ont été mises en place.

24Afin d'apporter des réponses à la seconde question de recherche, une analyse quantitative a été menée afin de mesurer la probabilité qu'ont les enseignants de langues modernes de FWB d'avoir utilisé l'une ou l'autre catégorie d'outils numériques lors du confinement en fonction de leur profil numérique (cf. définition supra). Dans ce cadre, les données issues des questions n° 1 et n° 2 ont été recodées en variables dichotomiques. Une liste exhaustive des outils mentionnés par les participants a été réalisée. En fonction des catégories d'outils créées dans le cadre des analyses qualitatives présentées supra, pour chaque participant, l'usage déclaré d'à minima un outil relavant d'une catégorie donnée a été recodé "1" pour l'ensemble de cette catégorie. Parallèlement, pour chaque participant, l'absence de mention d'outils relevant d'une catégorie donnée a été recodée "0" pour l'ensemble de cette catégorie. Deux auteurs de l'article ont opéré ensemble ce recodage ; aucun désaccord n'a été rencontré. Étant donné la nature dichotomique de ces données, des Odds Ratio (OR) (Held, 2010 ; Szumilas, 2010) ont été calculés afin de rendre compte de l'incidence du profil d'usager du numérique (nouveau en 1 ; ancien en 0) sur les catégories d'outils numériques dont l'usage a été déclaré lors du confinement. Un OR supérieur à 1 signifie que la catégorie d'outils numériques ciblée est plus probablement utilisée par les nouveaux usagers que par les anciens usagers. Un OR inférieur à 1 signifie que la catégorie d'outils numériques ciblée est plus probablement utilisée par les anciens usagers que par les nouveaux usagers. Étant donné le caractère spontané de l'échantillon de la présente étude, aucune inférence statistique ne sera réalisée sur base des OR calculés. Ces mesures d'association seront utilisées à des fins descriptives dans le but de présenter les tendances au sein de l'échantillon.

4. Résultats

4.1. Usages pédagogiques du numérique pendant le confinement

26Sur 331 répondants, 305 ont déclaré avoir utilisé le numérique durant le confinement. La catégorie la plus citée est "plateforme" (n = 223). Elle regroupe plusieurs sous-catégories. Pour commencer, la sous-catégorie "plateforme école", contenant les outils mis à disposition par les établissements scolaires (Smartschool, École en ligne, etc.). Ceux-ci proposent des outils intégrés comme le dépôt de document, les courriels, ou les sessions live. Ensuite vient la sous-catégorie "plateformes indépendantes", c'est-à-dire les plateformes Office 365 et Teams. Bien que ces plateformes puissent également être fournies par l'école, les informations recueillies ne permettent pas de l'affirmer. Enfin, la sous-catégorie "plateformes non interactives" comprend des outils et supports de type "création de site web" (Wordpress, blogue…) et vise la communication d'informations et la mise à disposition de contenu avant l'interaction.

27La seconde catégorie la plus mentionnée regroupe les outils d'envoi/réception de courriels (n = 199). La troisième est "création de contenu éducatif" (n = 171), où sont renseignés tous les outils qui permettent aux enseignants de créer leur propre contenu éducatif. Ces contenus peuvent être de différents types, amenant ainsi plusieurs sous-catégories : les outils de création d'exercices (n = 146), qui permettent de créer, copier ou réutiliser du contenu (par exemple, Quizlet, Learning Apps et Classtools) ; les "exerciseurs" (n = 10), qui permettent également de créer des exercices, mais ne proposent pas de contenu, et où il n'est pas possible de copier des exercices existants (par exemple, Bookwidget, Hot potatoes) ; les "outils de création de questionnaires" (n = 47), qui permettent de créer des questionnaires pour ensuite les envoyer aux élèves (par exemple Google forms, Wooclap) ; et les "outils de création vidéo" (n = 21), qui facilitent le montage, la présentation et le partage de vidéos.

28La quatrième catégorie s'intitule "accessibilité des apprentissages" (n = 111) et contient des outils qui ont pour objectif de mettre à disposition, de manière centralisée, des activités d'apprentissage (liens vers des exerciseurs ou des documents pdf). Il s'agit d'outils tels que Padlet, les QR-codes ou Google drive. La cinquième catégorie est "interaction" (n = 88). Elle contient les outils qui ont pour objectif premier d'être en contact et de discuter de manière (a)synchrone (par exemple Messenger, Zoom, Jitsi). La sixième catégorie regroupe les "ressources linguistiques" (n = 74), qui permettent aux élèves d'accéder à des ressources en langue cible (par exemple, vidéos, articles de journaux) ou à des ressources en lien avec les langues (par exemple Youtube, Nedbox).

29Les quatre dernières catégories, moins citées, sont les "réseaux sociaux" (n = 24) incluant Instagram, Facebook et Pinterest, les outils de "présentation" (n = 24) (Prezi, Genially et Sway), les "manuels numériques" (n = 21), c'est-à-dire les plateformes numériques liées aux manuels (Udiddit, Scoodle, Wazzou...) ou les versions numériques de ces derniers, et les "outils de gestion de classe" (n = 9) que sont ClassDojo, Classcraft et Doodle.

30Au travers de leur réponses aux questions 1 et 2 (questions ouvertes), certains participants (n = 35) ont précisé des usages des outils mentionnés, en donnant des exemples d'activités et de dispositifs pédagogiques, ce qui permet de mieux comprendre l'utilisation réelle et les activités mises en place. Deux usages principaux ont été décrits : la communication et la mise à disposition d'exercices.

31Les moyens de communication semblent avoir permis aux enseignants de maintenir le lien avec les élèves, les parents et les collègues (par exemple planification ou réunions). La communication avec les élèves consiste en des clavardages quotidiens, des échanges sur les réseaux sociaux ou encore l'envoi et la réception de tâches scolaires.

32Les enseignants semblent également avoir utilisé différents outils pour communiquer à des fins pédagogiques. La communication synchrone via la visioconférence permet, selon le retour des répondants, de recréer un espace semblable à la classe, où élèves et enseignants échangent dans la langue cible (oral, écrit, explication orale des consignes, démonstration du fonctionnement de l'outil, etc.) pendant le cours. En ce qui concerne les échanges asynchrones, ils ont pu se faire par écrit, en vidéo ou via un clavardage sur différents outils comme les réseaux sociaux ou Teams. Les outils de création vidéo semblent, quant à eux, avoir permis de réaliser, par exemple, des capsules vidéo pour expliquer un point de grammaire, une consigne ou mettre à disposition un tutoriel. L'objectif de la communication asynchrone était principalement de poser le cadre du travail ou de permettre à l'enseignant de donner son retour à l'élève sur son travail.

33L'envoi et la réception de tâches d'apprentissage constituent le deuxième usage décrit par nos 35 répondants. Les enseignants abordent dans leurs réponses différentes activités :

• des activités/exercices de révision ou de remédiation réalisés via différents moyens de communication, plateformes, courriels ou réseaux sociaux ;

• le partage de divers contenus pédagogiques avec les élèves (par exemple pdf des cours, document Word) ou accès à du contenu en ligne (vidéo, ressources, manuels en ligne, exercices, etc.) ;

• des travaux à rendre via les mêmes plateformes, zones de transfert de la plateforme, post sur un réseau social, envoi par courriel (photo du travail, fichier).

34À travers leurs réponses, peu d'enseignants (n = 11) mentionnent les compétences linguistiques travaillées dans le cadre de ces tâches. Les compétences productives sont les plus citées :

• les activités d'expression orale, principalement sans interaction, création de vidéos par les élèves et envoi d'enregistrements vocaux ;

• les activités d'expression écrite.

35Le travail de la compréhension à l'audition semble avoir été réalisé notamment grâce à la mise à disposition de fichiers audio et la remise de tâches de compréhension.

4.2. L'influence des profils numériques sur les pratiques

36Afin de répondre à la seconde question de recherche, nous nous sommes également concentrés sur les 331 réponses à la question n° 2. Le tableau 2 présente les dix catégories d'outils résultant de la première question de recherche au regard du nombre d'enseignants ayant rapporté leur usage, de leur profil numérique (ancien ou nouvel usager du numérique) et du Odds Ratio (OR) calculé sur la base de ces données.

Tableau 2 – Usage des différentes catégories d'outils numériques.

Catégorie	Usager	Profil numérique		Odds Ratio
		N Anciens	N Nouveaux
Plateforme	Oui	112	111	0,487
	Non	27	55
Courriel	Oui	80	119	1,867
	Non	59	47
Outils de création de contenu éducatif	Oui	77	94	0,414
	Non	89	45
Accessibilité des apprentissages	Oui	49	62	1,095
	Non	90	104
Interaction	Oui	40	44	0,893
	Non	99	122
Ressources linguistiques	Oui	36	38	0,849
	Non	103	128
Réseaux sociaux	Oui	10	14	1,188
	Non	129	152
Présentation	Oui	12	12	0,825
	Non	127	154
Manuel numérique	Oui	8	13	1,391
	Non	131	153
Gestion de classe	Oui	7	2	0,230

37Ces OR permettent de dégager une tendance concernant les trois premières catégories d'outils. Au sein de notre échantillon, tant les plateformes que les outils de création de contenu éducatif ont été massivement plus utilisés par les anciens usagers du numérique comparativement aux enseignants découvrant les usages pédagogiques du numérique au travers du premier confinement. Ainsi, lors de cette période, l'utilisation des outils relevant de la catégorie "plateforme" était deux fois plus probable (OR = 0,487) chez les anciens usagers comparativement aux nouveaux usagers. Il en a été de même pour les outils de la catégorie "outils de création de contenu éducatifs" (OR = 0,414).

38A contrario, la tendance inverse est constatée pour les courriels qui ont été beaucoup plus utilisés – près de 1,9 fois plus (OR = 1,867) – par les nouveaux usagers du numérique comparativement aux enseignants qui utilisaient déjà le numérique avant le confinement.

39Aucune différence relative au profil d'usager n'est observée dans l'usage des outils relevant des catégories "accessibilité des apprentissages" (OR = 1,095), "interaction" (OR = 0,893) et "ressources linguistiques" (OR = 0,849).

40Concernant les quatre catégories restantes – "réseaux sociaux", "présentation", "manuel numérique" et "gestion de classe" – leur faible taux d'utilisation par les enseignants, quel que soit leur profil numérique, ne permet pas de formuler une conclusion à propos des OR calculés.

4.3. Le retour d'expérience des enseignants

41L'analyse de la question ouverte concernant le ressenti (Q3) des répondants par rapport à l'expérience d'enseignement pendant le confinement mène à une présentation thématique et qualitative du retour d'expérience de 285 enseignants de langue ayant utilisé le numérique pendant le confinement et ayant répondu à cette question ouverte. Différents éléments du corpus de réponses sont présentés dans cette section afin d'illustrer la synthèse thématique proposée. Ces extraits proviennent de réponses diverses ; ils sont présentés sans référence à leur auteur au vu du type d'analyse réalisé.

42Avant de décrire les six thèmes fréquemment abordés, quelques résultats globaux caractérisent les données. Ainsi, les réponses étaient, pour certains répondants, catégoriques et reflétaient une opinion assez tranchée, alors que d'autres étaient plus nuancées, contenant à la fois des éléments positifs et négatifs. De plus, le ressenti exprimé concernait tantôt la période d'EAD, tantôt l'intégration du numérique lors du retour au présentiel. Au total, 207 éléments de réponse sont classés dans notre analyse comme étant à connotation négative et 175 autres à connotation positive. Le mot le plus souvent cité d'après l'analyse réalisée avec Nvivo est le terme "élève(s)" (n = 199). L'analyse du mot en contexte conduit à dire qu'il ne peut être attaché à une catégorie thématique en particulier, étant souvent le sujet ou l'objet d'une thématique spécifique liée au contexte dans lequel il apparait. L'extrait suivant, qui contient le mot "élève", a, par exemple, été classé dans les catégories "Temps" et "Relations".

Bon [ressenti] Même si ça prend énormément de temps de répondre de manière individuelle à chaque élève.

43Cette fréquence semble toutefois suggérer que l'élève se situe au centre des préoccupations des enseignants interrogés lorsqu'ils abordent leur ressenti. Viennent ensuite "travail" (50 occurrences), "classe" (47 occurrences), "numérique" (42 occurrences), "temps" (39 occurrences), "contact" (38 occurrences), "enseignement" (34 occurrences), "retour" (23 occurrences), et "apprentissage" (26 occurrences), qui ont permis de faire émerger les six catégories thématiques suivantes :

1. les émotions et sentiments (131 éléments) ;

2. l'usage du numérique (177 éléments) ;

3. la distance (34 éléments) ;

4. le temps (77 éléments) ;

5. les relations (136 éléments) ;

6. les tâches scolaires et l'apprentissage (105 éléments).

44Ces catégories sont présentées ci-dessous sous forme d'un résumé qualitatif des idées principales positives et négatives exprimées.

4.3.1. Les émotions et sentiments

45La première catégorie rassemble les sentiments et émotions exprimés par les enseignants suite à leur expérience forcée d'EAD. Parmi ces données se retrouvent une quantité très similaire d'éléments positifs et négatifs. Quelques notions clés découlent de la lecture des éléments négatifs : la fatigue (par exemple, "fatigant", "usant"), la démotivation (par exemple, "décourageant", "démotivant"), l'anxiété (par exemple, "stressant", "peur"), la difficulté (par exemple, "compliqué", "sentiment d'incompétence"), la frustration (par exemple, "frustrant") et la place de l'humain (par exemple, "déshumanisant"). Les répondants expriment leurs préférences (par exemple, "je n'aime pas", "je préfère", "hâte de") et parlent aussi du ressenti négatif de leurs élèves (par exemple, "heurtés", "stressés"). Enfin, le mot "manque" (par exemple, "manque de formation initiale", "le contact avec les élèves me manque") est associé à plusieurs thèmes développés ci-après. Certains enseignants sont surpris, négativement et positivement. D'autres constatent une évolution de leur ressenti.

J'étais fort démunie au départ, puis je me suis sentie plus à l'aise.

46Les données contiennent, d'un autre côté, une série de ressentis positifs dont ressortent les concepts clés suivants : la facilité (par exemple, "facile", "à l'aise"), la motivation (par exemple, "enrichissant", "encourageant"), la satisfaction (par exemple, "beaucoup aimé", "j'ai adoré") et l'intention d'utilisation (par exemple, "envie de", "excitation"). Certains commentaires concernent le ressenti positif des élèves qui "apprécient", "accrochent", "aiment" et soulignent, par exemple, des retours positifs de parents et d'élèves.

J'ai également eu beaucoup de réactions positives et encourageantes de la part des parents et de mes élèves.

47Ces émotions et sentiments se rattachent, pour la plupart, à un objet particulier comme l'usage du numérique ou les relations ; ils informent donc les cinq catégories suivantes.

4.3.2. L'usage du numérique

48L'utilisation du numérique pendant le confinement a été une expérience singulière pour les répondants. Ils s'expriment sur le rôle du numérique dans l'apprentissage, sur les compétences numériques que son utilisation implique autant pour les enseignants que pour les élèves, ainsi que sur les considérations matérielles et les implications pédagogiques liées à son utilisation.

49Le numérique est désigné, par exemple, comme un outil de cohésion entre les différents acteurs de l'école.

Je pense l'outil numérique comme fédérateur dans les équipes de profs mais aussi au sein des classes, des années et d'un point de vue plus large au niveau de l'établissement.

50Du point de vue de l'apprentissage, il est décrit comme un outil "pratique", "interactif", "efficace à distance", qui peut être utilisé à plusieurs fins, comme le mentionne cet extrait.

Le numérique peut être un outil de suivi, de renforcement, de communications [sic], de transmission d'informations/de travaux en cas d'absence de l'élève ou de l'enseignant ou en cas de questions ou de difficultés ou d'envies.

51D'autre part, certains commentaires pointent les difficultés techniques rencontrées sur le terrain (par exemple, connexion trop faible, format de fichier illisible), et mettent en avant la fracture numérique et les inégalités des élèves face à l'apprentissage à distance comme l'illustre cette réponse.

Le souci reste la fracture numérique et certains n'ont pas accès à un ordinateur ni à une bonne connexion internet, ce qui les met en marge de la classe.

52En ce qui concerne une utilisation future, il semble, pour les répondants, que le numérique ne puisse remplacer ni le professeur, ni une présence physique lors d'un enseignement en classe. Le numérique est vu comme un outil complémentaire à utiliser avec parcimonie.

53L'exploitation de ces outils implique aussi une compétence numérique pour les enseignants et pour les élèves. Certains retours mettent en lumière la difficulté d'organiser des activités orales, d'utiliser les outils de visioconférence, de motiver les élèves de manière virtuelle, tous ces outils étant nouveaux pour les enseignants comme pour les élèves, comme l'illustrent ces commentaires.

[1] difficile de se lancer dans l'oral, la visio [sic], l'interaction audiovisuelle
[2] difficile pour organiser l'entraînement de l'expression orale

54Beaucoup de retours d'expérience concernent d'ailleurs la formation au numérique. Plusieurs enseignants disent avoir eu besoin d'une formation rapide et intensive, ce qui a amené du stress.

Fatiguée d'être devant un écran pour chercher des outils et les comprendre

55Toutefois, d'autres déclarent avoir vécu une expérience riche et avoir découvert de nombreux logiciels et de nouvelles façons d'enseigner et d'apprendre comme en témoignent ces deux commentaires.

[1] Le professeur devient coach et non plus examinateur.
[2] Découverte de nouvelles formes d'enseignement à distance très pratiques et faciles.

56Certains estiment avoir bénéficié de beaucoup de formations sur le tas, organisées par des formateurs spécialisés ou des collègues. D'autres regrettent le manque de formation et le manque d'un référent numérique à leur disposition. Au moment de remplir le questionnaire, certains déclarent maîtriser les outils, alors que d'autres ressentent un sentiment d'incompétence. En parallèle, plusieurs enseignants signalent un manque de compétences numériques des élèves. Lors de la période d'EAD, les élèves ont rencontré, selon les enseignants interrogés, certains problèmes, dont la navigation sur la plateforme scolaire, l'ouverture ou l'envoi d'une pièce jointe, ou la modification du format d'un fichier. Les enseignants appellent, dès lors, à une formation des élèves aux compétences numériques et certains prévoient de les former eux-mêmes dès la rentrée scolaire.

57La sollicitation des compétences numériques va de pair avec l'équipement et la connexion dans l'institution scolaire.

Je pense que les écoles qui disposent de plateformes numériques ont pu faire preuve d'une bonne gestion rapidement car ces plateformes permettent la coordination rapide de tous les acteurs (direction, profs, élèves, parents).

58Comme l'illustre le ressenti de cet enseignant, certaines écoles équipées d'une plateforme scolaire ont pu s'adapter plus facilement aux modalités de l'EAD grâce à une coordination rapide des différents acteurs de l'école. D'autres commentaires soulignent, à l'opposé, un manque de réactivité des écoles dans lesquelles le numérique n'était pas encore présent. Ces aspects matériels sont mentionnés à plusieurs reprises et semblent constituer une condition à l'intégration du numérique dans l'enseignement en présentiel pour les répondants. À domicile, la question de l'équipement se pose également et peut amener à une non-intégration des outils numériques par les enseignants dans le cadre des devoirs.

59Enfin, les données mettent en lumière que l'utilisation du numérique implique beaucoup de travail de préparation, d'adaptation et de correction comme en témoignent ces deux répondants.

[1] Je suis bien équipée (iPad et Apple pen) mais les corrections et les feedbacks sont très chronophages.
[2] Gros travail d'adaptation de mes cours pour que les élèves puissent se l'approprier en autonomie.

60D'autres estiment que cela a permis d'être "créatif autrement" et plusieurs semblent avoir pu exploiter certaines fonctionnalités du numérique à leur avantage (par exemple, poster des synthèses, ludifier des activités). Les enseignants mentionnent également la richesse des ressources numériques et leur diversité, perçue comme intéressante par les uns et comme stressante par les autres.

4.3.3. La distance

61Les réponses reprises dans cette catégorie concernent l'EAD plutôt que l'utilisation des outils numériques de manière plus générale. Certaines indiquent, comme l'illustrent les extraits suivants, que les élèves veulent retourner en classe et que l'EAD ne remplace pas l'enseignement en présentiel, qui correspond à la vision du métier par les enseignants et implique des contacts et des interactions.

[1] Les élèves eux-mêmes me disent vouloir revenir en classe pour les interactions avec le professeur (et revoir leurs amis bien sûr).
[2] C'est "violent" de devoir arrêter son métier du jour au lendemain, de ne plus voir ses élèves, de ne plus voir ses collègues.

62Ensuite, certains enseignants mentionnent une série de freins à l'enseignement dans un environnement à distance pour l'activité pédagogique : difficultés pour donner des explications, pour travailler l'oral et les interactions, pas de visualisation des élèves et impossibilité de vérifier leur compréhension. D'un autre côté, plusieurs considèrent cette forme d'enseignement comme étant pratique et facile, provoquant moins de distractions. Si certains regrettent que la motivation des élèves à distance soit similaire à la motivation en classe, d'autres remarquent plus de motivation et d'implication de la part des élèves, comme cette enseignante qui exprime son étonnement.

Je suis étonnée car beaucoup d'élèves sont motivés à travailler, plus qu'en classe, et demandent même ce qu'il se passe s'ils ne voient pas le travail arriver.

63Enfin, certains constatent même des bénéfices pédagogiques liés à l'EAD, comme le fait que les élèves puissent travailler à leur rythme ou que certains osent poser des questions à distance sur la matière.

4.3.4. Le temps

64La notion de temps est récurrente dans les commentaires. Une série d'enseignants mentionnent un manque de temps pour la formation, le besoin d'adaptation aux modalités distancielles, les corrections supplémentaires d'exercices habituellement corrigés en classe, et la communication asynchrone avec les élèves (par exemple, réponses à des questions en soirée). Cette charge de travail supplémentaire et inhabituelle est considérée comme "difficile à vivre" ou "usante". Certains mettent en avant la difficulté pour eux de garder un équilibre entre leur vie personnelle, les cours et l'utilisation du numérique, comme en témoigne ce commentaire.

Difficile de "stopper" [sic] : les élèves envoient des travaux à n'importe quelle heure (jusqu'à 23:30, voire 2h00 du matin), n'importe quand (le dimanche matin) et s'attendent à une réponse immédiate.

65Cette charge de temps supplémentaire est considérée de manière négative par une partie des enseignants, notamment en raison des retours peu nombreux des élèves et les résultats décevants en comparaison avec les efforts fournis pour mettre en place les dispositifs à distance. D'autres ont cependant vu le confinement comme un temps bénéfique qui leur a permis, voire les a forcés, à tester de nouveaux outils, à se former au numérique et à créer des activités qu'ils pourront réutiliser dans le futur. Certains considèrent avoir eu le temps de répondre individuellement à leurs élèves et sont satisfaits de la flexibilité de leur horaire, offerte par la situation. Enfin, plusieurs commentaires indiquent que les élèves ont bénéficié de plus de temps pour les apprentissages et qu'ils ont pu travailler à leur rythme.

4.3.5. Les relations

66Les commentaires concernant l'aspect relationnel du métier d'enseignant sont nombreux. Certains expliquent que leur métier inclut des rencontres avec les jeunes, des contacts en présence, des interactions et des rires. Ces relations font, pour eux, partie intégrante du métier et la période de confinement a modifié ces aspects. Si certains voient cette période comme "une expérience enrichissante qui nous rapproche", d'autres citent le manque de contact humain, comme illustré dans ce commentaire.

Au niveau de l'humain c'est assez pénible car je préfère donner cours en classe en face à face avec les élèves pour les maintenir motivé [sic].

67Selon certains commentaires, la présence en classe permet non seulement des interactions, mais aussi le suivi des élèves et le contrôle de leur implication. Ici encore, on observe deux points de vue très distincts. Certains enseignants considèrent que les technologies ont permis de maintenir le contact voire même parfois de l'améliorer : le numérique serait considéré comme un outil de communication ou de suivi et plusieurs commentaires soulignent les retours très positifs des élèves et des parents. Par exemple, dans l'extrait suivant, les productions vidéo ont permis de maintenir un contact avec la classe.

C'est très chouette pour les élèves pour garder un contact avec la langue. Chaque vidéo reçue est un plaisir d'avoir des nouvelles.

68Certains disent être surpris par des élèves effacés, en difficulté, qui sont devenus actifs, ont osé poser des questions et soulever des problèmes rencontrés. Pour beaucoup d'autres enseignants, toutefois, le maintien de cette relation a été très difficile avec notamment peu de retours et de participation de la part des élèves ou une tendance des parents à intervenir et à complexifier la communication comme le montrent ces commentaires.

[1] Il est un peu difficile d'amener tous les élèves à participer et de surveiller leur implication, d'autant que je n'ai pas de grands retours de leur part.
[2] Le filtrage des information [sic] passe trop par les parents du coup on a l'impression que c'est toujours le prof avec 2 parents et l'élève... un peu beaucoup de monde.

4.3.6. Les tâches scolaires et l'apprentissage

69Les réponses des participants à la question du ressenti montrent, comme l'avaient illustré les catégories d'outils et leurs usages, une grande variété d'activités pédagogiques réalisées : cours et exercices en ligne ou hors ligne, visioconférence, productions corrigées par les enseignants, et activités variées, originales, et ludiques. Même si certains déplorent le manque de pratique orale dans ce contexte, les retours d'expérience citent la réalisation de productions vidéo par les élèves et des activités d'écoute qui auraient permis de garder un contact avec la langue et l'oralité. Certains regrettent de ne pas avoir pu continuer les apprentissages, d'autres estiment que la situation et la technologie ont été d'une grande aide pour des tâches de remédiation-consolidation-dépassement ou pour des apprentissages plus transversaux, comme l'illustre l'extrait suivant.

Le numérique peut être un facilitateur pour rendre les élèves plus autonome [sic] et responsable [sic] face à leur apprentissage tout en les motivant d'avantage [sic] à s'engager.

70Toutefois, certains ressentent des difficultés à vérifier que les élèves ont compris et qu'ils s'impliquent à la maison. Selon eux, le feedback à distance est parfois mal compris et les corrections sont longues pour peu de résultats. D'autres, toutefois, apprécient le suivi individuel et les retours personnalisés qu'ils peuvent offrir aux élèves. Enfin, si une partie des enseignants estiment que les élèves apprennent peu, d'autres déclarent par exemple ceci.

[1] On a beaucoup appris, les professeurs, comme les élèves.
[2] J'ai appris énormément de choses et envisage d'autres manières d'enseigner.

5. Discussion

71La période de confinement et d'EAD a poussé très rapidement les enseignants à utiliser l'outil numérique pour enseigner. Les données recueillies lors de cette enquête nous donnent à la fois un aperçu des usages du numérique à des fins pédagogiques dans le cadre de l'EAD et une opinion des enseignants de langues quant à cette expérience. Cependant, il est important de tenir compte de l'impact qu'a pu avoir le contexte de la pandémie et le passage forcé à distance sur les réponses obtenues. Tout d'abord, la période de confinement de 2020 en Belgique, dans le cadre de la crise sanitaire, a eu un impact sur la détresse psychologique de la population (Banse et al., 2020), ce qui peut avoir influencé le ressenti des enseignants et leur expérience avec les élèves. En outre, le passage à l'EAD s'est déroulé dans l'urgence et certains ont manqué de repères méthodologiques et techniques pour mener cet enseignement à bien (Croze, 2021). En effet, il est à noter que 40% des enseignants interrogés n'utilisaient pas le numérique avant cette période de confinement. Il n'est pas possible de généraliser les résultats de cette enquête à d'autres expériences d'EAD, qui affichent une temporalité bien plus longue et une approche différente de ce passage massif et immédiat au distanciel (Villiot-Leclercq, 2020).

72L'analyse du questionnaire nous montre que les usages pédagogiques du numérique ont été nombreux et variés durant la période étudiée. Alors que l'utilisation du numérique, selon plusieurs études antérieures à la crise sanitaire, servait surtout à enrichir l'enseignement en présentiel (Cavilam, 2018 ; Caws et al., 2020), les enseignants ont utilisé différents types d'outils qui ont permis la communication dans le cadre de l'EAD, comme les plateformes et les services de messagerie. Ces outils ont également été utilisés à des fins pédagogiques, comme le partage de ressources ou l'accès à des exercices en ligne conçus ou non par l'enseignant. En outre, certains ont utilisé les outils numériques afin d'amener les élèves à créer du contenu numérique (vidéo, audio, etc.). On constate donc, dans la lignée de certaines recherches antérieures à la crise (Digital Wallonia, 2018 ; Cavilam, 2018), un usage du numérique fréquemment ciblé sur l'accès aux apprentissages, le stockage de données et la distribution de contenu aux élèves en tant que groupe. Toutefois, il semble que la situation d'EAD ait permis l'apparition d'autres usages, qui permettent d'enrichir l'enseignement : la création multimédia par les élèves, l'utilisation de supports authentiques en langue cible, la mise à disposition d'exercices avec rétroactions automatiques, le suivi individualisé par l'enseignant, etc. Notons tout de même que le profil numérique des enseignants avant le confinement a eu des impacts parfois importants sur les catégories d'outils numériques qu'ils ont sollicitées lors de l'EAD. Les enseignants plus expérimentés en matière d'usage pédagogique du numérique ont eu plus tendance à utiliser des outils numériques relevant des catégories "plateformes" et "création de contenu éducatif" alors que les enseignants novices ont eu plus tendance à utiliser les courriels.

73Quant à l'enseignement des langues modernes à distance, il se traduit par des activités variées concernant les différentes compétences. Deux éléments semblent toutefois saillants dans les résultats : la pratique de l'oral et les pratiques de rétroaction. Certains déclarent avoir pratiqué la compétence orale avec aisance à distance grâce aux outils de visioconférence pour la communication synchrone et via des plateformes ou services de messagerie pour la communication asynchrone. Les enregistrements audio et vidéo qui y sont postés permettent majoritairement la pratique de l'expression orale sans interaction et semblent constituer un usage numérique innovant qui s'est particulièrement développé pendant cette période particulière. D'autres répondants estiment, cependant, cet enseignement de l'oral difficile à distance, notamment en modalité synchrone, ce qui corrobore les recherches de Guichon et Tellier (cités dans Croze, 2021) et de Abou Haidar (2021). Enseigner l'oral en ligne implique l'acquisition d'un ensemble de compétences spécifiques liées au mode d'interaction en ligne, aux affordances de l'outil utilisé et à la construction d'une présence dans un contexte à distance. Certains enseignants semblent avoir sollicité ces compétences qui favorisent les interactions sociales et la communication parmi les apprenants (Caws et al., 2020) et créent finalement un espace similaire à celui de la classe.

74Par ailleurs, les enseignants ont mentionné un nombre élevé de rétroactions fournies aux élèves suite à leurs travaux qui prennent deux formes principales. Les rétroactions du premier type sont fournies automatiquement par l'outil numérique suite à la création d'exercices en ligne intégrant cette option. En outre, certains enseignants ont proposé un suivi individualisé des productions écrites des élèves et de leur parcours. Ce deuxième type concerne donc des rétroactions manuelles effectuées par l'enseignant sur des supports numériques variés comme le courriel ou l'annotation sur un document numérisé. Néanmoins, il est à noter que l'utilisation d'un outil ou d'une fonctionnalité numérique spécifique pour faciliter la rétroaction à distance a été peu mentionnée dans les données récoltées (par exemple, fonction "commentaire" dans un document Word). Ce suivi des élèves a été vécu par certains comme une opportunité de différenciation liée à la situation, pour d'autres comme un investissement en temps face à de trop peu nombreux retours de la part des élèves.

75Cette dichotomie reflète assez bien le ressenti général de nos répondants. La période de confinement et le passage rapide à distance ont été perçus par certains comme une opportunité, alors que d'autres se sont dits démunis face à la situation. À l'instar des conclusions de l'étude menée par Croze (2021), certains enseignants interrogés restent attachés à un enseignement interactif en présence physique. Néanmoins, les outils numériques semblent souvent avoir permis, à minima, de maintenir le contact entre les enseignants et les élèves ; pour reprendre la formule de Jézégou (2010), de créer de la présence à distance. Il ressort également que l'un des problèmes majeurs rencontrés par les enseignants interrogés fut de choisir l'outil répondant à leurs propres besoins, dont la présence à travers l'écran.

76Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces ressentis contrastés. Pour commencer, tous les enseignants n'avaient pas les mêmes outils à disposition, puisque tous n'étaient pas équipés avant la crise (Digital Wallonia, 2018). Les enseignants pour qui les plateformes numériques étaient nouvelles ont dû découvrir l'outil et se l'approprier avant de pouvoir l'utiliser alors que d'autres le connaissaient. D'ailleurs, les données descriptives récoltées attestent d'un lien important entre le profil numérique des enseignants et leur probabilité d'avoir utilisé cette catégorie d'outils dans le cadre du confinement.

77Puis, tous les enseignants n'avaient pas la même expérience personnelle des technologies et les mêmes compétences pour les utiliser. Certains enseignants étaient d'anciens utilisateurs du numérique, peut-être même des outils utilisés durant le confinement, et avaient donc déjà des pratiques habituelles avec certains outils. D'autres n'avaient jamais utilisé d'outils numériques pour enseigner et le passage à distance a donc nécessité qu'ils passent par la phase "Adoption" du modèle Aspid (Karsenti, 2013) pour intégrer l'outil en question. Cette phase peut être très chronophage, ce qui ressort de l'analyse de la catégorie "Temps". L'analyse globale du ressenti nous apprend que certains ont pu voir en l'adoption de la technologie une plus-value (par exemple, aide pour le suivi, apprentissage de nouvelles façons d'enseigner) et ont donc, selon le modèle Aspid, pu continuer le processus d'intégration de la technologie. L'analyse indique toutefois que certains enseignants sont rentrés dans la phase de détérioration, qui empêche une exploitation de la plus-value de l'outil.

78Par ailleurs, les enseignants se trouvaient face à des publics qui bénéficiaient d'un accompagnement et d'un équipement à domicile très différents. En effet, les inégalités d'accès au numérique entre les familles sont importantes (Dorn et al., 2020) et la fracture numérique peut être augmentée par le confinement (Commission européenne, 2020). Si les enseignants interrogés constatent autant de bienfaits que d'effets délétères du numérique, ils mettent surtout en exergue le besoin de formation et d'accompagnement des élèves à l'usage des outils numériques et le nécessaire développement des compétences que ces outils exigent. Alors que ce besoin était déjà identifié avant la crise sanitaire (Van de Vyver & Delforge, 2020), cette dernière semble l'avoir exacerbé auprès de la majorité des enseignants dans le cadre de la généralisation de l'EAD lors de la fermeture des écoles (Cerisier, 2021).

79Le passage à distance de l'enseignement demandant aux enseignants et aux élèves de nouvelles compétences qu'il faut développer, certains enseignants autodidactes ont pu se former par eux-mêmes. Pour d'autres, il a été nécessaire de faire appel à une aide externe. L'analyse du ressenti souligne l'importance et le besoin de formation spécifique des enseignants aux TIC (Guichon & Tellier, 2017), à l'instar de l'enquête réalisée en cette même période par le British Council (2020). Un manque de formation peut amener un sentiment d'incompétence numérique chez les enseignants. Nos résultats rappellent le lien robuste qui existe entre la formation et la capacité des enseignants à intégrer pédagogiquement les Tice dans le cadre de leurs pratiques (Guichon, 2012 ; Caws et al., 2020 ; OCDE, 2020). En ce qui concerne les élèves, ces résultats indiquent que le besoin identifié d'une formation au (et par le) numérique ne peut être comblé que par, au préalable, la formation des enseignants eux-mêmes. En pratique, tous n'ont pas eu accès à une personne ressource au sein des établissements scolaires comme indiqué dans le baromètre Digital Wallonia (2018). Cela signifie que les enseignants n'ont pas pu bénéficier d'une même aide lors de la période de pandémie, ce qui a pu faciliter ou non leur adaptation à la situation distancielle.

6. Conclusion

80La présente étude met en exergue une gamme très variée de ressentis des enseignants ayant participé à notre questionnaire concernant l'utilisation du numérique dans le cadre de l'enseignement en distanciel lors du premier confinement. Cet ensemble éclectique de ressentis s'accorde toutefois sur le rôle joué par les outils numériques dans ce contexte particulier. En effet, ils semblent avoir permis, à minima, de maintenir un contact entre l'enseignant et ses élèves. Ce contact est important tant pour les élèves que pour les enseignants, qui ont choisi un métier au sein duquel l'interaction revêt un caractère prépondérant (Croze, 2021), particulièrement dans le cadre du cours de langue où l'interaction en langue cible est une compétence à part entière.

81Alors que le besoin de formation au numérique des élèves et des enseignants a souvent été souligné dans les recherches en éducation, ce contexte inédit semble avoir accentué ce besoin. D'une part, le temps consacré à un enseignement en distanciel a contribué à l'identification des lacunes en ce qui concerne les compétences numériques. D'autre part, cette parenthèse dans l'enseignement en présentiel a rendu possible l'expérimentation de nombreux outils numériques qui peuvent être intégrés à l'enseignement quotidien. Au-delà du besoin de formation, il ressort pourtant également des données récoltées que l'intégration du numérique dans l'enseignement en FWB ne pourra se faire qu'au prix d'un investissement institutionnel dans de l'équipement adapté, tant pour les enseignants que pour leurs élèves.

82Les enseignants interrogés ont aussi relaté les difficultés vécues dans la sélection des outils numériques à utiliser, tant le paysage numérique actuel est vaste et diversifié concernant les outils à vocation pédagogique ou utilisables à des fins éducatives. Un travail de sélection et de diffusion à la fois d'outils numériques et de dispositifs les intégrant et/ou visant leur appropriation semble, par conséquent, nécessaire. En FWB, les travaux des consortiums, publiés sur le site web e-Classe, vont dans ce sens. En outre, la plateforme scolaire Happi a été développée à destination des enseignants du système éducatif afin de faciliter et de favoriser l'enseignement hybride.

83Cette période, espérons-le exceptionnelle, si elle a mené à des pratiques très hétérogènes, a démontré la capacité d'une communauté de professionnels à faire face à un changement d'envergure et à se mobiliser afin de permettre, dans un contexte de crise, d'accomplir sa mission.

84L'originalité de la présente étude est le regard porté sur les pratiques numériques des enseignants dans un contexte de basculement vers un enseignement massif en distanciel. Nos données mériteraient d'être éclairées par des données récoltées auprès des élèves afin d'appréhender leur ressenti personnel quant à ces pratiques. Il serait également intéressant d'interroger les pratiques d'après-crise comme le proposent Duroisin et al. (2020) dans notre contexte afin d'examiner les degrés d'appropriation des catégories d'outils recensées dans notre étude.