1. Introduction et contexte académique

1La période qui sépare l’émergence du web 2.0 et le début des années 2020 semble marquée du sceau d’un paradoxe. Pendant longtemps, les appareils mobiles, smartphones et tablettes sont apparus omniprésents tout en demeurant pourtant très peu utilisés dans l’enseignement-apprentissage. La crise sanitaire semble avoir joué un rôle d’accélérateur dans le développement technoéducatif. De fait, l’enseignement post-Covid se profile aux Émirats arabes unis sous une forme recomposée : les étudiants sont revenus en classe, mais le virus de la technologie a contaminé les approches de nombreux enseignants. Le début de la décennie 2020 a été virevoltant : après le passage à un enseignement entièrement en ligne, puis une période de transition entre dispositifs hybrides et comodaux, le retour en classe n’est pas un retour à la normale. Le présentiel est plus que jamais numérique, les modalités d’enseignement fluides : ainsi aux Émirats, le recours à l’enseignement en ligne est-il devenu une solution ordinaire régulièrement choisie par les autorités en cas d’intempéries ou pour faciliter la mobilité la veille de certains congés. L’intégration des technologies et des ressources numériques dans l’enseignement est ainsi devenue la « nouvelle norme » (Kohnke, 2023).

3Il y a d’abord le défi d’apprendre une langue étrangère de manière intensive en un temps très limité. La plupart des étudiants rejoignent le programme sans avoir aucune connaissance de la langue française. Avec un programme de 22 heures de cours hebdomadaires et une charge de travail personnel importante, l’autonomie des apprenants est mise à l’épreuve, surtout lorsqu’ils manquent de méthodologie et ne connaissent pas les stratégies d’apprentissage essentielles à leur succès. La quantité considérable d’efforts et l’approche méthodique et systématique exigée peuvent progressivement entraîner une baisse de motivation. En effet, le pourcentage d’évaporation des étudiants observé au sein du programme de fondation en français est révélateur. En 2021-2022, l’année précédant la mise en place du Spoc (Small private online course), c’est-à-dire un cours en ligne destiné à un groupe restreint, sur 213 inscrits, 25 ont abandonné au cours du premier semestre (11,74%). En comparaison, lors du premier semestre 2023-2024, seulement 11 sur 285 ont quitté le programme (3,86%).

4Pour les étudiants non francophones, la transition entre le lycée et SUAD est aussi celle d’un système national à un autre, quand bien même ces établissements sont émiriens de droits. Or l’écart entre les cultures éducatives est évident : les types de tâches entre les systèmes varient fortement, exigeant des sauts cognitifs importants.

2. Problématique et hypothèses de recherche

5Pour mieux accompagner les étudiants dans ces transitions multiples, l’idée de la création d’un Spoc a émergé avec l’objectif de faciliter leur intégration en proposant l’acquisition de connaissances linguistiques et culturelles de base pour alléger la charge de travail des premières semaines du programme. À l’intersection de quelques-uns des défis inhérents au programme de fondation, la mise en place du Spoc se présente comme une réponse pour :

• maximiser le temps disponible sur un calendrier académique non extensible en faisant débuter l’apprentissage avant la rentrée universitaire ;

• • 2 S’ils sont encouragés à suivre le SPOC, les futurs étudiants ne peuvent néanmoins pas y être contra (...)

  inciter le plus grand nombre à suivre le Spoc au cours des dernières semaines de congés scolaires2 ;

• s’assurer enfin de leur bonne intégration malgré la difficulté que représente l’obtention du DU de FLE en un temps aussi limité.

6Une version pilote du Spoc a été mise en place avant la rentrée de 2022 puis une seconde améliorée avant celle de 2023. Arrivés au terme de cette phase exploratoire, avec une première cohorte d’apprenants ayant bénéficié d’un programme d’autoformation en ligne complet, nous avons voulu vérifier à travers une enquête les hypothèses suivantes :

• la mise en place d’un parcours d’autoformation tutoré dans la période de prérentrée, en jetant de premières bases linguistiques et culturelles, facilite les transitions multiples auxquelles sont confrontés les étudiants ;

• la flexibilité du dispositif, qui laisse aux étudiants la liberté de progresser à leur propre rythme et de gérer leur apprentissage peut renforcer leur autonomie et les encourager à développer des stratégies d’organisation ;

• parce qu’il se destine à un nombre limité d’apprenants, le Spoc permet des interactions plus riches et plus personnalisées avec les enseignants et entre pairs. Il est apte à susciter le sentiment d’appartenance à une communauté d’apprenants, à renforcer la motivation et l’engagement.

7Nous évoquerons d’abord le cadre théorique dans lequel s’est inscrite la création du Spoc avant d’aborder les objectifs assignés au dispositif et les étapes de son implémentation. Enfin, nous procéderons à son évaluation par l’analyse des résultats de l’enquête quantitative menée au sein du Département.

3. Cadre théorique

3.1. Les technologies numériques, espace et outil d’apprentissage

8La technophilie de cette génération, la première à ne pas avoir connu le monde sans Internet, désigne les écrans comme un outil sinon un moteur pour l’apprentissage (Li, 2017). Puisque ces apprenants utilisent massivement ces appareils, pourquoi en effet ne pas s’en emparer pour y introduire de nouvelles pratiques d’apprentissage ? Cette adaptation peut sembler d’autant plus nécessaire quand ces mêmes technologies, en instaurant un nouveau rapport à la connaissance, ont remis en cause le modèle de la classe traditionnelle, confronté aux bavardages et à l’ennui. Cette « génération distraite » (Mongin & al., 2018) dont le temps de concentration disponible se réduit à mesure que s’allonge celui passé devant les écrans n’en demeure pas moins immergée dans un monde de réseaux. Avec l’écran comme boussole au bout des doigts, elle vit dans un état de connexion généralisée. L’utilisation naturelle des technologies numériques par les jeunes semble avoir institué des coordonnées spatio-temporelles inédites. Nos apprenants sont des vifs-argents : mobiles sur le plan de l’espace, leur rapport au temps se fixe dans l’instantanéité. Ces coordonnées nouvelles déterminent une relation au champ du savoir bouleversée.

9Bien qu’elles soient avant tout des technologies de l’information et de la communication, les technologies numériques se sont imposées à la fois comme outils et espaces d’apprentissage. Le volume complémentaire du Cadre européen commun de référence pour les langues (Conseil de l’Europe, 2020) reconnaît désormais les activités multimodales réalisées dans ces environnements numériques et propose des descripteurs pour la compétence d’ « interaction en ligne ». Dans leur énoncé des objectifs de l’éducation à la citoyenneté numérique, Ollivier et Jeanneau (2023) insistent sur l’importance du développement de la littératie de l’interaction. Celle-ci comprend la communication médiatisée par les technologies, la collaboration et la participation numérique des apprenants de langue. Les auteurs mettent l’accent sur la co-construction des savoirs avec le numérique, l’engagement en ligne ainsi que la capacité à contribuer à des communautés numériques. Des espaces collaboratifs comme les wikis ou des ressources comme les tutoriels partagés sur les plateformes vidéo montrent que le numérique est ancré dans les pratiques d’autoformation informelle et d’autodidaxie (Nagels & al., 2016). L’inclination de cette génération pour les technologies ne les désigne pas seulement comme un outil apte à enrichir l’expérience d’apprentissage formelle. Ces jeunes apprenants s’attendent désormais à devoir utiliser du matériel et des technologies informatiques à leur entrée dans l’enseignement supérieur (Keane et al., 2023).

10Avec les systèmes de gestion de l’apprentissage (Learning Management System ou LMS), les universités ont inscrit l’enseignement dans les dimensions sociales et collaboratives du web 2.0, offrant des possibilités d’échanges et de partage. D’autres formes d’enseignement hors les murs ont émergé avec les Massive Open Online Courses (Mooc), c’est-à-dire des cours en ligne ouverts et massifs, et plus récemment les Small private online courses (Spoc) illustrant la diversité des dispositifs d’enseignement-apprentissage qui ont prospéré avec l’essor du web social.

3.2. La théorie connectiviste et la construction de communautés d’apprenants numériques

13La théorie connectiviste questionne par conséquent la posture de l’enseignant et son influence dans la distribution et la régulation des savoirs. Selon cette approche, son rôle consiste à agir en tant que facilitateur des collaborations entre pairs et à créer un environnement propice aux interactions permettant les connexions en réseau. Basée sur la distribution de la connaissance en réseau, cette approche encourage les étudiants à partager leurs projets, à interagir avec leurs pairs et à évaluer leur travail grâce aux communautés virtuelles capables de fournir des commentaires et une rétroaction instantanée (Looi et al., 2013). Les liens qui se tissent au sein des forums de discussion constituent des espaces propices à la construction de savoirs collectifs amorcés par les dynamiques collaboratives. « On estime, en effet, que l’action des personnes est largement déterminée par l’interaction avec et dans ces communautés » (Ollivier & Jeanneau, 2023, p. 19).

3.3. L’approche du microlearning

15Le microlearning permet une acquisition rapide des connaissances selon une progression granularisée (Eibl, 2007) et jalonnée de petites étapes facilement assimilables. Le contenu enseigné est comparé dans la littérature scientifique à un « grain » (Burguete, 2021) ou à un « nugget » (Jahnke et al., 2020) et il est appréhendé comme un snack. Chaque grain ou nugget doit se concentrer sur une seule idée, un point de grammaire par exemple (Burguete, ibid.). Apprendre, c’est grignoter. Le microlearning s’attache à éviter le risque de surcharge cognitive (Epp & Phirangee, 2019 ; Nikou, 2019), mais aussi à encourager la motivation et l’engagement des apprenants (Shamir-Inbal & Blau, 2022).

3.4. Le Spoc comme modalité pédagogique

16Les Spoc sont en général définis par rapport aux Mooc dont ils sont une émanation. Dans la mesure où ils en sont en quelque sorte une forme dérivée, il convient de revenir à une définition générique de ces derniers. Le Mooc est un dispositif de formation ouverte, massive, c’est-à-dire destiné à de grands groupes d’apprenants, et à distance. Résultat de la démocratisation du savoir et de la pléthore d’offre de formations (Bruillard, 2014), les Mooc donnent libre accès à une multitude d’outils, de ressources numériques, de contenus pédagogiques ainsi que d’outils d’interaction et de collaboration en mode synchrone et asynchrone. Un aspect essentiel de ce dispositif en ligne réside dans sa flexibilité temporelle, offrant aux participants la possibilité de suivre la formation à leur propre rythme.

17Contrairement aux Mooc qui sont ouverts à un large public, les Spoc sont destinés à des groupes spécifiques et limités d’apprenants (Fox, 2013). L’accès aux Spoc est ainsi réservé à des participants disposant de codes d’accès nominatifs. Il offre un enseignement tutoré en ligne (David, 2015) et permet la personnalisation de l’expérience d’apprentissage. Le nombre limité d’effectifs constitue en effet un élément fondamental des Spoc favorisant une individuation approfondie et un suivi personnalisé des participants. Pour les didacticiens des langues, l’individuation doit plutôt permettre d’« offrir davantage d’accompagnement à l’autonomie des apprenants, de susciter et de maintenir leur engagement » (Szilas & Hoppe, 2022).

18Cela passe notamment par l’encadrement et la mise en place de canaux de communication supplémentaires, si possible synchrones, qui garantissent un meilleur engagement dans l’apprentissage notamment à travers la relation avec les enseignants, plus étroite que dans les Mooc (Mangenot, 2017). Les Spoc peuvent inclure plusieurs types de mécanismes de suivi. D’une part, des forums de discussion animés par des enseignants, des visioconférences en synchrone qui permettent de répondre aux questions et de créer une communauté d’apprentissage (Kordoni & Belli, 2018) ; d’autre part, des quiz en ligne généralement autocorrectifs qui mesurent la progression des apprenants.

4. Définition des objectifs et conception du Spoc

19Le Spoc Pandora a été conçu pour répondre à des objectifs qui relèvent à la fois de la politique de recrutement en année de fondation et d’une pédagogie largement déterminée par les exigences d’un programme intensif proposé dans un contexte non francophone. 175 étudiants y ont régulièrement eu recours pour la rentrée de septembre 2023 sur Blackboard (2018).

4.1. Fidéliser les candidats ayant réussi le test d’entrée

20Pour les deux rentrées académiques qui ont lieu au Département de FLE à SUAD, des campagnes de recrutement sont organisées par l’intermédiaire de tests d’entrée proposés sur la plateforme LMS dans des laboratoires sur le campus ou en ligne pour les étudiants internationaux, de février à août pour la rentrée de septembre, d’octobre à janvier pour la rentrée de février. Alors que les étudiants sont informés très tôt de leur admission après leur réussite au test d’entrée, il leur est encore possible de changer d’orientation sur la plateforme du ministère émirien, National Admissions & Placement Office (NAPO). L’enjeu est dès lors pour l’institution de conserver le plus grand nombre de candidats admis. En faisant débuter l’apprentissage avant la rentrée officielle, le Spoc permet de mobiliser les futurs étudiants qui rejoignent de fait l’institution via Blackboard où ils ont passé le test d’entrée, mais cette fois en étant déjà engagés dans leur apprentissage. En impliquant d’anciens apprenants de FLE dans le tournage et en les mettant en scène dans des lieux populaires ou emblématiques du campus – le restaurant universitaire avec ses cafés et ses billards, le terrain de pétanque, le hall de sports, la bibliothèque – les capsules vidéo visent à mettre à l’aise les futurs apprenants, à susciter leur engouement et à instiller l’envie de rejoindre l’institution.

4.2. Faciliter l’intégration en année de fondation

21Sur le plan pédagogique, le Spoc se présente comme une initiation à la langue française et pose des références culturelles sur la France et l’Union européenne. Il propose des modules d’apprentissage qui couvrent les fondamentaux de la géographie européenne, quelques moments clés de l’histoire de France ainsi que les étapes du processus d’intégration européenne. L’objectif est d’aider les futurs étudiants à surmonter les défis initiaux qu’ils peuvent rencontrer, à réduire les distances géographiques et culturelles pour mieux les préparer à comprendre les dynamiques politiques et culturelles actuelles de l’Europe.

4.2.1. Développer des compétences linguistiques et interculturelles

22Le Spoc vise à la découverte du niveau A1 du CECRL (Cadre européen commun de référence pour les langues) (Conseil de l’Europe, 2020), comme le montre le tableau 1 détaillant la maquette du contenu pédagogique. D’après le référentiel du CECRL, les apprenants doivent être capables de :

• comprendre quelques expressions familières et quotidiennes utilisées dans des situations de communication très récurrentes ainsi que des énoncés très simples visant à satisfaire certains besoins concrets de la vie sociale ;

• s’identifier et répondre à des questions concernant, par exemple, la nationalité, l’âge, le lieu d’habitation, l’école et éventuellement, poser [s]oi-même des questions de ce type.

4.2.2. Développer l’autonomie des apprenants

23Il s’agit également de responsabiliser l’apprenant (Labetoulle, 2015), de l’impliquer davantage dans son apprentissage et de lui faire acquérir une plus grande autonomie pour faciliter son adaptation aux exigences académiques. Selon Amadieu et Tricot (2014), les environnements numériques offrent une liberté d’action et d’autorégulation de l’apprentissage et favorisent l’autonomie de l’apprenant dans la mesure où ce dernier mobilise différentes stratégies et compétences afin d’atteindre ses objectifs. L’autorégulation se présente en effet comme une compétence clé pour l’apprenant en ceci qu’elle manifeste sa capacité à gérer activement son processus d’apprentissage pour atteindre des objectifs spécifiques. Selon Schunk et Green (2018), elle inclut l’activation de stratégies cognitives et métacognitives appropriées, le maintien de niveaux optimaux d’attention et de motivation ainsi que l’adoption de comportements et d’états affectifs qui favorisent l’apprentissage. Lepareur et al. (2024) rappellent que le CECRL définit l’autorégulation comme la capacité à mettre en place des stratégies telles que la planification, l’exécution, l’évaluation et la remédiation des activités communicatives.

4.3. Le Spoc Pandora : organisation, contenu, ressources

24Le Spoc Pandora est proposé au cours des cinq semaines qui précèdent la rentrée académique. Son nom se veut programmatique : le contenu d’apprentissage est réparti en boîtes que les apprenants sont encouragés à ouvrir pour nourrir leur curiosité. Chaque lundi l’accès à une boîte est débloqué, ouvrant à un contenu qui reste disponible jusqu’à la fin de la formation. Le choix a ainsi été fait d’un apprentissage « distribué » plutôt que « massé » (Lieury, 2020), l’échelonnement imposant un rythme à la fois libre et contraignant pour créer des habitudes d’apprentissage, les réguler et mobiliser au mieux l’attention des étudiants. Ce système de boîtes permet d’organiser le contenu en modules suivant une progression déterminée (voir Tableau 1).

25Une première version du Spoc Pandora constituée de 15 capsules éducatives et d’autant de quiz autocorrectifs a été mise en ligne à l’été 2022, puis une deuxième version augmentée de 25 capsules pour une durée totale d’une heure trente de vidéo à l’été 2023. Pour cette deuxième mouture, une attention particulière a été portée à la création d’une communauté d’apprenants via l’animation quotidienne d’un forum et le suivi individualisé des participants. Deux séances en mode synchrone ont également été assurées pour les rassembler, souligner l’importance du parcours de formation, favoriser les échanges et répondre aux questions.

Tableau 1 – Maquette du contenu pédagogique des boîtes.

Box 1 Duration: about 20 minutes	1. Welcoming remarks & presentation of the foundation year by the Head of FLE Department 2. Welcoming remarks & presentation of Pandora by the Education Coordinator 3. The French alphabet 4. The accents 5. Signs and marks
Box 2 Duration: about 20 minutes	1. The French keyboard 2. Personal pronouns 3. Verb être 4. Verb avoir
Box 3 Duration: about 20 minutes	1. Introduce yourself in French 2. The definite articles 3. The indefinite articles 4. The objects in French 5. How to talk about your hobbies 6. The French negation
Box 4 Duration: about 20 minutes	1. Greetings and moments of the day 2. The numbers (1 to 20) 3. Talking about the weather in French 4. Weather Forecast 5. Geography of France
Box 5 Duration: about 25 minutes	1. History of France in 10 dates 1 2. History of France in 10 dates 2 3. Arabic borrowings in the French language 4. French fashion and luxury brands–A fascinating (hi)story 5. The European construction since 1945

26Des capsules vidéo constituent l’ossature du parcours proposé dans chacune de ces boîtes. En effet, selon Tiernan et O’Kelly (2019) et Guo et al. (2014), les vidéos, particulièrement si elles sont courtes, sont plus à même d’influencer la motivation des étudiants. S’agissant de leur longueur, Díaz Redondo et al. (2021) concluent de l’analyse du temps médian passé à regarder effectivement les vidéos que la durée appropriée pour les vidéos éducatives s’élève de 6 à 9 minutes et que les vidéos combinant des images de l’enseignant avec le contenu enseigné sont les plus efficaces. Les capsules vidéo de Pandora ne dépassent pas cette limite – elles ont une durée moyenne de 4 à 5 minutes. Elles sont construites sur deux types de scénarii. Le premier simule des situations authentiques en français ; ce sont les capsules tournées sur les lieux emblématiques du campus avec le concours d’étudiants en FLE hors du contexte de l’espace classe. Le film du deuxième scénario a été tourné en studio, en anglais, avec les enseignants du département, associé à la présence professorale des illustrations et des éléments de texte. Un sous-titrage en français et en anglais est proposé dans le premier cas, en anglais dans le deuxième. Pour ces dernières vidéos, l’écriture des scripts en préproduction a intégré l’importance de séquencer le contenu d’apprentissage, la contrainte de mots avec un ratio de 160 mots par minute recommandé par Williams (1998), et l’identification des illustrations et mots devant apparaître à l’écran avant le tournage. Suivant la recommandation de Díaz Redondo et al. (2021) les pauses ont été réduites en postproduction.

27Articulés autour des capsules vidéo, des textes interactifs avec des hyperliens combinent son, image et fiches récapitulatives, conçues pour renforcer les concepts présentés dans les vidéos et pour fournir aux apprenants des documents complémentaires avec des éléments sémiotiques variés. Ces ressources pédagogiques sont accompagnées par des évaluations. Chacune des 25 capsules est ainsi suivie d’un quiz autocorrectif en ligne comprenant des questions à choix multiples, des exercices d’appariement ou encore des textes à trous dont les résultats sont transmis aux apprenants à la fin de chaque semaine.

28La plateforme Blackboard met à disposition des enseignants des outils de suivi et d’analyse des apprentissages (Learning analytics) afin de garantir une surveillance efficace de la participation et de la progression des apprenants. Ces outils permettent la génération de rapports d’activités détaillés ainsi que de statistiques sur les performances. Chaque semaine les étudiants qui n’ont pas visionné l’intégralité du contenu éducatif ou des quiz proposés sont contactés par courriel et encouragés à poursuivre le parcours pédagogique établi. L’analyse des résultats obtenus pour chaque quiz permet par ailleurs d’identifier les besoins individuels des étudiants. Enfin, un forum vient compléter le triptyque formé avec les capsules vidéo et les quiz. Se déclinant en trois thématiques, celui-ci incite à la prise de parole en la rendant possible sur des registres distincts :

• un premier fil de discussion dédié aux informations générales sur le programme et les modalités de rentrée universitaire distille régulièrement des renseignements pour encourager à préparer la rentrée (indications sur les manuels à se procurer, informations sur le système de notation français, calendrier universitaire, etc.). La fréquence des publications des enseignants a pour objectif d’en faire un lieu de vie en ligne et de créer des habitudes, les étudiants recevant une notification sur leur boîte mail pour les informer de la publication de chaque nouveau post. C’est donc un espace où les futurs étudiants peuvent se sentir à l’aise pour poser tout type de questions d’ordre pratique ;

• • 8 Un groupe Whatsapp a été créé par une étudiante à la fin de la troisième semaine et son lien a été (...)

  un second fil de discussion intitulé « Meet your classmates » se définit comme un espace où chacun peut venir se présenter de manière informelle8. Il a été particulièrement utilisé par les étudiants pour identifier leurs futurs camarades de promotion en fonction de la licence choisie après l’année de fondation ;

• • 9 Ollivier et Jeanneau (2023, p. 52-53) inspirés par les travaux de Nunan (2004) et l’approche par tâ (...)

  un troisième fil de discussion, nommé « challenges » (défis), propose chaque semaine un défi en lien avec le contenu dévoilé dans les boîtes. Les challenges constituent des tâches 9« proches de la vie réelle » (Ollivier & Jeanneau, 2023) simulant des situations que les apprenants peuvent rencontrer en dehors du contexte éducatif. Ils offrent aux apprenants un environnement sécurisé où pratiquer la langue, prendre des risques et « faire des erreurs sans conséquence au niveau humain » (ibid., p. 52).

5. Évaluation du dispositif

5.1. Méthodologie de l’enquête

30Notre enquête a été réalisée au cours de la deuxième semaine de la rentrée de septembre 2023. Le questionnaire, anonyme, rédigé en anglais et administré en ligne a été rempli en notre présence par les étudiants pendant le cours de FLE et TICE (Technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement). Il s’adressait aux étudiants ayant achevé ou entamé le Spoc avant leur entrée en année de fondation. Conforme aux objectifs de notre recherche et à nos hypothèses, le questionnaire comporte une série de vingt questions (voir Annexe 1). La première partie propose d’évaluer les ressources pédagogiques et leur organisation. La deuxième est centrée sur les outils d’interaction et d’évaluation proposés. La troisième partie comprend une série de questions relatives aux pratiques et aux stratégies d’apprentissage. Enfin, les dernières questions sont plus explicitement destinées à évaluer le niveau de satisfaction des apprenants à l’égard de l’ensemble du dispositif.

31Le questionnaire rassemble des questions ouvertes, à choix multiple et unique ainsi que des échelles de Likert. Ces dernières ont été formulées sous forme d’affirmation avec des niveaux allant de 1 (Pas du tout d’accord) à 10 (Tout à fait d’accord) afin de mesurer de façon nuancée les attitudes et les perceptions. Avant d’examiner la répartition détaillée des réponses, les résultats des questions d’échelle de Likert ont été regroupés en deux grandes catégories, de 1 à 5 et de 6 à 10 afin d’obtenir une vue d’ensemble et de relever les tendances générales. Les questions ouvertes ont été analysées en plusieurs étapes. Les termes ou expressions récurrentes ont d’abord été identifiés, leur fréquence a été calculée, puis ils ont été regroupés par thèmes (Guérin-Pace, 1997).

32Dans le cadre de cette étude, seuls les résultats de six questions seront analysés et articulés autour de quatre pôles : les stratégies d’apprentissage et d’appropriation du contenu, le développement de l’autonomie dans un environnement numérique, l’engagement cognitif induit par les interactions en ligne et enfin la satisfaction des enquêtés vis-à-vis du dispositif d’apprentissage en ligne. Notre échantillon se compose de 123 étudiants. Parmi eux, 52% ont suivi l’intégralité du contenu pédagogique (cinq boîtes), 25% ont complété les ressources des quatre premières boîtes tandis que 15% n’en ont achevé que trois. Seuls 8% des répondants ont indiqué avoir stoppé leur effort à la première ou à la deuxième boîte. La proportion significativement élevée des participants ayant suivi l’intégralité ou la majorité du contenu suggère un engagement fort envers le dispositif et témoigne de leur investissement et de leur persévérance.

5.2. Vers le développement de stratégies d’apprentissage

33Nous avons d’abord voulu identifier les stratégies cognitives et métacognitives (Amadieu & Tricot, 2014) adoptées par les apprenants pour traiter les capsules vidéo. Celles-ci recouvrent respectivement le « savoir agir sur le support d’apprentissage » et le « savoir planifier, gérer, organiser et évaluer son propre apprentissage » (ibid.). Une première question à choix multiples a ainsi été posée : « Quelles méthodes parmi les suivantes avez-vous utilisées lors du visionnage des vidéos éducatives ? ». Parmi les réponses proposées, une liste de méthodes possibles, de la prise de notes à la réalisation de flashcards en passant par les arrêts sur image ou la relecture multiple des vidéos. Premier enseignement : seuls 3 étudiants sur 123 (2,4%) reconnaissent n’avoir adopté aucune stratégie d’apprentissage particulière et s’être contentés de visionner le contenu de façon passive. 11 (8,9%) mettent en avant les interactions entre pairs ou avec les enseignants sur le forum en ligne. Une grande majorité des répondants (78%) a pu réguler son apprentissage (bouton pause), revoir les séquences précises plusieurs fois et travailler à son rythme (retour en arrière) lors du visionnage des vidéos. Usant de la souplesse et de la maniabilité du format des capsules, les apprenants ont pu mettre en œuvre des « stratégies de gestion des ressources » (Poellhuber, Roy & Moukhachen, 2017) selon des degrés de sophistication variables : 69,1% affirment avoir résumé et synthétisé les points essentiels des vidéos, 53% avoir effectué une prise de notes détaillée et 13% sont allés jusqu’à créer des flashcards pour les concepts clés. À travers ces manières de traiter l’information, c’est bien un « engagement cognitif » (Pintrich, 2003) différencié qui se fait jour. Plus encore, l’appropriation des ressources numériques dans ce cadre asynchrone engage les apprenants dans la voix de l’autonomisation. Nissen (2022) note que

même si les dispositifs entièrement ou partiellement en ligne sont souvent dans une large mesure hétérodéterminés (et non autodéterminés), l’apprenant devra prendre en main ses actions bien plus qu’il ne devrait le faire dans une telle formation qui serait entièrement présentielle.

34La question suivante visait précisément à évaluer dans quelle mesure les apprenants estimaient que leur expérience du Spoc avait favorisé le développement de leur autonomie. Les enquêtés étaient invités à répondre sur une échelle de Likert allant de 1 (Pas du tout d’accord) à 10 (Tout à fait d’accord) à la question : « La structure du cours et le format en ligne ont-ils renforcé votre sentiment d’autonomie dans la gestion de votre apprentissage ? ». 85% d’entre eux ont situé leur réponse entre 6 et 10 indiquant que le dispositif avait créé un environnement propice à leur autonomie. Un faible pourcentage d’étudiants est resté neutre (10%). Ils ne sont que 5% à s’être situés entre 1 à 4 sur l’échelle de Likert, et donc à estimer que le cours en ligne ne leur avait pas réellement permis de développer leur autonomie. Que ce soit à travers le mode de distribution du contenu hebdomadaire, qui offre la possibilité d’étudier à son propre rythme, ou son accessibilité en tout lieu et à tout moment sur divers appareils numériques (smartphone, tablette, ordinateur portable ou de bureau), le Spoc conjugue liberté et discipline pour encourager une démarche responsable et des stratégies d’autonomie. Comme le relève Nissen (2022),

il incombe ainsi à l’apprenant, surtout dans une modalité asynchrone, de décider du moment où il se connecte, de son rythme, de ce qu’il fait – ou pour le moins dans quel ordre il le fait – et pendant combien de temps, tout seul ou avec quelqu’un d’autre et dans ce cas avec qui, s’il recourt à des ressources extérieures et si oui lesquelles, s’il sollicite de l’aide et dans ce cas auprès de qui, etc.

35Plus encore que de rendre possible l’interaction avec les enseignants ou avec les pairs, le dispositif du Spoc Pandora l’encourage et la nourrit afin de créer une communauté d’apprenants et un sentiment d’appartenance.

5.3. Enjeux des interactions sur les forums en ligne

36Les étudiants étaient invités à exprimer leur accord sur une échelle Likert de 1 (Pas du tout d’accord) à 10 (Tout à fait d’accord) avec l’affirmation « Les opportunités d’interaction entre les étudiants (Discussions, Challenges) étaient bénéfiques et ont favorisé l’apprentissage ». Paradoxalement, alors que seuls 26 étudiants ont publié au moins un post sur le forum, 51 (soit 41,5% des enquêtés) se disent « Tout à fait d’accord » et 55 (44,8%) se situent au groupement des degrés 6 et 9 de l’échelle Likert suggérant un accord significatif avec l’affirmation. Seulement 14% se situent au groupement des degrés 0 à 5 indiquant une perception moins positive des opportunités d’interaction.

37Ces résultats indiquent d’abord que les interactions entre pairs revêtent un rôle important dans la construction des connaissances et qu’ils permettent d’« humaniser » l’expérience de la formation en ligne (Li et al, 2022). Ainsi la majorité des étudiants, bien que n’ayant pas participé aux discussions, a suivi avec un certain intérêt les posts des personnes actives. Relevant le faible taux de participation aux forums de discussion dans les Mooc de l’université de Genève, Nleme Ze et Molinari (2021) recourent à une typologie des attitudes des apprenants vis-à-vis de ces forums et distinguent entre non-utilisateurs, observateurs et contributeurs. Ils notent que les observateurs, c’est-à-dire ceux qui suivent les fils de discussion sans y prendre part, représentent 90% des utilisateurs. S’interrogeant sur les raisons de cette distance, ils identifient six freins à l’engagement sur ces forums, avec par ordre d’importance : le manque de pertinence des échanges ; la mauvaise qualité des moyens de connexion au Mooc ; le manque d’intervention des enseignants ; la difficulté d’interaction avec les pairs ; le manque de temps des apprenants et la faible perception de l’utilité des forums (Nleme Ze & Molinari, 2021). Considérant que nous pouvions intervenir sur le premier, le troisième et le sixième de ces freins, nous avons décidé d’organiser le forum en trois fils de discussion distincts comme décrit précédemment.

38Chaque post des étudiants a fait l’objet d’un retour de la part d’un enseignant d’une part pour le féliciter et l’encourager dans ses efforts (avec parfois l’utilisation d’émoticônes), ensuite pour éventuellement apporter des éléments de correction ou d’amélioration sur la production proposée. Chaque réponse de l’enseignant se concluait par un encadré avec une courte liste de mots ou expressions clés à mémoriser pour la réalisation de la tâche. Comme le notent Ollivier et Jeanneau (2023, p. 68),

l’accompagnement est un rôle central de l’enseignant qui est amené à répondre aux sollicitations des apprenants, à proposer ses retours formatifs et à mettre en place des moments de focalisation sur des éléments particuliers en fonction des besoins émergeant pendant la réalisation de la tâche.

39Dans ce rôle d’« accompagnateur-expert » (Ollivier & Jeanneau, 2023, p. 68), l’utilisation d’expressions de reconnaissance, voire d’émoticônes, nommées par Nleme Ze et Molinari (2021) « marques de liance », a permis de maintenir un « climat affectif positif ».

5.4. Acceptation et appréciation du dispositif

40Une question à l’échelle de Likert allant de 1 à 10 a été proposée pour évaluer l’efficacité du Spoc sur la préparation des étudiants pour intégrer l’année de fondation (« Le cours en ligne a eu un impact positif sur ma préparation aux défis des études de l’année de fondation en français intensif »). Près d’un tiers des répondants considère que le parcours d’autoformation en ligne a eu un impact extrêmement positif sur leur préparation académique. La majorité ayant choisi des réponses situées dans les échelles entre 6 et 9 suggère une tendance positive. Seuls 7% ont manifesté une position neutre, alors que 6% ont exprimé des opinions plus mitigées se situant entre 2 et 4 sur l’échelle de Likert.

41La question « Comment évalueriez-vous votre expérience globale avec Pandora ? » avait pour objectif de mesurer la satisfaction des étudiants ayant suivi le Spoc. Les répondants appréciaient à nouveau leur expérience sur une échelle de Likert allant de 1 (Très mauvaise, very bad) à 10 (Très bonne, very good). Plus d’un tiers (37%) ont attribué la note maximale. Une majorité importante, soit 52%, s’est positionnée dans les plages des échelles 6 à 9, révélant ainsi une opinion favorable de leur expérience avec le Spoc. Un faible pourcentage de répondants (3%) a exprimé une opinion neutre et seulement 2,5% des répondants se situent entre 3 et 4 de l’échelle Likert indiquant une satisfaction modérée. Les résultats de cette question mettent en lumière une expérience générale positive des étudiants envers le Spoc.

42L’analyse des réponses ouvertes à la question « Écrivez quatre mots qui résument votre expérience avec Pandora » offre un aperçu des perceptions des répondants permettant ainsi d’identifier les tendances et les thèmes liés au parcours d’autoformation en ligne. Premier constat, la plupart des étudiants utilisent des termes mélioratifs pour décrire leur expérience du Spoc, manifestant ainsi une satisfaction générale qui corrobore les résultats de la question précédente. Les mots et expressions énoncés ont été regroupés par catégories ce qui a permis de dégager trois thèmes prépondérants présentés ici par ordre d’importance : la facilité, l’utilité, la qualité. 52 des 113 étudiants (46%) ayant répondu à la question mettent en avant la facilité du dispositif. Plusieurs vocables sont avancés : « facile » (easy, 31 occurrences), « compréhensible » (understandable, 12 occurrences) et « simple » (simple, 9 occurrences). Cette simplicité peut être interprétée de deux façons : elle peut renvoyer à la présentation du contenu pédagogique et des items abordés, mais aussi au caractère intuitif de l’outil. Or, c’est sur la facilité d’emploi du dispositif, sur son utilisabilité et son appropriation que se fonde l’acceptabilité des technologies. En effet, selon Tricot et Amadieu (2014) l’appropriation d’un tel outil repose sur deux perceptions fondamentales : celle de l’utilisabilité et celle de l’utilité.

43L’utilité, précisément, est le thème qui apparaît en deuxième position dans 31,9% des réponses apportées par les étudiants. Il englobe des vocables liés à l’utilitarisme et à l’aide fournie pour l’intégration des étudiants à l’université au cours des premières semaines. Les étudiants décrivent leur expérience comme étant « profitable » (helpful, 24 occurrences), « utile » (useful, 7 occurrences) et « bénéfique » (beneficial, 5 occurrences). Selon leurs perceptions, le Spoc a été enrichissant, il leur a permis d’atteindre leurs objectifs et a constitué une aide à l’intégration en année de fondation.

44Quant au troisième thème, l’utilisation des termes tels que « bien » (good, 14 occurrences), « génial » (great, 7 occurrences) et « agréable » (nice, 6 occurrences) suggère que la qualité du cours et l’expérience des apprenants sont évaluées positivement. Ces résultats renforcent l’idée que le Spoc a été perçu non seulement comme un outil d’apprentissage facile à accéder, mais aussi comme un moyen permettant d’améliorer leur adaptation à l’environnement universitaire. Enfin, les termes « amusant » (fun, 24 occurrences), « intéressant » (14 occurrences) et « nouveau » (new, 9 occurrences) ont été fréquemment mentionnés dans les réponses des étudiants ajoutant une dimension ludique et stimulante à leur parcours d’apprentissage.

45Les termes utilisés par les étudiants reflètent une expérience qui s’avère non seulement instructive, mais également plaisante et attrayante. Il apparaît en effet que la nouveauté de l’expérience du Spoc a également contribué à l’attrait de la démarche d’apprentissage. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les jeunes étudiants découvraient pour la première fois un cours d’autoformation en ligne.

6. Conclusion

46La boîte de Pandore a été ouverte. Les résultats de cette étude représentent une étape significative dans l’évolution du Spoc offrant des pistes pour son amélioration future. Cette première enquête exploratoire a jeté les bases de notre appréhension de l’efficacité du dispositif et de ses limites. Bien que l’implémentation du Spoc ait conduit à une réduction des abandons au cours de l’année, il serait pertinent de mener une étude comparative sur la facilitation des transitions pour mieux vérifier notre première hypothèse de travail selon laquelle la mise en place d’un parcours d’autoformation tutoré dans la période de prérentrée facilite les transitions multiples auxquelles sont confrontés les étudiants. Cette étude pourrait comparer les étudiants ayant participé au Spoc avec ceux n’y ayant pas participé pour évaluer l’impact de cette approche sur les transitions académiques. Le développement de stratégies d’organisation, posé en deuxième hypothèse de notre étude, semble en partie atteint dans la mesure où un pourcentage relativement élevé d’étudiants déclare avoir adopté une ou plusieurs techniques pour la prise de notes et la mémorisation du contenu.

47Les résultats sont en revanche plus nuancés en ce qui concerne notre troisième hypothèse, selon laquelle le Spoc permettrait des interactions riches et personnalisées avec les enseignants et entre pairs, qu’il susciterait le sentiment d’appartenance à une communauté d’apprenants et qu’il renforcerait la motivation et l’engagement. Les données recueillies indiquent que l’apprentissage d’une langue étrangère en autoformation ne se réduit pas aux interactions des apprenants avec le contenu multimédia quand bien même celles-ci contribuent à la création d’un environnement personnalisé d’apprentissage et qu’elles favorisent l’autonomisation des pratiques à travers la mise en œuvre de stratégies cognitives, métacognitives et organisationnelles. Les interactions humaines s’avèrent en effet une composante essentielle d’une formation dans un environnement numérique et requièrent d’être explicitement encouragées par les enseignants. La création d’une communauté d’apprenants représente une nécessité fondamentale capable de constituer un moteur de motivation (Peacock et al., 2020) et de fidélisation au sein du groupe. Or, dans le cas du Spoc Pandora, si les échanges avec les enseignants ont mobilisé les apprenants, les interactions des étudiants entre eux sont restées trop limitées, cantonnées pour l’essentiel au fil de conversation « Meet your classmates », le plus souvent pour échanger en anglais. Comme le relèvent Porto et Schofield (2021) pour leur Mooc d’anglais de spécialité, « les fonctionnalités du forum permettant aux étudiants d’interagir entre eux ont été sous-exploitées, ce qui n’a pas motivé l’interaction spontanée entre étudiants ».

48Les créations originales et remarquables proposées dans le cadre des challenges ont néanmoins suscité des échanges et montré la voie pour les évolutions à venir du Spoc. Développer davantage ces challenges de manière à établir des contacts plus systématiques et inciter les étudiants à interagir davantage avec leurs pairs sera ainsi l’une des priorités de la nouvelle mouture du dispositif. L’ajout de sessions supplémentaires en visioconférence et l’établissement d’un calendrier de clavardages synchrones devraient permettre de réguler le distanciel (Degache & Nissen, 2008) et de créer des relations socioaffectives. Enfin, l’intégration de capsules pédagogiques contenant des conseils méthodologiques tels que les techniques de la prise de notes, du traitement de l’information, de la mémorisation, et de la gestion du temps, permettrait aux étudiants d’apprendre à mieux contrôler leur apprentissage et à travailler de façon autonome (Saltet et al., 2007). L’objectif serait de favoriser davantage le développement de compétences cognitives et métacognitives tout en responsabilisant les étudiants avant le début de leur rentrée académique.