- 1 Le chapitre 1er du titre III de la Loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir pr (...)
1En France, l’objectif désormais affiché par les pouvoirs publics, à travers les différentes mesures législatives en matière de handicap, est celui de la participation sociale des personnes en situation de handicap dans tous les champs de la vie sociale, avec une visée d’inclusion des personnes en situation de handicap (Lejeune, 2019; Prado, 2019). Cette notion d’inclusion recouvre de multiples aspects, parmi lesquels l’inclusion professionnelle en milieu ordinaire, qui en constitue une dimension fondamentale1 (Valdes, 2016). Or, le taux de chômage des personnes en situation de handicap reste deux fois supérieur à celui de l’ensemble de la population (Aubin & Daniel, 2020), et l’objectif des 6 % de travailleurs handicapés dans les effectifs n’est toujours pas atteint, dans le secteur privé comme dans le secteur public (voir infra). En outre, les liens entre emploi et handicap se posent également en termes de maintien en emploi, dans un contexte de vieillissement de la population active, et/ou lorsque survient une altération de la santé, que celle-ci soit ou non d’origine professionnelle (Daubas-Letourneux, 2016 et 2021; Lhuilier & Waser, 2016).
- 2 Cet article s’inscrit dans le cadre du programme de recherche et d’échanges de pratiques Emploi des (...)
2Parmi les acteurs mobilisés dans l’emploi et l’inclusion des travailleurs en situation de handicap, le référent handicap est devenu incontournable. Dans le secteur public – champ retenu pour la recherche présentée ici –, l’État a récemment réaffirmé l’importance de la fonction de référent handicap au sein des établissements dans l’accompagnement des agents en situation de handicap tout au long de leur carrière professionnelle. Au-delà d’une reconnaissance législative, on peut s’interroger sur la réalité du travail des agents occupant la fonction de référent handicap dans les établissements. Dans quelle mesure l’État employeur accorde-t-il des conditions de travail satisfaisantes permettant aux référents handicap d’accomplir leurs missions? Et avant tout, qui sont les femmes et les hommes occupant cette fonction? Peut-on voir des points communs entre les référents handicap et d’autres professionnels de l’intermédiation ayant fait l’objet d’études, comme les responsables “diversité,” dont les missions liées aux enjeux de non-discrimination dans les établissements et dans les entreprises peuvent inclure la question du handicap (Bereni & Prud’homme, 2019; Buchter, 2019)? Très peu de travaux ont porté sur les référents handicap. L’enquête en ligne réalisée auprès de référents handicap de la fonction publique présentée dans cet article est à notre connaissance la première source de données statistiques sur cette population. Le choix de procéder à une enquête statistique fait suite à une première recherche qualitative menée auprès d’un nombre réduit de référents handicap de la fonction publique, qui a notamment mis en évidence des différences de profils, selon la trajectoire professionnelle (Fillion, Lejeune & Thivet, 2021). Par la réalisation d’une enquête statistique, il s’agissait de répondre au besoin de mieux connaître cette population dans son ensemble. La variété des missions confiées aux référents handicap est-elle appréhendée et vécue de la même manière par tous? Les parcours de formation et d’accompagnement des référents handicap à leur arrivée dans leur prise de fonction mettent-ils en évidence des invariants, des difficultés ou des besoins spécifiques? Les premiers travaux qualitatifs et l’actuelle enquête statistique en ligne s’inscrivent dans une temporalité longue et dans une dynamique collective de recherche structurée par deux conventions de partenariat pluri-annuelles entre le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (Fiphfp) et l’École des hautes études en santé publique (EHESP).2 Au fil des différentes conventions, la mobilisation de méthodes mixtes (Aguilera & Chevalier, 2021; Guével, Pommier & Absil, 2016) s’avère riche pour saisir plus précisément cette fonction centrale et encore méconnue.
3Après avoir brièvement rappelé l’évolution de la politique du handicap en France, et plus précisément les logiques d’action possibles en matière d’emploi des personnes en situation de handicap qui délimitent le cadre d’action des référents handicap ainsi que l’émergence de la fonction de référent handicap, cet article présente les principaux enseignements de l’enquête statistique, avec un objectif en premier lieu descriptif, visant à mieux connaître les référents handicap de la fonction publique, leur profil, leurs missions, leur travail réel, les difficultés et besoins éventuellement exprimés.
Encadré méthodologique – L’enquête réalisée
Les résultats des premiers travaux menés dans le cadre de la première convention de partenariat entre l’EHESP et le Fiphfp (2012-2016) s’appuyaient sur un nombre limité d’entretiens avec des référents handicap dans une approche qualitative. Ces premiers témoignages recueillis ont permis d’apporter de premiers éclairages sur la fonction de référent handicap (Bercot & Tcholakova, 2018; Fillion, Lejeune & Thivet, 2021). Dans le cadre d’un renouvellement de la convention de recherche avec le Fiphfp (2017-2020), l’équipe de recherche de l’EHESP a proposé un axe de recherche spécifique sur le travail des référents handicap via une enquête quantitative permettant d’obtenir des données statistiquement significatives. Les objectifs de cette enquête sont de mieux connaître les caractéristiques des référents handicap, de tenter d’identifier leurs pratiques en termes d’accompagnement, d’insertion et de maintien dans l’emploi des personnes handicapées, ainsi que de mieux appréhender les difficultés éventuelles rencontrées par ces professionnels dans l’exercice de leurs missions.
- 3 Le questionnaire a été construit en collaboration avec nos collègues de l’EHESP, Emmanuelle Fillion (...)
Le questionnaire3 en ligne intitulé “Référents handicap dans la fonction publique” comporte 140 questions, en lien avec: le profil sociodémographique, l’environnement de travail, le parcours professionnel, la description du travail via les missions gérées seuls ou à plusieurs, les compétences mobilisées, les partenariats, les difficultés rencontrées et les besoins en formation (le détail des questions liées aux missions est précisé dans l’encadré n°2). Sur plusieurs thèmes, ainsi qu’en fin de questionnaire, les répondants avaient la possibilité d’écrire des réponses en clair afin d’apporter plus de précisions sur leur travail. La présentation des données statistiques est ainsi enrichie le cas échéant de citations entre guillemets qui permettent d’affiner la compréhension du vécu.
- 4 Mis en place dans chaque région par le Fiphfp, le Handi-Pacte est un espace de collecte et d’échang (...)
Faute de données sur le nombre total de référents handicap dans la fonction publique (le Fiphfp n’a pas pu nous renseigner sur ce point), l’équipe a dû constituer une base de sondage des référents handicap dans la fonction publique, en recherchant leurs adresses mails sur l’annuaire du Fiphfp notamment. Au final, le questionnaire a été envoyé par mail à 495 référents handicap ainsi qu’aux 18 Handi-Pacte,4 depuis une boîte de messagerie créée spécifiquement pour l’enquête par l’EHESP. Avec au total 323 questionnaires complets identifiés parmi l’ensemble des réponses transmises par les référents handicap, exerçant dans les trois versants de la fonction publique dans la France entière, le taux de réponse de notre enquête est de 65 %.
- 5 Au regard du poids respectif des trois versants de la fonction publique en termes d’emploi public ( (...)
L’absence de données de cadrage au plan national ne nous permet pas de voir dans quelle mesure la population des répondants est représentative de la population totale des référents handicap de la fonction publique. Néanmoins, nous avons un indicateur de la bonne diffusion de l’enquête dans les différents réseaux, puisque les 323 questionnaires complets constituant notre base de données sont répartis dans toutes les régions – métropole et DROM – (annexe 1), et que les trois versants de la fonction publique sont représentés: 48 % des référents handicap de l’enquête travaillent dans la fonction publique territoriale (FPT), 29 % travaillent dans la fonction publique hospitalière (FPH) et 23 % travaillent dans la fonction publique d’État (FPE).5
- 6 Dans la suite du texte, l’expression “personnes handicapées” fait référence aux personnes en situat (...)
- 7 Loi du 26 avril 1924 assurant l’emploi obligatoire des mutilés de la guerre.
- 8 Loi du 9 avril 1898 sur l’indemnisation des accidents du travail.
- 9 Loi du 23 novembre 1957 sur le reclassement des travailleurs handicapés.
4Les dispositions législatives actuelles en matière d’emploi des personnes en situation de handicap6 ne peuvent être comprises qu’à l’aune de l’évolution historique de la politique du handicap en France. En effet, la France a connu un changement profond de paradigme en matière de handicap depuis le siècle précédent, conduisant à l’émergence du handicap comme un motif d’action publique (Baudot, 2016). Les premières mesures législatives françaises relatives à la prise en charge des personnes handicapées au début du xxe siècle s’attachaient à compenser les préjudices subis par les personnes ayant des déficiences fonctionnelles. Elles visaient des catégories spécifiques, à savoir les mutilés de guerre7 et les accidentés du travail.8 Par la suite, la loi de 1957 définit pour la première fois le statut de “travailleur handicapé.”9
- 10 L’article 1er de la Loi du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées énonce que “La préventi (...)
- 11 “Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de p (...)
5Depuis, l’État français s’est engagé dans des politiques dont le but est de promouvoir plus largement la participation sociale des personnes handicapées, en considérant toutes les dimensions de la vie sociale. À cet égard, la loi de 197510 fait directement référence à “l’intégration sociale” des personnes handicapées. L’évolution des politiques du handicap s’est accélérée ces dernières années, avec notamment la Loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui propose pour la première fois en France une définition légale du handicap inspirée de la classification internationale du handicap.11 Par ailleurs, elle renforce les obligations des employeurs en matière d’emploi des personnes en situation de handicap. En 2017, la création d’un Secrétariat d’État chargé des personnes handicapées directement rattaché au Premier ministre contribue également à cet engagement. À travers ces nouveaux dispositifs, la France tente d’instaurer une politique de non-discrimination, d’accès au droit commun et “d’accès à la pleine citoyenneté pour les personnes handicapées” (Ravaud, 1999). Ainsi, ces dernières décennies ont-elles vu l’approche catégorielle du handicap complétée par une dynamique de promotion de l’inclusion, visant une participation pleine et entière de droit commun à la vie économique et sociale en agissant sur les obstacles de l’environnement, et de la non-discrimination (Revillard, 2019).
6Les mesures successives visant à améliorer l’insertion et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap semblent osciller entre une logique catégorielle, notamment à travers la politique de quotas, et une logique universaliste, via l’obligation de non-discrimination et la notion d’aménagements raisonnables (Jaffrès & Guével, 2017).
- 12 Loi du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés.
7Si la loi de 1924 imposait aux entreprises de plus de quinze salariés l’emploi obligatoire d’au moins 10 % de mutilés de guerre parmi leurs effectifs, la loi de 198712 instaure une obligation d’emploi d’au moins 6 % de travailleurs handicapés dans les établissements privés d’au moins vingt salariés. Celle-ci astreint les employeurs privés à payer une contribution financière auprès de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) en cas de non-respect de ce quota. Bien que la loi de 1987 ait fixé également l’obligation d’emploi d’au moins 6 % de travailleurs handicapés dans les établissements publics à caractère industriel et commercial d’au moins vingt salariés, le non-respect de ce quota n’entraînait pas le paiement de contribution financière par ces établissements publics.
- 13 Dans le secteur public, le taux d’emploi légal était de 3,74 % en 2006, 4,38 % en 2009, après une c (...)
8La loi du 11 février 2005 est venue renforcer l’obligation d’emploi d’au moins 6 % de bénéficiaires de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (BOETH) dans les établissements publics en imposant le paiement d’une contribution auprès du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (Fiphfp) en cas de non‑respect de ce quota. Dans le secteur public, le taux d’emploi légal est de 5,83 % en 2020, avec une progression quasi continue depuis 2006 (Fiphfp, 2020).13
9Au-delà du respect de ce quota, la loi de 2005 rappelle et renforce le droit à la non-discrimination des travailleurs handicapés, en imposant aux employeurs l’obligation de prendre “en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs […] d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser” (Art. L. 323-9-1). Cette notion de “mesures appropriées” implique que les employeurs doivent procéder à des “aménagements raisonnables” des conditions de travail (Dirringer, 2017). Cet objectif de non-discrimination, mobilisant la notion d’aménagements raisonnables, relève davantage d’une logique universaliste.
10Pourtant, dans la pratique, les acteurs semblent peu se saisir du droit à la non-discrimination en matière de handicap (Lejeune & Yazdanpanah, 2017). Par conséquent, l’objectif d’inclusion professionnelle des personnes handicapées repose essentiellement sur le respect de la politique de quota par les employeurs et sur leur volonté en matière d’emploi des personnes en situation de handicap. De ce fait, et en tension entre plusieurs logiques, le rôle du référent handicap est essentiel au sein des établissements.
11Si des missions handicap existaient déjà depuis de nombreuses années dans certains établissements, privés et publics (sous diverses dénominations: correspondants, coordinateurs…), la fonction de référent handicap a mis du temps à se constituer.
12Depuis sa création en 2006, le Fiphfp propose un conventionnement aux organismes publics qui le souhaitent, afin de les aider à répondre aux objectifs fixés par la loi de 2005 et de les accompagner dans la mise en œuvre d’une politique de participation et d’inclusion des personnes handicapées. Les établissements publics ayant signé une convention avec le Fiphfp doivent désigner, au sein de leur structure, une personne qui sera chargée de la mise en œuvre et du suivi de cette convention. En assurant ce suivi, le référent handicap est devenu un acteur essentiel dans la mise en œuvre de la politique du handicap au sein des établissements, ce qui peut expliquer le développement qu’a connu cette fonction, malgré un contexte économique et budgétaire souvent tendu, et au regard des contraintes organisationnelles qui pèsent parfois sur certains de ces organismes. Ainsi, les référents handicap constituent des “cadres intermédiaires,” indispensables à la mise en œuvre de la politique de handicap au sein des établissements au regard des obligations législatives, en tenant compte des contraintes organisationnelles internes et des besoins des travailleurs handicapés (Barrier, Pillon & Quéré, 2015).
13La fonction de référent handicap s’est trouvée en outre réaffirmée et renforcée depuis septembre 2018, date de la Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui impose la désignation d’un “référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes handicapées” (L. 5213-6-1 CT), dans tous les établissements d’au moins 250 salariés.
- 14 La Loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 énonce que “Tout agent a le droit d (...)
14Enfin, la Loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 rend obligatoire la désignation d’un référent handicap dans toutes les administrations.14
15La fonction de référent handicap est très largement occupée par des femmes (83 %). Cette forte féminisation de la fonction est à rapprocher du “vivier” dont sont issus les référentes et référents handicap, dont seulement 10 % commencent leur carrière par cette fonction (voir infra). Les 90 % de référents handicap ayant une expérience professionnelle antérieure proviennent pour une large part de secteurs caractérisés par une main-d’œuvre très féminine: service RH (personnel administratif, attachés d’administration, assistantes sociales, cadre de santé, etc.) ou, dans une moindre mesure, emplois paramédicaux (infirmières, aides-soignantes, ergonomes, conseillers en prévention). On retrouve ici une proximité, dans des proportions plus fortes encore, avec une autre fonction caractérisée par un recrutement fort auprès des services RH, celle des référents diversité (Bereni & Prud’homme, 2019).
16Les caractéristiques sociodémographiques observées montrent toutefois une grande variété (tableau 1). En termes d’âges, seuls 5 % sont âgés de moins de 30 ans, on observe une répartition de 25 % minimum dans les autres groupes d’âges, à l’exception des 60 ans et plus. Concernant le niveau de qualification, l’enquête montre que près d’un référent handicap sur deux a un diplôme de niveau Master ou plus. On observe toutefois une certaine hétérogénéité de la population. Les jeunes sont plus diplômés que leurs collègues plus âgés.
17Concernant le statut d’emploi, près de 8 référents handicap sur 10 sont fonctionnaires. Parmi les référents handicap contractuels de la fonction publique, on observe une légère supériorité numérique des agents employés en CDD par rapport aux titulaires d’un CDI. Enfin, en observant le statut d’emploi actuel et celui occupé avant de devenir référent handicap, on note que devenir référent handicap dans le secteur public semble aller dans le sens d’une moindre précarité du statut d’emploi. Près de la moitié de ceux qui étaient contractuels dans le public avant de devenir référent handicap sont en effet devenus fonctionnaires, et un peu moins de la moitié de ceux qui étaient contractuels dans le privé sont devenus fonctionnaires.
18Concernant la catégorie d’emploi enfin, l’enquête montre que dans près de 6 cas sur 10, les référents handicap sont employés en catégorie A. On en compte 31 % en catégorie B et 11 % sont employés en catégorie C. Logiquement, le niveau de diplôme est corrélé avec la catégorie.
Tableau 1 – Caractéristiques sociodémographiques des référents handicap
Source: Enquête « référents handicap dans la fonction publique » 2019 - EHESP
19Dans l’enquête, une forte variété est observée sur le périmètre d’action, exprimé en termes de nombre d’agents (titulaires et non-titulaires) entrant dans le champ d’action du référent handicap (tableau 2). Deux modalités ressortent toutefois. Si plus du tiers (37 %) ont en charge “entre 1 000 et 4 999 agents,” ils sont par ailleurs plus d’un quart (27 %) à avoir “entre 50 et 499 agents” dans leur périmètre d’action (tableau 2). Or, il est fort probable que les fonctions d’un référent handicap devant accompagner 50 agents soient différentes de celles d’un référent handicap qui suit 5 000 agents ou plus.
20Au sein de leur établissement, c’est au sein du service des ressources humaines que travaillent les référents handicap dans plus de deux-tiers des cas. Ensuite, c’est le service de santé au travail qui apparaît comme deuxième service de rattachement des référents handicap (20 %). Très peu sont rattachés au service social du personnel, à la direction générale ou à d’autres services.
21L’observation des réponses selon la quotité de temps allouée aux missions de référent handicap montre une forte disparité de situations quant au temps consacré aux fonctions de référents handicap chez les répondants. Ainsi, dans l’enquête, seul un référent handicap sur quatre travaille à temps complet pour cette fonction. Parmi ceux travaillant à temps partiel, la plupart exerce ses fonctions de référent handicap en complément d’une autre activité. La quotité de temps dédié varie alors très fortement et on constate que plus du tiers consacrent moins de 20 % d’un temps plein pour l’exercice de leurs fonctions de référent handicap. Or, la Loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 énonce que “l’employeur veille à ce que le référent handicap dispose, sur son temps de travail, des disponibilités nécessaires à l’exercice de ses fonctions.” Il est à noter que des disparités importantes sont constatées, selon le versant de la fonction publique, quant au temps alloué aux missions des référents handicap. Ainsi, dans la fonction publique d’État, près de six agents sur dix en charge de cette fonction consacrent moins de 20 % de leur temps aux missions de référent handicap quand, à l’opposé, dans la fonction publique territoriale, plus du tiers des référents handicap exercent leurs missions à temps plein (34 %), la fonction publique hospitalière se situant dans une position intermédiaire en termes de quotité de temps alloué. Ces disparités ouvrent sur des réalités de la fonction de référent handicap qui semblent très diverses selon le versant de la fonction publique. Nous n’entrerons pas ici dans une analyse comparée détaillée, par ailleurs développée (Valdes, 2022).
Tableau 2 – Modalités de travail des référents handicap
Variable
|
Modalités
|
%
|
Périmètre d’action
|
Moins de 50 agents
|
11
|
Entre 50 et 499 agents
|
27
|
Entre 500 et 999 agents
|
8
|
Entre 1 000 et 4 999 agents
|
37
|
Entre 5 000 et 9 999 agents
|
11
|
10 000 agents ou plus
|
6
|
Service de rattachement
|
Ressources Humaines
|
67
|
Service de Santé au Travail
|
20
|
Direction Générale
|
5,5
|
Service Social du Personnel
|
5
|
Autres
|
2,5
|
Quotité de temps dédié
|
Temps plein
|
25
|
De 70 % à moins de 100 % du temps
|
5
|
De 50 % à moins de 70 %
|
12,5
|
De 20 % à moins de 50 %
|
23
|
Moins de 20 %
|
34,5
|
Source: Enquête « référents handicap dans la fonction publique » 2019 - EHESP
22Les missions des référents handicap sont loin de se limiter à la production d’indicateurs de type administratif, attestant ici du fait que les enjeux de handicap et d’emploi sont non réductibles à une approche par quotas. Les entretiens semi-directifs menés dans le cadre de la première convention de partenariat mentionnée en introduction, complétée par six séminaires d’échanges de pratiques à destination des référents handicap organisés par l’équipe de recherche de l’EHESP entre 2014 et 2016, ont permis de mettre à jour la grande variété de missions professionnelles pouvant se rattacher à leur fonction (encadré n°2).
- 15 Dans l’enquête, dans près de huit cas sur dix une convention avec le Fiphfp a été signée.
23Les missions des référents handicap portent en premier lieu sur le suivi de type administratif en lien avec le Fiphfp. Il ne s’agit pas uniquement de rendre compte du suivi de la convention, puisque le conventionnement n’est pas systématique.15 En revanche, tous les établissements doivent fournir des indicateurs concernant l’emploi et le maintien dans l’emploi au sein de leur établissement. Ces tâches de type administratif sont souvent perçues par les référents handicap comme “trop compliquées, trop chronophages au détriment des actions de terrain” dans les difficultés exprimées en clair dans l’enquête, même si “il est évidemment normal de rendre des comptes sur l’utilisation de fonds publics.”
Encadré n°2 sur les missions dans le questionnaire d’enquête:
Pour élaborer le questionnaire d’enquête, les missions ont été regroupées en trois grands types:
1) Les missions d’ordre administratif: il s’agit de la collecte d’informations en lien avec le Fiphfp, le suivi du budget, le suivi de la convention avec le Fiphfp (si elle existe), les demandes d’aides et d’études sur la plateforme du Fiphfp en cas d’absence de convention et la gestion de la sous-traitance de certaines activités avec le secteur adapté.
2) Les missions en lien avec la définition et la mise en œuvre de la politique handicap au sein de la structure d’appartenance: elles comprennent la veille juridique sur cette thématique, les actions de communication, l’implication dans la mise en œuvre de plans d’action, le degré de participation au développement de la politique et de sa valorisation et le fait de contribuer à la réflexion sur les conditions ou l’organisation du travail.
3) Les missions liées à l’accompagnement des agents: celles liées à leur accueil et leur suivi dans différentes démarches (demande RQTH, inaptitudes, reclassement, aménagement des postes de travail), en passant par l’information des agents sur leurs droits.
Pour ces trois grands types de missions professionnelles, le questionnaire de l’enquête a proposé des modalités de réponses graduées, permettant de mesurer l’implication du référent handicap. Ces modalités vont de “je m’en charge” à “personne ne s’en charge,” en passant par “on s’en charge à plusieurs,” “quelqu’un d’autre s’en charge dans mon établissement” ou “quelqu’un d’autre s’en charge en dehors de mon établissement” (ainsi que la modalité “ne sais pas”).
24L’enquête permet d’identifier, pour l’ensemble des répondants, les missions qui relèvent du cœur de métier de référent handicap, car le plus souvent réalisées seul, et celles davantage partagées, mettant au jour l’insertion du référent handicap dans un collectif de travail au sein de l’établissement.
25Ainsi – et c’est logique – la mission relevant le plus souvent du seul référent handicap est le suivi de la convention avec le Fiphfp: 61 % des répondants ont indiqué s’en charger seuls et 11 % déclarent s’en charger “à plusieurs.” Si les missions de type administratif sont dans l’ensemble celles réalisées le plus souvent seul, celles liées à l’accompagnement et au suivi des agents en situation de handicap au sein de l’établissement apparaissent également souvent centrales dans les missions des référents handicap, seuls ou à plusieurs. L’information des agents sur leurs droits, l’accueil et l’accompagnement des personnes en situation de handicap, le suivi et l’accompagnement individuel des agents dans leurs démarches et l’accompagnement et le suivi des agents dans leur demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé relèvent ainsi le plus souvent du seul référent handicap.
26Les missions liées à l’aménagement des postes de travail, ainsi que celles liées à l’accompagnement et au suivi des agents dans leur reclassement sont en revanche davantage réalisées à plusieurs. De même, pour les missions en lien avec la définition et la mise en œuvre de la politique du handicap, l’enquête montre qu’elles sont davantage partagées entre plusieurs personnes, dont le référent handicap, au sein du même établissement.
27Enfin, deux missions sont plus souvent citées comme relevant d’une autre personne dans l’établissement (“quelqu’un d’autre s’en charge”) plutôt que du référent handicap, qu’il soit seul ou non: la participation aux commissions de recrutement de personnes en situation de handicap et la sous-traitance d’activités en lien avec le secteur protégé ou adapté.
28La quotité de temps alloué pour les missions de référent handicap est bien évidemment à prendre en compte. L’observation des réponses montre que, logiquement, la délégation de la tâche à d’autres collègues est significativement, et de façon progressive, plus développée pour les référents handicap travaillant à temps partiel.
29L’ampleur et la complexité des missions exercées par les référents handicap exigent des connaissances et des compétences spécifiques dans des domaines variés et complémentaires: administratifs, management, connaissance du handicap, accompagnement individualisé… L’enquête interrogeait les référents handicap sur les savoirs et savoir-faire mobilisés dans leur travail. Pour les missions d’accompagnement, les qualités relationnelles, la capacité d’écoute, la capacité à accompagner et/ou orienter, et le respect de la confidentialité sont les plus cités. Pour la coordination, apparaissent en premier la capacité d’échanger et la capacité à identifier les acteurs ou les bons interlocuteurs. Enfin, pour les missions d’ordre juridique ou gestionnaire, les référents handicap mobilisent le plus des compétences administratives, leurs connaissances de la réglementation sur l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés ainsi que leur connaissance de l’environnement de travail. Ces savoirs et savoir-faire sont largement acquis par l’expérience antérieure des référents handicap (voir infra).
30La variété des missions dédiées s’exerce en lien avec un certain nombre de partenariats. En interne, les référents handicap travaillent en premier lieu avec le service de santé au travail (86 %), avec leurs responsables hiérarchiques (71 %), la direction des ressources humaines et le service social du personnel (61 % pour chacun). Ces partenariats sont essentiels pour l’action du référent handicap au sein de l’établissement, comme le souligne ce commentaire en clair: “Le travail en pluridisciplinarité est essentiel (médecin, psychologues du travail, travailleurs sociaux, managers). Sans le soutien de la DRH et le portage politique et institutionnel il serait difficile d’agir concrètement pour le recrutement et le maintien dans l’emploi de personnes en situation de handicap.”
31En externe, les référents handicap travaillent avec le Fiphfp (77 %) et le Cap Emploi (71,5 %), et dans une moindre mesure avec le Sameth (57 %). D’autres partenariats externes apparaissent en moindre proportion: avec les Esat et entreprises adaptées (44 %) et 20 % avec les missions locales.
- 16 Chaque Handi-Pacte facilite l’échange de “bonnes pratiques” en constituant un réseau territorial de (...)
32En outre, les Handi-Pactes, implantés en 2014 par le Fiphfp dans chaque région,16 ou des outils, tels que le guide handicap créé par l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH), permettent un partenariat entre pairs, par le développement de réseaux de référents handicap.
33La variété des missions assurées par les référents handicap, seuls ou en lien avec des acteurs internes et externes, semble aller dans le sens d’une politique d’emploi des personnes en situation de handicap qui ne se limite pas à une logique catégorielle de respect du quota. Néanmoins, la mise en œuvre d’une politique universaliste, d’inclusion plus générale et de non-discrimination, ne peut être menée que si le référent handicap en a les moyens. Les commentaires libres en fin de questionnaire illustrent à ce titre le décalage existant entre les nombreuses missions dont les référents handicap ont la responsabilité et le manque de moyens, en particulier le manque de temps: “une charge de travail importante pour une mission que je suis seule à assumer,” “impossibilité d’avoir le temps nécessaire à la réalisation correcte des missions de référent handicap,” “le manque de temps,” “exercice de deux plein-temps en un,” “idéalement, il faudrait être référent à temps plein,” “difficile de cumuler un poste dans les ressources humaines et libérer du temps pour les fonctions inhérentes de référent handicap,” “seul on ne peut pas tout faire”…
34En écho à ce que certains auteurs ont montré sur les difficultés d’affirmation d’un droit à la non-discrimination auprès des salariés (Lejeune & Yazdanpanah, 2017) ou sur la méconnaissance de l’obligation d’aménagements raisonnables, et par conséquent le non-recours à cet outil par les référents handicap (Fillion, Lejeune & Thivet, 2021), certains propos recueillis dans notre enquête étayent ce constat par le besoin exprimé de “connaître les droits ou possibilités dans l’aménagement des postes.” Par ailleurs, les difficultés pour agir peuvent être liées à un contexte politique et économique qui amplifie des risques de précarisation dans l’emploi pour des agents peu ou faiblement qualifiés comme l’attestent les propos recueillis: “Dans un contexte de performance, il devient de plus en plus difficile de reclasser des agents avec peu de compétences professionnelles et à faible potentiel d’apprentissage,” “difficultés de reclassement de plus en plus contraintes avec des moyens financiers réduits. Pénibilité au travail. Le reclassement et le handicap touchent de plus en plus de ‘jeunes’.”
35Au-delà d’une méconnaissance des droits, les difficultés ressenties par les référents handicap sont aussi liées aux représentations du handicap et aux craintes des agents en situation de handicap: “certains agents disposent d’une RQTH mais ne souhaitent pas le déclarer à leur employeur,” “encore beaucoup de communication à faire dans les équipes pour faire accepter les personnes en situation de handicap, les problèmes liés à leur handicap ne sont pas forcément entendus par les équipes, notamment la lenteur.”
36La plupart des établissements de la fonction publique semblent s’être dotés d’un référent handicap sans connaître précisément l’étendue de ses missions et de ses compétences. En effet, moins de la moitié (43 %) des référents handicap ayant participé à l’enquête avaient une fiche de poste au moment de la prise de fonctions, et parmi eux, seulement un tiers (39 %) la considéraient complète au moment de la prise de fonctions. Parmi ceux qui avaient une fiche de poste conforme aux fonctions exercées à leur arrivée, la majorité a été recrutée sur un poste de référent handicap qui existait avant leur arrivée, c’est-à-dire en remplacement d’un autre agent. En outre, pour les référents handicap qui considéraient leur fiche de poste en adéquation avec leurs fonctions au début de leur prise de poste, la plupart (84 %) estiment qu’elle ne concorde plus avec leurs missions aujourd’hui, ce qui prouve que les fonctions ont évolué.
37Les commentaires laissés par les répondants illustrent bien la méconnaissance par les employeurs de cette fonction souvent nouvelle dans l’institution: pour plusieurs “le poste venait d'être créé,” “la fiche de poste était beaucoup trop partielle,” “mauvaise définition des tâches,” “les missions sont plus larges que celles décrites dans la fiche”…
38Lorsque l’agent n’a pas été recruté en remplacement d’un autre agent, la définition des missions du référent handicap s’élabore majoritairement dans la pratique. Ainsi, la moitié de ceux qui n’avaient pas de fiche de poste au moment de la prise de fonctions a contribué à la création de sa fiche de poste, après sa prise de fonctions. Les propos recueillis confirment que ces professionnels ont construit leurs missions au fur et à mesure de leurs activités: “Le poste s’est enrichi notamment sur le volet accompagnement et maintien dans l’emploi,” “la structuration des missions, les outils et schémas de fonctionnement sont construit au fur et à mesure”… De ce fait, à la date de l’enquête, deux-tiers des référents handicap déclarent avoir une fiche de poste, qu’ils ont aidé à compléter pour la plupart.
39Cette participation active des référents handicap à la définition précise de leurs missions est essentielle, mais plusieurs d’entre eux expriment des difficultés, majoritairement sur des enjeux de moyens (en temps disponible, en termes financiers, leurs besoins de formations), et, dans une moindre mesure, en termes de soutien de la DRH et d’accès aux informations. Certains évoquent également un sentiment de solitude: “on se sent souvent seule,” “je suis seule à assumer,” “je dois me débrouiller seule”…
40L’implication des référents handicap dans la rédaction ou l’ajustement de leur fiche de poste rend compte d’une expérience professionnelle qui se construit sur le tas, dans leur nouvelle fonction de référent handicap. Cette autonomie pour définir et ajuster leur fiche de poste peut toutefois trouver appui dans une expérience professionnelle antérieure, même si celle-ci s’est développée le plus souvent en dehors du champ du handicap. La plupart des référents handicap ont en effet déjà eu une expérience professionnelle avant d’exercer la fonction de référent handicap. Ainsi, seulement 10 % des référents handicap commencent leur carrière par ce poste, sans avoir suivi de formation particulière en lien avec la fonction de référent handicap pour la plupart.
41Parmi les 90 % de référents handicap qui étaient déjà insérés professionnellement, seul un quart était déjà dans une fonction en lien avec le handicap avant la prise de poste. Les profils sont variés: plus d’un tiers (39 %) étaient personnel administratif avant de devenir référent handicap, et une petite part (32 %) était dans un service ou un métier en lien avec la prévention, l’insertion professionnelle ou la santé au travail.
42Afin d’accomplir au mieux les nombreuses missions dont ils ont la responsabilité, on peut penser qu’il serait nécessaire que la plupart des référents handicap aient suivi une formation adaptée. Or, seul un référent handicap sur trois a déclaré avoir suivi une formation spécifique à la fonction de référent handicap: une formation diplômante pour moins de 10 % et une formation non diplômante pour 20 % d’entre eux. A contrario, plus de 70 % des référents handicap n’ont pas eu de formation en lien avec la fonction de référent handicap.
43Des besoins de formation ont été exprimés, notamment sur la mise en place de dispositifs de formation, la gestion de projet et les compétences budgétaires.
- 17 Pour les autres formations diplômantes suivies, dont l’intitulé ne mentionne pas précisément le réf (...)
44L’observation des formations diplômantes spécifiquement liées à la fonction de référent handicap suivies par les enquêtés montre que la plupart sont de niveau Master. En majorité, il s’agit de diplômes universitaires (DU) ou diplômes interuniversitaires (DIU) mentionnant le “référent handicap” dans leur intitulé,17 comme par exemple le “DIU référent handicap secteur privé/secteur public” de l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne, le “DU référent handicap” de l’Université de La Réunion, ou plus récemment le diplôme d’établissement (DE) “référent handicap: accompagnement des personnels en situation de handicap au travail” délivré par l’EHESP.
- 18 L’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) pour la FPH, l (...)
45Les référents handicap ayant déclaré avoir suivi une formation non diplômante en lien avec leur fonction indiquent l’avoir reçue auprès des Handi-Pactes territoriaux, ou plus généralement en interne ou en lien avec la structure de formation du versant de la fonction publique.18
46Les formations Fiphfp19 sont également mentionnées, mais plus rarement (toujours en lien avec le réseau Handi-Pacte).
47Au-delà de besoins de formation, plusieurs commentaires expriment un besoin de reconnaissance du métier de référent handicap: “Une fiche métier dans le référentiel métier de l'administration doit être créée en toute urgence si l’on veut faire de ce travail un métier reconnu, valorisé et pérenne.”
- 20 La loi prévoit un maintien ou une hausse, mais pas de baisse possible.
48La mise en œuvre d’une politique d’inclusion des personnes handicapées dans l’emploi est réaffirmée et renforcée par la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui prévoit de renforcer l’emploi direct des personnes handicapées, à travers notamment une révision du quota20 tous les cinq ans, et le fait que les dépenses déductibles, telles que les contrats de sous-traitance, ne seront plus comptabilisés dans le taux d’emploi. Par conséquent, les employeurs vont devoir augmenter leurs efforts en matière d’emploi des personnes handicapées. Pour y parvenir, le référent handicap est un acteur-clé au sein des établissements, responsable de diverses missions indispensables pour la réussite d’une politique d’inclusion des personnes handicapées dans les établissements. Toutefois, au regard de la multiplicité de leurs missions, malgré la mobilisation de leurs nombreuses connaissances et compétences, les référents handicap rencontrent des difficultés liées pour partie au manque de temps de travail, et à des besoins de formation spécifiques à leur fonction.
- 21 “Les premières conclusions de la concertation nationale lancée par Sophie Cluzel, Secrétaire d’État (...)
49Alors que les pouvoirs publics encouragent une plus forte professionnalisation des référents handicap,21 notamment suite à la concertation relative à l’offre de services d’accompagnement à l’emploi des personnes en situation de handicap lancée par le gouvernement en juillet 2018, l’enquête statistique réalisée auprès des référents handicap de la fonction publique a mis en évidence une variété de situations derrière l’appellation de référent handicap. Les enseignements de l’enquête sur les missions et la formation permettent de dresser un double constat en matière de professionnalisation. D’une part, les référents handicap se positionnent, par les multiples missions qu’ils remplissent, seuls ou en coopération, comme des acteurs-clés de la mise en œuvre de la politique de maintien dans l’emploi et d’insertion de travailleurs en situation de handicap, qui semble aller au-delà du simple respect des quotas. D’autre part, ces professionnels, qui sont une minorité à avoir suivi une formation (diplômante ou non) spécifiquement liée à leur fonction, construisent leurs compétences largement par la pratique une fois entrés dans leur fonction de référent handicap. L’importance des réseaux interprofessionnels structurés à l’échelle territoriale ou inter-établissements, notamment en lien avec le Fiphfp, est apparue dans cette construction et cette consolidation de leur rôle. Le fait que les référents handicap soient largement associés à la rédaction et aux évolutions de leur fiche de poste peut être révélateur de deux réalités plus ou moins imbriquées: une latitude d’action et une reconnaissance de leur expertise, mais aussi un relatif isolement à leur arrivée dans les établissements. De nombreux répondants ont exprimé ce besoin de reconnaissance: “Quand le métier de référent handicap sera reconnu dans la fonction publique soit par examen soit par concours, à ce moment-là, la fonction publique développera une politique handicap efficiente.”
50Les travaux portant sur une profession similaire, celle du référent diversité, ont mis en évidence les différentes étapes ayant marqué l’adhésion des entreprises françaises à la promotion de la diversité. Cela s’est traduit en 2004 par la signature d’une “charte de la diversité” par les entreprises qui s’engagent, un accord interprofessionnel en 2006 et un “label diversité” créée en 2008 avec le soutien des pouvoirs publics. En s’appuyant sur l’exemple des référents diversité du secteur privé, l’institution d’une association professionnelle et l’instauration d’une fiche métier, pourraient permettre une meilleure reconnaissance du rôle des référents handicap du secteur public.
51Au-delà de la nécessité de formation et de création d’une fiche métier spécifique, la reconnaissance des référents handicap passe aussi par l’amélioration de leurs conditions de travail, avec notamment une quotité de temps suffisante dédiée à leurs nombreuses missions. En outre, un travail en étroite collaboration avec la direction de l’établissement et les différents services, en particulier les services ressources humaines, semble indispensable pour permettre de dépasser une logique de quotas et donner les moyens de mener une véritable politique inclusive.
52Si les enseignements de cette première enquête quantitative auprès des référents handicap de la fonction publique contribuent à mieux connaître ces professionnels et la réalité de leur travail, ils soulèvent par ailleurs des questions ou des hypothèses qui nécessitent de poursuivre les investigations, tant au plan de l’analyse des données statistiques (sur les disparités selon le versant de la fonction publique notamment),22 que par la réalisation d’une post-enquête qualitative. Celle-ci a démarré, et constitue un axe de recherche de la nouvelle convention de partenariat signé entre l’EHESP et le Fiphfp (2021-2024). Ce volet qualitatif vise notamment à appréhender de manière fine comment travaillent les référents handicap, quelles sont leurs marges de manœuvre, les leviers d’action mobilisés, leurs trajectoires professionnelles, ainsi que les ressorts du choix ou du non-choix dans le fait de devenir référent handicap.