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Prédire et prévenir la fin de la civilisation, les conservateurs français face aux révolutions du Printemps des peuples en Europe

Ivan Burel

Résumés

La situation politique européenne lors du Printemps des Peuples amène à une étude non seulement militaire, mais aussi politique, des réponses conservatrices à ces évènements révolutionnaires. La révolution parisienne de février 1848, et plus encore, les violents affrontements de rue de juin 1848, suscitent l’émoi mais aussi une réflexion vivace sur les meilleurs moyens de réprimer ces contestations. Cette répression allie la plume et l’épée ; elle naît de la crainte d’une chute, sans retour, de la civilisation européenne. Les conservateurs français, qu’ils soient légitimistes, orléanistes, bonapartistes ou « républicains d’ordre », proposent une lecture certes pessimiste, mais pas pour autant désespérée des évènements qui les entourent. Dans le cadre d’une réflexion européenne, le rapport au peuple est questionné. Certes, l’insurrection naît de ses rangs, mais c’est par l’appel au peuple, par le suffrage, que la barricade sera pleinement enterrée. Les succès militaires, à commencer par celui de Cavaignac en juin 1848, sont temporaires et doivent être légitimées par le scrutin et ses millions de voix.

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Texte intégral

  • 1 Le Constitutionnel, 25 avril 1849.
  • 2 Romieu, Auguste, Le Spectre rouge de l’année 1852, Paris, Ledoyen, 1851.

1Le 25 avril 1849, le Constitutionnel, organe bonapartiste, s’inquiète de l’audience croissante des démocrates-socialistes, aussi bien en province que dans la capitale. Les Français, du moins les hommes de plus de 21 ans, sont en effet appelés à voter pour leurs représentants les 13 et 14 mai 1849, et l’élection semble annoncer des progrès notables pour les candidats sympathisants de la « République démocratique et sociale ». Dans ce nouveau scrutin républicain, les enjeux sont d’importance : il s’agit de la première élection législative depuis les affrontements sanglants du mois de juin 1848, dans les rues de Paris. Selon le Constitutionnel, ces législatives sont d’ailleurs une prolongation des combats s’étant livrés sur les barricades : « Tâchons que la bataille électorale qui va se livrer ne devienne pas une bataille de Poitiers ou une bataille d’Azincourt pour la société »1. Cette inquiétude rejoint une réaction à l’échelle du continent envers ce que le polémiste bonapartiste Auguste Romieu qualifie de « Spectre rouge », dans un pamphlet au ton particulièrement virulent, si ce n’est outrancier2. Les mouvements révolutionnaires – particulièrement s’ils sont proches du socialisme – font l’objet d’attaques accrues de la part des forces conservatrices, qui s’inquiètent d’un effondrement des hiérarchies sociales en cas de soulèvement victorieux. Vienne, Paris, Rome, Berlin, villes frappées par des tentatives insurrectionnelles au cours des années 1848 et 1849, sont considérées comme un même champ de bataille par une frange de journalistes, pamphlétaires et hommes politiques, en France comme dans le reste du continent européen.

  • 3 L’anti-rouge, almanach anti-communiste, anti-socialiste, Paris, Garnier, 1851.

2Le continent semble en effet en proie à des troubles sociaux et politiques sans précédents à leurs yeux. Ainsi, un pamphlet, L’almanach de la république rouge, arbore sur son frontispice un avertissement solennel : « Ne nous endormons pas, car ils veillent »3. Cet ennemi socialiste serait une menace mortelle pour les Etats, non seulement car il entend renverser le gouvernement en place, mais aussi parce qu’il aboutirait, selon ses adversaires, à un partage des propriétés. Cette peur conduit à associer l’insurgé et le pillard, dressant une analogie avec les ravages des Grandes Invasions du ve siècle. Toutefois, la situation ne serait pas désespérée. En effet, bien que la comparaison avec une invasion interne soit récurrente, elle permet cependant d’envisager une réponse. Une réponse pensée aussi bien dans une logique répressive que sur le plus long terme, par l’utilisation à bon escient du suffrage électoral.

A partir de 1848, une situation jugée dramatique pour la France et l’Europe

  • 4 Jove, Sylvie, « Représentations modernes et contemporaines : barbares redécouverts, barbarie réinve (...)
  • 5 Chevalier, Louis, Classes laborieuses et classes dangereuses, Paris, Perrin, 2002, p. 533.
  • 6 Cochet de Savigny, Pierre, « Sur la discipline dans la société et dans l’armée », Journal de la gen (...)

3Les peurs conservatrices du Printemps des Peuples sont notamment attisées par la figure du « barbare », une figure mythique et dont l’association au révolutionnaire devient, peu à peu, un topos assumé au cours du siècle. Selon Sylvie Jove, le barbare « occupe aussi, depuis le début du xixe siècle, la place d’autre absolu du bourgeois triomphant dans l’imaginaire social urbain »4. Parler de « barbare » amène à placer en dehors de la nation, et du monde civilisé, les populations suspectes, les « classes dangereuses ». Selon Louis Chevalier, on peut même parler d’une « lutte de races » dans l’esprit de certains contemporains, entre deux populations classées et divisées par leurs mœurs, leur langage et leurs vies quotidiennes5. Invoquer la « barbarie » permet de dissocier les revendications socialistes, en émergence à compter de la décennie 1840, d’une juste cause. Le barbare serait en effet animé par l’instinct de destruction, celui d’un nouvel « Erostrate », l’incendiaire antique du temple d’Ephèse. Pierre Michel consacre d’ailleurs un chapitre, intitulé « Attila et Erostrate », de son ouvrage Un mythe romantique, les Barbares, 1789-1848 à ces visages donnés aux insurgés par leurs adversaires. L’officier de gendarmerie Cochet de Savigny parle en 1850, des « Erostrate manqués » ennemis de l’armée, « poursuivis d’une manie furieuse de destruction, et qui doivent fatalement, en fin de tout, terminer par se détruire eux-mêmes »6.

  • 7 Romieu, Auguste, L’ère des Césars, Paris, Ledoyen, 1850, pp. 6-7.
  • 8 Cité dans Nurdin, Jean, Le rêve européen des penseurs allemands (1700-1950), Villeneuve d’Ascq, Pre (...)
  • 9 Le socialisme et la religion, ou : Gare aux clochers si les rouges viennent !, Paris, Ledoyen, 1849 (...)

4Avec l’instabilité politique de la Deuxième République, les rappels du danger que poseraient ces barbares se multiplient. La comparaison entre le sort de l’Europe au xixe siècle et celle du continent au ve siècle, lors de la chute de l’Empire romain, connait un certain succès. La France, et le continent avec elle, se trouveraient à un moment décisif de leur Histoire. Selon le bonapartiste Auguste Romieu, la société serait ainsi minée par les « barbares de l’intérieur » et risquerait un destin similaire à celui de l’Empire romain7. En 1850, Metternich, déchu, estime aussi que « la situation dans laquelle se trouve l’Europe ressemble à celle qui a causé la ruine du Bas-Empire »8. Selon un pamphlet éloquemment intitulé Le socialisme et la religion, ou gare aux clochers si les rouges viennent ! daté de 1849, les républicains de Rome, contre lesquels la France dépêche un corps expéditionnaire, ne vaudraient pas mieux que des « barbares, pires que les Vandales et les Huns »9. Pour Lucien Davesiès, haut-fonctionnaire et homme de lettres, les socialistes seraient même pires que les barbares du ve siècle, en incarnant des ennemis du genre humain :

  • 10 Davésiés, Lucien, Paris tuera la France, nécessité de déplacer le siège du gouvernement, Paris, Den (...)

On les appelle les Barbares ; il faudrait leur trouver un autre nom, si le mauvais génie de la France la livrait à leurs expériences. La destruction de la civilisation par les Barbares ne fut point systématique […] Mais aujourd'hui nos barbares apportent à l'œuvre de la destruction des raffinements qui la rendent bien autrement radicale. Non-seulement ils veulent détruire l'économie sociale, la famille, les lois, les croyances, les principes, mais ils détruisent l'homme.10

  • 11 Gribaudi, Maurizio, Paris, ville ouvrière, Paris, La Découverte, 2014, p. 392.

5Craindre un effondrement civilisationnel en 1848 s’explique notamment par les attaques, redoutées, des forces socialistes et radicales envers les hiérarchies sociales. Comme le note Maurizio Gribaudi, le refus, par un nombre important d’ouvriers parisiens, du système économique libéral fait porter sur ces travailleurs un soupçon d’arriération. Pour les libéraux et conservateurs, ils sont donc entendus « uniquement comme un ensemble chaotique tendu entre survivance et désagrégation »11. La crainte d’un partage des propriétés est particulièrement mise en avant, et on peut y voir un des principaux arguments pour justifier l’accusation de « barbarie ». Les républicains au pouvoir après février 1848, comme les orléanistes au lendemain de juillet 1830, ont renversé le régime politique en place, sans remettre en cause l’organisation des forces productives de la France. A l’inverse, les ambitions d’une refondation de la société autour de principes égalitaristes inquiètent particulièrement les conservateurs.

  • 12 Les violences luddites sont bien connues en France. Les comparaisons avec les revendications ouvriè (...)
  • 13 Le Journal des débats, 26 novembre 1831.
  • 14 Ibid., p. 43.
  • 15 Braccini, GCJ, L’armée et le socialisme, simples réflexions sur la question du moment, par un paysa (...)

6Certes, l’accusation n’est pas nouvelle : les troubles internes s’accompagnent régulièrement de peurs à propos d’une potentielle répartition des propriétés. Le Journal des débats dénonce dès le 26 novembre 1831 les canuts comme l’équivalent des luddites anglais12, s’en prenant aux propriétés et à l’industrie13. Cependant, avec l’essor des courants socialistes, le discours sur la propriété en danger s’accroît de concert. Pour la vulgate antisocialiste, un triomphe de la République démocratique et sociale s’accompagnerait d’un partage des biens généralisé. A l’Assemblée nationale, le ministre de la guerre Eugène Cavaignac fait – dans un discours prononcé pendant les dernières heures des combats de juin 1848 – de la propriété une cause sainte : « Nous le jurons, la France tout entière […] repousse avec horreur ces doctrines sauvages où la famille n'est qu'un nom, et LA PROPRIÉTÉ UN VOL »14, visant explicitement les idées de Joseph Proudhon. La peur d’un partage des propriétés, et par extension d’une spoliation de masse, doit éloigner les propriétaires des « partageux ». S’appuyant sur les craintes du communisme activées depuis la décennie 1840, les antisocialistes font de la défense de la propriété une cause dépassant les clivages politiques. Pour l’ancien capitaine Braccini « Il n'y a plus aujourd'hui que deux camps en présence. L'ordre social actuel, et l'ordre social nouveau. La propriété et le Socialisme. Entre ces deux termes, toute barrière disparaît, toute individualité s'efface »15.

7De même, la barbarie serait notable par les atrocités qui accompagneraient les soulèvements, en France et en Europe. Une estampe du graveur Patrioty, « Halte-là, Halte là, le soldat français est là », est explicite. En arrière-plan, un couple de Français, des paysans, représente la famille paisible : la mère tient un bébé dans ses bras, un autre repose dans un berceau à ses pieds.

Patrioty, « Halte là… Halte là… ! Le soldat français est là », estampe, 36.4x28 cm, Paris, Musée Carnavalet, (CCØ).

  • 16 Patrioty, « Halte là… Halte là… ! Le soldat français est là », estampe, 36.4x28 cm, Paris, musée Ca (...)
  • 17 Deluermoz, Quentin, « Comparer les massacres ? La boucherie de juin 1848 et la Semaine sanglante de (...)
  • 18 Fureix, Emmanuel, « Mots de guerre civile. Juin 1848 à l'épreuve de la représentation », Revue d'hi (...)

8La présence d’un juge gardant à sa main la balance de la justice, et d’un crucifix posé sur l’autel, souligne leur respect de la propriété, des lois de la république et de la religion. Toutefois, le piédestal de cette paisible France est menacé par un ensemble de barbares, incarnant plusieurs figures des mouvances radicales. Proudhon y arbore un bonnet phrygien, tatoué comme un Maori. Un serpent, corrupteur, tente d’apporter une feuille titrée « Promesse de partage », quand des Amérindiens et autres figures tatouées et coiffées de bonnets phrygiens veulent s’en prendre au paisible couple. Pour les repousser, un soldat d’infanterie de ligne, figure inflexible de l’ordre, les repousse de la crosse de son fusil16. Le spectre de 1793, « l’expérience négative par excellence sauf pour quelques couples minoritaires »17, se mélange au barbare extra-européen. Les figures de « Satan, du cannibale, de la métaphore animale » sont abondamment employées sous la République18. En juin 1848, les insurgés sont soupçonnés de mutilations macabres contre les soldats et gardes mobiles prisonniers. Selon l’ouvrage Sanglante insurrection des 23, 24, 25, 26 juin 1848 dans un récit – fictif – et confinant entre l’horreur et le grotesque :

  • 19 Sanglante insurrection des 23, 24, 25, 26 juin 1848. Ou Narration exacte et authentique de tous les (...)

Sur plusieurs barricades, des têtes coupées et coiffées de képis avaient été placées comme des épouvantails. Enfin, une tête, dans la bouche de laquelle on avait coulé de la poix et mis une mêche, a été plantée sur une pique. Cet horible (sic) fanal a été allumé, et les misérables qui avaient commis cette effroyable barbarie chantaient autour de ce hideux trophée : Des lampions ! Des lampions ! – Des actes d'une révoltante atrocité, commis par les rebelles, nous sont signalés. Nous n'hésitons pas à les publier, pour montrer une fois pour toutes, quels sont les ennemis de la société et de la civilisation.19

  • 20 Ibid., p. 341.

9Néanmoins, bien que la situation semble dramatique, un espoir demeure. Il faut relever que la comparaison avec le « barbare » des Grandes Invasions est à double tranchant. En effet, s’ils incarnèrent un danger primordial, ceux-ci furent malgré tout vaincus – comme l’armée d’Attila aux Champs Catalauniques – ou adoptèrent le christianisme et ne mirent pas à bas les vestiges de la romanité. Selon le penseur chrétien Frédéric Ozanam, les nouveaux barbares des barricades devront ainsi, à l’image de leurs ancêtres du ve siècle, être domptés par le christianisme20. Assimiler l’insurgé aux barbares des temps jadis, c’est, d’une certaine façon, rassurer son auditoire : les barbares ont fini par être conquis, assimilés ou convertis par la foi chrétienne. Certes, ils ont mis en péril le continent, mais sans pour autant le détruire : un barbare est donc amené à s’effacer devant les progrès de la civilisation.

10Prolonger la civilisation européenne, et prévenir sa chute, ne serait pas une vaine espérance, mais un objectif à atteindre. Dans l’immédiat, les conservateurs pensent avoir identifié les armes les plus efficaces. Au-delà d’un seul usage de la force, c’est à une appropriation du suffrage universel, et de la légitimité électorale, qu’appelle un important courant d’opinion, que l’on retrouve notamment parmi les bonapartistes.

Par le fer et par le vote, empêcher la fin de la civilisation

  • 21 Engels, Friedrich, Revolution und Konterrevolution in Deutschland, Berlin, Karl Dietz Verlag, 1988.
  • 22 « General Négrier », Allgemeine Militär Zeitung, Leipzig et Darmstadt, Carl Wilhelm Leske, 1848, p. (...)
  • 23 Ibid.
  • 24 Ibid.
  • 25 « Tod des Generals Brea », Allgemeine Militär Zeitung, Leipzig et Darmstadt, Carl Wilhelm Leske, 18 (...)
  • 26 Le Journal de Bruxelles, 29 juin 1848.

11La victoire obtenue par les forces armées sous le commandement du général Cavaignac à Paris, lors des journées de juin 1848, est accueillie avec soulagement parmi les conservateurs européens. En effet, comme le note Friedrich Engels : « Il leur était montré pour la première fois depuis février qu’il était faux de tenir comme invincible un soulèvement populaire dans une grande ville »21. Les soldats tombés à Paris sont érigés en combattants, et sauveurs, de la civilisation européenne. L’Allgemeine Militär Zeitung leur consacre quatre articles : les 27 juillet, 1er août et 10 août, respectivement aux généraux Négrier, Bréa et Duvivier tombés lors des opérations, et le 29 août aux « Pertes de l’armée lors des combats des journées de juin ». L’éloge funèbre de Négrier est l’occasion de rappeler que de son sacrifice, de celui de ses camarades officiers, dépendait le sort de toute l’Europe : « et que serait-il donc advenu du sort de Paris, de la France, de l’Europe toute entière ? » en effet, « il y allait ici d’un combat entre la civilisation et la barbarie »22 [ein Kampf der Barbarei mit der Civilisation]. Le général Négrier, « courageux général », est tombé sous les coups d’un « traître à la patrie et à l’humanité », reprenant les mots de la Gazette de Cambrai. Un général qui avait pourtant résisté aux « sauvages Arabes »23 [wilden Araben] lors de ses campagnes en Algérie. De cette mort, que retenir, pour la France comme pour l’Allemagne, si ce n’est que le salut viendra de l’armée ? « L’avis est à présent répété en France comme en Allemagne, prouvé par les évènements, que sans une armée brave, entrainée et bien disciplinée, les deux Etats seraient aux mains de la plus cruelle anarchie »24. L’éloge du général Bréa reprend des informations présentes dans le Constitutionnel, et s’accorde avec l’organe bonapartiste : « La victoire de l’ordre à Paris a peut-être sauvé la civilisation des barbares envahisseurs »25. Selon le Journal de Bruxelles, la mort du général Négrier et celle de Mgr. Affre incarnent respectivement le deuil de l’armée, et de l’Eglise. Pour cette dernière, le parallèle avec le rôle du pape et de Sainte-Geneviève face à Attila, barbare d’un autre temps, est explicite : « Le prélat allait, les mains armées de la croix et les lèvres entrouvertes de paroles de paix, se présenter devant le nouvel Attila qui menace la civilisation moderne »26.

  • 27 Archives Diplomatiques de Belgique, Correspondance diplomatique, Légations, France 14.1, 1849, « 10 (...)
  • 28 Le Journal des Débats, 8 novembre 1848.
  • 29 « Die Ermordung Lichnowsky’s und Auerswald’s », Die Grenzboten, Zeitschrift für Politik und Literat (...)
  • 30 « Dank der Kammern an die Armee », Militär Wochenblatt, volume 33, Berlin, Ernst Siegfried Mittler, (...)

12Les martyrs des conservateurs ne sont pas seulement Français, ils forment un panthéon européen, pleuré par-delà les frontières des Etats. La mort du maréchal Bugeaud, figure publiquement engagée contre les démocrates-socialistes, est tristement déplorée par l’ambassadeur de Belgique Firmin Rogier, qui écrit au ministre des Affaires étrangères : « J’ai une bien déplorable nouvelle à vous annoncer ; le maréchal Bugeaud est mort ce matin »27. La mort du général von Auerswald et du Prince Lichnowsky aux mains des insurgés dans les combats de Francfort le 17 septembre 1848 est publicisée en France, le Journal des Débats dénonçant un « acte de barbarie » dans son numéro du 8 novembre28. Le Grenzboten évoque aussi un « meurtre »29 [Ermordung]. A Berlin, le président de la Chambre Rudolf von Auerswald – frère du général tué à Francfort – remercie solennellement les soldats de la Heer car « l’armée prussienne a non seulement sauvé la Prusse, je crois pouvoir le dire, mais l’Allemagne tout entière du pire des chaos »30. Renvoyés aux victimes françaises, autrichiennes, italiennes des combats, ces morts s’intègrent à un ensemble de pertes communes, devant être pleurées par les conservateurs de tous pays. Eugène de Civry, publiciste et apologiste de l’armée française, relie le corps expéditionnaire français à Rome avec d’autres combats contre-insurgés de 1848-1849 :

  • 31 Civry, Eugène (de), L’armée française et son histoire (496-1852), Paris, Ledoyen, 1852, p. 11.

Vienne a trouvé un nouveau Sobieski […] La Prusse, sauvée par sa vigoureuse organisation militaire […] Autour d’elle, les Etats qu’elle a protégés de ses armes et ceux qui se sont défendus eux-mêmes avec l’épée de Wittikind, cherchent à effacer les traces du cataclysme et à rassembler les éléments qui en préviendront le retour […] L’Italie […] rend grâce à l’épée qui est venue au secours de la Croix, au canon qui a sauvé le trône.31

  • 32 Rudl, Joseph, Die Barrikaden Prag's in der verhängnißvollen Pfingstwoche 1848 : dargestellt in eini (...)
  • 33 Sked, Alain, Radetzky. Imperial Victor and Military Genius, Londres, IB Tauris, 2011, p. 115.
  • 34 Leithold, Gottfried Theodor (von), Straßenkampf mit Barrikaden, ein geschichtlicher Rückblick nebst (...)

13Les succès emportés sur les barricadiers se répètent sur plusieurs années, après les succès initiaux des révolutionnaires. Il est à noter que la victoire de Cavaignac du 26 juin 1848 n’est pas la première victoire contre-insurgée au cours du Printemps des Peuples. A Prague, notamment, l’armée autrichienne du maréchal Windischgrätz réprime avec succès une tentative de soulèvement du 12 au 17 juin 184832. Parmi les opérations de contre-insurrection, la plus notable est la reconquête de Vienne, évacuée le 6 octobre 1848 par les autorités et l’armée impériale, et gouvernée par une coalition de libéraux et de radicaux. Après un blocus de la ville par l’armée impériale, toujours commandée par Windischgrätz, et un bombardement soutenu depuis le 23 octobre, l’assaut est donné, et la capitulation obtenue le 31. Les résultats ne laissent pas indifférents les officiers français : selon Cavaignac, du sort de Vienne dépend celui de toute l’Europe33. De même, selon l’amateur éclairé Leithold, qui entreprend de proposer au public un manuel du combat urbain, le siège de Vienne est le plus important en matière de combats insurrectionnels, après les affrontements de Paris34. Enfin, avec la chute de la République romaine face au corps expéditionnaire français, commandé par le général Oudinot, en juillet 1849, une autre capitale européenne est enlevée des mains des révolutionnaires.

  • 35 Brougham, Henry Peter, Letter to the Marquess of Lansdowne on the Late Revolution in France, Londre (...)
  • 36 Grant Mitchell, Donald, The Battle Summer ; being transcripts from personal observations in Paris, (...)
  • 37 Die Neue Preussische Zeitung, 06 mai 1849.
  • 38 Ibid.
  • 39 Ibid.

14Ces moments de combat armé, qui infligent des coups d’arrêt aux tentatives des radicaux, sont notables mais ils restent assimilés malgré tout à des succès temporaires et passagers. La bataille de juin 1848 à Paris n’est pas considérée par les conservateurs comme une victoire définitive, mais plutôt comme un succès éphémère, ne pouvant arrêter sur le long terme les progrès des révolutionnaires. Les avancées des démocrates-socialistes inquiètent à l’échelle de l’Europe. Au Royaume-Uni, le baron de Brougham and Vaux fait paraître sa Letter to the Marquess of Lansdowne on the Late Revolution in France, pastiche explicite des Reflections on the Revolution in France d’Edmund Burke. Les révolutionnaires de 1848 sont assimilés à un simple reflet des jacobins de 179235. L’essayiste américain Donald Grant Mitchell, qui visite Paris en 1848, relève, avec une certaine ironie, les échos journalistiques entre Paris et Londres : « Le socialisme, quelle plaie ! dit le Journal des Débats, avec ses lecteurs – et Le socialisme, quelle abomination ! dit le London Standard, avec ses lecteurs – et le socialisme est en train de détruire la république – dit le Sun »36. Un sentiment de clivage durable s’installe, alors que les républicains modérés sont fortement affaiblis après juin 1848. Le renforcement des conservateurs, mais également des démocrates-socialistes, développe la vision dualiste de la politique française, qu’arborent les forces de droite. Ce clivage est manifeste avec les résultats des élections de mai 1849, donnant la première place aux candidats soutenus par le parti de l’Ordre. Pour le Neue Preussische Zeitung, organe des conservateurs prussiens de choc, les 13 et 14 mai ont fait élire « des royalistes ou des socialistes »37 [entweder royalisten oder sozialisten]. En effet, moins nombreux que l’alliance des conservateurs, les démocrates-socialistes sortent toutefois renforcés à l’Assemblée nationale, et sont fortement plébiscités dans le Sud-Ouest, et une large part de la Bourgogne et du Sud-Est. Le clivage entre la France du parti de l’Ordre et ce qu’elle perçoit comme un danger « rouge » s’accroît, d’autant plus que les républicains modérés sont les grands perdants du scrutin, qui poursuit l’échec de leur prétendant, Cavaignac, en décembre 1848, aux élections présidentielles (n’ayant reçu que 19.61 % des voix contre 74.31 % pour Louis-Napoléon Bonaparte, soutenu par le parti de l’Ordre). « En résumé, les politiques [il est fait référence ici aux partisans de la conciliation entre protestants et catholiques, lors des guerres de Religion du XVIe siècle] de la République sont morts »38 affirme le Neue Preussische Zeitung le 19 mai. Le combat entre deux camps en tout opposés, et sans espace intermédiaire, se développe : « la peur qu’ils inspirent sera un lien de cohésion durable entre les défenseurs de la société que la victoire aurait désunis »39 note le même article à propos des députés démocrates-socialistes.

  • 40 Le Journal de Bruxelles, 20 mai 1849.
  • 41 Le Pays, 13 mai 1849.
  • 42 Le Constitutionnel, 1er mai 1849.
  • 43 Hastings, Michel, « Sous le pavé les urnes. La pacification républicaine des lieux de contestation  (...)

15Malgré les remous suscités par ce scrutin, l’acceptation du vote et du suffrage par les forces conservatrices françaises leur permet d’opposer la légitimité des urnes à celle des barricades. Ainsi, selon le Journal de Bruxelles, au lendemain des élections de mai : « La guerre entre l’ordre et l’anarchie se régularise sur une grande échelle. Elle va prendre des proportions de plus en plus larges. L’anarchie sera vaincue sur la place publique, elle succombera dans la solennité du scrutin législatif »40. Les bonapartistes sont particulièrement actifs pour défendre le suffrage universel masculin, comme une réponse aux exigences des barricadiers. Dans leurs journaux du Pays et du Constitutionnel, ils défendent l’appel au peuple, particulièrement dans sa forme plébiscitaire : « La légitimité n’est un principe que parce qu’elle est l’élection sanctifiée par le temps »41 affirme ainsi le Pays du 13 mai. Le président Louis-Napoléon Bonaparte, leur champion, peut s’appuyer sur son élection directe : une nouvelle onction qui n’est plus divine mais populaire : « Mais qui êtes-vous donc, vous qui parlez en maîtres du peuple ? Délégués de qui ? Délégués de quoi ? Il y a quelqu’un dans la République qui a reçu le pouvoir exécutif en délégation ; il l’a reçu, lui, des mains de 6 millions de citoyens ; et ce délégué-là n’est rien à vos yeux ! »42. Contre la légitimité tirée des barricades, qui ne serait que celles des mauvais éléments de la société, le scrutin renforce la capacité du régime à se défendre, et à repousser les tentatives révolutionnaires. Comme le note Michel Hastings « le suffrage universel n’a pas été le fossoyeur de la bourgeoisie mais son rédempteur »43.

16Cette légitimation se retrouve lors du coup d’Etat du 2 décembre 1851, exécuté par les bonapartistes. Ainsi, le 12 décembre 1851, l’ambassadeur autrichien Rodolphe Apponyi s’entretient avec Louis-Napoléon Bonaparte pour lui apporter le soutien de la monarchie autrichienne. Le diplomate est inquiet, alors que les nouvelles de « jacqueries » en province sont connues de Paris. Toutefois, le prince-président le rassure, il disposerait de moyens de répression bien supérieurs à ceux des rois déchus. Contrairement à eux, les millions de scrutins lui offrent la meilleure ligne de défense pour vaincre les ambitions démocrates-socialistes :

  • 44 Daudet, Ernest (ed.), « 12 décembre 1851 », Journal du comte Rodolphe Apponyi, Attaché de l’ambassa (...)

Charles X, ni Louis-Philippe n'auraient pu faire ce que j'ai fait ; ils étaient rois. — Je comprends. Vous avez fait le coup au nom de la République, au nom du peuple. — Je trouve dans ce peuple une adhésion entière. Vous ne vous figurez pas quelles excellentes nouvelles je viens de recevoir de la province. Au reste, ceux qui crient le plus contre moi aujourd'hui, se rallieront au gouvernement. La jacquerie qui s'est faite dans les provinces vient à l'appui de mes paroles, de mes proclamations. — Et vous font, dis-je, beaucoup de bien. On sera obligé de se rallier à moi pour éviter le désordre.44

Conclusion

17Au vu des écrits et réflexions des conservateurs européens, l’inquiétude soulevée par les progrès démocrates-socialistes se manifeste clairement, dès l’année 1848. La comparaison entre les Grandes Invasions du Ve siècle et les révolutions qui se déclarent sous leurs yeux est en effet révélatrice : le danger ne concerne pas un seul changement de régime, mais plutôt un bouleversement qui se produirait quant à la pérennité des hiérarchies sociales. Cette inquiétude confine parfois à une vision apocalyptique de la situation politique et sociale du continent. Toutefois, il serait erroné d’imaginer ces conservateurs, de diverses obédiences, se contenter d’un rôle passif et résigné. Au contraire, plusieurs mouvements de contre-attaque intellectuelle sont identifiables. Cette contre-offensive ne peut déjà s’analyser à la seule échelle nationale. Les penseurs, mais aussi les journalistes sympathisants et les responsables engagés dans la préservation de l’ordre social en vigueur, se lisent et s’influencent mutuellement. L’effondrement, craint par les conservateurs français, serait toutefois repoussé par une réaction commune. Au-delà des moments de coordination militaire, nous pouvons évoquer une forme de continuum intellectuel des conservateurs, réunis autour d’une crainte mutuelle du socialisme, plus que d’une commune idéologie. Les évènements français sont ainsi observés, et étudiés à l’étranger, et les circulations d’idées et de représentations sont pleinement appréhendées par les chantres de l’antisocialisme. Cette réaction se fait certes par la force, d’où l’éloge de l’armée, mais le meilleur moyen de conjurer cet effondrement se manifeste par un rapport, ambivalent, aux masses populaires. La masse reste inquiétante parce qu’elle fournit les gros bataillons de l’«  émeute ». De plus, les nombreuses voix qu’elle accorde aux démocrates-socialistes en mai 1849 pourraient renforcer la défiance à son égard. Toutefois, il faut se garder d’une approche qui simplifierait ainsi notre propos. Les campagnes bonapartistes en faveur de l’«  appel au peuple » montrent qu’au moins une part de ces conservateurs a compris les usages potentiels du scrutin. La franchise de Louis-Napoléon Bonaparte avec l’ambassadeur Apponyi illustre et souligne l’appropriation du suffrage par le camp de l’« ordre ».

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Notes

1 Le Constitutionnel, 25 avril 1849.

2 Romieu, Auguste, Le Spectre rouge de l’année 1852, Paris, Ledoyen, 1851.

3 L’anti-rouge, almanach anti-communiste, anti-socialiste, Paris, Garnier, 1851.

4 Jove, Sylvie, « Représentations modernes et contemporaines : barbares redécouverts, barbarie réinventée », Les barbares, sous la direction de : Dumézil, Bruno, Paris, Presses Universitaires de France, 2016, p. 113.

5 Chevalier, Louis, Classes laborieuses et classes dangereuses, Paris, Perrin, 2002, p. 533.

6 Cochet de Savigny, Pierre, « Sur la discipline dans la société et dans l’armée », Journal de la gendarmerie de France, Paris, Léautey, Libraires de la gendarmerie de France, 1850, p. 513.

7 Romieu, Auguste, L’ère des Césars, Paris, Ledoyen, 1850, pp. 6-7.

8 Cité dans Nurdin, Jean, Le rêve européen des penseurs allemands (1700-1950), Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2003.

9 Le socialisme et la religion, ou : Gare aux clochers si les rouges viennent !, Paris, Ledoyen, 1849, p. 29.

10 Davésiés, Lucien, Paris tuera la France, nécessité de déplacer le siège du gouvernement, Paris, Dentu, 1850, p. 54.

11 Gribaudi, Maurizio, Paris, ville ouvrière, Paris, La Découverte, 2014, p. 392.

12 Les violences luddites sont bien connues en France. Les comparaisons avec les revendications ouvrières anglaises sont également attestées. Par exemple, un rapport du commissaire de police de Belfort en 1823 rapporte que des ouvriers mécontents veulent mettre le feu aux machines, à l’image des troubles anglais, cité dans Jarrige, François, « La crise luddite et les voies de résolution du conflit (Angleterre, début du xixe siècle) », Entre violence et conciliation. La résolution des conflits sociopolitiques en Europe au xixe siècle, sous la direction de : Caron, Jean-Claude, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 72.

13 Le Journal des débats, 26 novembre 1831.

14 Ibid., p. 43.

15 Braccini, GCJ, L’armée et le socialisme, simples réflexions sur la question du moment, par un paysan qui a été soldat, Paris, Lévy, 1849, p. 36.

16 Patrioty, « Halte là… Halte là… ! Le soldat français est là », estampe, 36.4x28 cm, Paris, musée Carnavalet.

17 Deluermoz, Quentin, « Comparer les massacres ? La boucherie de juin 1848 et la Semaine sanglante de mai 1871 », Paris, L’insurrection capitale, sous la direction de : Caron Jean-Claude, (dir.), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2014, p. 75.

18 Fureix, Emmanuel, « Mots de guerre civile. Juin 1848 à l'épreuve de la représentation », Revue d'histoire du xixe siècle, n° 15, 1997, p. 25.

19 Sanglante insurrection des 23, 24, 25, 26 juin 1848. Ou Narration exacte et authentique de tous les évènements qui viennent de s’accomplir pendant ces quatre journées avec le plan d’attaque et de défense des insurgés et le nom des chefs et des principaux meneurs, Paris, 1848, p. 21.

20 Ibid., p. 341.

21 Engels, Friedrich, Revolution und Konterrevolution in Deutschland, Berlin, Karl Dietz Verlag, 1988.

22 « General Négrier », Allgemeine Militär Zeitung, Leipzig et Darmstadt, Carl Wilhelm Leske, 1848, p. 719.

23 Ibid.

24 Ibid.

25 « Tod des Generals Brea », Allgemeine Militär Zeitung, Leipzig et Darmstadt, Carl Wilhelm Leske, 1848, pp. 735-73.

26 Le Journal de Bruxelles, 29 juin 1848.

27 Archives Diplomatiques de Belgique, Correspondance diplomatique, Légations, France 14.1, 1849, « 10 juin 1849, Rogier à D’Hoffschmidt ».

28 Le Journal des Débats, 8 novembre 1848.

29 « Die Ermordung Lichnowsky’s und Auerswald’s », Die Grenzboten, Zeitschrift für Politik und Literatur, Leipzig, Herbig, 1848.

30 « Dank der Kammern an die Armee », Militär Wochenblatt, volume 33, Berlin, Ernst Siegfried Mittler, 1849, p. 169.

31 Civry, Eugène (de), L’armée française et son histoire (496-1852), Paris, Ledoyen, 1852, p. 11.

32 Rudl, Joseph, Die Barrikaden Prag's in der verhängnißvollen Pfingstwoche 1848 : dargestellt in einigen Bildern mit beleuchtendem Texte aus den Begebenheiten dieser Tage, Prague, Landau, 1848.

33 Sked, Alain, Radetzky. Imperial Victor and Military Genius, Londres, IB Tauris, 2011, p. 115.

34 Leithold, Gottfried Theodor (von), Straßenkampf mit Barrikaden, ein geschichtlicher Rückblick nebst Betrachtungen über die Verhältnisse des Angriffs und der Vertheidigung dabei, Berlin, Mittler & Sohn, 1849, p. 82.

35 Brougham, Henry Peter, Letter to the Marquess of Lansdowne on the Late Revolution in France, Londres, James Ridgway, 1848.

36 Grant Mitchell, Donald, The Battle Summer ; being transcripts from personal observations in Paris, during the year 1848, Ann Arbor, University of Michigan Library, 2005, [première edition en 1850], p. 252.

37 Die Neue Preussische Zeitung, 06 mai 1849.

38 Ibid.

39 Ibid.

40 Le Journal de Bruxelles, 20 mai 1849.

41 Le Pays, 13 mai 1849.

42 Le Constitutionnel, 1er mai 1849.

43 Hastings, Michel, « Sous le pavé les urnes. La pacification républicaine des lieux de contestation », Les Espaces révolutionnaires, Paris, Editions du CTHS, 1990, p. 37.

44 Daudet, Ernest (ed.), « 12 décembre 1851 », Journal du comte Rodolphe Apponyi, Attaché de l’ambassade d’Autriche à Paris (1845-1852), Paris, Plon, 1914, p. 368.

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Table des illustrations

Légende Patrioty, « Halte là… Halte là… ! Le soldat français est là », estampe, 36.4x28 cm, Paris, Musée Carnavalet, (CCØ).
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Pour citer cet article

Référence électronique

Ivan Burel, « Prédire et prévenir la fin de la civilisation, les conservateurs français face aux révolutions du Printemps des peuples en Europe »Amnis [En ligne], 21 | 2022, mis en ligne le 30 septembre 2022, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/amnis/7075 ; DOI : https://doi.org/10.4000/amnis.7075

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Auteur

Ivan Burel

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