Les Gilets jaunes : « nous sommes le peuple »
Résumés
Le mouvement des Gilets jaunes a fait couler beaucoup d’encre. Le monde politique comme les chercheurs en sciences sociales ont produit des analyses, partagé des lectures. Etait-ce la peine d’en rajouter ? Cet article ne propose pas de revenir sur tout ce qui a été produit sur la question, mais plutôt d’observer théoriquement ce mouvement pour réfléchir à l’évolution contemporaine de la notion de peuple dans les différentes conceptions de la démocratie. Les aspirations des Gilets jaunes, comme la réponse qui leur a été apportée politiquement marquent une distinction révélatrice d’une crise profonde de la chose politique.
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- 1 Cette contribution s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche intitulé « FE2C-Equilibre des p (...)
- 2 Le Débat, 2019/2, n° 204.
- 3 Bozo, Frédéric et Costa, Olivier, « Les Gilets jaunes à l’Université », Commentaire, 2020/2, n° 170 (...)
- 4 Hors les murs, 2019/2, n° 494.
- 5 Lignes, 2019/2, n° 59.
- 6 Le Bras, Hervé, « La voiture, les gilets jaunes et le rassemblement national », Etudes, avril 2019.
- 7 Dumont, Gérard-François, « Si les gilets jaunes m’étaient contés », in Population et avenir, 2019/2 (...)
1On a déjà beaucoup écrit sur les Gilets jaunes1. Rarement mouvement social n’aura, dès son apparition, engendré tant d’études, de commentaires, d’analyses non seulement journalistiques, mais aussi et surtout « scientifiques ». A la requête « Gilets jaunes », le catalogue général de la BNF donne 455 notices d’ouvrages imprimés, sans compter les articles de journaux, de revues, de magazines. La plupart des grandes revues intellectuelles ont consacré un dossier aux Gilets jaunes, rassemblant les auteurs les plus autorisés. En mars-avril 2019, Le Débat publie un numéro intitulé « La France des Gilets jaunes »2 où signent, entre autres, Marcel Gauchet, Gérard Grunberg et Alain Duhamel. Dans Commentaires, on s’inquiète de voir des « Gilets jaunes à l’Université »3. Hors les murs, des anciens élèves de l’ENA, consacre un numéro intitulé « Regards sur les Gilets jaunes » où s’expriment Daniel Agacinski, Danielle Tartakowsky ou Hervé Le Bras4. Lignes publie un numéro « Les Gilets jaunes : une querelle des interprétations »5. Hervé Le Bras récidive dans Etudes en avril 20196. Gérard-François Dumont signe son éditorial de Population et avenir avec pour titre « Si les gilets jaunes m’étaient contés… »7, et bien sûr la liste n’est pas exhaustive.
2Le titre de Lignes est d’ailleurs très significatif : « une querelle des interprétations ». Le mouvement a débuté en novembre 2018, et dès l’hiver 2019, les interprétations sont déjà en conflit.
- 8 Cf. Tavoillot, Pierre-Henri, Comment gouverner un peuple roi ? Traité nouveau d’art politique, Pari (...)
3Faut-il en rajouter ? Y a-t-il encore à dire ? Les « scientifiques du social » se sont penchés sur la question : ils l’ont décortiquée, analysée, se sont confrontés et même querellés. Bien sûr, on pourrait faire une « revue de littérature » en désignant les camps, en indiquant les tendances, en cartographiant les postures. On dénoncera les postulats des uns, on partagera les présupposés des autres. Au fond, l’objet ici aura peu d’importance, car en déterminant les partis-pris ici et là, on ne fera que confirmer les positions théoriques des uns ou des autres. Les analyses se sont multipliées : à gauche, on a dépeint une révolte populaire qui fait resurgir la question sociale, à droite, on a décrit une jacquerie qui confirme l’aspect ingouvernable du « peuple-roi »8, au centre-gauche, on a affirmé avoir affaire à la manifestation de la dichotomie entre le peuple sociologique et le peuple politique et, au centre-droit, on s’est plaint de ce que le peuple ignorant était un frein réactionnaire au progrès. Dans presque tous les cas, cependant, on a alerté sur le spectre du populisme.
- 9 S/N, « Les sciences sociales et le mouvement des “gilets jaunes” », Ressources en sciences économiq (...)
4Les chercheurs ont alors essayé de mieux comprendre. Ils ont enquêté, selon des protocoles bien établis, posé un corpus empirique, dépouillé des questionnaires, participé à des observations. Ils sont formels : le mouvement est hétérogène9.
- 10 Châteauneuf-Malclès, Anne, « Entretien avec Camille Peugny : le nouveau visage des classes sociales (...)
- 11 Spire, Alexis, « Aux sources de la colère contre l’impôt », Le Monde diplomatique, décembre 2018, p (...)
- 12 Mucchielli, Laurent, « Deux ou trois choses dont je suis presque certain à propos des gilets jaunes (...)
- 13 Burgel, Guy, « Fracture sociale, fracture territoriale, les faits sont plus têtus que les idéologie (...)
5Ainsi les sociologues des médias ont questionné les mobilisations via les réseaux sociaux ; les spécialistes de la stratification ont déclaré que nous vivions le retour des classes sociales10 ; les sociologues de l’économie ont reconnu la « colère contre l’impôt »11 ; les spécialistes de la délinquance ont appliqué, eux aussi, leurs catégories12 ; les géographes ont cartographié les « fractures sociales »13 tandis que les historiens ont reconnu les leçons du passé. Bref, chacun a fait ce qu’il savait faire. N’est-ce pas ce qu’on demande aux spécialistes ? Alors, à nouveau, la question : faut-il en rajouter et mettre mon grain de sel dans un rouage bien huilé ? Je risque moi aussi de ne produire que ce que j’ai ironiquement reconnu chez mes collègues : une mise en scène de ce que je sais faire. Ce n’est peut-être déjà pas si mal…
6Ce que je vais donc tenter, ce n’est pas de comprendre les Gilets jaunes pour ce qu’ils pourraient être sociologiquement. Ce n’est pas les prendre pour « objet » au sens strict du terme, même si je partirais, ici ou là, des données utiles de la science sociale. J’aimerais prendre plutôt les Gilets jaunes comme « objet » au sens étymologique : quelque chose qui est jeté devant nous et qui, par son apparition, appelle l’étonnement, voire la surprise.
7Surprenant, ce mouvement l’est, avant tout, par son caractère imprévisible. Il a d’abord semblé surgir presque ex nihilo ; du moins ne répondait-il pas à l’appel d’une organisation politique ou syndicale déjà établie, comme on peut en avoir l’habitude dans la tradition française. Il a donc surpris par ce caractère immédiat, instinctif, désorganisé, brutal et, très vite, les analyses se sont portées sur la diffusion de l’appel à rejoindre les ronds-points par l’intermédiaire des réseaux sociaux, et plus spécialement de Facebook.
8Surprenant, il l’a été, ensuite, par l’hétérogénéité sociologique de ceux qui l’ont constitué et qui sont venus en grossir les rangs. Ce n’est pas un mouvement de la classe ouvrière. Les Gilets jaunes ne constituent pas, à proprement parler, une « classe » spécifique et identifiable. Au contraire, ceux qui allaient endosser le gilet jaune étaient des membres de la « classe moyenne inférieure », petits entrepreneurs, commerçants, employés vivant dans la périphérie des villes ou dans l’espace rural. Mais le mouvement a aussi réuni des ouvriers, des chômeurs, des fonctionnaires ou des petits patrons.
- 14 https://www.syndicatgj.fr
- 15 Pironet, Olivier, « Chronologie des GJ », Le Monde diplomatique, décembre 2019-janvier 2020. https: (...)
9Surprenant, il l’a été, enfin, par son caractère durable. Bien qu’il ait été considérablement diminué par divers facteurs (la crise sanitaire, particulièrement), le mouvement existe toujours et conserve des ramifications dans un syndicat des Gilets jaunes, par exemple14. L’acte 1, qui correspond à la manifestation du 17 novembre 2018, a ainsi été suivi de 52 « actes » pendant au moins 33 semaines15. Parfois encore, ici ou là, on peut apercevoir au détour d’un rond-point, quelques personnes rassemblées, un gilet jaune en effigie.
- 16 S/N, « L’approbation de la mobilisation des Gilets jaunes reste forte (72 %, -3) », Elabe, 5 décemb (...)
10Ils ont donc surgi en novembre 2018, provoquant immédiatement un taux d’approbation allant jusqu’à 75 % de la population16. Ils ont aussi suscité l’inquiétude du gouvernement : d’abord parce qu’une partie importante des Gilets jaunes était composée de personnes qui d’ordinaire ne manifestent jamais ; ensuite parce qu’ils ont choisi de manifester là où d’ordinaire on ne manifeste pas : les ronds-points, mais aussi les Champs-Elysées et l’Arc de Triomphe (plutôt que la Bastille) et le quartier des Ministères (plutôt que la place de la République).
Un gilet de haute visibilité
- 17 Puisais, Eric, « Les Gilets jaunes, entre populisme et street politics », Cahiers verbatim, vol. 7, (...)
11Alors, qui sont les Gilets jaunes ? J’ai ailleurs émis l’hypothèse qu’il pouvait s’agir d’une partie de ceux qui jusqu’alors avaient vécu leur citoyenneté en silence17. Ils ont accepté la dépolitisation du monde échangée contre la liberté du marché qui devait leur apporter la prospérité dans les affaires privées, pour peu qu’ils préfèrent s’en occuper et laisser l’espace politique libre pour ceux destinés à exercer le pouvoir. Ils n’avaient plus qu’à choisir leurs experts à date fixe. Des citoyens parfaits, confortablement logés dans l’idéal du libéralisme économique : producteurs et consommateurs, votants et imposables. Mais surtout silencieux !
- 18 Pastoureau, Michel, Jaune : Histoire d’une couleur, Paris, Le Seuil, 2019.
- 19 Article R. 416-19 du Code de la Route, entré en vigueur le 1er janvier 2016.
12Cela rend à la fois plus compréhensibles et plus obscurs les motifs de référence au « peuple » : « Nous sommes le peuple ». Plus compréhensible, parce que cette multitude réunie sous l’enseigne des Gilets jaunes exprime en quelque sorte, par cette sortie du silence, le sentiment de ne pas être récompensé de sa bonne conduite politique, laquelle se manifestait sous deux formes : le vote et l’impôt. Les différents verbatims des Gilets jaunes mettent assez bien cela en avant : « On a toujours payer nos impôts, mais là on n’en peut plus des taxes », « on a toujours voté, mais là on en a marre », « nous sommes asphyxiés par les taxes », etc. Il y a là l’expression d’une forme de trahison de la part des classes dirigeantes, qui inspirent un rejet profond sinon de la politique elle-même, du moins de la « classe politique ». Le choix de la couleur jaune est peut-être l’expression de cette trahison18, même si, vraisemblablement, il n’a pas été réfléchi en termes symboliques. Il n’est probablement qu’un « effet secondaire », la symbolique portant surtout sur le gilet lui-même, qui représente une loi récente imposant aux automobilistes le port d’un « gilet de haute visibilité » : « Le conducteur doit revêtir un gilet de haute visibilité conforme à la réglementation lorsqu'il est amené à quitter un véhicule immobilisé sur la chaussée ou ses abords à la suite d'un arrêt d'urgence »19. Aussi, c’est cette « haute visibilité » qui, me semble-t-il, est première dans le choix du gilet jaune.
13Il s’agit en quelque sorte d’affirmer, dans l’espace public, la « haute visibilité » d’une multitude qui se définissait elle-même par son invisibilité aux yeux des gouvernants – invisibilité relative si on la compare à d’autres formes d’invisibilité sociale, bien plus manifestes. Les Gilets jaunes peuvent donc être compris comme la mobilisation d’une population qui se sent obligée de revêtir un gilet fluorescent pour regagner, par elle-même, une visibilité perdue. Mais, au-delà de la seule visibilité, c’est une lutte contre l’effacement qui est menée.
- 20 Rancière, Jacques, Aux bords du politique, Paris, Gallimard, 2004 [La Fabrique, 1998], p. 45.
14Cet effacement qui menace, c’est celui de la « classe moyenne ». Milieu assez mal défini, c’est la classe qui a émergé de la modernité politique. Comme le dit Jacques Rancière, la grande promesse de la modernité a été de garantir « aux pauvres, pour peu qu’ils s’enrichissent, l’accès à la classe fondamentale du juste milieu »20. Avec l’accès à cette classe du juste milieu, s’attachaient des fonctions sociales : en échange du travail, on accédait à la société de consommation et, avec elle, à la fonction de satisfaction des appétits privés. A ce juste milieu – qui n’est pas le centre, mais la position du producteur qui épargne – on faisait coïncider la vie qui satisfait, les intérêts privés, la jouissance de la consommation, la possibilité affirmée sinon réelle d’une ascension sociale, pour autant qu’on se tienne dans le même temps à l’abri des passions politiques – lesquelles, dans la terminologie néolibérale, ne peuvent appartenir qu’aux « extrêmes ».
15Cette position n’imposait qu’un consentement à l’impôt et un vote régulier. L’ordre social était régulé par la main invisible où venaient s’harmoniser les intérêts politiques. L’ordre politique n’avait alors pour seule mission que de dépolitiser au maximum les rapports sociaux et jouer le jeu plus ou moins théâtralisé du pouvoir. Les gouvernants s’épargnaient eux-mêmes ainsi la passion de la politique et ne concentraient l’exercice du pouvoir que sur une compétence, une technique, une technologie dépossédée de ce que Chantal Mouffe appelle la fonction agonistique.
16Le bon citoyen (on dirait aussi « le bon peuple ») n’avait pas à se soucier de politique, il devait rester aux bords du politique. Un partage du sensible déjà amorcé dès le XIXe siècle : d’un côté la production et le mode de vie qui y est associé ; de l’autre, l’ordre politique validé par les compétences techniques nécessaires à son exercice. Cette classe moyenne n’avait jamais montré d’opposition manifeste à cet ordre, à cette séparation des espaces sociaux, à ce partage du sensible. Mais ces dernières années ont marqué une rupture brutale de la promesse du juste milieu. Les slogans des Gilets jaunes témoignent de cette rupture du pacte qui prend désormais une allure inacceptable. « Travaille, consomme et ferme ta gueule » rend ainsi compte de cette rupture, qui est aussi une ligne de démarcation.
Vous n’êtes pas le peuple
- 21 Mouffe, Chantal et Laclau, Ernesto, Hégémonie et stratégie socialiste. Vers une démocratie radicale(...)
17Dire « Nous sommes le peuple », c’est dire aussi « Vous n’êtes pas le peuple ». C’est désigner ceux qui n’appartiennent pas au peuple, c’est désigner qui est reconnaissable et qui ne l’est pas. Chantal Mouffe et Ernesto Laclau ont déjà montré que toute inclusion repose sur une « exclusion constitutive »21. Ainsi, dans l’hétérogénéité constitutive du mouvement, cette désignation de l’Autre du peuple peut être comprise comme la mise à distance d’une classe politique qui ne représente pas le peuple. Cela peut dire, à mots plus ou moins couverts : vous qui êtes les représentants du peuple, le peuple ne vous considère plus comme tel et ce que vous représentez aujourd’hui, c’est autre chose que le peuple. Ce sont des intérêts divers, économiques ou financiers, ce sont des intérêts qui ne sont pas ceux du peuple que nous sommes.
- 22 Farbiaz, Patrick, Les Gilets jaunes : Documents et textes, Vulaines sur Seine, Les éditions du Croq (...)
18Parmi ces « vous » qui sont extérieurs au peuple, il peut y avoir aussi les immigrés (les étrangers). Plusieurs revendications des Gilets jaunes concernaient les politiques liées à l’immigration : « qu’une réelle politique d’intégration soit mise en œuvre. Vivre en France implique de devenir français (cours de langue française, cours d’Histoire de la France et cours d’éducation civique avec une certification à la fin du parcours) »22. Ainsi, on peut passer de « vous » à « nous », être intégré au « nous », sous condition. Le « nous » n'est pas totalement exclusif mais il est conditionné, par des procédures administratives (deux revendications concernent la manière dont les procédures de demande d’asile doivent être menées au niveau international) et une sorte de formatage culturel, avec un certificat, un « diplôme de bon Français » en quelque sorte.
19Ce « vous » qui est déterminé en creux par le « nous », c’est aussi celui qui n’appartient pas à cette classe du juste milieu, celui qui ne paye pas d’impôts, celui qui n’appartient pas à la classe productive de la société et pour lequel, justement, on refuse de payer (plusieurs revendications portent sur l’emploi pour les chômeurs, ou le « zéro SDF »). Et enfin, ce « vous » désigne ceux qui s’excluent eux-mêmes par la fraude fiscale. Ceux qui ne payent pas l’impôt et ceux qui n’en payent pas assez. Ainsi, le peuple qui s’affirme dans ce « nous sommes le peuple » n’est pas une population donnée. Il est constitué par les lignes de démarcations implicites et explicites qu’il crée en s’énonçant. « Nous sommes le peuple » est, à proprement parler, une déclaration.
Déclaration d’indépendance
- 23 Derrida, Jacques, « Déclarations d’indépendance », in Otobiographie, Paris, Galilée, 2005, p. 21. L (...)
20En 1976, Jacques Derrida s’exprimait à l’université de Virginie sur la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis et s’interrogeait sur le célèbre « Nous, le peuple » en ouverture du texte : « Le nous de la Déclaration parle au nom du peuple. Or, ce peuple n’existe pas. Il n’existe pas avant cette déclaration, pas comme tel. Il se donne naissance, en tant que sujet libre et indépendant »23. Autrement dit, il y a un acte performatif dans la déclaration « nous, le peuple » : ce peuple se donne à lui-même sa propre existence en se déclarant comme peuple, en se nommant peuple.
21On a rétorqué aux Gilets jaunes, que lorsqu’ils disent : « nous sommes le peuple », ils ne sont pas « tout » le peuple. Les Gilets jaunes ne sont pas les Américains déclarant leur indépendance vis-à-vis de la puissance coloniale anglaise. Certes. Mais l’énoncé « nous sommes le peuple » ne se pose pas moins comme un performatif, en même temps qu’il cherche à déclarer une indépendance. La Déclaration des Américains, rédigée par Jefferson, est signée par les Representatives of the United States of America in General Congress Assembled. A proprement parler, ceux qui signent ne sont pas le peuple, mais ses représentants. Et c’est en tant que représentants qu’ils peuvent signer et qu’ils peuvent dire « nous, le peuple ».
22 Nos Gilets jaunes, eux, sont dans une position différente, et s’ils cherchent à marquer une indépendance, c’est précisément vis-à-vis des représentants qui, selon eux, ne le sont pas (ou plus) et auxquels ils disent : » nous sommes le peuple », pour réaffirmer l’acte fondateur original, performatif de tout ordre démocratique – du moins dans sa forme libérale. Ce peuple qui s’affirme dans ce « nous », c’est un peuple qui affirme la souveraineté populaire. Ici, il ne s’exprime pas directement par une « déclaration » susceptible de devenir l’acte juridique de fondation d’une nation mais il est encore un « nous » qui affermit sa souveraineté, la rappelle, l’exprime, la manifeste.
Les corps du peuple
- 24 Butler, Judith, Rassemblement. Pluralité, performativité et politique, trad. C. Jaquet, Paris, Faya (...)
- 25 Butler, Judith, « Nous le peuple, réflexion sur la liberté de réunion », in Qu’est-ce qu’un peuple (...)
23C’est précisément dans l’espace public qu’ils se manifestent. Face au corps politique, ce sont les corps du peuple qui sont exposés. D’un côté, le corps politique posé dans son unité – une part irreprésentable se maintient pourtant toujours dans le peuple. De l’autre côté, les corps assemblés qui se rendent visibles dans leur multitude. Ici, ce peuple ne produit pas seulement des revendications, il exprime aussi, par sa présence en tant que corps, les conditions mêmes de son apparition. Il est, comme le dit Judith Butler, une « performance incarnée »24. Un acte de parole qui est aussi un acte de « haute visibilité » corporelle : « Le nous qu’exprime le langage est déjà réalisé par la réunion des corps, leurs mouvements, leurs gestes, leur façon d’agir de concert »25. C’est cette réunion des corps qui permet d’affirmer le « nous » et qui lui donne, par là même, sa fonction performative – l’acte même de constituer un peuple.
24Ce « nous » dit le multiple. Non le multiple comme somme constituant une majorité, mais le multiple dans sa multiplicité même, hétérogène et constitutive. Les fondements de la démocratie représentative ont dilué, en quelque sorte, l’hétérogénéité du peuple dans l’unité de la nation – depuis Sieyès. Le peuple, dans cette optique, c’est le corps électoral qui s’exprime à travers la majorité. Un mouvement social comme les Gilets jaunes réintroduit l’hétérogénéité pour mettre en tension le concept de peuple : tension fondamentale, entre le peuple-un du corps électoral et les corps populaires qui se tiennent dans l’espace public.
25Derrière (ou à côté) de ce partage théorique du concept de peuple, se trouve un autre partage : aux uns revient la représentation du peuple en tant que peuple-un, dont la légitimité tient au décompte des voix ; aux autres revient non plus la représentation, mais le statut de représentés, manifesté dans son immédiateté corporelle. « Nous sommes le peuple », cela signifie aussi (et évidemment pas seulement) : « Nous sommes ceux que vous devez représenter et qui considèrent que vous ne les représentez pas ». Autrement dit, les Gilets jaunes expriment cette part toujours irreprésentable du peuple qui à la fois dépasse les modes politiques de la représentation et réside aussi en-deçà, dans un espace sensible particulier. Cet espace sensible particulier, c’est ici celui de l’espace public, qui s’oppose radicalement à cette sorte d’espace privé qu’est l’isoloir – symbole du vote individuel.
26Ceux à qui on avait promis que la citoyenneté se manifestait dans cet isoloir et que ce geste suffisait à constituer un peuple, ceux à qui on avait dit que ce geste suffisait et qu’acquittés de leur devoir citoyen, ils pourraient se loger confortablement dans la poursuite de leurs appétits privés, ceux-là sont venus manifester dans l’espace public la part irreprésentable du peuple. Pour un moment, un moment seulement, les Gilets jaunes ont abandonné la posture dans laquelle ils se tenaient, la promesse qui leur avait été faite de pouvoir s’adonner à la « vie bonne » de la consommation de masse. Pour un temps, ils ont pu dire : « nous abandonnons le règne de la satisfaction des besoins et des intérêts privés », et en manifestant cette part irreprésentable du peuple, en la rendant hautement visible, nous pouvons alors affirmer que « nous sommes le peuple ».
- 26 Rancière, Jacques, Aux bords du politique, op. cit., p. 74.
- 27 S/N, « Appel de la première “assemblée des assemblées” des Gilets jaunes », Reporterre, 27 janvier (...)
- 28 Rancière, Jacques, La Haine de la démocratie, Paris, La Fabrique, 2005, p. 54.
27La démocratie suppose que « le dèmos soit constitué comme sujet présent à lui-même sur toute la surface du corps social »26. Les Gilets jaunes ont ainsi affirmé la présence d’un monde commun ; ils ont voulu rompre avec ce « partage du sensible » et prendre place dans la sphère du langage et de l’espace politique. Ils se sont installés dans l’espace public (contre sa privatisation) pour y donner droit à leur parole et la fonder en parole politique. Le mouvement des Gilets jaunes n’est pas une grève des mineurs ou des cheminots, ni une manif’ étudiante, ni un mouvement ouvrier. C’est une tentative d’ouvrir un espace politique (on le voit exprimé, par exemple, dans l’Appel de Commercy27). Ce n’est pas non plus un appel à révolutionner l’ordre politique établi, mais un rappel des fondements de la démocratie libérale. L’Appel de Commercy, précisément, s’achève par la célèbre phrase du Discours de Gettysburg du président Abraham Lincoln : « Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Non pas le pouvoir du peuple, mais le gouvernement du peuple. La légitimité à gouverner et à être gouverné. En ce sens, les Gilets jaunes rappellent que la démocratie ne nécessite pas de titres à gouverner. Pour reprendre à nouveau les mots de J. Rancière : « La démocratie n’est ni un type de constitution, ni une forme de société. Le pouvoir du peuple n’est pas celui de la population réunie, de sa majorité ou des classes laborieuses. Il est simplement le pouvoir propre à ceux qui n’ont pas plus de titre à gouverner qu’à être gouvernés »28.
28Ce rappel, pourtant, restait dans le cadre fixé par la démocratie libérale dont les Gilets jaunes contestaient l’ordre représentatif. Les Gilets jaunes – et c’est un élément remarquable – n’ont jamais cessé d’être cette classe de la production. Les manifestations n’étaient pas des « grèves » : elles n’appelaient pas à la cessation du travail, elles avaient lieu la plupart du temps le samedi. Ce n’était pas une révolte prenant pour objet les modes de production. Ce n’était pas une grève ouvrière, ni une révolte prolétarienne. Les revendications ne portaient pas sur les conditions de travail, ni sur un quelconque projet de loi dont la suppression serait exigée (comme pour la réforme des retraites). La question première est celle du consentement à l’impôt qui, dans la presse, a été traduite en question sur le niveau de vie. En effet, il a été beaucoup question de la possibilité de vivre dignement de son travail.
Circulez, y’a rien à voir
29L’espace politique ainsi ouvert, ou la tentative de l’ouvrir, s’imposait par la nécessité de poser politiquement la question de la vie bonne. C’est parce que les conditions du jeu de la classe du juste milieu ont changé qu’il fallait ouvrir un espace politique où reposer la question. La réponse n’a pas été longue à venir. Les Gilets jaunes exposaient les corps du peuple, corps exposés à la vulnérabilité de la vie, et par cette présence des corps, ils s’ouvraient un droit à prendre la parole. C’est donc sur les corps et sur la parole que la répression a porté en premier lieu.
30A la politique, il fallait opposer la police – terme encore une fois entendu en un sens emprunté du grec et revu par Rancière :
- 29 Rancière, Jacques, La Mésentente, Paris, Galilée, 1995, p. 51.
31On appelle généralement du nom de politique l’ensemble des processus par lesquels s’opèrent l’agrégation et le consentement des collectivités, l’organisation des pouvoirs, la distribution des places et fonctions et les systèmes de légitimation de cette distribution. Je propose de donner un autre nom à cette distribution et au système de ces légitimations. Je propose de l’appeler police.29
32Ainsi,
- 30 Rancière, Jacques, Aux bords du politique, op. cit., p. 241
33L’essence de la police est d’être un partage du sensible caractérisé par l’absence de vide et de supplément : la société y consiste en groupes voués à des modes de faire spécifiques, en places où ces occupations s’exercent, en modes d’être correspondant à ces occupations et à ces places.30
- 31 Idem, p. 242.
34Cette police, c’est cet ordre qui impose l’occupation des places où chacun doit se tenir. C’est elle, en quelque sorte, qui dit « Circulez y’a rien à voir ! » : « La police dit qu’il n’y a rien à voir sur une chaussée, rien à faire qu’à y circuler. Elle dit que l’espace de la circulation n’est que l’espace de la circulation »31.
35 Pour faire circuler, restaurer la place de chacun, elle procède par un subterfuge légal. Elle transforme le rassemblement légal déclaré en préfecture en attroupement de foule. La manifestation peut avoir lieu, si elle reste à l’intérieur des bordures définies par le pouvoir. Dès qu’elle en sort, il y a « débordement ». Or ce « débordement » constitue précisément l’attroupement tel que défini par l’article 431-3 du Code Pénal :
36Constitue un attroupement tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public. Les attroupements peuvent être dissipés par la force publique après deux sommations de se dissiper restées sans effet adressées dans les conditions et les modalités prévues à l’article L. 211-9 du Code de la sécurité intérieure.
37Ainsi donc, la limite est mince entre l’attroupement et la manifestation. « Tout rassemblement de personne sur la voie publique » peut être sanctionné, car la voie publique est faite pour circuler. Celui qui s’y tient sans circuler est déjà, en soi, un danger pour l’ordre public.
- 32 Ce n’est pas le lieu d’évoquer ici, à cette occasion, la « visite » du maire et du député, venant v (...)
38La parole devait, elle aussi, se contenir, dans des bordures bien établies, institutionnellement encadrée. Elle n’avait pas lieu de s’exprimer dans la rue. On a alors organisé un « Grand débat ». Là, tout était prévu : limite dans le temps, encadrement par des intellectuels qui, à l’occasion, pouvaient faire office de « fact checkers ». J’ai pu moi-même participer, précisément en tant que « fact checker », à l’une des rencontres du Grand débat et mesuré combien la parole était entournée de précaution, régulée, mise sous la chappe de plomb de la parole des experts. Une parole qui ne pouvait plus être une parole politique32.
39Fin de l’épisode politique. L’appareil répressif d’Etat reprend le dessus : circulez, y’a rien à voir. Vous parlerez quand on vous dira de parler. « Vous êtes le peuple. Nous gouvernons le peuple ».
40Dans cette conception, un peuple n’existe pas comme multitude, comme rassemblement de corps qui manifestent dans un espace commun, mais comme unité gouvernable. L’un reprend le dessus sur le multiple. Le peuple n’existe qu’au moment où il est gouverné. Si le peuple est bien au commencement de la démocratie (arkhé signifiant en grec aussi bien commencement que commandement comme Hannah Arendt l’a rappelé), le peuple qui est au commencement est celui qui est commandé. Et certains ont titre à exercer ce commandement, « pour le peuple, et par le peuple ».
41Quelle démocratie apparaît alors ? Une démocratie qui n’a de cesse de conchier la démocratie. Celle dont parle Rancière lorsqu’il évoque la Haine de la démocratie. C’est-à-dire une forme de gouvernement qui ne peut pas admettre les déplacements, les tensions, les débordements, et qui s’indigne de ce peuple devenu ingouvernable dont les manifestations ne sont que des attroupements (comme un troupeau sans pasteur) et dont les paroles ne sont guère plus que du bruit.
La société ingouvernable
42Dans la manière de réagir à cette « crise des Gilets jaunes », on retrouve un certain nombre des arguments des néoconservateurs des années 1970. C’est à cette période qu’apparaît le thème qui deviendra ensuite récurrent de la « société ingouvernable », corollaire à celui de la « crise de la démocratie ». Celle-ci serait, en réalité, une crise intrinsèque issue d’une démocratie qui fonctionne trop bien et qui génère trop d’attentes de la part des citoyens. Au sortir du célèbre « compromis fordiste » qui permettait de contenir les mouvements sociaux par une expansion de la production et des capacités de consommation d’un côté et d’une accumulation du capital de l’autre, on a commencé à considérer que cette démocratie devenait impossible à maîtriser par l’accélération constante des demandes sociales qu’elle engendrait.
- 33 Crozier, René, Huntington, Samuel et Watanuki, Jôji, The Crisis of Democracy, Report on governabili (...)
43On trouve cette idée explicitement développée dans le rapport The Crisis of Democracy : Report on Governability of Democracies adressé à la Commission trilatérale en 1975. Ses auteurs, René Crozier, Samuel Huntington et Jôji Watanuki, nous indiquent que les sociétés démocratiques occidentales se trouvent dans une situation de crise par « l’expansion de l’activité gouvernementale »33. La demande sociale s’est traduite par une inflation de la dépense publique qui cherchait à répondre aux nouvelles demandes des citoyens. Il y a, en réalité, un cercle vicieux. La démocratie étant comprise, à la manière de Schumpeter, comme la « lutte concurrentielle portant sur les votes du peuple », les partis-candidats promettent toujours plus pour s’attirer les électeurs.
44Cette situation entraîne une augmentation des dépenses de l’Etat et atteint, alors, son apogée. Les citoyens qui supportent par l’impôt la dépense publique doivent demander moins à l’Etat. Selon cet argument, la démocratie amène irrémédiablement à une crise fiscale. Huntington renverse ainsi l’argument marxiste :
- 34 Ibid, p. 73, nous traduisons.
45Le marxisme originel disait que la crise capitaliste résulterait de la concurrence anarchique ; le néo-marxisme disait qu’elle serait le résultat de la guerre et des dépenses de guerre, de l’Etat de garnison ; maintenant, la révision la plus récente, prenant en considération le Welfare Shift, identifie l’expansion des dépenses sociales comme la source de la crise fiscale du capitalisme. Ce que les marxistes attribuent par erreur à l’économie capitaliste est en fait un produit de la politique démocratique.34
- 35 Cité par Chamayou, Grégoire, La Société ingouvernable, Paris, La Fabrique, 2018, p. 210.
- 36 Crozier, René et al., The Crisis of Democracy, op. cit., p. 8.
46C’est ce qui amènera Daniel Bell, auquel se réfère explicitement Huntington, à dire que « le nouveau champ de la lutte des classes est le conflit fiscal »35. Il faudrait donc habituer les gouvernés à vouloir moins de gouvernement et sortir de cette crise en proposant de nouvelles technologies de gouvernement. Le rapport The Crisis of Democracy affirme ainsi : « Un système démocratique qui ne serait pas miné par des faiblesses intrinsèques découlant de sa propre performance en tant que démocratie pourrait beaucoup plus facilement faire face aux défis politiques contextuels »36.
47Le danger que les néoconservateurs voient dans la démocratie est simple : les démocraties représentatives vivent des alternances entre des formes politiques concurrentielles qui provoquent une inflation de promesses électorales nécessairement non-tenues. Ainsi, les citoyens vivent chaque alternance comme une nouvelle frustration :
- 37 Chamayou, Grégoire, op. cit., p. 209.
48Les déceptions ainsi accumulées, raisonne en 1979 Claus Offe, peuvent laisser éclater leur force explosive dans deux directions : ce peut être soit la polarisation au sein du système des partis, avec une montée aux extrêmes des deux côtés de l’échiquier politique, soit la polarisation entre le système des partis et des mouvements sociaux opérant sur un mode extraparlementaire – options au demeurant combinables.37
49C’est bien, cependant, la solution qu’ils proposent qui a engendré la situation qu’ils craignaient tant de voir advenir. Les alternances gouvernementales ont organisé les frustrations. Il faut désormais un gouvernement fort pour faire face aux périls.
Conclusions
50Les Gilets jaunes, par leurs revendications fiscales, par la détermination exclusive du « Nous sommes le peuple », par l’expression de cette frustration des alternances inflationnistes en dépense publique, par la reconnaissance d’un Etat de moins en moins protecteur ne respectant pas sa promesse du « juste milieu », offrent, à leurs corps défendants, les arguments au néo-conservatisme et au néolibéralisme. « Vous voulez de l’Etat ? Vous allez en avoir ! » mais l’Etat, c’est d’abord l’usage de la « violence légitime ».
- 38 Ibid., p. 211.
51Les Gilets jaunes ont compris que l’intervention de l’Etat n’était pas nécessairement une entrave à l’activité économique et que ce sont eux qui doivent supporter les « dépenses sociales ». En effet, infrastructures, réseaux de transports et de télécommunication, santé, recherche, éducation – tout ce que l’Etat prend en charge – sert aussi, et désormais surtout, à maintenir les conditions de l’accumulation du capital. Mais les nouvelles technologies de pouvoir consistent à ne plus leur apporter la contrepartie et ne répondent plus aux revendications de ceux qui subissent les coûts de la croissance économique38.
- 39 Hermet, Guy, « La gouvernance serait-elle le nom de l’après-démocratie ? », in La Gouvernance, dir. (...)
52Ainsi, à la question de la « gouvernabilité », il est répondu par des technologies de gouvernement. La démocratie n’est plus dès lors ni un mode de vie, ni un régime politique, mais une application technologique des règles de l’économie politique à l’ordre social. Cette technologie porte désormais un nom, c’est la « gouvernance »39.
53Cet espace politique et social que les Gilets jaunes ont tenté d’ouvrir ne réalisait peut-être pas un moment « révolutionnaire », mais il était une forme d’interpellation (le régime démocratique tient-il encore sa légitimité de la souveraineté populaire ?) ; la réponse a fermé cet espace autour d’un Etat fort et d’une technologie/gouvernance qui favorise le plus possible les conditions de reproduction de l’économie libre-échangiste.
Notes
1 Cette contribution s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche intitulé « FE2C-Equilibre des pouvoirs » qui a bénéficié du soutien financier d’UP-SQUARED, projet France 2030, PIA4 « Excellences sous toutes ses formes » (ANR-21-EXES-0013).
2 Le Débat, 2019/2, n° 204.
3 Bozo, Frédéric et Costa, Olivier, « Les Gilets jaunes à l’Université », Commentaire, 2020/2, n° 170, pp. 430-431.
4 Hors les murs, 2019/2, n° 494.
5 Lignes, 2019/2, n° 59.
6 Le Bras, Hervé, « La voiture, les gilets jaunes et le rassemblement national », Etudes, avril 2019.
7 Dumont, Gérard-François, « Si les gilets jaunes m’étaient contés », in Population et avenir, 2019/2, n° 742.
8 Cf. Tavoillot, Pierre-Henri, Comment gouverner un peuple roi ? Traité nouveau d’art politique, Paris, Odile Jacob, 2019.
9 S/N, « Les sciences sociales et le mouvement des “gilets jaunes” », Ressources en sciences économiques et sociales, novembre-décembre 2018. https://ses.ens-lyon.fr/actualites/rapports-etudes-et-4-pages/les-sciences-sociales-et-le-mouvement-des-gilets-jaunes.
10 Châteauneuf-Malclès, Anne, « Entretien avec Camille Peugny : le nouveau visage des classes sociales », Ressources en sciences économiques et sociales, 12 octobre 2017. https://ses.ens-lyon.fr/articles/le-nouveau-visage-des-classes-sociales
11 Spire, Alexis, « Aux sources de la colère contre l’impôt », Le Monde diplomatique, décembre 2018, pp. 1-2.
12 Mucchielli, Laurent, « Deux ou trois choses dont je suis presque certain à propos des gilets jaunes », Theconversation.com, 4 décembre 2018. https://theconversation.com/deux-ou-trois-choses-dont-je-suis-presque-certain-a-propos-des-gilets-jaunes-108183
13 Burgel, Guy, « Fracture sociale, fracture territoriale, les faits sont plus têtus que les idéologies », Libération, 14 mars 2019.
15 Pironet, Olivier, « Chronologie des GJ », Le Monde diplomatique, décembre 2019-janvier 2020. https://www.monde-diplomatique.fr/mav/168/PIRONET/61011
16 S/N, « L’approbation de la mobilisation des Gilets jaunes reste forte (72 %, -3) », Elabe, 5 décembre 2018. https://elabe.fr/gilets-jaunes-5decembre/
17 Puisais, Eric, « Les Gilets jaunes, entre populisme et street politics », Cahiers verbatim, vol. 7, 2020, Québec, Presses de l’Université Laval, pp. 149-167.
18 Pastoureau, Michel, Jaune : Histoire d’une couleur, Paris, Le Seuil, 2019.
19 Article R. 416-19 du Code de la Route, entré en vigueur le 1er janvier 2016.
20 Rancière, Jacques, Aux bords du politique, Paris, Gallimard, 2004 [La Fabrique, 1998], p. 45.
21 Mouffe, Chantal et Laclau, Ernesto, Hégémonie et stratégie socialiste. Vers une démocratie radicale, trad. J. Abriel, Paris, Les Solitaires intempestifs, 2009.
22 Farbiaz, Patrick, Les Gilets jaunes : Documents et textes, Vulaines sur Seine, Les éditions du Croquant, 2019.
23 Derrida, Jacques, « Déclarations d’indépendance », in Otobiographie, Paris, Galilée, 2005, p. 21. Les italiques sont de l’auteur.
24 Butler, Judith, Rassemblement. Pluralité, performativité et politique, trad. C. Jaquet, Paris, Fayard, 2016.
25 Butler, Judith, « Nous le peuple, réflexion sur la liberté de réunion », in Qu’est-ce qu’un peuple ?, Paris, La Fabrique, 2013, p. 54.
26 Rancière, Jacques, Aux bords du politique, op. cit., p. 74.
27 S/N, « Appel de la première “assemblée des assemblées” des Gilets jaunes », Reporterre, 27 janvier 2019. https://reporterre.net/Appel-de-la-premiere-assemblee-des-assemblees-des-Gilets-jaunes
28 Rancière, Jacques, La Haine de la démocratie, Paris, La Fabrique, 2005, p. 54.
29 Rancière, Jacques, La Mésentente, Paris, Galilée, 1995, p. 51.
30 Rancière, Jacques, Aux bords du politique, op. cit., p. 241
31 Idem, p. 242.
32 Ce n’est pas le lieu d’évoquer ici, à cette occasion, la « visite » du maire et du député, venant voir le peuple qui « participe ». Posture de l’élu qui semble dire en son for intérieur : « vous êtes le peuple ».
33 Crozier, René, Huntington, Samuel et Watanuki, Jôji, The Crisis of Democracy, Report on governability of democracies to the Trilateral Commission, New-York University Press, 1975.
34 Ibid, p. 73, nous traduisons.
35 Cité par Chamayou, Grégoire, La Société ingouvernable, Paris, La Fabrique, 2018, p. 210.
36 Crozier, René et al., The Crisis of Democracy, op. cit., p. 8.
37 Chamayou, Grégoire, op. cit., p. 209.
38 Ibid., p. 211.
39 Hermet, Guy, « La gouvernance serait-elle le nom de l’après-démocratie ? », in La Gouvernance, dir. Hermet, Guy, Kazancigil, Ali et Prud’homme, Jean-François, Paris, Karthala, 2005, pp. 17-47. En particulier la question qui ouvre l’article : « Il semblerait bien que nous commençons à entrer discrètement dans l’ère d’une après-démocratie que rien peut-être n’empêchera de s’appeler encore démocratie, ou bien qui prendra sans crier gare un autre nom. Dans cette hypothèse, la gouvernance, démocratique pour l’instant, ne pourrait-elle pas devenir la principale forme de gouvernement légitime de l’avenir ? Disons dans deux ou trois décennies ». Cette hypothèse, émise par Hermet en 2005, semble se confirmer deux décennies plus tard…
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Référence électronique
Eric Puisais, « Les Gilets jaunes : « nous sommes le peuple » », Amnis [En ligne], 4 | 2024, mis en ligne le 21 juin 2024, consulté le 22 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/amnis/9202 ; DOI : https://doi.org/10.4000/11vio
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