Enseignement

Cours et séminaires – Électrochimie appliquée au stockage : suite et fin

1Dans le cadre du contexte énergétique, le stockage électrochimique de l’énergie joue un rôle clé, et ce afin de faciliter la mobilité électrique ainsi que le développement des énergies renouvelables. Ce secteur est en émulation constante avec des avancées notoires répétitives. J’ai précédemment traité (cours 2017) certaines de ces avancées au travers des technologies Li-ion, Na-ion, Li(Na)-air, Li-S, voire des technologies à ions multivalents (Ca, Mg). Électrolytes et interfaces sont les dénominateurs communs à toutes ces technologies et ils revêtent une importance capitale (cours 2018), car les électrolytes déterminent la plage de potentiel d’opération de la batterie, et les interfaces, tout aussi importantes, conditionnent la sécurité, la durabilité et la vie calendaire des batteries.

2Ce cours fait suite aux deux précédents et traite d’avancées récentes à la fois au niveau des interfaces, des batteries aqueuses et des autres systèmes électrochimiques reliés au domaine du stockage. La problématique de l’interface, qui est actuellement un cauchemar pour le développement des batteries tout solide, a été présentée avant d’aborder les batteries à flux circulants (redox flow) et les batteries aqueuses qui suscitent un regain d’intérêt. Bien que moins énergétiques, des systèmes de stockage moins innovants et reposant sur des principes de gradient de concentration ont également été abordés, ainsi que des systèmes hybrides (photorechargeables ou autres...).

3Le cours est doublé par des exposés portant sur d’autres aspects de l’électrochimie appliquée, afin d’illustrer la variété et la richesse de cette thématique et son importance sociétale. Ces séminaires ont été animés par des experts venant de différents secteurs universitaires et industriels.

Cours 1 – La problématique des interfaces dans les batteries tout solide : une solution existe-t-elle ?

4 février 2019

4L’historique de la batterie tout solide, son renouveau avec tout l’engouement qu’elle suscite aujourd’hui, a été introduit précédemment (fin cours 2018). Des progrès conséquents ont été effectués au niveau des conducteurs ioniques inorganiques. Cependant, la complexité des interfaces fait que nos espoirs doivent être modérés. Ce cours tente donc d’expliquer et de décrire les difficultés rencontrées pour réussir à maîtriser tant les interfaces Li-électrolyte que les interfaces oxydes-sulfures. Il décrit dans un premier temps la méthodologie de caractérisation des interfaces via la réalisation de cellules symétriques, ainsi que le développement de techniques de caractérisation in situ telles que la spectrométrie par photoémission de rayons X, afin de déterminer non seulement la nature, mais aussi la cinétique des réactions de décomposition aux interfaces. Le mécanisme de formation de la couche bloquante à l’électrode positive, au niveau de l’interface oxyde-sulfure, a également été expliqué et les stratégies pour y remédier, décrites. Ces stratégies incluent le dépôt d’une couche tampon (principalement oxyde acide) par des techniques sol-gel, par jets atomiques (ALD) ou par pulvérisation. L’importance de comprendre/caractériser l’expansion chimio-mécanique des électrodes lamellaires Li₁-_xMO₂ a été illustrée notamment par une exacerbation de ce phénomène pour des valeurs de x > 0.5, limitant ainsi la capacité utilisable. Nous avons montré que l’électrode négative en contact avec l’électrolyte présente des problèmes d’interfaces liés à la croissance de dendrites, dont nous avons visualisé la formation par mesures optiques in situ. L’origine de cette croissance provient de la répartition non uniforme des courants à la surface du Li due à une mauvaise mouillabilité à la surface du grenat. L’utilisation de couches tampons d’Au et de Si semble remédier à ce problème. Les problèmes d’interfaces n’étant pas à ce jour réglés, certains impatients s’emploient à développer des méthodes hybrides consistant à modifier les interfaces par l’injection d’une membrane polymère contenant de l’électrolyte, voire des mélanges grenats-polymères conducteurs. Bien que de telles alternatives puissent conduire à des performances intéressantes, elles s’écartent du concept du « tout solide » et des avantages qui lui sont associés.

5En guise de conclusions, on a mentionné l’annonce par la compagnie « Ionic Materials » de la découverte d’un polymère qui est présenté comme le premier du genre, puisqu’il a une conductivité à température ambiante de 10^–3 S/cm. Il est cependant trop tôt pour se prononcer sur le futur de cette technologie sans en connaître sa chimie.

Séminaire 1 – Approche des interfaces par la dynamique moléculaire

Mathieu Salanne

6Depuis son introduction par Berni Alder en 1957, la dynamique moléculaire a pris une place incontournable parmi les méthodes de visualisation, d’interprétation, voire de prédiction des phénomènes physico-chimiques. Le principe est simple : il s’agit de simuler les trajectoires d’un ensemble d’atomes au cours du temps par intégration numérique de la première loi de Newton. Les calculs fournissent des grandeurs structurales et énergétiques du système, qui sont directement comparables aux expériences. Cependant, ces simulations sont longtemps restées limitées à l’étude de phases pures, principalement à cause des restrictions en ressources de calculs et d’un manque de modèles physiques pour des systèmes complexes. Depuis une dizaine d’années, des avancées dans ces deux domaines ont permis de simuler des phases liquides mises en contact avec des électrodes solides. En particulier, nous avons développé des modèles prenant en compte la polarisation d’un métal par les charges du liquide et nous avons développé un logiciel de simulation permettant l’utilisation, en parallèle, de centaines de cœurs de calcul sur des supercalculateurs haute performance. Les interfaces électrode/électrolyte jouent un rôle primordial dans de nombreux dispositifs électrochimiques, allant des accumulateurs Li-ion aux électrolyseurs en passant par les supercondensateurs. La dynamique moléculaire fournit les mécanismes d’adsorption des molécules, que ce soient le solvant ou des espèces ioniques chargées, qui sont indispensables pour comprendre leur réactivité électrochimique ou la quantité de charge accumulée sur la surface de l’électrode. Au cours de ce séminaire, j’ai exposé les dernières avancées sur ce thème, ainsi que les perspectives à envisager au cours des prochaines années.

Cours 2 – Les batteries à flux circulants (redox flow) et ses évolutions : seront-elles suffisantes pour enfin implanter commercialement ces batteries pour le stockage de masse ?

11 février 2019

7La pile à circulation de Camacho, qui est une modification de la pile bichromate inventée par Poggendroff en 1842, est la première ébauche de ce que sera par la suite une batterie redox flow (RFB). On notera que la première application d’une telle batterie revient à l’aéronaute et pionnier de l’aviation Charles Renard, qui, en 1884, met au point le dirigeable « La France », constitué d’une hélice motorisée par un moteur électrique alimentée par une pile redox flow Zn/Cl₂. La batterie redox flow est un système électrochimique capable, comme les batteries ou pile à combustible, de transformer de l’énergie chimique en énergie électrique. Elle diffère cependant des batteries où les électrodes solides sont remplacées par des liquides, au sein desquels se trouve le couple redox. Bien que reposant sur l’utilisation d’un flux de liquide, ce système diffère également des piles à combustible par le fait qu’il s’agit d’un système fermé et réversible. Comme il l’a été évoqué, une grande variété de batteries aqueuses à circulation existe. Les avantages des systèmes redox flow résident i) dans la possibilité de découpler puissance et autonomie, cette dernière étant contrôlée par la taille des réservoirs contenant le catholyte at l’anolyte, et ii) dans le fait qu’ils utilisent un électrolyte aqueux et donc attractif pour un développement durable.

8Cependant, cette technologie n’a jamais pu prendre l’ampleur qui lui était initialement allouée pour des problèmes de coût. De nombreuses approches ont été poursuivies ces dernières années pour contourner ce problème en jouant sur le potentiel et la capacité. Elles ont été énumérées dans ce cours. La première réside dans la réalisation d’un système RF non aqueux à base de Li (gain en potentiel) par une équipe du MIT, avec pour nouveauté l’utilisation d’un catholyte sous forme d’encre plutôt que liquide (gain en capacité). Gardant le concept d’encre comme catholyte, des batteries Li-ion aqueuses furent ensuite réalisées. Enfin, des systèmes redox flow à deux compartiments séparés par un conducteur ionique inorganique furent développés. Afin de diminuer le coût de tels systèmes, des efforts furent réalisés pour mettre au point des systèmes sans membrane, telle la batterie redox flow au plomb ou la batterie redox flow semi-liquide Li/polysulfure sans membrane. D’autres systèmes sans membrane tirent avantage de la microfluidique et des écoulements laminaires qui permettent de limiter la diffusion entre catholyte et anolyte. Alternativement, une méthode plus fiable consiste à utiliser un électrolyte pour limiter la diffusion d’espèces.

9Pour finir, les travaux actuels visant à donner un rôle actif plutôt que passif à l’électrolyte, ont été présentés pour différentes configurations de batteries (redox flow classique, semi-solide Li-ion RF, RF sans membrane, RF multi-membranes, RF avec médiateur redox).

Séminaire 2 – Le mystère des interfaces par spectroscopie de photoélectrons (XPS)

Rémi Dedryvère

10Dans les accumulateurs lithium-ion d’aujourd’hui, ainsi que dans les accumulateurs de demain, dits « post lithium-ion », les interfaces occupent une place primordiale. Une batterie Li-ion repose sur le principe d’un échange réversible d’électrons et d’ions lithium entre deux électrodes, séparées par un électrolyte. Le bon fonctionnement de la batterie dépend des propriétés intrinsèques des matériaux actifs constituant les électrodes. Cependant, un excellent matériau d’électrode ne sera réellement fonctionnel que si son interface avec l’électrolyte est bien maîtrisée. Les interfaces électrode/électrolyte sont donc tout aussi importantes que les matériaux d’électrode, ce qui justifie un important effort de recherche et de compréhension des phénomènes impliqués, étant donné leur complexité.

11Parmi les différentes méthodes expérimentales permettant l’étude des interfaces, celles qui présentent une sensibilité à la surface tout en offrant une information d’ordre chimique occupent une place de choix. Parmi celles-ci, la spectroscopie de photoélectrons à rayonnement X (XPS) a permis de nombreuses avancées et apparaît aujourd’hui incontournable pour le développement des accumulateurs de demain.

12Dans cet exposé, j’ai montré ce que cette technique a permis de comprendre sur les interfaces électrode/électrolyte dans les batteries lithium-ion. J’ai également présenté ce qu’elle peut apporter dans la compréhension des interfaces dans les systèmes « post lithium-ion » étudiés aujourd’hui, notamment la batterie tout solide et les batteries lithium-soufre.

Cours 3 – Le redox flow dans le contexte des systèmes de stockage hybride (photorechargeables et autres...). Quel avenir ?

18 février 2019

13Le regain d’intérêt pour les batteries RF peut conduire à une technologie prometteuse pour le stationnaire si l’on identifie des chimies peu coûteuses pour un déploiement étendu. Pour cela, une recherche systémique et non ciblée sur un des composants est nécessaire. Dans ce contexte, on note l’introduction de couples redox organiques type quinones et autres, dissous dans un électrolyte aqueux ou non aqueux, qui donnent actuellement un second souffle à la technologie redox flow. Outre leur abondance et leur bas coût, ces molécules ont pour avantages leur solubilité, leur stabilité et leur potentiel adéquat. De plus, la richesse de leur chimie permet l’obtention d’une large panoplie de molécules ayant des potentiels redox ajustables. Nous avons donc défini les critères de choix, pour ces molécules, qui incluent i) leur équivalent en poids pour une capacité donnée, ii) la symétrie de la molécule pour des raisons de solubilité, iii) la taille de la molécule pour minimiser leur migration au travers de la membrane, et iv) leur activité multiélectronique. Cet effort s’est également étendu à la chimie des polymères avec notamment l’étude de batteries RF aqueuse à base de polymères et de matériaux non corrosifs, sûrs et peu coûteux.

14Au-delà du passage par des composés organiques, une autre façon d’abaisser le coût est de choisir des éléments abondants et bon marché, comme le montre l’importance prise par les technologies Li-polysulfures ou air-soufre. Nous avons donc passé en revue certaines des études dédiées au système polysulfure-iodure, Zn-polyiodure sans ajout de Br ou avec ajout (ce qui constitue la batterie Zn/iode-brome), et, finalement, la batterie redox flow air-soufre, dont une étude économique basée sur les performances acquises au niveau du laboratoire montre que cette technologie est l’une des plus attractives en termes de coût.

15Ces systèmes peuvent convertir et stocker de l’énergie, mais leur utilisation nécessite cependant qu’ils soient rechargés. D’où la question de la recharge dans des zones géographiques délaissées. Une lumière d’espoir existe avec le développement actuel de systèmes photorechargeables qui utilisent des matériaux d’électrodes bi-fonctionnels (ex. TiO₂). Ces derniers peuvent insérer le Li et, de plus, absorber la lumière. C’est ainsi que de tels systèmes basés sur les couples TiO₂/LI ou Li₂WO₄/LiI ont vu le jour. Conceptuellement, les photorechargeables permettraient l’utilisation infinie de la batterie sous illumination. Hélas, à cause des difficultés pour maîtriser les réactions parasites, nous en sommes encore loin. Enfin, nous avons conclu sur cette notion d’hybridité des systèmes en présentant la production d’oxygène et d’hydrogène via une batterie redox flow.

16Pour résumer, le succès des batteries RF sera dicté par le coût, une tâche d’autant plus difficile que le prix de la technologie Li-ion a atteint moins de 100 euros par kWh stocké. Les batteries RF au vanadium sont chères et les chances de s’implanter sont quasiment nulles. L’aspect pratique des chimies énumérées ci-dessus doit être démontré. La filière S-air aqueux est attractive, mais elle est truffée d’incertitudes avec, en plus, des obstacles économiques à surmonter.

Séminaire 3 – La caractérisation des interfaces (mais pas que) par impédance

Sylvain Franger

17La mesure de l’impédance s’appliquait, historiquement, à l’étude de la corrosion des métaux, mais un nombre croissant de travaux rend compte de son utilisation, de plus en plus fréquente, dans le cas des batteries, afin d’étudier les performances des électrodes avant, pendant et après les charges/décharges (études de comportement, de défaillance ou de vieillissement).

18En fait, l’impédance rend compte de la difficulté du courant à traverser un composant électrique, quel qu’il soit. C’est la généralisation du concept de résistance (qui reste limité au seul cas du conducteur ohmique parfait) à l’ensemble des composants électriques. En effet, beaucoup de ces derniers (bobines, condensateurs…) montrent des comportements plus complexes sous l’effet du passage d’un courant.

19Dans la plupart des cas, les batteries peuvent être décrites comme une juxtaposition de ces différents composants électriques. Notamment, l’électrolyte peut être modélisé par une simple résistance, dans la mesure où il se comporte essentiellement comme un conducteur ohmique. La cinétique des réactions d’oxydo-réduction, lors de l’application d’un potentiel aux électrodes, est assez bien décrite par une résistance au transfert de charge (R_tc). À l’interface électrode/électrolyte, une double couche existe. Elle est formée suite à l’apparition d’un front d’ions provenant de la solution électrolytique à la surface de l’électrode. Ce plan d’ions et le plan de l’électrode constituent les armatures d’un pseudo-condensateur (C_dc), d’épaisseur très mince. La valeur de ces deux derniers paramètres dépend de beaucoup de variables comme la température, la concentration des ions en solution, la rugosité, mais également l’adsorption d’espèces ou la formation d’un film à la surface de l’électrode. En effet, les interfaces électrode/électrolyte peuvent évoluer au cours du temps et/ou du fonctionnement. Le suivi de l’impédance permet donc de modéliser au mieux les batteries (par des circuits RLC plus ou moins complexes), d’en comprendre les mécanismes intimes et ainsi de proposer des solutions pour en optimiser les performances, en fonction des contraintes d’utilisation.

Cours 4 – Les technologies aqueuses (Zn-MnO₂ et autres) font leur retour en version rechargeable. À quoi devons-nous nous attendre ?

25 février 2019

20Associée à la demande constante de durabilité accrue, de sécurité et de réduction du coût de la batterie, une question légitime refait surface : les systèmes aqueux pourraient-ils être la solution de remplacement, d’ici 2022, compte tenu du coût prévu de 100 € par kWh d’énergie stocké pour le Li-ion ? C’est ce à quoi ce cours tentera de répondre. Il commencera par une revue rapide des batteries aqueuses classiques (Pb-acide, Ni-Cd, Ni-MeH voire Li(Na)-ion aqueux, avant de se focaliser sur la technologie Zn-MnO₂. L’historique de l’électrode de Zn qui va de la pile Volta à la pile Zn-MnO₂ saline de Leclanché, puis alcaline sera retracé de façon à mettre en perspective les recherches actuelles. Les batteries rechargeables Zn-MnO_2, déjà mises sur le marché par la compagnie RAYOVAC en 1986, ressuscitent un engouement considérable avec de nombreux papiers dans des journaux de haut impact. Qu’en est-il réellement ? Où se situe la nouveauté ? La problématique de cette technologie réside dans la maîtrise de l’électrode de Zn, puisque quel que soit le pH, Zn réduit l’eau → H_{2 (gaz)}. Ce qui fait que nous sommes dans une situation où il faut éviter la passivation et limiter la dissolution. Initialement, les faibles pH ont été favorisés (piles Lechanché-piles salines), avec cependant des problèmes de forte autodécharge, de puissance limitée et de performances médiocres à basse température. Pour contourner ces difficultés, les chercheurs ont eu recours à l’utilisation de pH basiques (pile alcaline que nous utilisons aujourd’hui), dont certaines tentatives de conversion en batterie rechargeable (RAYOVAC) ne furent guère un succès, en raison d’une tenue en cyclage limitée (< 20).

21Cependant, les études sur les électrolytes continuèrent avec la découverte d’un électrolyte à base de ZnSO₄ (2M) qui permettait d’augmenter le rendement coulombique et énergétique de ces systèmes. Les études ont par la suite montré le bienfait d’ajouter MnSO₄ comme additif à l’électrolyte dont le pH approche 4.6, revenant ainsi aux électrolytes acides. De nombreux mécanismes réactionnels avec différents polymorphes de MnO₂ furent proposés. Le premier mécanisme reposait sur l’insertion réversible du Zn dans MnO₂. Une nouvelle filière de batteries Zn-ion aqueuses prenait ainsi naissance. Cette insertion du Zn est à ce jour fortement contestée aux dépends d’autres mécanismes impliquant l’insertion du H⁺ ; la formation d’une phase Zn₄SO₄(OH)₆.4H₂O dont l’apparition est liée au pH et ainsi de suite. On a donc vu que les mécanismes réactionnels sont encore loin de faire consensus et restent à élucider. L’insertion électrochimique du Zn est, par contraste, nettement plus documentée pour les oxydes de vanadium A_xVO_y, les phases de Chevrel et les bleus de Prusse récemment étudiés. Une comparaison de ces différentes familles montre que les bleus de Prusse offrent le plus haut potentiel, mais des performances en énergie et puissance limitées. Les oxydes de vanadium, au contraire, présentent des potentiels faibles, mais des capacités et puissances élevées. Quant aux oxydes de Mn, ils allient le meilleur compromis entre potentiel, capacité et puissance. À ce jour, il est très difficile de connaître les performances réelles de ces systèmes tant c’est la course vers la sensation plutôt que l’aspect pratique qui prime. À titre d’exemples, les tenues en capacité qui sont rapportées à des courants élevés pour masquer les réactions d’autodécharge ne sont en effet que des trompe-l’œil. On devra encore patienter pendant quelques années pour décider de la viabilité de ces systèmes aqueux Zn-ion.

Séminaire 4 – Utilisation de l’intelligence artificielle pour de meilleures interfaces et batteries

Tejs Vegge

22Les stratégies de recherche conventionnelles pour le développement de matériaux de batterie ont largement fait appel à une approche édisoniènne (basée sur des essais et erreurs), dans laquelle chaque étape de la chaîne de découverte (valeur) dépend séquentiellement de la réussite de la ou des étapes précédentes. Ces dernières années, un certain nombre d’avancées ont vu le jour, comme une intégration étroite de calculs virtuels (généralement à l’échelle atomique) à la conception de matériaux et des techniques de caractérisation operandi dans une boucle de conception circulaire, ce qui peut permettre d’accélérer le cycle de découverte des technologies de batteries de nouvelle génération. Cela est illustré au travers des progrès faits dans le domaine des électrodes positives à haute capacité pour la technologie Li-ion, ainsi que dans le domaine des matériaux pour batteries secondaires métal-air. Cependant, cet effort n’est pas suffisant. Idéalement, un tel processus de développement de matériaux doit engendrer une intégration (presque) simultanée de la recherche expérimentale et théorique dans une plate-forme de développement intégré, ce qui permet un dialogue croisé quasi instantané des résultats de techniques complémentaires.

23Des efforts importants ont été déployés pour mettre en place des infrastructures normalisées permettant aux utilisateurs de stocker, conserver, suivre et partager des données dans un format bien défini et structuré, accessible depuis différentes plates-formes et à différentes fins. Bien que ces bases de données contiennent plusieurs millions d’informations, il est nécessaire de disposer d’outils et d’infrastructure permettant de faire le lien entre ces différentes bases de données, c’est-à-dire entre les données expérimentales et théoriques, mais aussi entre différentes longueurs et échelles de temps. La vision à long terme est de développer un cadre polyvalent et neutre en chimie, capable de multiplier par 10 le taux de découverte de nouveaux matériaux et interfaces de batterie. L’épine dorsale de cette vision permettra à terme la conception inverse de matériaux de batterie ultra, et permettra même d’intégrer des aspects transversaux tels que la fabricabilité et le recyclage directement dans le processus de découverte. Ce séminaire tentera d’illustrer ce nouveau paradigme de recherche, à l’opposé de l’approche édisonienne, via l’intelligence artificielle.

Cours 5 – De Zn-MnO₂ à Zn-air et autres (suite) : que peut-on espérer des technologies aqueuses rechargeables ?

4 mars 2019

24Une version dérivée des batteries Zn-ion aqueuses décrite dans le cours précédent est la version polymère qui repose sur l’utilisation de gels polymères étirables à base de gélatine et de polyacrylonitrile ou alors reposant sur des hydrogels qui sont des réseaux hydrophiles pouvant absorber de grosses quantités d’eau et également dissoudre des sels pour avoir des conductivités ioniques élevées. Des batteries flexibles et autoréparables peuvent ainsi être obtenues. Au-delà de l’électrolyte, l’amélioration de l’électrode de Zn a été le sujet de nombreux travaux visant à limiter les problèmes dendritiques, ainsi que sa corrosion, en jouant sur la texture morphologie et autres. On peut citer soit la fabrication de structures cœur-couronnes (C enrobé de Zn), soit la formation d’alliage Zn-Ni pour déplacer le potentiel de dégagement de l’hydrogène sur le zinc, et en réduire la corrosion comme il se faisait jadis par l’ajout de Hg. Il a été également démontré que l’utilisation de séparateurs à porosité contrôlée, ainsi que les électrolytes super concentrés (1 m ZnTFSI)₂ + 20 m LiTFSI + x H₂O) permettaient de minimiser la formation de dendrites de Zn. Dans ce contexte, mentionnons également les travaux de reconfiguration de l’électrode de Zinc pour sa rechargeabilité en milieu KOH avec notamment la réalisation d’architecture 3D, de structure éponge, voire de structure monolithe. Ces structures permettent i) le maintien de la conduction électrique lors du cyclage, et ii) une saturation /déshydratation plus efficace du zincate en ZnO et sa distribution plus uniforme au sein de l’électrode, le tout entraînant de meilleures performances. Sur de telles bases, la technologie Ni-Zn aqueuse regagne de l’intérêt.

25Outre l’anode de Zn, on ne peut s’empêcher de mentionner les travaux récents sur les batteries aqueuses qui reposent sur l’utilisation d’anodes à base de quinones. L’avantage primordial des quinones réside dans leur chimie très versatile qui permet de les modifier pour une chimie redox adaptée au milieu environnant. Ainsi, les quinones sont des anodes universelles pour les systèmes aqueux indépendamment du pH. C’est ainsi que des systèmes quinone(PTO)/H₂SO₄/PbO₂, quinone(PPTO)/Li₂SO₄/LiMn₂0_4, et enfin quinone(PAQS)KOH/Ni(OH)₂ opérant en milieu acide, neutre et basique ont pu être réalisés, tout en supportant le cycle de l’oxygène qui est un facteur de sécurité supplémentaire pour ce type de batteries aqueuses. En quelque sorte, l’oxygène produit par l’oxydation diffuse au travers de l’électrolyte vers l’électrode négative, où il est réduit par l’anode (quinone chargée) protégeant ainsi spontanément les cellules contre les décharges profondes.

26Enfin, nous avons terminé le cours sur la technologie Zn-air qui, comme la technologie Zn-MnO₂, jouit d’un intérêt grandissant en raison de la possibilité de transformer ces systèmes d’un comportement pile à un comportement batterie. La pile Zn-air, dont l’invention (par Louis Maiche, en 1881) est liée à la pile Leclanché (Zn-MnO₂), a été commercialisée durant la Première Guerre mondiale (1914-1918) par Charles Fery (pile Fery) et vendue à plus de 1,5 million d’exemplaires. La raison de cette commercialisation était la pénurie de piles Zn-MnO_2, due au fait que le dioxyde de Mn (MnO₂) se trouvait dans un minerai rare qui, de plus, devait être importé d’Allemagne. La pile Zn-air, qui est aujourd’hui utilisée dans les appareils auditifs, télémétrie cardiaque et autres, a des atouts indéniables qui sont : une densité d’énergie théorique élevée, une sécurité maximale, un impact environnemental minimum, tout en étant bon marché. Cependant, elle n’est pas rechargeable à cause de problèmes d’électrodes de Zn et de carbonations de membranes. La recharge mécanique (changement de l’anode et de l’électrolyte) a tout d’abord été tentée, mais sans convaincre pour la mobilité électrique, et ce n’est qu’en 1997 que les premières batteries Zn-Air rechargeables furent assemblées avec des performances limitées. L’utilisation de cathodes dotées de catalyseurs bi-fonctionnels pour maîtriser les réactions d’OER et d’ORR, bien qu’élégante, n’apporta que peu d’améliorations. C’est finalement l’utilisation d’une électrode bi-positive (3^e électrode), combinée à l’utilisation d’une membrane polymérique fluorée pour empêcher l’empoisonnement de l’électrolyte par CO_2, qui a permis de débloquer la situation et d’obtenir des performances viables. C’est sur la base de ces avancées réalisées par EDF qu’une compagnie, ZINIUM, dédiée à la commercialisation de batteries Zn-air, a vu le jour. Attendons donc pour les premiers prototypes.

Séminaire 5 – Systèmes hybrides de stockage et conversion

Hubert Girault

27Les besoins en infrastructure de distribution d’énergie pour la mobilité vont grandement évolués dans un futur proche. Nous avons montré les avantages que les batteries stationnaires apportent à la conception de stations-service pour véhicules électriques, avant de discuter ensuite d’un type particulier de batterie stationnaire, à savoir les batteries à circulation d’électrolytes (Redox Flow Batteries). Nous avons également parlé du principe et des propriétés des batteries au vanadium.

28D’un point de vue plus fondamental, nous nous sommes intéressés à l’électrocatalyse redox qui consiste à faire de l’électrochimie sur des particules électriquement flottantes en présence de couples redox. La première application de ce concept est la conception de « boosters » d’énergie solides pour les batteries à circulation d’électrolyte. La deuxième application est la production d’hydrogène à partir d’un électrolyte de vanadium (II) en solution acide.

29Finalement, nous avons présenté des véhicules à piles à combustible dédiés aux courses automobiles d’endurance et discuterons plus généralement des besoins en infrastructure pour la mobilité hydrogène.

Cours 6 – L’électrochimie et son implication vis-à-vis de l’énergie bleue et de la désalinisation

11 mars 2019

30Dans ce dernier cours, nous allons aborder l’importance de l’électrochimie dans l’exploitation de l’énergie bleue, c’est-à-dire l’énergie provenant du mélange de liquides de différentes concentrations en sel, comme par exemple l’eau douce et l’eau de mer via le phénomène d’osmose. Nous avons tout d’abord rappelé que la pression osmotique joue un rôle fondamental dans de nombreux phénomènes biologiques. Associée à la capillarité, elle est par exemple responsable de l’absorption de l’eau par les racines des végétaux, ainsi que du mouvement ascendant de la sève brute. La pression osmotique provoque l’hémolyse, qui consiste en la destruction des globules rouges présents dans le sang, ainsi que la plasmolyse qui est l’étant cellulaire résultant d’une perte d’eau. Nous avons également souligné que le phénomène d’osmose est mis à profit pour la conservation des viandes par le sel et des fruits, par le sucre. Ainsi, on comprend pourquoi une eau riche en sels, telle que celle de la mer Morte, est impropre au maintien d’une vie aquatique.

31Le flux de mélange de deux eaux de concentrations différentes est associé à une entropie de mélange, et c’est en 1954 qu’un chercheur anglais (R.E. Pattle) proposa d’utiliser cette énergie de mélange et de la convertir en électricité. Il démontra que l’énergie de mélange associée à un 1 m³ d’eau salée est égale à l’énergie que l’on pourrait récupérer de la chute de 1 m³ d’eau dans une cascade de 250 m de hauteur. Sur la base de tels calculs, il est estimé que le stockage osmotique est supérieur au stockage hydroélectrique et, a priori, 1-2TW pourrait être récoltés mondialement si l’on profitait des différentes sources de gradient de salinité (saumures, eaux usées). En revanche, l’énergie osmotique est beaucoup plus difficile à récupérer que l’énergie hydroélectrique. Elle se récupère par différents procédés connus sous le nom de i) pression d’osmose retardée (PRO), ii) électrodialyse inverse (RED) iii) ou bien via un procédé de transport par diffusion osmotique développé par Lydéric Bocquet, qui tire avantage des technologies nano-fluidiques. Il s’agit d’un mécanisme de diffusion osmotique qui est un mécanisme de surface généré par un gradient de pression osmotique se produisant dans les premiers nanomètres de la surface des pores. Ce gradient de concentration osmotique à la surface des pores conduit à un courant ionique connu sous le nom de diffusion osmotique. La potentialité énergétique de ce nouveau concept, ayant déjà donné naissance à la création d’une PME du nom de « SWEETCH Energie », devient donc tributaire de la nano-structuration des membranes. Soulignons également que la récupération d’énergie à partir de salinités différentes peut se faire via un condensateur, selon un cycle en quatre étapes, dénoté CAPMIX, qui présente une certaine analogie avec la thermodynamique d’un moteur à quatre temps.

32Le phénomène inverse de récupération d’énergie de mélange provenant de gradients de concentration est la désalinisation via l’apport d’énergie. Il s’agit là d’une problématique importante, sachant que l’eau est toujours indisponible pour une personne sur sept dans le monde. Les technologies dominantes actuelles pour la désalinisation de l’eau sont i) l’osmose inverse, ii) la distillation, et iii) l’électrodialyse, sans pour autant oublier la désalinisation via la dé-ionisation capacitive (e.g. via des supercondensateurs à configurations multiples). Nous évoquerons également les batteries de désalinisation pour la récupération du Li.

33En résumé, l’énergie bleue est de premier abord une option attractive. Cependant, les technologies de récupération sont problématiques, avec des rendements très limités. De nombreux verrous technologiques restent à lever avant qu’une telle énergie puisse être prise en considération dans notre mix énergétique.

Séminaire 6 – Électrochimie sans fil pour des applications en micro- et nanotechnologie

Alexander Kuhn

34Une conversion électrochimique s’effectue dans la plupart des cas de manière classique, c’est-à-dire à la surface d’électrodes qui sont connectées à une source d’électricité. Cependant, il existe une voie alternative qui permet de déclencher des processus électrochimiques à distance sur des objets qui ne sont pas en contact physique avec un générateur de tension ou de courant. Cette « électrochimie sans fil » ou, plus scientifiquement, appelée « électrochimie bipolaire », a un long historique, y compris dans le domaine des batteries. Le concept connaît actuellement une véritable renaissance dans différents domaines scientifiques, notamment à cause des applications potentielles en micro- et nanotechnologie qui ont été mises en lumière pendant la dernière décennie. L’approche permet, entre autres, la modification très contrôlée de surfaces à l’échelle micro- et nanométrique. Dans ce séminaire, nous avons discuté des grands axes de recherche dans ce domaine et aussi illustrer la puissance du concept avec des exemples qui vont bien au-delà de la chimie.

Recherche

35Nos activités classiques sur la technologie Li(Na)-ion ainsi que sur l’électrocatalyse se sont poursuivies avec, cependant, une diversification qui a conduit à l’émergence de deux thématiques supplémentaires que sont i) les batteries « tout solide » et ii) le suivi et l’autoréparation des batteries. Les faits saillants concernant la période considérée (septembre 2018-septembre 2019) sont résumés ci-dessous. Ils incluent :

i) la mise en évidence d’une relation cause-effet entre migration cationique et l’oxydation de l’oxygène permettant ainsi d’augmenter l’efficacité énergétique associée aux réactions redox anioniques ;

ii) la confection d’un nouvel électrolyte, ainsi que la découverte d’une nouvelle phase lamellaire permettant d’obtenir les meilleures performances à ce jour en termes de densité d’énergie pour la technologie à ions Na ;

iii) l’assemblage de batteries « tout solide » pouvant être cyclées sans application de pression – une première ;

iv) la mise en évidence d’un mécanisme réactionnel non basé sur l’insertion du Zn dans les batteries Zn-MnO₂ ;

v) l’utilisation de capteurs optiques de Bragg comme sondes micro-calorimétriques pour suivre les flux de transfert de chaleur au sein des batteries ;

et enfin vii) l’identification d’un nouveau mécanisme d’électrocatalyse reposant sur l’utilisation de composés d’insertion. Ces avancées seront décrites plus amplement par la suite.

Les batteries Li-ion : les composés riches en Li source d’une activité redox anionique

36Le concept d’activité anionique dans les composés lamellaires riches en Li de type Li_1.2Ni_xMn_yCo_zO₂ a été initialement établi par notre groupe via des composés modèles de type Li₂Ru(Ir)O₃ qui présentaient une structure et des performances identiques. Bien que le mécanisme réactionnel soit aujourd’hui clairement identifié, il n’en demeure pas moins que leur utilisation est retardée pour des raisons de dérive de potentiel et d’efficacité énergétique trop faible causée par une forte hystérèse. Pour résoudre ce problème, notre approche fut triple. Elle a consisté successivement à i) la synthèse de composés lamellaires à base de Ta dont la polarisation varie selon la nature de la substitution en Ni ou Mn, ii) au remplacement partiel de O par F via des réactions à deux étapes (création de lacunes en O suivie par une fluorination via XeF₂), et enfin iii) à la synthèse de sulfures lamellaires riches en Li (Li_1.2Fe_0.3Ti_0.7O₂). Nous avons ainsi pu en déduire un phénomène d’hystérèse présent dans ces composés et relié à la migration cationique qui est moindre dans les sulfures. Par des mesures calorimétriques, nous avons également montré comment la chaleur associée à cette hystérèse, qui est liée à une perte de travail électrique, est cruciale pour l’utilisation de ces matériaux. Le passage d’oxydes à des sulfures riches en Li pourrait permettre de maximiser l’efficacité énergétique, avec pourtant un désavantage en termes d’énergie spécifique dû au plus faible potentiel redox des sulfures par rapport aux oxydes. Force donc est de constater que ces composés lamellaires riches en Li, bien que passionnants d’un point de vue fondamental, ne peuvent pas encore être à ce jour maîtrisés pour leur intégration dans les prochaines batteries à ions Li.

Les batteries Na-ion : nouveaux électrolytes, nouvelles phases

37La technologie Na-ion constitue à ce jour une alternative attractive à la technologie Li-ion, notamment pour des applications avec de grands volumes (e.g. stockage de masse pour les énergies renouvelables) en raison de l’abondance du Na. Notre groupe fut l’un des pionniers dans ce développement, avec notamment la mise au point de la technologie Na-ion basée sur la chaîne électrochimique Na₃V₂(PO₄)₂F₃/Elec./C qui a conduit à la création de la compagnie TIAMAT. L’atout de cette technologie se situe au niveau de ses performances en puissance, de son bas coût et de sa possibilité d’être déchargée à zéro volt, sans que ses performances ultérieures n’en soient affectées – un avantage énorme pour leur transport via les airs qui n’existe pas avec le Li. Cependant, la densité d’énergie des batteries Na-ion n’est à ce jour que de 120 Wh/kg (220 Wh/kg pour Li) et, en plus, leurs performances à 55 °C restent encore limitées. Résoudre ces deux problèmes fut l’objet de notre recherche sur la période 2018-2019, qui a porté sur l’élaboration de nouveaux électrolytes et le design de nouvelles phases à base de Na.

Nouveaux électrolytes

38Les électrolytes communément utilisés pour la technologie Na-ion, par analogie au Li-ion, consistaient à un mélange de carbonates cycliques (EC) et acycliques (DMC). Ayant démontré l’effet néfaste de DMC à 55 °C, nous avons eu recours à son remplacement. Sur la base de calculs théoriques, nous avons choisi d’utiliser du PC avec l’ajout d’additifs à faibles concentrations dont le sodium difluoro(oxalato)borate (NaODFB ; 3 %), le succonitrile N≡C-(CH₂)₂-C≡N (1 %), le 1,3-propane sultone (0,5 %), et le vinylene carbonate (3 %). La synergie entre ces différents additifs s’est avérée bénéfique pour produire une SEI (« Interface solide-électrolyte ») électrochimiquement stable, permettant ainsi d’obtenir des performances exacerbées à 55 °C tant en autodécharge qu’en cyclage. Cependant, la faible mouillabilité en l’absence de DMC de ce nouvel électrolyte avec les séparateurs de type polypropylène s’avéra un handicap pour son utilisation. C’est ainsi que, sur la base de nouvelles considérations chimiques et théoriques, nous avons confectionné et breveté un nouvel électrolyte. Reposant sur un mélange de EC-DMC avec 2,5 % de sodium difluoro(oxalato)borate (NaODFB), 3 % de tris(trimethylsilyl)phosphite (TMSPi) et 4 % de carbonate de vynylidene, il est aujourd’hui utilisé avec succès par la compagnie TIAMAT.

Nouvelles phases

39Les phases lamellaires au Li sont les plus prisées pour la technologie Li-ion. Pourquoi n’en est-il pas de même pour les phases Na pour les batteries Na-ion ? La réponse réside dans la composition et structure des phases lamellaires au Na. Il existe une phase P2 de composition Na_0.7MO₂ qui cycle bien, mais qui présente des capacités limites en raison de sa sous-stœchiométrie en Na(_0.7). La seconde phase, en revanche, de structure O3, a une forte capacité, mais a des performances en cyclage limitées en raison de nombreux changements de phases associés à l’insertion et au retrait de Na. Cette phase a donc retenu notre attention et notre stratégie a consisté à déduire et limiter le nombre de transitions de phases via des substitutions chimiques adéquates. Ainsi, nous avons démontré que la double substitution du Ni par le Cu et du Mn par le Tin dans la phase NaNi_0.5Mn_0.5O₂ permettait d’obtenir des composés NaCu_0.1Ni_0.4Mn_0.4Ti_0.1O₂ ayant d’excellentes tenues en cyclage avec des capacités de 170 mAh/g, comparées à seulement 125 mAh/g pour Na₃V₂(PO₄)₂F₃. Les cellules 1850 réalisées à ce jour à base de ces composés permettent d’obtenir une densité d’énergie de 130 Wh/kg, la plus haute valeur jusque-là obtenue avec des éléments Na-ion. Soulignons que l’utilisation du Zn plutôt que du Cu comme substituant conduit à des performances comparables, voire légèrement supérieures. Ces deux avancées brevetées seront industrialisées par TIAMAT dans un futur proche.

Les batteries « tout solide »

40Les batteries « tout solide » suscitent ces dernières années un engouement dans le monde des batteries et des fabricants de voitures électriques. Elles pourraient permettre i) d’accroître la sécurité des batteries Li-ion liquides, mais également ii) d’augmenter la densité d’énergie volumétrique via des configurations bipolaires, ainsi que l’utilisation du Li métallique. Cependant, cette euphorie commence à se ternir à cause de la prise de conscience croissante des difficultés récurrentes liées aux interfaces se formant entre l’électrolyte solide (thiophosphate) et l’électrode positive (oxyde lamellaire) et également avec l’électrode négative (Li). À la lumière de cette récente constatation, nos efforts se sont centrés sur l’étude des interfaces et leur maîtrise en cellules « tout solide ». Parmi nos résultats les plus notoires, on soulignera i) l’augmentation de la conductivité ionique de la phase Li₃PS₄ avec la pression, mais surtout le maintien de cette conductivité lorsque cette pression est relâchée. Cela est d’une importance capitale au niveau des applications. C’est ainsi que des batteries tout solide type « boutons » ont pu être assemblées avec des performances surprenantes, si l’on garde à l’esprit que, jusque-là, toutes les batteries solides nécessitaient une pression extérieure pour le cyclage. Une seconde avancée, qui fait à ce jour l’objet d’un dépôt de brevet, consiste à l’utilisation d’un enrobage des particules d’oxydes par un composé d’insertion à base de soufre (Li_1.12Ti_0.7Fe_0.3O₂) afin d’augmenter la capacité des cellules et diminuer les régions d’interfaces. L’ensemble de ces résultats nous a conduit à la création d’une task force toute solide avec, comme objectif, la fabrication d’un prototype tout solide de 1 Ah en 2022.

Les batteries aqueuses : Zn-MnO₂

41Le dynamisme du développement durable a suscité un retour d’intérêt pour les technologies aqueuses Li(Na) mais surtout pour la technologie Zn-MnO₂, bien connue de tous en tant que pile. Grâce à l’utilisation d’électrolyte moyennement acide (ZnSO₄-MnSO₄), la réversibilité de ce système a pu être démontrée avec un mécanisme supposant l’insertion réversible de Zn dans MnO₂. Grâce à des études de diffraction de rayons X in situ couplées à des mesures de pH et à des mesures d’EQCM (suivies de variation de masse d’électrode lors de la charge et décharge), nous avons montré que le Zn ne s’insérait pas dans MnO₂. En revanche, nos études ont mis à jour un mécanisme de dissolution/recristallisation de MnO₂. Lors de la décharge suivant une charge, il y a une dissolution de MnO₂ avec une capture des H⁺. Cette basification du milieu entraîne la précipitation de Zn(SO₄)_2.7H₂O. Forts de ces connaissances, nous évaluons à ce jour d’autres figures de mérite, telles l’autodécharge, l’efficacité coulombique.

Le suivi et l’autoréparation des batteries

42Afin d’abaisser le coût de l’énergie stockée dans les batteries, beaucoup d’espoirs reposent sur l’économie réalisable en leur offrant une seconde vie. Ainsi, lorsque ces batteries auraient atteint leur fin de vie dans un véhicule électrique (80 % de la capacité nominale), elles pourraient être, selon leur degré d’usure, remises en conformité pour des applications réseaux. Ce basculement de fonctionnalité n’est aujourd’hui qu’utopique sans des méthodes de détection non invasives visant à fournir une meilleure connaissance des processus se déroulant dans les batteries. Des méthodes de détection-suivi des batteries doivent donc être développées afin de déduire en temps réel leur état de santé. Dans ce contexte, nous développons l’utilisation de réseaux de Bragg optiques pour le suivi des batteries en température et en pression, et afin de suivre la composition de l’électrolyte. Parmi les résultats notoires déjà obtenus, on soulignera la possibilité d’utiliser la fibre optique comme sonde micro-calorimétrique. Ainsi, l’énergie associée à la formation de la SEI peut être déterminée, ce qui constitue un avantage considérable dans le choix d’électrolytes et l’optimisation des conditions de formation de SEI. L’imagerie en température de l’accumulateur a pu également être obtenue. Ces informations sont précieuses pour le développement de BMS sophistiqués.

43Parallèlement à l’établissement de l’état fonctionnel des batteries, nous travaillons également sur des fonctionnalités d’autoguérison et d’autoréparation, en s’inspirant du domaine médical et notamment de la vectorisation des médicaments pour le traitement des maladies.

Électrocatalyse : compréhension des phénomènes aux interfaces électrochimiques

44Dans le but de trouver de nouveaux matériaux toujours plus performants pour l’électrolyse de l’eau, nos travaux se sont penchés sur l’impact des interactions ayant lieu entre les catalyseurs solides classiquement utilisés et l’eau. Tout d’abord, notre groupe s’est focalisé sur la réaction de réduction de l’eau et de dégagement d’hydrogène (HER). En jouant sur la structure de l’eau par l’ajout d’additif en solution ou bien le contrôle des concentrations ioniques, nous avons ainsi pu mettre en avant la réactivité différente de l’eau en surface de catalyseurs de la HER en fonction de son implication ou non dans la sphère de solvatation des cations (JPCL 2018 et ACS Catalysis 2018). Cela nous a ainsi permis de déterminer les conditions favorables dans lesquelles la cinétique de la HER peut être modulée, ce qui a des répercussions non seulement pour l’électrocatalyse, mais aussi pour le développement de batteries aqueuses (EES 2018). En ce qui concerne la réaction d’oxydation de l’eau et de dégagement de l’oxygène (OER), nos efforts se sont portés sur la compréhension des phénomènes de dégradation qui, pour le moment, limitent la durée de vie des catalyseurs de type oxydes classiquement utilisés. Pour cela, des techniques analytiques telles ont été couplées pour démontrer que le pH joue non seulement un rôle sur l’activité électrocatalytique des oxydes de métaux de transition vis-à-vis de l’OER, mais que ce processus est couplé avec une augmentation des phénomènes de corrosion (ACS Energy Letters 2018). De plus, nous avons pu mettre en avant un phénomène de dissolution/redéposition qui modifie continuellement la surface des catalyseurs dans ces milieux extrêmement corrosifs (Angewandte, 2019). En définitive, il apparaît donc que non seulement nos efforts doivent se porter sur l’augmentation de la cinétique de l’OER, mais que de nouveaux mécanismes permettant de limiter les phénomènes de dégradation doivent être trouvés. Pour cela, nos efforts s’orientent actuellement vers le développement de catalyseurs pour lesquels des échanges ioniques sont possibles entre l’électrolyte et le cœur du catalyseur (Chem. Mater., 2019). En effet, ce type d’échange ionique permet de contrôler la balance de charge lors des réactions électrocatalytiques en surface des catalyseurs et de sensiblement augmenter leur stabilité.

Brevets

45PCT/FR2019/050575, « New electrolyte composition for sodium ion battery », G. Yan et J.-M. Tarascon.

EP18305743, « Separators for batteries and uses thereof », L. Coustan, J.-M. Tarascon et C. Laberty.

EP18305521, « New sodium-based material and its use as positive electrode material or Na-ion cells », G. Yan, S. Maypayan, J.-M. Tarascon et R. David.

EP18305518, « Fluorinated oxide based on Li and Mn », J. Ma, T. Lemercier, V. Buissette, M. Devi, L. Berthy et J.-M. Tarascon.

EP18’35623, « Layered active material for Na-ion batteries », S. Marypayan, T. Marchandier et J.-M. Tarascon.

Publications

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