Enseignement

Introduction

1Une part significative de l’enseignement donné au Collège dans le cadre de la chaire cherche à mettre en exergue les liens qui existent entre la pathogénie des différentes formes de cancer et les différentes modalités de traitements. C’est ainsi que nous avions présenté les liens entre récepteurs nucléaires et traitements par anti-hormones, ou encore le rôle de P53 dans les réponses à de nombreuses thérapies.

2Dans la suite du cours sur les gènes maîtres de la différenciation cellulaire, nous avons voulu présenter un état des lieux sur l’induction de la différenciation cellulaire comme stratégie thérapeutique. Cette stratégie a été historiquement développée dans les leucémies. Elle a trouvé sa consécration dans le traitement de la leucémie aiguë promyélocytaire (LAP) par l’acide rétinoïque dans les années 1990. Néanmoins, des travaux récents ont remis en question le rôle central de la différenciation cellulaire dans la guérison de cette maladie. L’arrivée de nombreuses thérapeutiques ciblées induisant des formes variées de différenciation cellulaire dans d’autres formes de cancers a conduit à une réévaluation du rôle de celle-ci dans la réponse thérapeutique. Il est ainsi apparu que la différenciation contribuait à la réponse en diminuant – parfois très fortement – la charge tumorale, mais qu’elle n’était pas suffisante pour induire la guérison. Le cours a repris ces différents éléments, dans un contexte historique, et présenté les dernières avancées, en particulier celles tirées d’études fondamentales sur la différenciation des cellules embryonnaires. Des stratégies combinées, ciblant à la fois la différenciation et l’autorenouvellement, comme dans la LAP, commencent à émerger dans différents modèles cellulaires. Celles-ci pourraient, à terme, conduire à de nouvelles modalités de prise en charge.

Cours – Thérapeutique par différenciation

La différenciation normale

3Le système des cellules sanguines (hématopoïétiques) se prête particulièrement bien à l’analyse de la différenciation cellulaire. Les cellules sont facilement accessibles dans la moelle, de très nombreuses protéines membranaires peuvent servir de marqueurs de différenciation, ces cellules peuvent être triées. Enfin, en utilisant des milieux semi-solides, on peut directement explorer les capacités clonogéniques d’une cellule donnée ex vivo ou in vivo. Ces caractéristiques ont permis de définir avec une très grande précision les différentes étapes conduisant de la cellule souche hématopoïétique, capable seule de refaire toute l’hématopoïèse la vie durant, jusqu’aux éléments les plus différenciés, comme les polynucléaires neutrophiles, qui ne vivent que quelques heures. Les cellules souches sont dotées d’autorenouvellement, mais sont en général quiescentes. Les progéniteurs engagés dans une voie de différenciation ont perdu leur multipotence, mais sont capables de prolifération très rapide. Les cellules en différenciation terminale, elles, ne se multiplient plus.

4La différenciation est régulée par un petit nombre de facteurs maîtres de transcriptions auxquels le cours de l’an dernier était consacré. Ceux-ci agissent en cascades, couplés à des mécanismes d’auto-amplification ou inhibition, permettant ainsi d’amplifier et de sécuriser l’engagement dans une voie de différenciation. La différenciation s’accompagne de profondes modifications épigénétiques. Les effets réciproques entre facteurs de transcription et modulateurs épigénétiques qui leur sont physiquement liés, constituent une des bases de la différenciation normale ou pathologique. Alors que la pyramide conduisant de la cellule souche à la diversité de ces descendants était considérée comme strictement polarisée, on sait aujourd’hui que cette polarité peut être inversée. C’est le cas lors de la reprogrammation cellulaire, mais aussi dans la régénérescence normale de certains tissus. À l’extrême, la trans-différenciation peut transformer des types cellulaires par la sur-expression de gènes maîtres comme CEBPA ou PAX6. Les gènes impliqués dans la dédifférenciation sont des oncogènes.

Contrôle de la prolifération cellulaire

5Différenciation et prolifération sont intimement liées. Certains mécanismes de transition entre progéniteurs en expansion rapide et cellules ayant atteint la différenciation terminale ont été bien étudiés. Le contrôle de la prolifération est assuré par un facteur de transcription maître appelé E2F qui contrôle l’expression de nombreux gènes impliqués dans la synthèse d’ADN et de protéines, préalable à la réplication. L’activité de ce facteur est contrôlée par des cascades biochimiques faisant appel à des kinases possédant une sous-unité catalytique et une régulatrice. Plusieurs exemples de couplages directs entre l’activité de protéines régulatrices du cycle (EF2, RB, cdk4, Cycline D1) et des facteurs maîtres de la différenciation ont été présentés.

Le modèle des ES

6La régulation de la transition entre cellules souches quiescentes et progéniteurs proliférants fait appel à des mécanismes différents. Effectivement, les facteurs comme CEBPA ou Runx1 ont des effets très différents dans les progéniteurs ou les cellules souches qu’ils protègent des divisions spontanées et de l’épuisement. Les liens cycle/différenciation ont été réétudiés dans le modèle des cellules ES qui sont en prolifération très rapide. Leur différenciation peut être induite par des agents inhibant certaines voies de transduction. Dans ce modèle, des études récentes ont clairement montré un découplage des mécanismes de deux phénomènes souvent confondus : l’induction de la différenciation et la dissolution de l’autorenouvellement. L’induction de la différenciation est obtenue par la soustraction des facteurs d’autorenouvellement (TGFβ), et passe par les voies MAPK, Notch ou Wnt. L’utilisation d’un système de rapporteur fluorescent (Fucci), permettant de connaître à tout moment la phase du cycle cellulaire, a permis de démontrer que la différenciation est profondément influencée par celui-ci. L’induction de la différenciation ne va s’effectuer que lors de la très courte phase G1. Le blocage du cycle cellulaire par l’inhibition des Cdk induit une différenciation spontanée. Le choix de la différenciation vers endoderme ou le neurectoderme fait appel à une modulation de la signalisation TGFβ/Smad, par une inhibition par le complexe CDK4/6//Cycline D.

7Ces mêmes travaux ont exploré l’effet réciproque : la perte de la pluripotence. Grâce à un rapporteur nanog-GFP, on peut suivre la pluripotence en cellule unique. Des cribles génétiques ont mis en évidence, de manière inattendue, des régulateurs du cycle cellulaire. De manière frappante, le blocage en phase S ou G2 par des gènes ou des agents cytotoxiques favorise le maintien de la pluripotence. La perturbation de la synthèse d’ADN renforce la pluripotence par l’activation de ATM/ATR et de P53 qui conduit à la synthèse d’agonistes TGFβ. Au total, dans les cellules ES, il existe des couplages étroits entre différenciation, pluripotence et cycle cellulaire. On comprend mieux ainsi comment des anomalies génétiques de ces deux systèmes (cycles cellulaire ou différenciation) vont modifier cet équilibre et peuvent contribuer à la transformation cellulaire de cellules très immatures comme les cellules souches. Il existe néanmoins des situations ou des cellules différenciées quiescentes sont capables, avec une stimulation appropriée, de se remettre en prolifération rapide. Les macrophages tissulaires sont des cellules post-mitotiques dérivées du sac vitellin. En réponse à une stimulation, elles sont capables de se multiplier très rapidement. Les voies de transductions font appel aux mêmes gènes d’autorenouvellement que ceux impliqués dans les ES. Ceux-ci sont transitoirement bloqués par des membres de la famille Maf.

Cibler le métabolisme ?

8Ces relations entre cycle cellulaire et différenciation ont récemment connu d’intéressantes évolutions. Dans un modèle de cellules hématopoïétiques primaires immortalisées par la surexpression de HoxA9, des cribles chimiques ont permis d’identifier une famille de molécules induisant la différentiation terminale et un arrêt irréversible du cycle cellulaire dans plusieurs types de lignées dérivées de leucémies aiguës myéloïdes. L’obtention de lignées résistantes à ces agents a permis de mettre en évidence une amplification génétique d’une enzyme mitochondriale, la DHOH, qui est impliquée dans la biosynthèse des nucléotides. De fait, la supplémentation en uridine (le métabolite en aval de la DHOH) abolit les effets de ces inhibiteurs. Ceux-ci présentent des effets thérapeutiques dans des modèles animaux, démontrant l’étroite dépendance du couplage entre différenciation et cycle cellulaire dans les leucémies aiguës myéloides (LAM). Paradoxalement, dans ces maladies, les inhibiteurs de synthèse d’ADN n’induisent que rarement la différenciation. Les modes d’actions de cette famille d’inhibiteurs de la DHOH sont encore à l’étude. Néanmoins, des travaux très récents ont montré qu’ils activent P53, particulièrement durant la phase S du cycle cellulaire.

Le modèle APL : jouer sur la différenciation pour la thérapeutique ?

9Bloquer le cycle cellulaire induit la différenciation dans de nombreuses formes de leucémies. Néanmoins, celle-ci est en général partielle et réversible. Cliniquement, elle ne conduit en général pas à des régressions significatives. Ceci pourrait refléter la distinction déjà faite entre différenciation et autorenouvellement dans le modèle des cellules embryonnaires. Les études sur le modèle de la leucémie aiguë promyélocytaire ont permis de formellement découpler différenciation en réponse à l’administration d’acide rétinoïque et perte de l’autorenouvellement. Schématiquement, ces travaux ont montré que la différenciation cellulaire est causée par l’activation de la transcription par PML/RARA. Elle est responsable de la diminution rapide et drastique de la charge leucémique. La disparition du clone leucémique fait appel à un mécanisme différent, fondé sur l’activation d’une voie de sénescence dépendante de P53 et PML après la dégradation de PML/RARA par les deux agents thérapeutiques (acide rétinoïque et arsenic). Ces travaux ont permis d’éclairer les mécanismes de la synergie entre acide rétinoïque et arsenic, qui activent indépendamment la sénescence PML-dépendante. La découverte de mutations de PML chez des patients ayant présentés des résistances au traitement a corroboré les conclusions tirées du modèle animal. Ainsi, différenciation et perte de l’autorenouvellement sont deux facettes, certes complémentaires, mais distinctes, de la réponse thérapeutique.

La différenciation liée à l’extinction/l’inhibition d’oncogènes

10Les premières expériences montrant la réversibilité de la transformation cellulaire in vivo ont été réalisées par une expression inductible de l’oncogène Myc. L’expression forcée de Myc induit des proliférations rapides ayant des caractéristiques de cancers. De manière remarquable, l’extinction secondaire de l’expression de Myc induit une apoptose et une redifférenciation du tissu tumoral. Dans d’autres tissus, c’est plutôt la sénescence qui est induite. Les deux réponses (apoptose ou sénescence) sont accompagnées d’une réponse immune, dont les caractéristiques dépendent selon les modèles (cellules T pour Myc dans le foie, NK pour les lymphomes). Cette réponse immune est nécessaire pour l’élimination des cellules sénescentes. Ce modèle est néanmoins limité par l’expression à des niveaux supra-physiologiques d’un oncogène très pléiotrope, modèle qui ne reflète que très partiellement les tumeurs humaines.

11Des travaux des équipes de Scott Lowe et de Hans Clever ont étendu ce concept de dépendance à l’oncogène à des tumeurs résultant d’une cancérogénèse multi-étapes. Les anomalies du gène APC sont à l’origine de 80 % des tumeurs coliques. Les défauts d’APC conduisent à une hyperactivation de la voie Wnt, un facteur clé de l’autorenouvellement des cellules souches. Les mutations d’APC sont à l’origine des polypes bien différenciés du colon. Chez l’homme, cette anomalie princeps est suivie d’autres, en particulier la mutation de Ras et de P53. La disparition de la protéine APC de la muqueuse colique induit la prolifération cellulaire, la surexpression de Myc et conduit à une architecture anarchique de la muqueuse, associée à l’expression de marqueurs des cellules souches. De manière inattendue, la restauration de la fonction d’APC dans une tumeur colique ayant acquis des mutations de Ras et P53 suffit pour la disparition de la tumeur, celle-ci étant progressivement remplacée par une muqueuse normale différenciée. Ces expériences laissaient prévoir que les thérapeutiques ciblées devraient induire une différenciation et être accompagnées d’une régression tumorale complète. Les choses sont en fait plus compliquées, car l’inhibition de la fonction de l’oncogène n’est jamais complète. Par ailleurs, les tumeurs avancées sont souvent constituées de clones distincts. Un traitement prolongé va favoriser l’émergence de résistances.

Le modèle IDH

12La méthylation des résidus de cytosine incorporés à l’ADN est une étape clé de la régulation épigénétique et de la différenciation cellulaire. L’effacement des marques de méthylation est assuré par la dioxygénase TET2, en présence de Fer, d’acéto-glutarate et d’oxygène. L’ancrage de Tet2 sur l’ADN est fait par la protéine WT1. Cette oxydation initie une cascade de réactions qui culmine avec la reformation d’une cytosine non méthylée. Dans certaines tumeurs, l’activité enzymatique de Tet2 peut être bloquée par un oncométabolite, le 2-hydroxyglutarate (2HG), créé par l’oxydation du NADPH et de l’isocitrate. Cet oncométabolite n’existe que dans les tumeurs présentant des mutations des enzymes IDH1 ou IDH2, mutations qui induisent une nouvelle activité enzymatique. Les mutations des gènes IDH à travers la production de 2HG vont induire une hyperméthylation de l’ADN et des histones, mais aussi inhiber de nombreuses di-oxygénases régulant la signalisation. L’ensemble de cette voie d’effacement des marques épigénétiques est essentiel à la transformation des leucémies aiguës myéloides : TET2, WT1 ou les enzymes IDH1 ou IDH2 sont les mutations initiatrices d’un nombre très substantiel de LAM. Les mutations des IDH sont observées dans de nombreux types de tumeurs et vont bloquer la différenciation de nombreux types cellulaires (cellules sanguines, foie, neurone, os). Dans certains modèles, ce blocage de différenciation est clairement associé à une hyperméthylation de l’ADN et des histones.

13La perte ou l’inhibition de l’enzyme IDH mutée va induire une différenciation rapide, ex vivo ou in vivo. Celle-ci est précédée par la déméthylation des histones ou de l’ADN et conduit souvent à une régression tumorale. Néanmoins, plusieurs études cliniques ont montré une persistance des mutations IDH malgré la différenciation et la régression tumorale. Ainsi, les inhibiteurs chimiques des enzymes IDH1 ou IDH2 mutés conduisent à des améliorations cliniques parfois spectaculaires et à une prolongation de la survie, mais ils ne guérissent pas. Les mutations IDH sensibilisent à un certain nombre d’autres agents thérapeutiques, comme les dérivés de l’acide rétinoïque. Des essais cliniques de traitements combinés sont en cours et pourraient améliorer les résultats cliniques chez ces patients. De manière remarquable, des études menées sur des patients devenus résistant à ces inhibiteurs ont mis en évidence l’apparition de mutations croisées : mutation de IDH2 chez des patients traités par un inhibiteur IDH1 pour une mutation IDH1 première et vice et versa. Un autre mécanisme de résistance à ces inhibiteurs est l’apparition d’une mutation ponctuelle sur l’allèle normal, bloquant la fixation du médicament sur l’hétérodimère IDHmuté/IDHnormal. Notons les nombreux points communs entre ce modèle et celui de la LAP.

14Des agents induisant la déméthylation de l’ADN (5-azacytidine, décitabine) ont une activité clinique dans les leucémies aiguës myéloides et les syndromes myélodysplasiques. Ils pourraient être particulièrement appropriés dans les syndromes associés à une hyperméthylation de l’ADN, comme ceux décrits plus haut. De manière intéressante, l’azacytidine induit la dégradation de la DNMT1, conduisant à la perte de la méthylation de maintenance lors de la réplication de l’ADN. Dans plusieurs modèles, ceci est associé à une induction de la différenciation. Néanmoins, à ce jour, il n’y a pas de corrélation entre les anomalies du système de régulation de la méthylation des cytosines (TET2, WT1, IDH) et la réponse clinique aux agents déméthylants.

La voie Hedgehog et le pouvoir des combinaisons

15La voie Hedgehog joue des rôles clés dans l’embryogénèse. Elle contrôle en particulier l’autorenouvellement de certaines cellules souches et divers processus de morphogénèse. Les interférences chimiques avec son bon fonctionnement pendant l’embryogénèse peuvent conduire à la formation de monstres, comme des cyclopes. Sans entrer dans la complexité de la signalisation de cette voie, ses deux régulateurs clés (le récepteur Patched et l’activateur Smoothen) sont souvent mutés dans des cancers (baso-cellulaires, médulloblastome, rhabdomyosarcome). Ces mutations conduisent à une hyperactivité du facteur de transcription Gli, l’effecteur final de la voie. Les mutations germinales inactivatrices de Patched sont à l’origine du syndrome de Gorlin, une prédisposition aux carcinomes baso-cellulaires. La mutation de la voie Hedgehog étant initiatrice dans ce modèle, son interruption devrait avoir des conséquences cliniques majeures. Récemment, des inhibiteurs chimiques capables de bloquer l’activation de cette voie en se fixant à Smo ont été introduits en clinique pour le traitement des cancers cutanés. Ils conduisent souvent à des régressions partielles, associées à une différenciation cellulaire, plus rarement à des rémissions complètes. Les résistances acquises sont associées à des mutations sur les acteurs clés de la voie : mutation de Smo bloquant la fixation de l’inhibiteur ou activation constitutive des cibles d’aval. Une modélisation fine de la réponse thérapeutique chez l’animal par les équipes de Cédric Blanpain et Frédéric de Sauvage (tous deux présents au colloque), a permis d’éclairer les mécanismes de la réponse et de proposer des stratégies combinées. Brièvement, l’inhibition de Smo conduit à une régression des lésions accompagnée de différenciation cellulaire. Néanmoins, celle-ci s’accompagne d’une augmentation forte de la proportion de cellules tumorales ayant des caractéristiques de cellules souches qui sont dépendantes de l’activation de la voie Wnt. Le ciblage combiné des deux voies Hedghog et Wnt permet alors des régressions complètes et durables dans des modèles murins de la maladie.

16L’induction de la différenciation est souvent couplée à celle de la sénescence, qui fera l’objet du cours de l’an prochain. L’élimination des cellules sénescentes est assurée par le système immunitaire. Celui-ci peut être stimulé par plusieurs inducteurs de différenciation (rétinoïdes, agents déméthylant l’ADN)…

Colloque – Differentiation Therapy of Cancer

17Les invités à ce colloque (Laurent Degos, Ludovic Vallier, Paresh Vyas, Cédric Blanpain, Ali Bazarbachi, Frédéric de Sauvage, Guido Kroemer) ont présenté des historiques de la question (L.D.) ou leurs travaux les plus récents sur les liens entre différenciation et traitement du cancer, tant dans les modèles de leucémies que sur celui des tumeurs solides. Les aspects fondamentaux de modélisation in vivo ou ex vivo, comme les données d’essais cliniques, ont été présentés. Ce colloque a permis de mettre en exergue l’actualité renouvelée de ce concept qui était un peu tombé en désuétude après l’explosion des années 1990.

Cours à l’extérieur – Régulation de l’expression génétiqueet transformation cellulaire

18Ces deux cours, destinés aux étudiants de l’université Saint-Joseph de Beyrouth dans le cadre des accords internationaux du Collège de France, ont eu lieu en mars 2019. Ils permettent de maintenir la tradition francophone dans une des universités phares du Moyen-Orient. Ces deux cours ont présenté des notions générales actuelles sur les fondements moléculaires de la cancérogénèse, avec une emphase particulière sur le rôle de la régulation de l’expression génétique, en prenant comme modèle P53 et les récepteurs nucléaires.

Recherche

19La leucémie aiguë promyélocytaire (LAP) est déclenchée par une translocation chromosomique qui conduit à la formation d’une protéine de fusion PML/RARA, nécessaire et suffisante pour la transformation leucémique. Deux agents thérapeutiques, l’acide rétinoïque et l’arsenic, induisent la destruction de PML/RARA par le protéasome. La disparition de l’oncogène maître permet la différenciation et la sénescence, à travers l’activation de PML. L’analyse de patients historiques résistants au traitement a mis en évidence des mutations de l’allèle normal de PML, démontrant formellement l’implication de PML dans la réponse.

20Dans des travaux publiés cette année, nous avons pu montrer que la présence d’une mutation activatrice du gène FLT3 bloque en partie la réponse à l’acide rétinoïque dans des modèles in vivo de la maladie. Cette mutation est assez fréquente chez les patients (jusqu’à 40 % d’entre eux) et avait été associée à un pronostic défavorable avec certains protocoles combinant acide rétinoïque et chimiothérapie. Dans nos modèles murins, cette mutation est associée à une moindre dégradation de PML/RARA. De manière remarquable, le traitement par l’arsenic permet l’éradication de la maladie, aussi bien dans les modèles animaux que chez les patients, pour lesquels plusieurs essais cliniques ont démontré que les traitements combinés acide rétinoïque/arsenic effaçaient complètement le pronostic défavorable associé à la mutation FLT3. Ces travaux soulignent à nouveau le rôle de l’arsenic dans le ciblage direct de PML/RARA et PML et mettent en exergue la relevance des modèles in vivo pour la prédiction de la réponse chez les patients.

21L’équipe a beaucoup investi dans l’étude des fonctions des corps nucléaire PML in vivo. Des efforts importants d’analyses in vivo par protéomique des modifications post-traductionnelles par conjugaison à SUMO et de leurs relations avec PML ont été entrepris. Elles soutiennent l’idée que l’assemblage des corps nucléaires PML en réponse au stress (en particulier au stress oxydant) a un rôle de facilitation de sumoylation pour une classe de protéines impliquées dans la réponse au stress. Ces travaux apportent des éclairages nouveaux sur la biologie cellulaire des corps nucléaires PML, comme sur leur rôle physiologique. D’autres travaux, qui viennent d’être soutenus par un contrat de l’ERC, cherchent à comprendre les mécanismes moléculaires impliqués dans la sénescence PML-dépendante et à identifier des situations pathologiques où, comme dans la LAP, l’activation des corps PML pourrait avoir un bénéfice thérapeutique. À ce titre, des travaux collaboratifs avec une équipe de Curie ont impliqué PML dans la réponse à la chimiothérapie dans les cancers de l’ovaire. Enfin, dans des travaux en cours de rédaction, nous avons pu montrer que l’oncoprotéine NPM1c, présente dans près d’un tiers des LAM, interfère avec la formation des corps PML. Le traitement par l’Actinomycine D induit la reformation de ceux-ci, s’il est accompagné par l’activation de P53 et la sénescence. Cet agent est capable d’induire des rémissions cliniques prolongées chez des patients présentant des LAM résistantes aux traitements conventionnels. Le mécanisme de la réponse thérapeutique ressemble étrangement à celui des LAP, suggérant qu’il puisse exister une voie finale commune de la guérison à plusieurs types de traitement des LAM.

Publications

22Yuan H., Gao S., Chen H., Liu X., Zhou J., de Thé H. et, « Primitive macrophages are dispensable for HSPC mobilization and definitive hematopoiesis », Blood, vol. 134, n^o 9, 2019, p. 782-784, https://doi.org/​10.1182/​blood.2018893974.

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Wang L., Gao S., Wang H., Xue C., Liu X., Yuan H., Wang Z., Chen S., Chen Z., de Thé H., Zhang Y., Zhang W., Zhu J. et Zhou J., « Interferon regulatory factor 2 binding protein 2b regulates neutrophil versus macrophage fate during zebrafish definitive myelopoiesis », Haematologica, vol. 105, n^o 2, 2019, p. 325-337, https://dx.doi.org/​10.3324%2Fhaematol.2019.217596.

Gentric G., Kieffer Y., Mieulet V., Goundiam O., Bonneau C., Nemati F., Hurbain I., Raposo G., Popova T., Stern M.H., Lallemand-Breitenbach V., Muller S., Caneque T., Rodriguez R., Vincent-Salomon A., de Thé H., Rossignol R. et Mechta-Grigoriou F., « PML-regulated mitochondrial metabolism enhances chemosensitivity in human ovarian cancers », Cell Metab, vol. 29, n^o 1, 2019, p. 156-173, e10, https://doi.org/​10.1016/​j.cmet.2018.09.002.

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Gachet S., El-Chaar T., Avran D., Genesca E., Catez F., Quentin S., Delord M., Therizols G., Briot D., Meunier G., Hernandez L., Pla M., Smits W.K., Buijs-Gladdines J.G., Van Loocke W., Menschaert G., Andre-Schmutz I., Taghon T., Van Vlierberghe P., Meijerink J.P., Baruchel A., Dombret H., Clappier E., Diaz J.J., Gazin C., de Thé H., Sigaux F. et Soulier J., « Deletion 6q drives T-cell leukemia progression by ribosome modulation », Cancer Discovery, vol. 8, n^o 12, 2018, p. 1614-1631, https://doi.org/​10.1158/​2159-8290.CD-17-0831.