Microbiologie et maladies infectieuses
Entrées d’index
Mots-clés :
microbiologie, physiopathologie moléculaire et cellulaire des infections, infections émergentes, infections chroniques, microbiotePlan
Haut de pageNotes de la rédaction
La série de cours et séminaires « Ultima verba » est disponible, en audio et/ou vidéo, sur le site internet du Collège de France (https://www.college-de-france.fr/site/philippe-sansonetti/course-2019-2020.htm).
Texte intégral
Enseignement
Cours et séminaires – Ultima verba
1J’ai appelé mon cours de l’année universitaire 2019-2020 « Ultima verba », car il a marqué la fin de la chaire Microbiologie et maladies infectieuses créée en 2008. Le 22 janvier 2020, j’ai donné ma leçon de clôture intitulée « Un monde sans microbes ? » et sous-titrée « Tu aimeras tes microbes comme toi-même ». Ironiquement, mon enseignement dans lequel, depuis ma leçon inaugurale de novembre 2008, j’avais régulièrement averti du risque d’émergence ou de réémergence de maladies infectieuses éventuellement pandémiques, s’est terminé alors que commençaient à être détectés dans notre pays les premiers cas de Covid-19…
2En ce qui concerne les séminaires, j’ai tenu, en cette année de clôture, à honorer les contributions des chercheurs et chercheuses pasteuriens.
Cours 1 – Itinéraire d’un microbiologiste gâté
4 décembre 2019
3Lors de cette première leçon, j’ai retracé mon parcours médical et scientifique. Comment, partant de la médecine et des maladies infectieuses, j’avais pu, grâce au flair et au soutien extraordinaire de grands pasteuriens comme Agnès Ullmann, Yves Chabert, Léon Le Minor et Jacques Monod, m’engager dans l’étude de la génétique microbienne et, suivant mon stage postdoctoral dans le laboratoire de Samuel Formal au Walter Reed Army Institute of Research de Washington, devenir un des pionniers de l’études des bases moléculaires et cellulaires de la pathogénicité des bactéries invasives, comme Shigella, qui devint vite mon cheval de bataille. J’ai retracé les étapes clés des recherches menées avec mon groupe et de nombreux collaborateurs. Elles ont permis de déchiffrer les principales études de l’invasion des cellules et des tissus par cette bactérie, et d’en identifier la plupart des gènes et effecteurs moléculaires responsables. Sur ces bases, nous avons développé plusieurs candidats vaccins. J’ai aussi présenté notre transition, il y a dix ans, vers l’étude du dialogue moléculaire et cellulaire entre le microbiote intestinal et l’hôte, développant ainsi une relation à trois : pathogènes-commensaux-hôte. L’ensemble de ces travaux a représenté un modèle de microbiologie cellulaire déchiffrant l’équilibre pathogénicité/symbiose.
Séminaire 1 – La saga du vaccin Shigella
Armelle Phalipon (directrice de recherche à l’institut Pasteur), le 4 décembre 2019
4Lors de ce séminaire accompagnant mon premier cours, Armelle Phalipon a repris l’historique du vaccin contre la dysenterie bacillaire de l’enfant et ses développements les plus récents, comme un vaccin polyosidique conjugué totalement synthétique, conçu à l’institut Pasteur, soutenu par l’Union européenne puis par la fondation Bill et Melinda Gates, et dont les études cliniques en cours montrent la forte immunogénicité, donc le fort potentiel protecteur.
Cours 2 – Microbes sans frontières : un agenda pour le xxie siècle
11 décembre 2019
5Cette deuxième leçon visait à identifier les tensions menaçant en ce début de siècle le paradigme de santé publique global qui s’était imposé au siècle précédent : vieillissement de la population ; persistances sur la planète de zones ne bénéficiant pas des conditions d’accès à des soins primaires et hospitaliers de qualité ; accroissement de la population de patients immunodéprimés du fait de thérapeutiques issues du progrès médical comme les polychimiothérapies des cancers et des leucémies, les greffes d’organes et de moelle ; multirésistance aux antibiotiques et infections nosocomiales ; défiance vaccinale et bien entendu maladies infectieuses virales émergentes. À ces tensions s’ajoutent une nouvelle dimension, celles des maladies post-modernes épidémiques, non transmissibles, comme l’obésité, le diabète, l’asthme et l’atopie, les maladies intestinales chroniques de l’intestin et le cancer colorectal qui répondent en partie à des dysbioses, c’est-à-dire à des altérations – particulièrement un appauvrissement – de notre microbiote en réponse à des changements environnementaux et de mode de vie. Le microbiote intestinal apparaît ainsi comme un senseur, intégrateur et effecteur de notre environnement.
Séminaire 2 – Peut-on anticiper le devenir d’une épidémie ?
Simon Cauchemez (directeur de recherche à l’intitut Pasteur), le 11 décembre 2019
6Ce cours et ce séminaire résonnaient étrangement alors que des nouvelles inquiétantes commençaient à émaner de Wuhan en Chine à propos d’une pneumonie atypique d’étiologie encore inconnue.
Cours 3 – Émergences infectieuses : le destin des maladies infectieuses revisité
18 décembre 2019
7Cette troisième leçon traitait des conditions de survenue des émergences infectieuses, surtout zoonotiques, nécessitant la complétion d’un « cahier des charges » complexe d’étapes successives permettant un saut d’espèce du pathogène animal à l’homme. Elles surviennent dans des conditions où les comportements humains jouent un rôle majeur, souvent guidés par l’insécurité alimentaire qui induit des attitudes telles la pénétration humaine de zones habitées par une faune sauvage, ou des changements d’écosystèmes liés à la culture et à l’élevage intensifs, l’ensemble augmentant le risque de contacts homme-faune sauvage, donc d’événements de spill over, le plus souvent abortifs, mais parfois aboutis lorsque le pathogène trouve l’hôte humain (relativement) permissif. La menace pandémique est globale, du fait de la densité croissante de la population humaine et de sa grande mobilité. La seconde partie de cette leçon envisageait les approches en cours d’anticipation et de détection précoce d’événements épidémiques émergents, et l’émergence d’une approche intégrée de la prise en charge précoce des infections émergentes à potentiel pandémique.
Séminaire 3 – Des moustiques, des virus et des hommes
Louis Lambrechts (directeur de recherche à l’institut Pasteur), le 18 décembre 2019
8Ce séminaire complétait parfaitement la leçon en développant la dimension vectorielle de la transmission de certaines épidémies/pandémies émergentes ou réémergentes comme Zika, Chikungunya, Dengue, transmises par des moustiques vecteurs dont l’extension géographique s’étend du fait du réchauffement climatique.
Cours 4 – Un monde sans antibiotiques ?
8 janvier 2020
9Cette quatrième leçon illustrait l’une des dix menaces principales sur la santé annoncées par l’OMS en 2019 : l’extension de l’antibiorésistance qui menace l’existence même des antibiotiques. La leçon envisageait les conditions de survenue de l’antibiorésistance – en particulier l’usage devenu délirant des antibiotiques hors des secteurs de la médecine humaine et vétérinaire –, ses mécanismes moléculaires en fonction des différents antibiotiques concernés, ainsi que les bases génétiques de la transmissibilité très efficace des gènes de résistance, en particulier le rôle clé des intégrons, transposons et plasmides assurant la dispersion de ces gènes par transfert horizontal. Le répertoire de gènes potentiels de résistance (résistome) dans la nature est énorme (environ 20 000) et alimente constamment la menace. Cette leçon analysait enfin les racines de la « panne des antibiotiques », c’est-à-dire la crise de l’innovation en matière de découverte de nouveaux antibiotiques qui fait craindre un scénario de « perte des antibiotiques » et proposait des pistes alternatives de recherche et d’encouragement à cette recherche. Elle insistait néanmoins sur l’évidence que rien ne remplacera les antibiotiques dans leur efficacité bactéricide et leur capacité extraordinaire de diffusion dans tous les compartiments de l’organisme. En conclusion, cette leçon insistait sur la nécessité absolue d’une grande parcimonie dans l’utilisation des antibiotiques et l’exigence de l’interdiction globale de leur usage à des fins non médicales et vétérinaires (élevage, pisciculture et agriculture intensifs).
Séminaire 4 – Éligobiotiques : vers une élimination intelligente des bactéries résistantes ?
David Bikard (directeur de recherche à l’institut Pasteur), le 8 janvier 2020
10Ce séminaire illustrait comment l’édition de génomes microbiens par CRISPR-Cas permettait d’envisager une approche écologique de l’antibiorésistance grâce à l’excision ciblée des gènes de résistance ou l’induction de la mort des bactéries résistantes au sein d’un écosystème réservoir critique comme le microbiote intestinal.
Cours 5 – Un monde sans vaccins ?
15 janvier 2020
11Cette leçon visait à objectivement analyser le rôle des vaccins dans le contrôle des maladies infectieuses en des temps de défiance vaccinale qui menace de fragiliser le modèle global de santé publique hérité du xxe siècle dont elle est un pilier majeur. Cette leçon a examiné les racines de cette défiance et relevé par exemple la sensibilité sociologique aux campagnes de vaccination de masse comme la vaccination contre l’hépatite B dans les années 1990 et contre la grippe H1N1 en 2009. Ceci résonnait comme une anticipation des inquiétudes générées par le développement rapide d’un vaccin contre Covid-19, voué à une utilisation universelle, afin de contrôler efficacement la pandémie. Cette leçon avait particulièrement insisté sur la place incertaine de la vaccination contre une épidémie/pandémie émergente, dans la mesure où le référentiel du « temps scientifique » de développement n’était pas compatible avec l’urgence du contrôle pandémique. Elle en ouvrait néanmoins la porte sur la base du récent développement accéléré d’un vaccin contre le virus Ebola, mais n’anticipait pas l’extraordinaire développement des vaccins mRNA contre SARS-CoV-2, intégrant la vaccination comme solution au contrôle d’une pandémie émergente.
Séminaire 5 – Un vaccin contre le SIDA : rêve ou bientôt réalité ?
Françoise Barré-Sinoussi (professeure émérite à l’institut Pasteur, prix Nobel de Médecine ou de Physiologie en 2008 pour la découverte du VIH), le 15 janvier 2020.
12Ce séminaire a établi les bases de ce que pourrait être un vaccin contre le VIH et tracé un certain nombre de pistes encourageantes. Un vaccin contre le VIH reste un objectif réaliste et sa place dans une politique d’élimination de la pandémie reste entière.
Cours 6 – Un monde sans microbes ?
22 janvier 2020
13Au-delà d’une réhabilitation du rôle des microbes dont on tend à oublier la participation cruciale dans l’ensemble des processus du vivant, homme, animaux, monde végétal, tellurique et océanique, cette leçon visait à refléter la perception des microbes par l’homme occidental depuis la naissance de la microbiologie à la fin du xixe siècle. Une sorte d’anthropologie de la perception microbienne allant du rejet d’un monde perçu comme hostile, car dominé par le thème de la pathogénicité, menant ainsi à l’utopie d’un homme pur, sans microbes, jusqu’à la reconnaissance du rôle vital des microbes dans des processus clés de la vie, qu’il s’agisse de la fixation d’azote essentielle à la synthèse d’acides aminés chez les plantes, ou le rôle du microbiote intestinal dans le développement du système immunitaire de l’homme. La réduction de la diversité microbienne sur notre planète est une menace pour de nombreux écosystèmes.
Séminaire 6 – Anthologie de la perception des microbes et des maladies infectieuses en Afrique Sub-saharienne
Tamara Gyles-Vernick (anthropologue, directrice de recherche à l’institut Pasteur), le 22 janvier 2020
14Ce séminaire envisageait la sémantique des langues vernaculaires de l’Afrique de l’Ouest et la charge symbolique qu’ils véhiculent au sein de populations où les maladies infectieuses, en particulier pédiatriques, demeurent très prégnantes.
Conférence exceptionnelle – Covid-19 : chronique d’une pandémie annoncée
16 mars 2020
15Cette conférence visait à sensibiliser l’ensemble des personnels du Collège de France à la gravité de la pandémie en cours et à les informer au mieux des données alors disponibles. L’enregistrement de cette conférence a été de manière inattendue partagé des centaines de milliers de fois, traduisant le besoin de nos concitoyens d’une information scientifique objective et apaisée sur le sujet.
16J’avais tenu dès le mois de février une chronique personnelle de mon ressenti du développement de l’épidémie et des réactions du monde politique, médiatique, médical et de la population en général. À des moments clés de l’évolution de l’épidémie, j’ai publié dans La Vie des Idées, des essais tentant d’aider à une meilleure compréhension des événements et des faits médicaux qui s’y attachaient (déconfinement, sérologies, vaccins, etc.). Cette chronique m’a fourni la matière du livre Tempête parfaite, publié en septembre 2020 au Seuil.
Recherche
17J’ai aussi mis en place, dès le mois de mai 2020, avec plusieurs collègues professeurs du Collège de France, une « Initiative Covid » qui se poursuit actuellement et a donné lieu, entre autre, au tournage d’une quinzaine de clips vidéos abordant sous divers angles, comme peut le faire le Collège de France, la pandémie et ses conséquences sanitaires, économiques, sociales, sociologiques, juridiques, politiques… Plus récemment, cette initiative s’est associée à une initiative similaire du Collège Belgique qui va donner lieu à une série de webinaires mixtes dans le courant de 2021.
Publications
18Sansonetti P., Tempête parfaite. Chronique d’une pandémie annoncée, Paris, Seuil, 2020.
Sansonetti P., Tu aimeras tes microbes comme toi-même, Paris, Collège de France, coll. « Leçon de clôture », no 19, 2020 ; édition numérique : https://doi.org/10.4000/books.cdf.10419, http://books.openedition.org/cdf/10419.
Pour citer cet article
Référence papier
Philippe Sansonetti, « Microbiologie et maladies infectieuses », L’annuaire du Collège de France, 120 | 2023, 169-173.
Référence électronique
Philippe Sansonetti, « Microbiologie et maladies infectieuses », L’annuaire du Collège de France [En ligne], 120 | 2023, mis en ligne le 01 février 2023, consulté le 10 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/annuaire-cdf/18298 ; DOI : https://doi.org/10.4000/annuaire-cdf.18298
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page