Chimie des processus biologiques
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La série de cours « Chimie biologique : tendances en enzymologie » est disponible en audio et vidéo, sur le site internet du Collège de France (https://www.college-de-france.fr/agenda/cours/chimie-biologique-tendances-en-enzymologie), ainsi que la série de séminaires du même nom (https://www.college-de-france.fr/agenda/seminaire/chimie-biologique-tendances-en-enzymologie).
Texte intégral
Enseignement
Cours – Chimie biologique : tendances en enzymologie
Introduction
1L’enzymologie est la science des enzymes. Il s’agit d’une sous-classe de protéines, présentes en grand nombre dans les cellules vivantes, se comptant en centaines, et qui jouent un rôle central dans la chimie de la transformation de la matière vivante (métabolismes, catabolismes, biosynthèses, etc.). En effet, ce sont les catalyseurs des réactions biologiques : par l’accélération importante des vitesses de réactions qu’elles permettent, les enzymes rendent la cellule pleinement fonctionnelle et la vie possible.
2Aujourd’hui, cette science est souvent considérée comme vieillissante. Ce qui est montré dans ce cours, c’est que cette idée est injuste et que les travaux des enzymologistes continuent à conduire à des découvertes étonnantes : nouveaux mécanismes réactionnels, nouveaux cofacteurs enzymatiques, aussi bien organiques qu’inorganiques, et nouvelles enzymes. Ceci n’est pas étonnant si l’on considère qu’une part majoritaire du protéome n’a pas encore été étudiée à l’échelle moléculaire. Ces découvertes profitent également des développements technologiques permanents dans le domaine de la biologie moléculaire, la biophysique, la biochimie et la biologie structurale, qui permettent toujours plus vite et plus précisément d’isoler et de caractériser des systèmes enzymatiques inconnus. Ces outils sont également présentés dans ce cours.
Résumé global
3Après une introduction (cours 1) visant à définir les enzymes, à préciser leurs caractéristiques fondamentales (taille, forme, abondance, structure, activité, etc.) et à présenter les outils d’étude spécifiques, une attention plus particulière est portée aux métalloenzymes, ces enzymes qui contiennent un ou plusieurs ions métalliques (fer, zinc, cuivre, etc.). Ces ions métalliques sont essentiels et confèrent à l’enzyme des réactivités uniques, notamment, mais pas uniquement, pour les réactions dites « rédox » (impliquant des transferts d’électrons), comme les réductions, les déshydrogénations et les hydroxylations, par exemple. C’est le domaine dit de « la chimie bio-inorganique » qui est donc traité dans les cours 2 et 3, sous un angle très focalisé, celui de la présentation des nouveaux cofacteurs inorganiques, découverts au cours des dix dernières années. En particulier, toute une série de nouveaux clusters fer-soufre, assemblages complexes d’atomes de fer et de soufre, ont été mis au jour, notamment grâce à l’étude moléculaire de la méthanogénèse. Dans ces séances, on a discuté en détail de la structure et de la réactivité d’une nouvelle classe d’hydrogénase à fer, une enzyme du métabolisme bioénergétique, ainsi que d’une enzyme à nickel, la lactate racémase, qui utilise un ligand organique unique, découvert récemment, pour la complexation du nickel. Enfin, une présentation complète est faite des enzymes qui utilisent des ions lanthanides : la première métalloenzyme à lanthanide, une méthanol déshydrogénase à lanthane, a été découverte en 2014 et caractérisée, sur le plan structural et mécanistique, au cours de toutes dernières années.
4La plus importante classe d’enzymes dans le monde vivant est appelée « Radical-SAM ». Il s’agit d’enzymes fer-soufre, comportant un cluster 4Fe-4S, qui transforment la S-adénosylméthionine (SAM) en un radical organique très réactif, le radical 5’-désoxyadénosyle, et utilisent ce radical pour activer et transformer, par des mécanismes radicalaires, le substrat. Dans les cours 5 et 6, de nouvelles réactions, mettant en jeu de nouveaux radicaux intermédiaires et illustrant des utilisations variées du radical 5’-désoxyadénosyle, sont présentées, montrant l’exceptionnelle capacité des protéines pour contrôler des espèces très réactives, des radicaux organiques, et les utiliser de façon extrêmement sélective dans des réactions d’une très grande complexité.
5Le cours 6 traite une question qui est encore très loin d’être résolue. Une classe importante de réactions d’oxydation implique l’incorporation d’atomes d’oxygène dans le substrat (hydroxylations, époxydations, etc.). Dans le métabolisme aérobie, ces réactions ont été, dans le passé, étudiées de façon très approfondie, et les enzymes (métalloenzymes, flavoenzymes, etc.) correspondantes parfaitement caractérisées. En particulier, il est parfaitement établi que la source de ces atomes d’oxygène est l’oxygène moléculaire de l’air. Qu’en est-il des mêmes oxydations réalisées dans les microorganismes dits « anaérobies » qui vivent en absence totale d’oxygène ? Si, dans certains cas, c’est l’eau qui fournit les atomes d’oxygène (par exemple dans le cas de l’éthylbenzène déshydrogénase, une enzyme à molybdène), ce n’est pas vrai dans des réactions d’hydroxylation récemment découvertes (spécifiquement des réactions de modification d’ARN qui sont discutées dans le cours 6).
Liste des cours :
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Cours 1 – Enzymes et cofacteurs : introduction (4 novembre 2020)
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Cours 2 – Chimie bio-inorganique : nouveaux cofacteurs métalliques
(I ; 18 novembre 2020) -
Cours 3 – Chimie bio-inorganique : nouveaux cofacteurs métalliques
(II ; 25 novembre 2020) -
Cours 4 – S-adénosylméthionine : des radicaux libres en biologie
(I ; 2 décembre 2020) -
Cours 5 – S-adénosylméthionine : des radicaux libres en biologie
(II ; 9 décembre 2020) -
Cours 6 – Oxydations biologiques (hydroxylations) sans oxygène (16 décembre 2020)
Séminaires – Chimie biologique : tendances en enzymologie
Seulement deux séminaires ont pu être tenus en raison de la crise sanitaire de 2021.
Séminaire 1 – Nouvelle fonction des centres fer-soufre en biologie : liaison et activation du soufre pour des réactions de sulfuration et désulfuration
Béatrice Golinelli-Pimpaneau (directrice de recherche CNRS/Collège de France), le 4 novembre 2020
6Les acides ribonucléiques de transfert (ARNt) sont des composés essentiels et universels de la machinerie de traduction cellulaire. Ils subissent des modifications chimiques post-transcriptionnelles pour être fonctionnels. En particulier, des enzymes de sulfuration catalysent la réaction non rédox de substitution d’un atome d’oxygène par un atome de soufre, spécifiquement à une position donnée de l’ARNt. Les premières études mécanistiques et structurales de ces enzymes ont établi le paradigme selon lequel ces réactions de sulfuration mettent en jeu des intermédiaires persulfures [1-2]. Cependant, des études récentes ont montré que plusieurs de ces enzymes de sulfuration de l’ARNt utilisent un centre Fe-S (fer-soufre) comme cofacteur [3-5]. Les centres [Fe-S] sont surtout connus pour intervenir dans des réactions de transfert d’électrons nécessaires pour des processus fondamentaux tels que la photosynthèse, la respiration, la fixation d’azote. Cependant, les centres Fe-S ont également des propriétés catalytiques non rédox qui ont d’abord été révélées dans des réactions de déshydratation telles que celle que catalyse l’aconitase [6-7]. Dans ce cas, un centre 4Fe-4S est lié par 3 cystéines seulement et le quatrième atome de fer, non lié à la protéine, permet de lier et d’activer le substrat, jouant le rôle d’acide de Lewis. Les récentes études mécanistiques et structurales d’enzymes de sulfuration de l’ARNt, mais aussi d’autres enzymes catalysant des réactions de désulfuration ont ainsi montré que le centre 4Fe-4S lie et active le soufre dans un mécanisme similaire à celui de l’aconitase, et, donc, que la classe des enzymes qui utilisent un centre Fe-S comme cofacteur pour catalyser une réaction non rédox est beaucoup plus grande qu’anticipée initialement. Le séminaire montrera que c’est l’utilisation de conditions anaérobiques (boîtes à gants) qui permet d’aborder l’étude in vitro de ces protéines, du fait de la grande labilité à l’air des centres Fe-S. Nous verrons comment l’évolution de nos connaissances dans ce domaine nous a permis de revisiter le mécanisme de certaines enzymes, qui semblaient obéir au paradigme initial.
Références
7[1] Mueller E.G., « Trafficking in persulfides: Delivering sulfur in biosynthetic pathways », Nature Chemical Biology, vol. 2, 2006, p. 185-194, https://doi.org/10.1038/nchembio779.
[2] Numata T., Ikeuchi Y., Fukai S., Suzuki T. et Nureki O., « Snapshots of tRNA sulphuration via an adenylated intermediate », Nature, vol. 442, 2006, p. 419-424, https://doi.org/10.1038/nature04896.
[3] Arragain S., Bimai O., Legrand P., Caillat S., Ravanat J.L., Touati N., Binet L., Atta M., Fontecave M. et Golinelli-Pimpaneau B., « Nonredox thiolation in tRNA occurring via sulfur activation by a [4Fe-4S] cluster », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 114, no 28, 2017, p. 7355-7360, https://doi.org/10.1073/pnas.1700902114.
[4] Chen M., Asai S.I., Narai S., Nambu S., Omura N., Sakaguchi Y., Suzuki T., Ikeda-Saito M., Watanabe K., Yao M, Shigi N et Tanaka Y., « Biochemical and structural characterization of oxygen-sensitive 2-thiouridine synthesis catalyzed by an iron-sulfur protein », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 114, no 19, 2017, p. 4954-4959, https://doi.org/10.1073/pnas.1615585114.
[5] Shigi N., Horitani M., Miyauchi K., Suzuki T. et Kuroki M., « An ancient type of MnmA protein is an iron-sulfur cluster-dependent sulfurtransferase for tRNA anticodons », RNA, vol. 26, no 3, 2020, p. 240-250, https://doi.org/10.1261/rna.072066.119.
[6] Beinert H., Kennedy M.C. et Stout C.D., « Aconitase as iron-sulfur protein, enzyme, and iron-regulatory protein », Chemical Reviews, vol. 96, 1996, p. 2335-2374, https://doi.org/
10.1021/cr950040z.
[7] Flint D.H. et Allen R.M., « Iron-sulfur proteins with nonredox functions », Chemical Reviews, vol. 96, no 7, 1996, p. 2315-2334, https://doi.org/10.1021/cr950041r.
Séminaire 2 – La biosynthèse de l’ubiquinone en anaérobiose chez E. coli
Murielle Lombard (chargée de recherche CNRS/Collège de France), le 16 décembre 2020
8L’ubiquinone ou coenzyme Q (CoQ), est un lipide polyprénylé. Cette petite molécule joue un rôle primordial dans le transport des électrons de la chaîne respiratoire de toutes les cellules vivantes [1]. L’ubiquinone est située dans les membranes plasmiques des bactéries et dans la membrane interne mitochondriale des cellules eucaryotes. Chez l’homme, des déficiences primaires en CoQ, dûes à des mutations dans des gènes impliqués dans sa biosynthèse, ont été associées à diverses pathologies : myopathies, néphropathies, ataxies cérébelleuse, etc. [2]. La biosynthèse de l’ubiquinone nécessite plusieurs réactions de modification du noyau aromatique porteur de la fonction quinone ; 12 protéines au moins sont impliquées dans cette synthèse [3]. Ces protéines sont appelées « Ubi » chez les bactéries (UbiA-K, X). Bien que l’ubiquinone soit localisée dans la bicouche lipidique, nous avons récemment montré que sa biosynthèse a majoritairement lieu dans le cytosol, et que 7 protéines Ubi forment un large complexe multiprotéique cytosoluble pour la catalyse des six dernières réactions de biosynthèse [4]. Parmi ces protéines, on trouve des enzymes, comme des méthyltransférases et des mono-oxygénases à flavine dépendantes de l’oxygène, mais aussi des protéines qui ont un rôle structural d’assemblage et de stabilité du complexe multiprotéique [5]. Il est généralement admis que l’ubiquinone est la quinone prédominante en condition aérobie, tandis que les ménaquinones sont utilisées en condition anaérobie. Néanmoins, chez Escherichia coli, l’ubiquinone peut être également synthétisée en absence d’oxygène. La bactérie est ainsi capable d’utiliser l’ubiquinone en anaérobie, et son taux en l’absence d’oxygène représente 50 % à 70 % de celui qui est produit en présence d’oxygène [6]. Chez E. coli, la voie de biosynthèse anaérobie diffère quelque peu de la voie aérobie, puisque 5 des 7 protéines du complexe multiprotéique de la voie aérobie ne sont pas impliquées dans la voie anaérobie. Nous avons récemment identifié, au laboratoire, 3 nouveaux gènes présents chez la majorité des rhodobactéries : les gènes ubiT, ubiU et ubiV. Nous avons par ailleurs montré que ces derniers participent spécifiquement à la biosynthèse anaérobie de l’ubiquinone chez E. coli [6]. Les 3 protéines correspondantes, dont deux d’entre elles (UbiU et UbiV) sont des protéines à centres Fe-S, interviennent dans des réactions d’hydroxylation du noyau aromatique. Nos efforts actuels ont pour but de mieux connaître le mécanisme moléculaire d’une réaction d’hydroxylation anaérobie, dans laquelle la source d’oxygène ne serait ni l’oxygène moléculaire ni l’eau.
Références
9[1] Wang Y. et Hekimi S., « Understanding ubiquinone », Trends in cell biology, vol. 26, 2016, p. 367-378, https://doi.org/10.1016/j.tcb.2015.12.007.
[2] Stefely J.A. et Pagliarini D.J., « Biochemistry of mitochondrial coenzyme Q biosynthesis », Trends in biochemical sciences, vol. 42, 2017, p. 824-843, https://doi.org/10.1016/j.tibs.2017.06.008.
[3] Aussel L., Pierrel F., Loiseau L., Lombard M., Fontecav M. et Barras F., « Biosynthesis and physiology of coenzyme Q in bacteria », Biochimica et Biophysica Acta, vol. 1837, no 7, 2014, p. 1004-1011, https://doi.org/10.1016/j.bbabio.2014.01.015.
[4] Hajj Chehade M., Pelosi L., Fyfe C.D., Loiseau L., Rascalou B., Brugiere S., Kazemzadeh K., Vo C.D., Ciccone L., Aussel L., Coute Y., Fontecave M., Barras F., Lombard M. et Pierrel F., « A soluble metabolon synthesizes the isoprenoid lipid ubiquinone », Cell Chemical Biology, vol. 26, no 4, 2019, p. 482-492 2019.e487, https://doi.org/10.1016/j.chembiol.2018.12.001.
[5] Loiseau L., Fyfe C., Aussel L., Hajj Chehade M., Hernandez S.B., Faivre B., Hamdane D., Mellot-Draznieks C., Rascalou B., Pelosi L., Velours C., Cornu D., Lombard M., Casadesus J., Pierrel F., Fontecave M. et Barras F., « The UbiK protein is an accessory factor necessary for bacterial ubiquinone (UQ) biosynthesis and forms a complex with the UQ biogenesis factor UbiJ », The Journal of biological chemistry, vol. 292, no 28, p. 11937-11950, 2017, https://doi.org/10.1074/jbc.m117.789164.
[6] Pelosi L., Vo C.D., Abby S.S., Loiseau L., Rascalou B., Hajj Chehade M., Faivre B., Gousse M., Chenal C., Touati N., Binet L., Cornu D., Fyfe C.D., Fontecave M., Barras F., Lombard M. et Pierrel F., « Ubiquinone biosynthesis over the entire O2 range: Characterization of a conserved O2-independent pathway », mBio, vol. 10, no 4, 2019, https://doi.org/10.1128/mbio.01319-19.
Colloque – La chimie bioinorganique à Paris
Le colloque n’a pu être tenu en raison de la crise sanitaire de 2021 et est reporté en 2022.
Recherche
Laboratoire de Chimie des processus biologiques
10Le laboratoire de Chimie des processus biologiques développe des recherches à l’interface de la chimie et de la biologie. Plus spécifiquement, il étudie des systèmes enzymatiques complexes impliqués dans des voies métaboliques et biosynthétiques, comme la modification des ARN ou la biosynthèse de l’ubiquinone, dont il caractérise la structure et les mécanismes. Il s’intéresse également à certaines métalloenzymes du métabolisme bioénergétique comme les hydrogénases, qui catalysent la réduction de l’eau en hydrogène avec une remarquable efficacité et qui sont considérées comme des biocatalyseurs potentiels pour une utilisation dans des dispositifs électrochimiques de stockage d’énergie (bioélectrodes pour électrolyseurs et piles à combustibles). Enfin, les questions de la catalyse pour le stockage d’énergie sont traitées par des approches multiples en chimie de synthèse et en électrochimie, qui combinent chimie moléculaire bioinspirée, chimie du solide et chimie hybride (associant des éléments moléculaires à des éléments solides). De nouveaux catalyseurs sont mis au point aussi bien pour l’oxydation de l’eau (catalyseurs pour l’anode des électrolyseurs) que pour la réduction (catalyseurs pour la cathode des électrolyseurs) des protons en hydrogène et du dioxyde de carbone en composés organiques d’intérêt économique, notamment les hydrocarbures comme l’éthylène, ou les alcools comme l’éthanol.
Catalyse et stockage d’énergie
11Le laboratoire poursuit une approche de chimie bioinspirée pour développer de nouveaux catalyseurs moléculaires originaux, dont la structure rappelle celle de certains sites actifs d’enzymes comme les formiates déshydrogénases ou les CO déshydrogénases. En particulier, cela passe par la synthèse de ligands soufrés (comme dans les enzymes) et dans certains cas de complexes hétérodinucléaires, à base de Mo et de Cu par exemple. Ces catalyseurs présentent des efficacités catalytiques intéressantes pour la réduction du CO2 aussi bien en monoxyde de carbone CO qu’en acide formique. Leur réactivité est en général étudiée dans des conditions électrochimiques (l’énergie est d’origine électrique), mais, dans certains cas aussi, dans des conditions photochimiques (l’énergie est apportée par la lumière). Les effets de solvant sont étudiés montrant par exemple que les liquides ioniques contribuent à améliorer efficacité énergétique et sélectivité. Ces études expérimentales sont couplées à des approches théoriques permettant de décortiquer les mécanismes d’activation du CO2.
12Le développement technologique de ces systèmes moléculaires nécessite cependant que ces derniers soient hétérogénéisés, c’est-à-dire fixés sur des supports solides, pour en faire des électrodes fonctionnelles. C’est ce qui a été fait récemment à travers la mise au point par le laboratoire de stratégies originales d’hétérogénéisation : (i) fixation de complexes moléculaires (complexes de rhenium et de rhodium, polyoxométallates) dans les pores de matériaux poreux (Metal-Organic Frameworks-MOF) ; (ii) fixation sur des nanotubes de carbone.
13Les catalyseurs les plus efficaces et les plus stables pour ces réactions de transformation du CO2 et d’oxydation de l’eau sont néanmoins hétérogènes et le laboratoire est devenu un des experts mondiaux de cette recherche de nouveaux catalyseurs solides. De nouveaux catalyseurs, mono- ou polymétalliques, optimisés, se sont montrés efficaces et sélectifs pour la production de CO (par exemple des alliages Zn-Cu et Zn-Ag), mais aussi d’éthylène et d’éthanol. Dans le cas de l’oxydation de l’eau, une étude exhaustive de différentes classes de solides a permis de montrer que : (i) les meilleurs catalyseurs sont des oxydes de Ni et Fe ou de Co et Fe, activés par des atomes de Se ; (ii) de nouveaux supports, de type mousses de nickel nanostructurées originales, permettaient d’améliorer les performances de ces catalyseurs ; (iii) que les meilleures efficacités énergétiques pour la décomposition de l’eau ou la réduction du CO2 étaient obtenues pour des pH anodiques basiques. Cette recherche passe par ailleurs par la mise au point de dispositifs technologiques appropriés (cellules en flux et électrodes à diffusion de gaz, notamment).
Enzymes de modification des ARN
14La structure d’enzymes en complexe avec des substrats macromoléculaires (protéines, ADN, ARN, …) et la compréhension de leurs mécanismes de reconnaissance et d’action constituent encore aujourd’hui de formidables défis de la chimie biologique. Nous nous intéressons plus particulièrement aux enzymes de modification des ARN de transfert qui jouent un rôle capital dans la traduction de l’information génétique. Plus particulièrement nous étudions deux classes d’enzymes : les enzymes fer-soufre et les flavoenzymes. Dans le premier cas, nous avons généralisé l’importance de clusters fer-soufre 4Fe-4S pour des réactions de sulfuration d’ARN de transfert et démontré un nouveau mécanisme de sulfuration/désulfuration de nucléosides impliquant la formation d’un intermédiaire 4Fe-5S. Dans le second cas, nous étudions notamment la capacité des cofacteurs flaviniques à catalyser des réactions de méthylation de nucléotides par des mécanismes inédits impliquant des intermédiaires méthylène-flavines.
Enzymes de la biosynthèse de l’ubiquinone
15L’ubiquinone est un cofacteur essentiel de la bioénergétique. Pourtant, sa biosynthèse est encore mal connue en dépit du fait qu’elle constitue un véritable défi chimique en raison de la complexité de sa structure et de son insolubilité dans l’eau. Depuis plusieurs années, nous nous intéressons au complexe multiprotéique et multienzymatique impliqué dans la biosynthèse de l’ubiquinone, dans le cadre d’un réseau de collaborations (université Grenoble Alpes et institut Pasteur). Nous avons en particulier découvert et caractérisé de nouveaux acteurs protéiques impliqués dans la biosynthèse anaérobie de l’ubiquinone, notamment des enzymes fer-soufre impliquées dans des réactions d’hydroxylation aromatique, ce qui soulève des questions inédites concernant les réactions d’hydroxylation biologiques en absence d’oxygène.
Publications
2020
16Vichou E., Li Y., Gomez-Mingot M., Fontecave M. et Sánchez-Sánchez C.M., « Imidazolium- and pyrrolidinium-based ionic liquids as cocatalysts for Co2 electroreduction in model molecular electrocatalysis », The Journal of Physical Chemistry C, vol. 124, no 43, 2020, p. 23764-23772, https://doi.org/10.1021/acs.jpcc.0c07556.
Carpentier P., Leprêtre C., Basset C., Douki T., Torelli S., Duarte V., Hamdane D., Fontecave M. et Atta M., « Structural, biochemical and functional analyses of tRNA-monooxygenase enzyme MiaE from Pseudomonas putida provide insights into tRNA/MiaE interaction », Nucleic Acids Research, vol. 48, no 17, 2020, p. 9918-9930, https://doi.org/10.1093/nar/gkaa667.
Duguet M., Lemarchand A., Benseghir Y., Mialane P., Gomez-Mingot M., Roch-Marchal C., Haouas M., Fontecave M., Mellot-Draznieks C., Sassoye C. et Dolbecq A., « Structure-directing role of immobilized polyoxometalates in the synthesis of porphyrinic Zr-based metal-organic frameworks », Chemical Communications, vol. 56, no 70, 2020, p. 10143-10146, https://doi.org/10.1039/d0cc04283h.
Grammatico D., Tran H.N., Li Y., Pugliese S., Billon L., Su B.-L. et Fontecave M., « Immobilization of a molecular Re complex on MOF-derived hierarchical porous carbon for CO2 electroreduction in water/ionic liquid electrolyte », ChemSusChem, vol. 13, no 23, 2020, p. 6418-6425, https://doi.org/10.1002/cssc.202002014.
Pugliese S., Huan N.T., Forte J., Grammatico D., Zanna S., Su B.-L., Li Y. et Fontecave M., « Functionalization of carbon nanotubes with nickel cyclam for the electrochemical reduction of CO2 », ChemSusChem, vol. 13, no 23, 2020, p. 6449-6456, https://doi.org/10.1002/cssc.202002092.
Creissen C.E. et Fontecave M., « Solar-driven electrochemical CO2 reduction with heterogeneous catalysts », Advanced Energy Materials, vol. 11, no 4, 2020, art. 2002652, https://doi.org/10.1002/aenm.202002652.
2021
17Felbek C., Hardt S., Papini C., Pramanik D., Artero V., Fontecave M., Fourmond V., Plumere N. et Léger C., « Artificial maturation of [FeFe] hydrogenase in a redox polymer film », Chemical Communications, no 14, 2021, https://doi.org/10.1039/D0CC08168J.
Wang L., Peng H., Lamaison S., Qi Z., Koshy D.M., Burke Stevens M., Wakerley D., King L.A, Zhou L., Lai Y., Gregoire J., Fontecave M., Abild-Pedersen F., Jaramillo T.F. et Hahn C., « Bimetallic effects on ZnCu electrocatalysts enhance activity and selectivity for the conversion of CO2 to CO », Chem Catalysis, vol. 1, no 3, 2021, p. 493-494, https://doi.org/10.1016/j.checat.2021.05.006
Karapinar D., Creissen C.E., Rivera de la Cruz J.G., Schreiber M.W. et Fontecave M., « Electrochemical CO2 reduction to ethanol with copper-based catalysts », ACS Energy Letters, vol. 6, no 2, 2021, p. 694-706, https://doi.org/10.1021/acsenergylett.0c02610.
Zhou J., Lénon M., Touati N., Ravanat J.-L., Velours C., Fontecave M., Barras F. et Golinelli-Pimpaneau B., « Iron sulfur biology invades tRNA modification: The case of U34 sulfuration », Nucleic Acids Research, vol. 49, 2021, p. 3997-4007, https://doi.org/10.1093/nar/gkab138.
Peugeot A., Creissen C.E., Karapinar D., Tran H.N., Schreiber M. et Fontecave M., « Benchmarking of oxygen evolution catalysts on porous nickel supports », Joule, vol. 5, no 5, 2021, p. 1281-1300, https://doi.org/10.1016/j.joule.2021.03.022.
Zhou J., Pecqueur L., Aučynaitė A., Fuchs J., Rutkienė R., Vaitekūnas J., Meškys R., Boll M., Fontecave M., Urbonavičius J. et Golinelli-Pimpaneau B., « Structural evidence for a [4Fe-5S] intermediate in the non-redox desulfuration of thiouracil », Angewandte Chemie, vol. 60, no 1, 2020, p. 424-431, https://doi.org/10.1002/anie.202011211.
Ponsard L., Nicolas E., Tran N.H., Lamaison S., Wakerley D., Cantat T. et Fontecave M., « Coupling electrocatalytic CO2 reduction with thermocatalysis enables the formation of a lactone monomer », ChemSusChem, vol. 14, no 10, 2021, p. 2198-2204, https://doi.org/10.1002/cssc.202100459.
Faivre B., Lombard M., Fakroun S., Vo C.-D.-T., Goyenvalle C., Guérineau V., Pecqueur L., Fontecave M., De Crécy-Lagard V., Brégeon D. et Hamdane D., « Dihydrouridine synthesis in tRNAs is under reductive evolution in Mollicutes », RNA Biology, vol. 18, no 12, 2021, p. 2278-2289, https://doi.org/10.1080/15476286.2021.1899653.
Bou-Nader C., Stull F.W., Pecqueur L., Simon P., Guérineau V., Royant A., Fontecave M., Lombard M., Palfey B.A. et Hamdane D., « An enzymatic activation of formaldehyde
for nucleotide methylation », Nature Communications, vol. 12, no 1, 2021, art. 4542, https://doi.org/10.1038/s41467-021-24756-8.
Atta M. et Fontecave M., « [FeFe]-Hydrogenases: Structure, mechanism, and metallocluster biosynthesis », in J. Reedijk et K. Poeppelmeier (dir.), Comprehensive Inorganic Chemistry III, Amsterdam, Elsevier, en attente de publication.
Peugeot A., Creissen C.E., Schreiber M.W. et Fontecave M., « Advancing the anode compartment for energy efficient CO2 reduction at neutral pH », ChemElectroChem, vol. 8, no 14, 2021, p. 2726-2736, https://doi.org/10.1002/celc.202100742.
Pour citer cet article
Référence papier
Marc Fontecave, « Chimie des processus biologiques », L’annuaire du Collège de France, 121 | 2024, 101-110.
Référence électronique
Marc Fontecave, « Chimie des processus biologiques », L’annuaire du Collège de France [En ligne], 121 | 2024, mis en ligne le 01 octobre 2024, consulté le 08 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/annuaire-cdf/19250 ; DOI : https://doi.org/10.4000/12kto
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