Histoire et archéologie des mondes africains
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Notes de la rédaction
La série de cours « Introduction aux mondes africains médiévaux (saison 2) » est disponible en audio et vidéo sur le site internet du Collège de France (https://www.college-de-france.fr/fr/agenda/cours/introduction-aux-mondes-africains-medievaux-saison-2).
Texte intégral
Enseignement
Cours − Introduction aux mondes africains médiévaux (saison 2)
Introduction
1Continuation de celui de l’année précédente, le cours de cette année a poursuivi l’examen de la documentation, des notions et des précautions utiles à l’étude des mondes africains médiévaux. Cette saison 2 s’appuie sur un acquis : celui de la participation des sociétés africaines médiévales à un certain régime de connectivité global. Elles n’en sont pas une province périphérique ou un faciès mineur, mais peut-être plutôt un lieu d’observation privilégié de certains phénomènes tels que l’émergence de nouvelles élites politiques et économiques, le rôle de l’Islam comme vecteur d’une conversation (commerciale, juridique, esthétique…) transsaharienne et transocéanique, ou encore la maîtrise des seuils géographiques et des opérations qui y prennent place.
Cours 1 – Royaumes musulmans d’Éthiopie médiévale : fatalités, conceptions du temps, incertitudes géographiques
- 1 Cerulli E., « Il sultanato dello Scioa nel secolo xiii secondo un nuovo documento storico », Rasse (...)
- 2 Chekroun A. et al., The Dikr at-tawārīḫ: Muslim Eastern Ethiopia in the 12th-13th centuries, à par (...)
- 3 Fauvelle F.-X., Hirsch B. et Chekroun A., « Le sultanat de l’Awfāt, sa capitale et la nécropole de (...)
2Un texte en arabe rédigé par un lettré musulman d’Éthiopie vers la fin du viie siècle de l’hégire, dans les années 1290 du calendrier grégorien, sert d’entrée en matière à cette séance. Parfois improprement appelé « Chronique du Šawah », ce texte est plus justement désigné sous le titre Dikr at-tawârîh ou « Répertoire chronologique », qui constitue son incipit. Connu par un unique manuscrit du xixe siècle provenant de Harar, ville de l’Est éthiopien, il a fait l’objet d’une édition et d’une traduction par l’érudit italien Enrico Cerulli1 ; une nouvelle édition accompagnée d’une traduction et d’un commentaire est en préparation2. Le Dikr at-tawârîh est le seul document émanant du Šawah, un sultanat − ou peut-être une région géographique que se disputent plusieurs sultanats – dont on ne sait à peu près rien d’autre que ce qu’en dit ce document, qui en livre la chronologie rétrospective au moment où cette formation politique disparaît. La chronologie établie par le Dikr at-tawârîh s’interrompt en effet quand le Šawah est conquis et absorbé par une autre formation politique musulmane, et que les membres des lignées sultaniennes du Šawah sont éliminées jusqu’aux dernières par leur vainqueur. Le souverain de cette formation politique émergente s’appelle Umar Walasma ; le nom ou titre dynastique « Walasma » sera porté par ses successeurs, membres de la lignée sultanienne de l’Ifât ou Awfât qui, elle, est bien documentée par d’autres sources en arabe et en geez des xive et xve siècles. Le paradoxe représenté par cette documentation au sujet des formations politiques musulmanes d’Éthiopie est que, si elle suffit à les faire échapper à un oubli complet, elle ne permet que très difficilement de les localiser et, par conséquent, de les lester d’une matérialité sociale. Une partie de la séance est cependant consacrée à relater quelques-uns des aspects de l’enquête conduite par Bertrand Hirsch et moi-même pendant une quinzaine d’année – enquête qui permit précisément de découvrir l’emplacement de la capitale de l’Awfât après moult faux espoirs et ratés3. La « preuve » de cette identification fut la découverte sur le site d’Awfât d’une nécropole ayant livré des inscriptions funéraires appartenant à plusieurs membres de la dynastie des Walasma. Mais au-delà de ce succès heuristique qui permet enfin aujourd’hui de poser dans le paysage une pièce du puzzle que constitue les sultanats d’Éthiopie, l’emplacement de cette capitale ne laisse pas de surprendre. Il pose la question de la géographie politique de l’Awfât : comment accorder cette découverte archéologique avec des textes qui nous avaient longtemps conduits à rechercher la capitale dans d’autres régions de la Corne de l’Afrique ? Si nous pouvons à la rigueur comprendre que nous avions mal lu les textes, quelque chose reste déroutant dans la localisation de la capitale de ce sultanat musulman à quelques dizaines de kilomètres seulement des régions chrétiennes du haut plateau éthiopien.
Cours 2 – Seuils : écologie politique, culturelle et environnementale des sociétés musulmanes de l’Éthiopie médiévale
3Un élément récurrent dans les sources arabes et geez permet en partie de rendre compte de la localisation de la capitale de l’Awfât : la relation de vassalité dans laquelle se trouvaient les souverains de cette formation politique musulmane vis-à-vis du royaume chrétien. Nous savons en effet que c’est le souverain chrétien qui avait concédé à Umar Walasma, dans les années 1280, le fief de la ville d’Awfât et de sa province : vassalité héréditaire, puisque ses descendants, de père en fils, occupèrent la même fonction et étaient dotés de la même légitimité dynastique. Cette relation se désagrégea au milieu des années 1370 lorsque Haqq ad-dîn, arrière-arrière-petit-fils de Umar Walasma, réunit ses partisans, collecta le tribut pour briser l’allégeance à l’égard du souverain chrétien et délocalisa sa capitale quelque part dans l’Est éthiopien.
- 4 Alebachew Belay Birru, Megaliths, Landscapes, and Society in the Central Highlands of Ethiopia: An (...)
4Mais ce qui nous intéresse est la relation de proximité qui prévalut durant un siècle. Information intéressante, que nous devons à l’historien arabe Ibn Khaldûn dans son Livre des exemples (Kitâb al-Ibar) rédigé à la toute fin du xive siècle : Umar Walasma, avant d’être le vassal du roi chrétien, avait reconnu l’autorité du roi du Damût. Le Damût ou Damot était un puissant royaume païen des hauts plateaux qui résista longtemps aux efforts d’évangélisation et d’extension du domaine royal chrétien. Faire entrer en ligne de compte les « païens », c’est-à-dire, pour être plus précis, les sociétés de religions traditionnelles non monothéistes, complexifie agréablement le tableau des interactions religieuses que l’on peut se figurer pour cette période. Nous ne savons, certes, que fort peu de choses au sujet du Damot ; mais ici l’archéologie offre un véritable gisement documentaire. La thèse récemment soutenue par mon doctorant éthiopien, Alebachew Belay Birru, a mis en évidence, dans une région du haut plateau aujourd’hui majoritairement chrétienne, plusieurs centaines de sites appartenant à la culture Shay4. Il est intéressant d’observer le puissant Damot, nemesis païenne des pouvoirs tant chrétiens que musulmans, et les communautés Shay, qu’elles correspondent ou non au Damot, comme des formations politiques et sociales qui, au tournant du xiiie et du xive siècle, étaient soumises de façon synchrone à l’influence des sociétés chrétiennes et musulmanes voisines, et vraisemblablement à des phénomènes concurrents d’évangélisation et d’islamisation.
5Mais ces contextes d’interactions politiques et religieuses ne rendent pas complètement compte de la situation topographique singulière qui est celle d’Awfât − et d’autres sites musulmans médiévaux localisés dans l’escarpement du Rift éthiopien. Comment expliquer le nombre et la régularité de ces implantations, leur caractère décidément urbain dans un paysage aujourd’hui entièrement revenu à la savane arbustive, ou encore leur désertion totale et leur ruine ? L’hypothèse développée dans cette séance est que la position topographique des sites musulmans de l’escarpement éthiopien, aussi désavantageuse qu’elle paraisse à première vue, fut exploitée parce qu’elle permettait de multiplier les situations de liminalité environnementale et sociale. Ces sociétés ont investi un seuil écologique et culturel particulièrement contraignant mais qui, à la faveur d’un puissant investissement du milieu, a été commué en interface économique. Les formations politiques qui ont investi de tels seuils en Éthiopie ou ailleurs en Afrique, appelons-les des États courtiers. Ils eurent pour spécialité d’exploiter une ressource : la médiation économique − au risque d’une lutte coûteuse contre le milieu et des guerres de voisinage permises ou même facilitées par leur position même ; au risque également de déjouer les efforts des archéologues et historiens futurs pour retrouver leurs traces...
Cours 3 − États courtiers de l’Afrique médiévale : à la recherche d’une définition, de Mogadiscio à Kilwa
- 5 Fauvelle F.-X. et Hirsch B., « Voyage aux frontières du monde. Topologie, narration et jeux de mir (...)
6Le début de la séance est consacré à l’examen de quelques définitions de la notion de courtage (brokerage en anglais) employée dans les sciences sociales. Nous nous munissons d’une définition minimale s’appliquant à des formations politiques qui prospèrent dans des espaces d’interface dans lesquels elles assurent un rôle d’intermédiation sans disposer de ressources propres autres que le « courtage » proprement dit. C’est sous cette lumière que nous examinons le « fonctionnement » des sawâhil, les « rivages », c’est-à-dire le mince cordon géographique et social s’étirant le long du littoral africain baigné par l’océan Indien, depuis le sud de la Somalie jusque dans le nord du Mozambique. Toutes réserves étant posées quant à l’authenticité du voyage d’Ibn Battûta le long de cette côte5, c’est en compagnie de ce voyageur que nous opérons un travelling nous permettant d’examiner successivement les situations géographiques et sociales de Mogadiscio (Somalie actuelle), Mombasa (Kenya actuel) et Kilwa (Tanzanie actuelle) dans la première moitié du xive siècle.
- 6 Chittick N., Kilwa, an Islamic Trading City on the East African Coast, Nairobi, British Institute (...)
- 7 Pradines S., « Warfare in the Indian Ocean: The walled cities of the Swahili », in S. Pradines (di (...)
7Au sujet de Mogadiscio, nous discutons en détail la scène au cours de laquelle des jeunes gens au service des patriciens de la ville montent à bord des navires étrangers pour offrir de la nourriture aux marchands ; nous l’interprétons comme un dispositif codifié de répartition de la rente d’opportunité que représente l’arrivée de commerçants étrangers. Au sujet de Mombasa, la discussion porte sur la topographie tout à fait singulière des lieux − que n’a pas relevée Ibn Battûta. Ce qui reste néanmoins valide dans sa description, ce sont toutes les informations (économiques, religieuses et même alimentaires) qui soulignent le caractère d’interface de la cité-État, entre domaine des navigations islamiques et arrière-pays continental. Mais c’est Kilwa qui occupe l’essentiel de la séance : au-delà de ce qu’Ibn Battûta a vu ou n’a pas vu, nous nous intéressons à un monument tout à fait exceptionnel situé sur l’île de Kilwa Kisiwani : Husuni Kubwa, dont nous examinons la chronologie et l’organisation spatiale sur la base de la monographie archéologique publiée par l’archéologue britannique Neville Chittick et des études architecturales conduites par Stéphane Pradines et d’autres auteurs6. On a pris l’habitude de reconnaître dans ce complexe architectural deux ensembles fonctionnels distincts et accolés l’un à l’autre : d’une part, un ensemble à vocation commerciale (un caravansérail de mer ou un « entrepôt fortifié7 »), d’autre part, un ensemble résidentiel destiné au sultan et à son entourage. La diversité des espaces, leur hiérarchisation par la taille et la majesté, l’investissement des matériaux, de la technique, des décors gravés dans la pierre ou dans le stuc, tout plaide indiscutablement en faveur de fonctions élitaires, en phase avec l’hégémonie politique et économique qui fut celle de Kilwa aux xiiie-xve siècles. Mais aussi juste qu’elle soit, cette description des lieux ne rend pas complètement compte de la distribution des espaces au sein du complexe de Husuni Kubwa, qui n’évoque pas tant un palais qu’un dispositif panoptique destiné à l’entreposage et à l’inventaire des marchandises, à l’acquittement des taxes sans possible évasion, au règlement des litiges éventuels, en d’autres termes à l’encadrement étroit des opérations de vente et d’achat qui prennent place dans un lieu enchanteur offrant une sociabilité islamique de bon aloi.
Cours 4 – D’un rivage à l’autre : États courtiers swahilis et sahéliens
- 8 Sinclair P., « Chibuene: An early trading site in Southern Mozambique », Paideuma, vol. 28, 1982, (...)
- 9 Wynne-Jones S., « Creating urban communities at Kilwa Kisiwani, Tanzania, AD 800-1300 », Antiquity(...)
8Sans extension territoriale, la cité-État de Kilwa était un minuscule point de la côte swahilie. Le complexe de Husuni Kubwa, perçu comme un dispositif à la fois attractif et permettant de tirer l’avantage maximal de la rente produite par cette attractivité (à l’instar des infrastructures offertes par les États courtiers d’aujourd’hui), permet de comprendre de quelle façon la dynastie régnante et l’élite patricienne de Kilwa ont pu commuer les inconvénients d’une position de faiblesse en avantages économiques. Mais, chose que nous avions entrevue à propos des sultanats musulmans d’Éthiopie, la maîtrise d’un seuil géographique engendre une tension aux dépens du seuil lui-même, point d’équilibre fragile parce que soumis à des tiraillements contraires de la part des acteurs que le seuil met en présence. Dès lors, demandons-nous de quoi Kilwa est le seuil. Une partie de la séance est consacrée à observer, à partir de sources variées (récit portugais de la fin du xve siècle et données archéologiques), trois dimensions géographiques emboîtées : le domaine du cabotage côtier au gré de petits sites qui sont autant de marchés (à l’instar de Chibuene dans la baie de Vilanculos8), l’arrière-pays continental proche sillonné de colporteurs (mais où la proximité de la civilisation swahilie ne semble pas avoir eu d’impact sur l’habitat et l’occupation de l’espace9), enfin l’arrière-pays s’étirant jusqu’aux régions du plateau zambézien (où l’on sait que les marchandises côtières circulent mais où l’on ne peut préjuger de l’extension des réseaux swahilis).
- 10 Ba A., « Le Takrur historique et l’héritage du Fuuta Tooro : l’histoire politique ancienne du fleu (...)
9Dans la deuxième partie de la séance, nous appliquons la même approche au sujet d’un autre « rivage », le Sahel ouest-africain. Là, les sources arabes sont beaucoup plus disertes ; elles nous permettent de faire saillir un modèle urbain particulièrement prégnant aux alentours des xie-xiiie siècles, celui des villes faites de deux villes (le même terme arabe, madîna, les désigne au singulier et au duel) qui s’égrenaient alors le long de la vallée du fleuve Sénégal. Nous voyons dans ces villes « duales » un dispositif original à la fois de séparation et d’articulation (entre ethnicités, langues, religions) autour d’un fleuve formant un seuil le long du ruban sahélien. À propos de l’une de ces villes, Takrûr, nous mobilisons les sources historiques et les données archéologiques récentes pour tenter de circonscrire ce qui reste encore, à la différence d’Awfât en Éthiopie, une enquête inachevée10.
Cours 5 − Ghâna, ville duale, deux fois
10Nous disposons à propos de Ghâna, fameuse puissance politique des xie-xiiie siècles, de deux témoignages principaux, d’une part celui d’al-Bakrî qui date du milieu du xie siècle (l’an 1068 précisément), d’autre part celui d’al-Idrîsî, qui date du milieu du xiie (quelque temps après 1054). Deux fenêtres documentaires qui nous laissent cependant un peu désemparés, car elles ne se ressemblent pas du tout ; les espaces décrits, en particulier, ne sont pas les mêmes : dans le premier cas, nous sommes dans l’Aouker, c’est-à-dire dans une région semi-désertique du Sud mauritanien actuel, dans le second cas, nous sommes au moins 400 km au sud, au bord d’un fleuve, qui peut être ou bien le fleuve Sénégal ou l’un de ses affluents comme le Bakoy, ou bien le fleuve Niger. Dans le premier cas, le souverain pratique ostensiblement une religion traditionnelle ; dans le second, il est musulman, comme le sont les élites de la ville. Et pourtant, il y a bien une manière de réconcilier les deux textes, en les inscrivant dans un scénario de continuité des institutions royales malgré le déplacement de la capitale. Il n’est donc pas nécessaire de supposer que l’un des deux auteurs se serait trompé ou qu’il aurait confondu le Ghâna avec une autre formation politique. L’hypothèse d’une continuité politique accompagnant le déplacement de la capitale a pour elle la logique du dispositif spatial de la capitale – dans les deux cas, en effet, Ghâna est une ville duale. Récurrence décidément significative : implantées le long de la frange sahélienne, les villes duales jointoient deux mondes sociaux (respectivement le monde caravanier berbère et le monde paysan soninké et mandingue) et organisent l’interface économique entre eux. Les descriptions d’al-Bakrî et al-Idrîsî au sujet de Ghâna nous permettent de comprendre que les interactions économiques qui s’y déroulent relèvent très exactement d’opérations de courtage concernant, d’une part, le cuivre et le sel qui entraient dans le pays depuis le nord, d’autre part, l’or qui provenait de l’arrière-pays méridional. Nous abordons les questions de la localisation des gisements aurifères et des relations entre ceux-ci et le Ghâna. Nous relevons que dans cet espace ouest-africain agit un réseau commercial de colporteurs musulmans, les Wangara (ou Dyula aujourd’hui), dont nous examinons les hypothèses relatives à l’ethnicité d’origine et à l’histoire diasporique. La séance, et avec elle un cycle de deux années de cours, s’achève en revenant sur la formidable hégémonie politique du xive siècle, le Mâli. Indiscutablement un empire dans son organisation politique à la fois étatique et décentralisée, le Mâli gagne également à être conçu comme un État courtier dès lors qu’il s’agit de comprendre son rôle dans le commerce de l’or − sur lequel reposent sa puissance et sa notoriété. Ainsi peuvent s’expliquer les informations a priori contradictoires transmises par les sources écrites, selon lesquelles le sultan exerce ou n’exerce pas un contrôle direct des gisements. Le recours à la notion de courtage permet également de faire saillir un aspect essentiel de cette activité : l’agentivité narrative. Compétence commerciale subtile, le courtage est en effet un art politique qui suppose la maîtrise des récits relatifs aux conditions de l’échange. C’est à cette agentivité narrative qu’il faut sans doute attribuer maints récits relatifs à des anthropophages gardiens des gisements que relaient complaisamment des auteurs arabes informés ou plutôt désinformés par leurs partenaires africains subsahariens. Ce n’est pas la moins durable des conséquences du courtage que de continuer, à des siècles de distance, à dérouter la recherche actuelle, en jetant des voiles d’incertitude et de folklore sur les lieux et les conditions d’exercice de la connexion des formations politiques africaines avec le reste du monde médiéval.
Séminaire-colloque − L’or africain : maillons d’une chaîne de problèmes
11Le séminaire-colloque de l’année 2020-2021, coorganisé avec Caroline Robion-Brunner (TRACES, Toulouse, et Centre français des études éthiopiennes, Addis Abeba), devait porter sur le thème « L’or africain : maillons d’une chaîne de problèmes ». L’impossibilité, en raison des restrictions liées à la pandémie du Covid, d’inviter les participants étrangers et d’organiser le séminaire en présence des intervenants et du public, a obligé à annuler l’événement.
Cours à l’extérieur
SILSILA, Center for material histories, New York University (États-Unis), le 7 octobre 2020 : « Broker states and the articulation of medieval Africa with the Islamic world »
12The interconnection between several regions of Sub-Saharan Africa with the rest of the medieval ecumene is now a well-established fact. However, the multiple forms of these interconnections remain to be carefully studied. Based on my own experience of discovering several Ethiopian Muslim cities from the Middle Ages, including the capital of the sultanate of Ifât, as well as comparisons with medieval Northwest and East Africa, I observed that many African polities of the time had their capital on ecological thresholds. Hence it is suggested that such counter-intuitive environments may explain both how these “broker states” functioned as commercial interfaces with the Islamicate world and why many once-famous sites still remain elusive to the researchers.
African Studies Center, Leyde (Pays-Bas), le 15 octobre 2020 : « Africa and the Global Middle Ages »
13From the birth of Islam in the seventh century to the voyages of European exploration in the fifteenth, many regions in Africa found themselves crisscrossed by merchants, clerics and pilgrims, travelers and diplomats. Indeed, the very existence of these routes − as well as the ideas, representations, practices and goods they conveyed − evidences the interconnectedness of these regions with the rest of the medieval ecumene. Or, to put it differently: we must count these regions of Africa among the interconnected provinces of a global medieval world. Drawing on written as well as archaeological sources, this talk presented examples from Christian and Islamic medieval Ethiopia, and discussed comparisons with Ghana and Mali in West Africa, and Kilwa and Mapungubwe in East and South Africa. It also elaborated on hypotheses about why so many once-famous capital cities of African polities still remain elusive in the field.
Recherche
14Les restrictions sanitaires et d’autres liées à des causes géopolitiques ont affecté plusieurs programmes en cours. Ainsi, le programme de recherche sur la traçabilité de l’or (mené avec Sandrine Baron et Franck Poitrasson avec le soutien de la fondation du Collège de France) s’est poursuivi en accusant quelques ralentissements en raison des difficultés d’accès aux équipements de laboratoire. Quant au programme de recherches pluridisciplinaires monté l’année dernière avec Marie-Laure Derat et Romain Mensan autour du site chrétien médiéval de Nazret dans la province éthiopienne du Tigray, il a été suspendu en raison de la guerre civile dans ce pays.
15Dans ces circonstances, la recherche s’est poursuivie dans deux directions. D’une part, une nouvelle édition (avec Benoît Grévin et Ingrid Houssaye Michienzi) de la « Lettre du Touat » (1449) en latin du Génois Antonio Malfante, assortie de nouveaux commentaires et interprétations à la lumière de l’état des connaissances. Ce document, témoin unique de la présence et de l’activité d’un marchand européen dans une oasis de l’actuelle Algérie dans la portion septentrionale du Sahara, apporte des éclairages sur les interconnexions entre domaines méditerranéen, maghrébin, saharien et sahélien. D’autre part, la fouille et l’étude du site de Lalibela en Éthiopie se sont poursuivies. Ce site fameux, classé au patrimoine mondial, est un complexe chrétien rupestre ; une mission franco-éthiopienne dirigée par Marie-Laure Derat s’emploie, depuis 2008, à croiser les approches disciplinaires (histoire, histoire de l’art, archéologie et disciplines connexes, architecture, liturgie comparée…) afin de réinscrire les églises monolithiques dans la longue durée de leur réalisation et de leurs tranformations. L’équipe a mis en évidence le formidable potentiel archéologique des accumulations de déchets de taille des églises, dont on sait dorénavant qu’elles scellent des niveaux antérieurs à la date présumée de réalisation des églises (le xiiie siècle) et qu’elles sont interstratifiées d’occupations survenues au cours des siècles. Outre une campagne de terrain en mars 2021, les recherches de cette année ont été consacrées à l’étude des données issues des fouilles conduites depuis 2017 sous la colline de Qeyit Terara voisine de l’église de Gabriel-Rufael et du monument appelé Beta Lehem, dans le groupe sud-est des églises de Lalibela. Des niveaux appartenant aux xie-xiiie siècles ont été mis au jour, qui livrent d’exceptionnelles structures mi-sculptées dans le socle rocheux, mi-bâties, accompagnées de mobilier (céramique et perles en pâte de verre). Études et publications sont en cours. En dépit de lourdes entraves à leurs recherches, soit du fait de leur long isolement et de l’inaccessibilité des bibliothèques et des laboratoires pendant près d’une année, soit du fait de l’impossible accès à leur terrain, les doctorantes et doctorants en cours (Daniel Kumah, N’tcha Gérard Tidouo-Kouagou, Manon Routhiau) ont poursuivi leurs recherches sur l’archéologie du Ghana, du Bénin et de l’Éthiopie (respectivement).
Martina Ambu (ATER)
16Martina Ambu a occupé le poste d’attachée temporaire d’enseignement et de recherche (ATER) pour l’année académique 2020-2021 auprès de la chaire Histoire et archéologie des mondes africains du Collège de France. Lors de cette année académique, elle a pu rédiger sa thèse de doctorat (sous la direction de Marie-Laure Derat) intitulée Du texte à la communauté : relations et échanges entre l’Égypte copte et les réseaux monastiques éthiopiens (xiiie-xvie siècles). Ce travail porte principalement sur la promotion des textes hagiographiques et juridiques traduits de l’arabe en guèze sous le patronage de Salāmā, métropolite (1348-1388) copte de l’Église éthiopienne, et sur l’impact que cette littérature eut sur l’organisation interne du monachisme éthiopien. La thèse est en cours d’achèvement et sera soutenue en décembre 2021. C’est également dans le cadre de sa présence au Collège de France que Martina Ambu a pu écrire et soumettre avec Anaïs Lamesa un article à paraître dans les Annales d’Éthiopie intitulé « A survey of three manuscripts from Tǝgray (Ethiopia) », ainsi que deux chapitres à paraître dans des ouvrages collectifs : le premier, intitulé « Lists of metropolitans’ burial places: A study on the toponymical memory of the Ethiopian church » paraîtra dans Bishops and Bishoprics in Egypt, Nubia and Ethiopia (4th-16th centuries), dirigé par Marie-Laure Derat, Alexandros Tsakos, Robin Seignobos et Adam Łajtar ; le deuxième, intitulé « Ethiopian monastic communities in Cairo (15th-16th centuries) », paraîtra dans l’ouvrage dirigé par Julien Loiseau, An African Metropolis: Cairo and its African Hinterland in the Middle Ages. Martina Ambu a également contribué à un article monographique sur les résultats des fouilles archéologiques (menées par une équipe dirigée par François-Xavier Fauvelle et Marie-Laure Derat) et la dimension historique du site de Māryām Nāzret dans le Tǝgrāy (Éthiopie), qui présente les vestiges de la cité épiscopale du xiie siècle. En janvier 2021, Martina Ambu a présenté une communication intitulée « Modèles de sainteté monastiques entre Égypte et Éthiopie » dans le cadre du séminaire organisé par Éloi Ficquet à l’EHESS, « Approches transversales des objets et pratiques du religieux : sainteté, exemplarité, haut degré ». Enfin, elle a présenté son travail de thèse en juin 2021 lors du cycle des Lunch seminars des Jeunes chercheurs du Collège de France ainsi que dans le cadre d’une réunion d’équipe de son laboratoire de rattachement, l’UMR 8167 Orient & Méditerranée, équipe « Mondes sémitiques ».
Publications
Ouvrages
17Erbati E., Fauvelle F.-X. et Mensan R. (dir.), Sijilmâsa, cité islamique du Maroc médiéval. Recherches archéologiques maroco-françaises 2011-2016, Rabat, INSAP, coll. « VESAM », vol. 9, 2020-2021.
Articles et chapitres d’ouvrages
18Soubira T., Mensan R., Erbati E., Fauvelle F.-X. et Souhassou M., « Gara Medouara : une forteresse médiévale dans les environs de Sijilmâsa », in E. Erbati, F.-X. Fauvelle et R. Mensan (dir.), Sijilmâsa, cité islamique du Maroc médiéval. Recherches archéologiques maroco-françaises 2011-2016, Rabat, INSAP, coll. « VESAM », vol. 9, 2020-2021, p. 233-256.
Foy D., Gratuze B., Fauvelle F.-X., Erbati E., et Mensan R., « Les verres de la fosse US105 à Sijilmâsa », in E. Erbati, F.-X. Fauvelle et R. Mensan (dir.), Sijilmâsa, cité islamique du Maroc médiéval. Recherches archéologiques maroco-françaises 2011-2016, Rabat, INSAP, coll. « VESAM », vol. 9, 2020-2021, p. 213-232.
Soubira T., Mensan R., Erbati E. et Fauvelle F.-X., « L’ensemble de structures hydrauliques T25 : reprise de fouille et synthèse », in E. Erbati, F.-X. Fauvelle et R. Mensan (dir.), Sijilmâsa, cité islamique du Maroc médiéval. Recherches archéologiques maroco-françaises 2011-2016, Rabat, INSAP, coll. « VESAM », vol. 9, 2020-2021, p. 151-165.
Erbati E., Fauvelle F.-X., Mensan R. et Soubira T., « Phases d’occupation et d’abandon : étude archéologique du secteur A », in E. Erbati, F.-X. Fauvelle et R. Mensan (dir.), Sijilmâsa, cité islamique du Maroc médiéval. Recherches archéologiques maroco-françaises 2011-2016, Rabat, INSAP, coll. « VESAM », vol. 9, 2021, p. 103-149.
Erbati E., Fauvelle F.-X., Mensan R., Daussy A. et Soubira T., « Sijilmâsa, cité polycentrique : étude diachronique de plusieurs ensemble architecturaux en élévation », in E. Erbati, F.-X. Fauvelle et R. Mensan (dir.), Sijilmâsa, cité islamique du Maroc médiéval. Recherches archéologiques maroco-françaises 2011-2016, Rabat, INSAP, coll. « VESAM », vol. 9, 2021, p. 79-101.
Mensan R., Fauvelle F.-X., Erbati E. et Bruxelles L., « Géoarchéologie du site de Sijilmâsa : étude géomorphologique, approche typologique du bâti, processus de formation du site et gestion des matières premières », in E. Erbati, F.-X. Fauvelle et R. Mensan (dir.), Sijilmâsa, cité islamique du Maroc médiéval. Recherches archéologiques maroco-françaises 2011-2016, Rabat, INSAP, coll. « VESAM », vol. 9, 2021, p. 61-77.
Fauvelle F.-X., Robion-Brunner C., Fabre J.-M., Baron S., Mensan R. et Souhassou M., « Recherches archéologiques sur les mines et la métallurgie de l’argent à Imiter (Maroc) », Journal of African Archaeology, vol. 19, 2021, p. 90-113.
Derat M.-L., Bosc-Tiessé C., Garric A., Mensan R., Fauvelle F.-X., Gleize Y. et Goujon A.-L., « The rock-cut churches of Lalibela and the cave church of Washa Mika’el: Troglodytism and the christianization of the Ethiopian highlands », Antiquity, vol. 95, no 380, 2021, p. 467-486, https://doi.org/10.15184/aqy.2021.20.
Fauvelle F.-X., « Of conversion and conversation: Followers of local religions in medieval Ethiopia”, in S. Kelly (dir.), A Companion to Medieval Ethiopia and Eritrea, Leyde, Brill, 2020, p. 113-141, https://dx.doi.org/10.1163/9789004419582_006 [hal-03719566].
Baron S., Souhassou M. et Fauvelle F.-X., « Medieval silver production around Sijilmâsa, Morocco », Archaeometry, vol. 62, no 3, 2020, p. 593-611, https://doi.org/10.1111/arcm.12546.
Derat M.-L., Fritsch E., Bosc-Tiessé C., Garric A., Mensan R., Fauvelle F.-X. et Berhe H., « Mâryâm Nâzrêt (Ethiopia): The twelfth-century transformations of an Aksumite site in connection with an Egyptian Christian community », Cahiers d’études africaines, vol. 239, 2020, p. 473-507, https://doi.org/10.4000/etudesafricaines.31358.
Fauvelle F.-X., « Préface », in G. Blanc, L’Invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l’Eden africain, Paris, Flammarion, 2020, p. 7-13.
Thèse soutenue sous la direction de François-Xavier Fauvelle
19Guemona D., La Paléométallurgie dans la région du Guéra (centre du Tchad) : inventaire des sites et essai de caractérisation des traditions sidérurgiques, thèse de doctorat en archéologie sous la dir. de F.-X. Fauvelle et C. Robion-Brunner, université de Toulouse Jean-Jaurès, Toulouse, soutenue le 18 décembre 2020.
Notes
1 Cerulli E., « Il sultanato dello Scioa nel secolo xiii secondo un nuovo documento storico », Rassegna di Studi etiopici, vol. 1, no 1, 1941, p. 5-42, https://www.jstor.org/stable/41460157.
2 Chekroun A. et al., The Dikr at-tawārīḫ: Muslim Eastern Ethiopia in the 12th-13th centuries, à paraître.
3 Fauvelle F.-X., Hirsch B. et Chekroun A., « Le sultanat de l’Awfāt, sa capitale et la nécropole des Walasmaʿ : quinze années d’enquêtes archéologiques et historiques sur l’Islam médiéval éthiopien », Annales islamologiques, vol. 51, 2017, p. 239-295, https://doi.org/10.4000/anisl.4054.
4 Alebachew Belay Birru, Megaliths, Landscapes, and Society in the Central Highlands of Ethiopia: An Archaeological Research, thèse pour le doctorat d’archéologie, sous la dir. de F.-X. Fauvelle, université de Toulouse Jean-Jaurès, soutenue le 25 septembre 2020.
5 Fauvelle F.-X. et Hirsch B., « Voyage aux frontières du monde. Topologie, narration et jeux de miroirs dans la Rihla de Ibn Battûta », Afrique & histoire, vol. 1, no 1, 2003, p. 75-122.
6 Chittick N., Kilwa, an Islamic Trading City on the East African Coast, Nairobi, British Institute in Eastern Africa, vol. 1 : « History and Archaeology » et vol. 2 : « The Finds », 1974, p. 18 ; Garlake P.S., The Early Islamic Architecture of the East African Coast, Nairobi, Oxford University Press, 1966 ; Pradines S. et Blanchard P., « Kilwa al-Mulûk. Premier bilan des travaux de conservation-restauration et des fouilles archéologiques dans la baie de Kilwa, Tanzanie », Annales islamologiques, vol. 39, 2005, p. 25-80.
7 Pradines S., « Warfare in the Indian Ocean: The walled cities of the Swahili », in S. Pradines (dir.), Ports and Fortifications in the Muslim World Coastal Military Architecture from the Arab Conquest to the Ottoman Period, Le Caire, IFAO, 2020, p. 173-199.
8 Sinclair P., « Chibuene: An early trading site in Southern Mozambique », Paideuma, vol. 28, 1982, p. 149-164 ; Sinclair P., Ekblom A. et Wood M., « Trade and society on the South-East African coast in the later first millenium AD: The case of Chibuene », Antiquity, vol. 86, no 333, 2012, p. 723-737, https://doi.org/10.1017/S0003598X00047876.
9 Wynne-Jones S., « Creating urban communities at Kilwa Kisiwani, Tanzania, AD 800-1300 », Antiquity, vol. 81, no 312, 2007, p. 368-380.
10 Ba A., « Le Takrur historique et l’héritage du Fuuta Tooro : l’histoire politique ancienne du fleuve Sénégal », in M. Villasante Cervello et R. Taylor (dir.), Histoire et politique dans la vallée du fleuve Sénégal : Mauritanie, Paris, L’Harmattan, 2017, p. 95-161 ; McIntosh R., McIntosh S. et Bocoum H. (dir.), In Search of Takrur: Archaeological Excavations and Reconnaissance Along the Middle Senegal Valley, New Haven, Yale University Press, 2016.
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Référence papier
François-Xavier Fauvelle, « Histoire et archéologie des mondes africains », L’annuaire du Collège de France, 121 | 2024, 423-433.
Référence électronique
François-Xavier Fauvelle, « Histoire et archéologie des mondes africains », L’annuaire du Collège de France [En ligne], 121 | 2024, mis en ligne le 01 octobre 2024, consulté le 30 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/annuaire-cdf/19558 ; DOI : https://doi.org/10.4000/12kue
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