1Quelques mots avant de retracer nos rencontres avec Sandrine Musso. Ce texte est issu d’un processus collectif d’écriture qui nous a semblé judicieux – compte tenu de la communauté d’expérience « générationnelle » et intellectuelle sur laquelle il s’appuie – mais qui nous paraît aussi un beau reflet de cet art qu’avait Sandrine de faire du lien entre les personnes. Si nos trajectoires se sont croisées au tournant des années 2010, nous (les quatre co-auteur·e·s) avons cheminé chacun·e dans des directions différentes au cours des dix dernières années, au sein, à la marge ou en dehors du monde académique. Ces retrouvailles d’écriture, à l’occasion de la disparition de notre collègue et amie, ont été chaleureuses et évidentes : nous avons partagé notre peine, échangé des souvenirs et nous avons ri, aussi. Ces moments d’affinité retrouvée nous ont permis de mesurer la profondeur des liens qui nous unissent, malgré le temps et la distance.

2Ce processus sensible de co-écriture nous a aussi, reconnaissons-le, posé quelques casse-têtes pour positionner les « je » et le « nous » de nos rencontres et complicités avec elle. Nous avons finalement opté pour un « nous » inclusif de nos expériences singulières, en situant lorsque nécessaire les souvenirs évoqués.

Une rencontre en contexte

4Ces journées sont issues du croisement des préoccupations d’un petit groupe de jeunes chercheur·e·s travaillant sur le VIH-sida en France ou dans les pays à ressources limitées. Tout a commencé par un appel à communication autour des enjeux de réflexivité, d’engagement et plus généralement de positionnement du chercheur sur des terrains qui nous semblaient toujours très sensibles, plus de vingt-cinq ans après les débuts de l’épidémie. Nous étions également traversés par des questionnements autour de la maladie, du secret, des inégalités sociales, des rapports de domination, classiques en sciences sociales de la santé, mais actualisés et aiguisés par nos expériences de terrain. Malgré les possibilités de financement de recherches dans le domaine du VIH-sida sans commune mesure avec d’autres champs de recherche, nous faisions le constat d’un double isolement : à la fois dans nos centres de recherche, malgré les encouragements et le soutien de chercheurs expérimentés, mais aussi au sein d’un monde de la lutte contre le sida très polarisé entre les acteurs de la biomédecine et de l’épidémiologie (cliniciens, chercheurs) et les acteurs associatifs. La place des chercheur·e·s en sciences sociales restait (et demeure à bien des égards) marginale, tant dans la manière de poser des questions, que dans les façons de penser nos implications sociales et politiques.

5Sans en avoir réellement conscience, ces journées traduisaient l’émergence d’une nouvelle « génération » de chercheur·e·s en formation dans ce domaine. Nos prédécesseur·e·s avaient fait leurs armes dans les années 1980 et 1990, dans la période la plus sombre de la pandémie (Calvez, 2004). Notre entrée dans le champ, dans la première moitié des années 2000 correspondait plutôt à la phase de « normalisation paradoxale » du sida (Setbon, 2000), mais aussi à un changement de focale des travaux en sciences humaines et sociales sur cet objet de recherche, avec un intérêt de plus en plus marqué pour les réalités des pays des Suds.

6La rencontre d’avril 2008 constitue, avec le recul, une bonne photographie de ce « moment » (Chabrol & Girard, 2008). Outre les intervenant·e·s, s’y sont croisés des collègues expérimenté.e.s, qui avaient accepté de discuter nos travaux : Didier Fassin, Bruno Spire, Marcel Calvez, Fred Eboko, Danièle Carricaburu, Veronica Noseda, Vincent Douris et Jean-Marie Le Gall. Ces journées ont été marquées par l’écoute et le partage, parfois pas évident, d’expériences d’enquête de terrain : les difficultés rencontrées pour mener à bien ces enquêtes, des questions sur nos positionnements et notre implication sur le terrain, que nous souhaitions soulever collectivement pour essayer d’en comprendre les enjeux. L’ouvrage collectif publié deux ans plus tard rend bien compte de ce travail commun (Chabrol & Girard, 2010). Les présentations et les échanges ont offert la possibilité de discussions et de rencontres fructueuses favorisées par la présence d’un public divers composé de chercheur·e·s, d’institutions et de militant·e·s.

7Sur la forme, l’idée était de partir de ces expériences sensibles du terrain, au risque de l’anecdote parfois, mais toujours avec l’ambition de proposer un regard analytique, en nous demandant comment en faire sens, et même est-ce que cela devait faire sens.

Un coup de foudre ethnographique

8Sandrine a partagé à cette occasion un épisode très marquant dans son travail de recherche doctorale sur le terrain marocain où elle rencontrait des femmes vivant avec le VIH (Musso, 2009b). Elle rencontre alors Bouchra, une jeune femme ayant grandi en France d’où elle a été expulsée et qui exprime « en hurlant » en entretien avec Sandrine, sa colère, dénonçant l’injustice de sa situation. Alors que Sandrine quitte un bref instant l’endroit dans lequel elle conduisait l’entretien, la jeune femme prend la fuite et subtilise au passage la cassette qui enregistrait alors leur échange. Le récit par Sandrine de « Bouchra et le vol de la cassette » constitue un moment fort d’une expérience de terrain, soulevant beaucoup de questions. En revivant avec nous cet instant concret du terrain où tout bascule, elle nous partageait de manière impressionnante ces moments importants dans nos recherches de terrain, où se jouent, dans des interactions parfois violentes, des rapports de pouvoir et de domination que l’on met parfois longtemps à comprendre. Sandrine s’exposait beaucoup, montrait sa vulnérabilité en racontant cela et nous montrait ainsi combien cette expérience était puissante, nous étions catapultés d’entendre ce récit, ces deux femmes, l’une hurlant de colère, de méfiance, l’autre dans l’écoute et l’impératif de raconter, comprendre, témoigner. Ceci ne pouvait à ce moment-là qu’être partagé grâce à la description fidèle, fine, généreuse et respectueuse de la situation et surtout des personnes, à laquelle se prêtait Sandrine. Et c’était le collectif, dans l’écoute et le partage d’expériences qui permettait de lui accorder toute son importance, et de lui donner du sens, et d’enrichir de cette façon les analyses de nos expériences ethnographiques.

9L’intervention de Sandrine nous a alors semblé très mature intellectuellement et politiquement, tout comme celle de Stéphanie Mulot, présente aussi et qui avait partagé des questions liées à la relation ethnographique complexe qu’elle avait entretenue avec un homme infecté par le VIH et dépendant au crack dans les Antilles françaises. Elles avaient toutes deux ces quelques années de recherche de plus qui font la différence dans la profondeur d’analyse qu’elles mettaient à la disposition du collectif, et qui allaient en constituer un ciment précieux. Elles arrivaient à dire l’intime et le politique, la manière dont l’analyse de ses relations faisait resurgir les notions de pouvoir, de violence, les rapports de domination postcoloniaux. Une demande dans la salle : « mais en quoi est-ce scientifique ? » nous a parue vraiment incongrue, au moment où précisément s’ouvrait pour nombre d’entre nous une avenue des possibles, après avoir réalisé que la description fine, juste, était la condition nécessaire pour en fournir une interprétation analytique forte.

10Le partage et la mise en discussion de deux expériences de terrain si intenses, où se déployaient l’intime et le politique, agissaient doucement comme un retournement. On comprenait que l’on pouvait tenter, ou qu’il était juste d’éclairer les enjeux sociaux de l’épidémie de sida en partant de nos propres vulnérabilités, du caractère fondamentalement relationnel de l’enquête de terrain.

11La présentation de « Bouchra et le vol de la cassette » restera pour chacun-e d’entre nous une belle leçon d’ethnographie. Sandrine livrait là, comme souvent quand elle enseignait, une description fine, fouillée et captivante d’une situation densément vécue (par elle et par son interlocutrice). Elle en proposait une exploration à rebours, contextualisée, distanciée et sensible, pour nous amener ensuite, avec elle, à la questionner, en tirer des fils interprétatifs, en donner un sens et, finalement, tenter de comprendre ce qui se jouait dans la colère exprimée par Bouchra et ce que disait le vol de la cassette de la relation d’enquête, de l’implication du chercheur sur le terrain et des enjeux éthiques de nos recherches. Elle écrira ainsi dans un article ultérieur :

La réaction de Bouchra, et l’acte qu’elle pose en reprenant la cassette sur laquelle ses propos sont enregistrés, peuvent aussi être lus comme la réponse au « rapt » et à la violence symbolique auquel la confronte le statut d’« enquêtée », le refus d’être étiquetée comme « cas » (Legrand, 2000 : 35) à étudier. Elle m’avait par ailleurs signifié que je ne lui serais d’aucune aide, mettant crûment en lumière cette dimension de l’inconfort ethnographique qui tient dans l’impossibilité du contre-don (Bouillon, 2006). Ce faisant, elle avait aussi mis l’accent sur ce qu’il pouvait y avoir d’absurde, dans ce contexte, dans le fait de prétendre au statut d’« observateur ». Elle avait aussi exprimé l’incommensurabilité de nos expériences du monde (Musso, 2008).

12C’est notamment cette capacité à questionner et relier les expériences intimes, ordinaires (ou pas), à l’anthropologie que Sandrine transmettait.

Enseigner, transmettre et outiller les étudiant·e·s

14Sandrine était aussi et surtout une enseignante remarquable, dont les pratiques et l’éthique professionnelle continuent de nous inspirer, que nous en ayons bénéficié en tant qu’étudiante (pour Mathilde), collègue de département (pour Séverine) ou collègues tout court (pour tous les quatre). De 2002 à 2008, Sandrine intervenait régulièrement dans le cadre du DIU d’écologie humaine, d’abord porté par le Laboratoire d’écologie humaine et d’anthropologie (LEHA-IEP Aix-en-Provence) puis par le Centre de recherche culture santé société (CReCSS-Université Paul Cézanne) qui dispensait un module dédié « Anthropologie et sida ». Ses interventions sur les thématiques « vulnérabilités » et « migrants et sida » étaient attendues par l’ensemble des auditeur·rice·s présent·e·s, non seulement pour son éloquence mais surtout pour l’ouverture d’esprit et l’éveil au sens critique que cela pouvait susciter en nous. Chacun·e appréciait ses pas de côté, son énergie, sa douceur, son souci d’exactitude, ses angles d’attaque, ses convictions, ses combats, ses interrogations. Bref, sa grande intelligence et sa finesse d’esprit.

15Sandrine avait alors l’habitude de démarrer chacune de ses interventions en convoquant les champs de la sémantique et de l’étymologie : toujours partir de l’origine d’un mot ou d’un concept, maîtriser le sens qui lui est donné pour mieux l’interroger, le disséquer, le confronter à l’interprétation de l’autre pour mieux le déconstruire. Pour nombre d’entre nous, ses « tics méthodologiques » continuent de nous accompagner encore aujourd’hui, comme un préalable indispensable au moindre raisonnement qu’on souhaiterait situer, avant de le confronter au réel. Alors lorsque l’idée de cet article collectif a germé, comment résister à l’envie de se prêter au même exercice et à glaner dans un dictionnaire quelques définitions qui caractérisent pour nous la teneur de ses enseignements.

16CAPTIVER : Au fig., usuel. Gagner et retenir l’intérêt de quelqu’un par une sorte de fascination quasi irrésistible.

17CRITIQUE : subst. fém. En partic. Esprit de libre examen qui, dans ses jugements, écarte, rejette l’autorité des dogmes, des conventions, des préjugés.

19Maîtresse de conférence au département d’anthropologie de Aix-Marseille-Université depuis 2011, Sandrine a largement contribué au rayonnement de l’anthropologie de la santé dans ce département. L’une d’entre nous (Séverine) a alors eu la chance de travailler avec elle en tant qu’attaché temporaire de recherche (ATER), pour lui « prêter main forte » soulignait-elle, un brin essoufflée par la bonne centaine d’heures de cours par semestre qu’elle assurait, en plus des combats qu’elle menait pour sortir des étudiant·e·s d’impasses administratives, en accompagner d’autres dans leur parcours universitaire, etc. Une bonne occasion d’appréhender la jungle universitaire (ses contraintes administratives, ses sous-effectifs, les enjeux de pouvoir intergénérationnels, de précarité, etc.) et le plaisir de monter un cours de master à ses côtés. Et à ses côtés, c’était d’emblée intense, instructif et drôle car tout était matière à penser et souvent à rire avec Sandrine.

20Préparer les cours était pour Sandrine indissociable de la lecture, comme en témoignait son espace de travail : une table toujours débordante de piles d’ouvrages et d’articles. « J’ai besoin de tout lire ! » disait-elle, à quelques heures seulement du début du cours. Elle entretenait avec le livre sous toutes ses formes (ouvrage scientifique, roman, dictionnaire Littré…) un rapport quasi sacré voire addictif, avec à chaque fois cette même ardeur à vouloir partager l’expérience vécue à travers une analyse ou un récit percutants. Celles et ceux qui l’auront croisée durant les derniers mois de sa vie peuvent sans doute témoigner du retentissement du roman Croire aux Fauves de l’anthropologue Nastassja Martin (2020) sur sa force de vie intérieure au moment où le corps était soumis aux plus rudes des épreuves. Cette force de vie qu’elle a eu à cœur d’expliciter et de partager, continuant inlassablement de transmettre…

21Son rapport aux livres, tels des compagnons de route, pourrait s’illustrer de mille façons. Pour nous, ce sera le souvenir de la silhouette menue de Sandrine, à peine débarquée de l’avion l’amenant à Dakar, arrivant vers Mathilde avec une démarche enjouée, et lestée par pas moins d’une vingtaine de kilos d’ouvrages scientifiques – soit le maximum de poids autorisé par la compagnie aérienne – dans son sac à dos de randonnée. Sandrine était venue chercher par-delà l’océan un endroit propice à l’isolement, devenu indispensable au processus de finalisation de l’écriture de sa thèse : le temps des solutions radicales était arrivé ! Ou encore, Sandrine laissant reposer les livres le temps d’ouvrir son ordinateur dans la chambre d’hôtel qu’elle occupait avec Fanny à Amsterdam, à 5 heures du matin, pour préparer une intervention se déroulant quelques heures plus tard. Sa capacité de travail et de transmission n’aura cessé de nous impressionner, et de nous alerter aussi parfois…

22Cette soif insatiable de lectures, son effort constant de documentation, déconstruction, d’historicisation et de triangulation des sources étaient au cœur de ses enseignements. Elle transmettait aux étudiants des savoir-faire et des connaissances théoriques, mais aussi et surtout une façon de se positionner dans le monde, de s’en distancier et de le questionner. Elle incitait les étudiants, et plus largement celles et ceux qui l’écoutaient, à s’extirper de l’hypnose du constat, à questionner les évidences, à explorer les coulisses et à sans cesse éveiller l’esprit critique et opérer un pas de côté sur la réalité sociale et politique. Elle bousculait – et invitait à bousculer – les idées reçues et les frontières (Musso, 2017a). Elle scrutait les impensés, les pensait, les re-contextualisait et les analysait (Musso, 2009a, 2017b ; Musso & Nguyen, 2013).

23Ardente défenseuse de l’interdisciplinarité, ses cours – comme ses communications dans des colloques, séminaires – mêlaient des références en littérature, musique, histoire, anthropologie, des scènes de films, des actualités, anecdotes, expérience de terrain, avec toujours une touche d’humour, et souvent un brin de provocation ou d’ironie. En témoigne par exemple sa brillante intervention en janvier 2020 lors du séminaire « Dissonances et convergences entre anthropologie et santé publique ». Définissant en introduction la discipline comme « une opération de domination avant d’être une structure de production du savoir », elle n’avait pas manqué de terminer son propos en nous souhaitant beaucoup d’indiscipline (Musso, 2020). Elle en avait aussi profité pour positionner ce moment et ces échanges scientifiques dans le contexte des mobilisations alors en cours contre la loi de programmation de la recherche.

24Sandrine avait cette capacité à convoquer dans ses cours une diversité d’auteurs et à les faire (re)vivre. Elle savait allier les mobilisations sociales et politiques à des champs de recherche ou à des corpus théoriques (Musso et al., 2012). Elle a par exemple souvent mobilisé son immersion dans les méandres de l’université – en tant que maîtresse de conférence, responsable du département d’anthropologie durant quelques années – comme expérience signifiante qu’elle a décrite et convoquée dans des interventions (Musso, 2020). Elle transmettait généreusement des savoirs pluriels, académiques et non académiques, expérientiels ou scientifiques, à toute heure et en tous lieux : un amphithéâtre, un couloir ou un bar… Autant d’espaces formels ou informels, autant d’opportunités de mettre sa pensée et le monde en mouvement.

25Elle tissait des liens avec les étudiants, adoptant une posture horizontale et bienveillante. Elle les prenait au sérieux, les écoutait et leur léguait de multiples outils. Au cours de ses enseignements ouverts et généreux, elle incitait les étudiants à puiser dans une boîte à ressources qu’elle mettait à leur disposition, favorisant ainsi leur autonomie et suscitant leur curiosité. Cette posture attentive et bienveillante vis-à-vis des étudiants et cette générosité dans ses enseignements, ce regard anthropologique aiguisé sur le monde, sur ce qui nous entoure, ses approches critiques, son humour et cet énorme bagage en sciences sociales faisaient d’elle une enseignante hors pair et comme l’ont rappelé certain·e·s de ses proches, une anthropologue de la santé et des luttes, « une anthropologue dans la cité » et de la cité (Collectif, 2021). Sandrine faisait partie de ces trop rares chercheur·e·s en sciences sociales à avoir une parole qui compte dans l’espace public. En atteste un de ses derniers articles « Habiter la ville effondrée : Marseille après le 5 novembre 2018 » coécrit avec le collectif « Les effondrées » (Le Meur et al., 2021).

Faire communauté

26Engagée et jouant le jeu du collectif, Sandrine savait créer des espaces de réflexions, d’échanges et de paroles qui autorisent à dire, à exprimer et à se sentir à sa place. Elle fédérait.

27Sandrine inscrivait les étudiants dans des réseaux d’interconnaissance, universitaires ou associatifs, les mettaient en lien. Elle s’est ainsi faite relai du réseau EFiGiES, du réseau de jeunes chercheurs en sciences sociales sur le VIH-sida et a également contribué au second souffle de l’Association d’anthropologie médicale et de la santé (Amades) notamment en redynamisant les liens avec les étudiants – chercheurs des pays du Sud. Alliée des luttes à l’université, des luttes contre le sida, des luttes dans son quartier (Le Meur et al., 2021), elle constituait un pivot entre une diversité d’acteurs, opérant des passerelles entre des individus, des secteurs professionnels, des mobilisations. Elle était unique, absolument liée à une myriade de personnes, de collectifs, d’associations. Elle était en lutte et en relation.

28Sandrine était captivante, intelligente, infatigable, lumineuse. La rencontrer nous a fait entrer dans une communauté de pratiques, de pensée et d’échanges qui perdurent aujourd’hui ; elle nous a fait nous sentir libres en même temps qu’elle nous a fait embrasser ses luttes, présentes et à venir.

29Comme il est difficile de conclure… car c’est quelque part accepter qu’elle ne sera plus là pour animer nos débats, enrichir nos réflexions et amener cette fantaisie tellement nécessaire. Refuser cet état de fait, c’est tout le sens de notre démarche en ayant voulu rendre compte de la manière dont Sandrine continuera de nous inspirer et de nous accompagner au quotidien, que ce soit à travers nos lectures, nos enseignements, nos engagements, nos émerveillements, nos retrouvailles, nos coups de gueule et nos éclats de rire.

30Enfin, nous reprendrons, pour elle, les mots d’Adèle Haenel, parlant de Virginies Despentes (le choix de ces autrices n’a rien d’anodin) pour saluer la capacité de Sandrine à « désaplatir le monde et […] rendre audible ce qui disparaît, ce qui se nécrose derrière l’autorité des évidences construites. [À] Insuffler des questions, créer de l’espace vivable et fracturer l’ordre établi du perceptible » (Haenel, 2021).