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Dossier thématique

Abeilles, apiculteur·trice·s et varroa : cohabiter en temps de crises

Bees, beekeepers and varroa mites: living together in times of crisis
Elsa Faugère et Dorothée Dussy

Résumés

Cet article interroge la façon dont les apiculteur·rice·s font face à la crise de la biodiversité qui, décimant les insectes depuis quelques décennies, touche de plein fouet les abeilles domestiques. Nous nous demandons comment est assurée la survie des abeilles domestiques dans un monde où les ressources en fleurs et en eau se raréfient. À partir d’une présentation de trois portraits issus d’une enquête ethnographique menée dans le milieu de l’apiculture française professionnelle, nous montrons qu’elle est désormais conditionnée par les interventions régulières sur les ruches d’apiculteur·rice·s qui sont parvenu·e·s à devenir de fin·e·s technicien·ne·s en apidologie, notamment en matière de lutte contre le varroa, un acarien parasite de l’abeille européenne qui contribue à décimer les colonies depuis les années 1980. Si les apiculteur·rice·s ne peuvent résoudre à eux·elles seul·e·s la crise de la biodiversité, il·elle·s ont su à leur niveau tirer leur épingle du jeu en parvenant à lutter contre le varroa par voie chimique, génétique ou biotechnique.

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Texte intégral

Introduction

1« Un million d’espèces animales et végétales risquent de disparaître à brève échéance de la surface de la Terre ou du fond des océans » titrait le journal Le Monde en mai 2019. Relayée par tous les médias de la planète, l’alerte a été lancée solennellement à l’adresse des gouvernants et des sociétés par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Pour autant, il ne s’agit pas d’une révélation, loin s’en faut, puisque déjà en 1962, témoignant de la disparition des insectes et des oiseaux dans les campagnes, Rachel Carson publiait Le Printemps silencieux, ouvrage qui connut un succès populaire immédiat. Depuis, les preuves scientifiques de la crise de la biodiversité s’accumulent et sont médiatisées par intermittence, s’invitant épisodiquement à l’agenda politique avec la mise en place de politiques internationales de l’environnement (Charvolin & Ollivier, 2017).

2Presque quarante ans après la parution du best-seller de Rachel Carson, à la fin des années 1990 et dans les années 2000, apparaît un phénomène relevant a priori de la même dynamique, mais présenté comme mystérieux : l’effondrement des colonies d’abeilles domestiques en Europe et en Amérique du Nord. Concrètement, à la sortie de l’hiver, et plus rarement en pleine saison de butinage, les apiculteur·rice·s trouvent leurs ruches vidées de toutes ou partie des colonies d’abeilles. Les corps des abeilles sont introuvables ou sont parfois disséminés sur le seuil des ruches. Aux États-Unis, localement, les pertes peuvent atteindre jusqu’à 90 % de la population des colonies (Van der Zee et al., 2012). En France également, les taux de mortalité hivernale dépassent désormais, de façon répétée, les moyennes observées habituellement jusque-là.

3Qualifié depuis le milieu des années 2000 de syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles par les biologistes (Dupont, 2007 ; Frazier et al., 2007), ce phénomène suscite des inquiétudes majeures non seulement dans la communauté scientifique, mais également parmi les agriculteur·rice·s, les apiculteur·rice·s, les responsables politiques, les médias et les citoyen·ne·s, en raison de l’importance économique et écologique de l’abeille, pollinisatrice, garante, comme tous les autres insectes pollinisateurs, de la survie alimentaire de l’espèce humaine. Parmi les apiculteur·rice·s et scientifiques, deux camps s’opposent d’emblée sur les causes de la disparition des abeilles : les apiculteur·rice·s et scientifiques qui considèrent depuis les années 1990 que les principaux responsables de ces effondrements de colonies d’abeilles sont les pesticides de synthèse de nouvelle génération, les fameux néonicotinoïdes (Gaucho et Regent TS) commercialisés à partir des années 1990 en Europe (Colin et al., 2007 ; Paxton et al., 2015 ; Hoppe, 2013 ; Bonmatin et al., 2017 ; Eouzan et al., 2017) ; et les apiculteur·rice·s, scientifiques, et firmes agrochimiques qui estiment que le coupable est le varroa destructor, un acarien ectoparasite de l’abeille domestique européenne, arrivé d’Asie au début des années 1980 (Guzmán-Novoa, 2010 ; Dahle, 2010 ; Le Conte et al., 2010 ; Nazzi & Le Conte, 2016). Un terrain d’entente relatif et fragile est finalement trouvé au cours des années 2010 : la notion consensuelle de multifactorialité des causes de la disparition des abeilles intègre ainsi des causes considérées comme secondaires comme le frelon asiatique, des virus, le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources mellifères, etc.

4Chaque camp convient qu’un ensemble de facteurs converge dans le sens de l’effondrement des colonies, qui, nonobstant l’effort des scientifiques et des apiculteur·rice·s pour y remédier, se poursuit invariablement. Cette crise de surmortalité des abeilles a brisé un secteur en pleine croissance en Europe : alors que le nombre de colonies domestiques a progressé de 16,2 % entre 1965 et 1985, il a ensuite diminué dans la même proportion entre 1985 et 2005, entraînant une réduction remarquable d’un tiers de la population d’apiculteur·rice·s (Agreste, 2012). Ainsi, près de la moitié des exploitations apicoles françaises en activité au tournant des années 2000 avait disparu au recensement agricole de 2010. Mais, depuis le début des années 2010, la tendance s’inverse et on observe une augmentation à la fois du nombre d’apiculteur·rice·s et du nombre de colonies d’abeilles (ADA France, 2019). Ce renversement de tendance est dû à plusieurs phénomènes, dont la hausse du nombre de déclarations des détenteurs de ruches qui doivent les déclarer auprès du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, procédure largement facilitée depuis plusieurs années, ainsi que la mise en place, depuis le milieu des années 2010, d’aides publiques au renouvellement du cheptel d’abeilles qui aident les apiculteur·rice·s à compenser les pertes de leurs colonies d’abeilles.

5À l’heure actuelle, en Europe, quelle que soit le degré de nuisance attribuée par les apiculteur·rice·s au varroa destructor, s’il·elle·s veulent du miel, tou·te·s doivent savoir gérer la charge de leurs ruches en varroa, car une trop forte infestation diminue la productivité de la ruche. En réalité, quelle que soit la cause privilégiée de la disparition des colonies d’abeilles, les apiculteur·rice·s ne peuvent agir, au niveau de leur exploitation apicole, que sur la charge en varroa. Il·elle·s ne peuvent pas infléchir le changement climatique, ni empêcher les agriculteur·rice·s d’utiliser des pesticides ou le frelon asiatique d’attaquer leurs colonies, comme le décrit également Laurent Cilia (2020) au sujet de l’apiculture commerciale aux États-Unis. En revanche, la lutte contre varroa constitue une prise sur les crises que traverse l’apiculture. Le varroa se retrouve ainsi dans une position paradoxale : en tant qu’espèce invasive qui parasite les colonies d’abeilles européennes au point de contribuer à leur disparition et à leur moindre productivité, il est le symptôme le plus visible d’une crise environnementale et sanitaire de grande ampleur. Mais il est aussi le levier d’action principal des apiculteur·rice·s pour agir sur ces crises.

  • 1 L’apidologie étudie scientifiquement le comportement et l’élevage des abeilles. Ce processus de sci (...)

6Dans cet article, nous nous intéresserons aux modes de gestion de l’infestation au varroa en tant que levier possible de réaction à la crise de la santé des abeilles. Nous reviendrons tout d’abord sur l’arrivée du varroa en France et la mise en place des premières opérations de lutte contre l’infestation selon trois grands axes : génétique, biotechnique et chimique. Nous verrons que la lutte chimique l’emporte largement sur les deux autres, l’industrie pharmaceutique ayant vu là un marché à conquérir. À partir de la présentation de trois portraits d’apiculteur·rice·s, nous nous demanderons comment est assurée la survie des abeilles domestiques dans un monde où il est communément admis que la saison des chaleurs estivales est allongée et où les pesticides sont déversés dans la nature à grands volumes, raréfiant les ressources en fleurs et en eau. Nous verrons que la survie des abeilles domestiques est désormais conditionnée par les interventions régulières sur les ruches d’apiculteur·rice·s qui ont été obligé·e·s de devenir de fins techniciens en apidologie pour faire face à la crise1. La gestion de la crise n’est pas seulement une affaire de maîtrise technique, mais aussi une question qui engage la représentation du monde des apiculteur·rice·s, leurs valeurs, leurs horizons d’attentes, leur histoire.

Le varroa, histoire d’une crise annoncée

7C’est en 1904 qu’un entomologiste du nom d’Edward Jacobson découvre et récolte pour la première fois ces petits acariens sur les abeilles de l’espèce Apis cerana de l’île de Java. Il les envoie aux Pays-Bas où un acarologue néerlandais du nom d’Anthonie Cornelis Oudemans en fait la description taxonomique et lui donne le nom de Varroa jacobsoni en hommage à son découvreur, comme c’est souvent le cas en taxonomie. Jusqu’aux années 1930, l’apiculture en Asie se faisait avec cette abeille Apis cerana, dite asiatique. De plus petite taille, elle vivait en relative harmonie avec le varroa, lequel se comportait comme un parasite externe (ectoparasite) typique, c’est-à-dire se nourrissant des réserves de son hôte (Apis cerana), mais sans le tuer, puisque tuer son hôte revient pour un parasite à scier la branche sur laquelle on est assis. Il semblerait que la situation se transforme dans les années trente, quand les Asiatiques ont importé des abeilles européennes, Apis mellifera, considérées comme beaucoup plus productives, donc plus rentables, pour la production de miel et de gelée royale.

8D’après ce que l’on sait grâce aux quelques traces laissées par cette histoire dans des articles technico-scientifiques et dans les magazines apicoles, c’est probablement dans les années 1940-1950 que le varroa « passe » et s’installe durablement sur ce nouvel hôte européen Apis mellifera (Grobov, 1976), installé en Asie (Donzé, 1995). Des découvertes dans différents pays asiatiques en témoignent (Wendling, 2012). Progressivement, avec le commerce de reines et d’abeilles, Varroa jacobsoni se rapproche dangereusement de l’Europe occidentale en suivant les échanges commerciaux de reines et d’abeilles entre Asie et Europe. C’est ainsi que pour la première fois en 1970, la présence de l’acarien est attestée sur le sol européen, en Bulgarie. Quelques années plus tôt, en 1966, des scientifiques asiatiques, japonais·es et coréen·ne·s avaient mis en garde et alerté les autorités politiques et scientifiques sur le danger que représentait le Varroa jacobsoni pour l’abeille domestique occidentale. Les abeilles occidentales étant incapables de se défendre contre le parasite, sa propagation est susceptible de mettre toute l’apiculture en péril. Ces multiples mises en garde n’empêchent pas les échanges et le commerce de se poursuivre. Guidé·e·s par les gains de productivité attendus, les apiculteur·rice·s et les apidologues continuent de faire circuler librement et sans précautions abeilles et varroa.

9Dans le sillage des premiers lanceurs d’alerte asiatiques, des apiculteur·rice·s, des scientifiques et des technicien·ne·s russes et bulgares alertent sur les ravages causés dans leurs colonies d’abeilles par le Varroa jacobsoni qui, écrivent-ils, « va se répandre partout si aucune mesure n’est prise pour l’en empêcher » (Apimondia, 1975). On trouve traces de ces mises en garde notamment dans les actes d’Apimondia, grands congrès biannuels mondiaux de l’apidologie et de l’apiculture, haut lieu de rencontres et d’échanges entre acteurs des mondes apicoles.

10Les actes du XXVe congrès d’Apimondia tenu à Grenoble en 1975 témoignent à la fois de la crise annoncée du varroa et de l’état des connaissances quant à la dangerosité du parasite pour les colonies d’abeilles domestiques européennes.

La commission de pathologie a consacré son attention à l’épizootie de varroase qui a été signalée surtout en URSS et en Bulgarie où elle produit des dégâts importants. De nombreux spécialistes de ces pays et des représentants de la commission de pathologie se sont réunis à Sofia dans le cadre d’un symposium pour étudier les mesures qui doivent être adoptées pour arrêter la diffusion de la maladie. Une série de dispositions doivent être prises pour ce qui en est de l’application des traitements et des mesures sanitaires. La Commission de pathologie propose à l’Apimondia d’adresser à tous les pays une information sur la nature de cette maladie parasitaire et une recommandation technique concernant la surveillance devant être appliquée en cas d’importation ou de commerce avec les abeilles. Dès à présent, les chercheurs spécialisés doivent orienter leurs travaux vers l’étude du cycle évolutif de Varroa jacobsoni, de sa résistance aux agents physiques, chimiques et des moyens de le détruire dans les ruches. (Apimondia, 1975 : 521-522)

11L’ensemble des institutions internationales sont alors convoquées pour tenter d’enrayer la pandémie : la commission de pathologie d’Apimondia ainsi que celle de l’Organisation internationale de l’élevage, les chercheur·e·s, les spécialistes, les autorités politiques. Elles se réunissent, organisent des symposiums, éditent des recommandations techniques, des préconisations sanitaires, recherchent des traitements pour endiguer la diffusion du varroa. Il faut agir, disent encore les actes du colloque Apimondia, au nom de la qualité de vie des abeilles domestiques, mais aussi pour améliorer le rendement, la qualité et la consommation de produits apicoles.

Modalités de lutte contre le varroa

  • 2 L’Institut technique d’apiculture (ITAPI) est le premier institut technique apicole créé en France (...)
  • 3 Fédération nationale des organisations sanitaires apicoles départementales, créée en 1966.
  • 4 Association nationale des éleveurs de reines et des centres d’élevage apicoles, créée en 1979.

12À partir des années 1970, apiculteur·rice·s, technicien·ne·s et scientifiques de différents instituts – principalement de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), du CNRS et des institutions de la filière apicole (ITAPI puis ITSAP-Institut de l’abeille2, FNOSAD3, Associations de développement apicole implantées dans chaque région française, autres associations professionnelles comme l’Anercea4, etc.) – se mobilisent autour d’une multitude d’expérimentations dans la lutte contre le varroa. Celle-ci s’organise selon trois grandes modalités que décrit la littérature scientifique et apicole, et se structure autour de trois principales communautés techno-savantes :

13– une approche génétique qui se fonde sur le fait qu’Apis cerana, l’abeille asiatique, est résistante au varroa, et sur l’observation de lignées russes d’Apis mellifera introduites dans l’Extrême-Orient russe au milieu du xixe siècle et qui semblent résistantes au varroa (lignée Primorsky). À partir des années 1980 et de l’arrivée du varroa, l’intérêt des chercheur·e·s de l’INRA spécialisé·e·s en génétique de l’abeille semble se focaliser sur le varroa, comme en témoigne les travaux d’Yves Le Conte, biologiste de l’abeille, spécialiste mondial du varroa, auteur de la première thèse de doctorat sur les interactions abeilles-varroa et, ce faisant, précurseur dans l’intérêt scientifique porté au parasite (Le Conte, 1990).

  • 5 Le couvain est l’ensemble des œufs, larves et nymphes – les trois phases successives de développeme (...)

14– une voie biotechnique, avec notamment la publication en 1984, dans le magazine apicole La santé de l’abeille, d’un article d’un apiculteur de Moselle qui préconise le retrait de couvain5, innovation biotechnique qui sera reprise dans les années 2000 par les apiculteur·rice·s suisses, italiens puis, plus récemment, français. On trouve aussi déjà des articles d’apiculteur·rice·s ou de scientifiques proposant d’autres méthodes comme « la lutte intégrée », des « luttes bio » sans produits chimiques, « le retrait de couvain » des mâles, « des traitements hivernaux » à l’acide organique, etc.

15– En parallèle de la construction de savoirs scientifiques sur le varroa lui-même, sa biologie, sa physiologie et ses modes d’action et d’interaction avec les abeilles domestiques, se poursuivent une série de travaux expérimentaux relatifs aux molécules chimiques les plus efficaces dans la lutte contre le varroa, mais aussi, dans une moindre mesure, d’autres formes de lutte biotechniques, intégrées, etc. Dans les actes du congrès d’Apimondia de 1981, il est écrit « qu’à cette date déjà plus d’une centaine de molécules chimiques ont été testées sur varroa » (Apimondia, 1981). En quarante ans, des centaines de molécules ont été testées (dont le fluvalinate et l’amitraze, molécules les plus utilisées depuis les années 1980), mais seuls quelques produits ont obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) (Varostan, Coumaphos, Apistan, Apivar, etc.).

16L’approche chimique, parce qu’elle offre les meilleures promesses de retour sur investissements (scientifiques et techniques) et de débouchés industriels pour l’industrie du médicament, l’a toujours largement emporté sur les deux premières approches.

17En effet, parallèlement à l’organisation technoscientifique de la lutte contre le varroa, émerge un nouveau marché, lucratif, de vente de produits chimiques. C’est ainsi qu’une petite entreprise française créée en 1978, Véto-pharma, s’est transformée en géant industriel international, leader en matière de santé des abeilles, aujourd’hui implantée dans trente-cinq pays. Rachetée en 2002 par Arysta LifeScience, l’un des géants des firmes agrochimiques, avec UPL comme maison mère, Véto-pharma fusionne avec Wyjolab en 2019. C’est dans ce contexte commercial de fusion-acquisition d’entreprises que tombe, le 20 octobre 2020, un rappel à l’ordre très agressif et brutal émanant des représentants des autorités sanitaires françaises à l’égard des apiculteur·rice·s et des instituts techniques de la filière. Lors d’une réunion entre la Direction générale de l’alimentation (DGAL), l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) et les associations de développement apicole (ADA), les représentants des autorités sanitaires annoncent que :

Tout usage d’un produit sans autorisation de mise sur le marché pour traiter contre la varroose relève du traitement illégal (utilisation de médicament vétérinaire non autorisé) et expose l’apiculteur à de très lourdes sanctions, y compris sur son cheptel et les produits de ses ruches. En effet, selon le règlement [européen] 2019-2090 applicable depuis décembre 2019, en cas de traitement illégal par un apiculteur, la mise à mort des animaux ayant reçu le produit et la destruction des produits de la ruche doit être ordonnée. (Adapi, 2020 souligné par nous)

  • 6 Marie Astier, journaliste, relaie l’information dans le quotidien Reporterre et sur France Inter dé (...)
  • 7 Membre du conseil d’administration de l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF), l’un des (...)

18Cette information, majeure, signe l’interdiction brutale des pratiques expérimentales alternatives aux traitements chimiques. Si cette notice est passée totalement inaperçue auprès du grand public, à peine relayée par la presse6, au sein de la filière apicole, elle a fait l’effet d’un véritable coup de tonnerre. Elle est qualifiée par les représentants de l’Association pour le développement de l’apiculture provençale (Adapi) de « marche funèbre des expérimentations sur Varroa » (Adapi, 2020). Certains analysent ce mot d’ordre européen comme une manœuvre de la profession vétérinaire visant à s’emparer de la filière apicole : « Tout cela est dû au fait que la profession vétérinaire cherche à entrer dans l’apiculture7 », estime Jean-Marie Sirvins. « Et aux grandes firmes qui veulent que l’on n’utilise que des produits sous AMM. » (Astier, 2021) Le processus d’obtention d’une AMM étant très coûteux, les structures de la modeste filière apicole sont dans l’incapacité de s’y engager et n’ont plus d’autres choix que de recourir aux seuls traitements désormais autorisés, c’est-à-dire ceux financés par les industries pharmaceutiques.

19Dans cette histoire qui s’étend sur quatre ou cinq décennies, les apiculteur·rice·s français.es ont progressivement appris à vivre avec le varroa et à le combattre pour surmonter la crise sanitaire et environnementale qu’il incarne en partie, comme nous allons le voir à présent.

Matériel et méthodes

  • 8 Le Danemark regroupe certains grands noms de l’apiculture contemporaine, et notamment un des éleveu (...)
  • 9 Projet de recherche « ViVa. Vivre avec varroa », financé par FranceAgrimer (2017-2019), projet fran (...)

20Nous avons réalisé depuis 2017 près d’une centaine d’entretiens auprès de scientifiques (de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de l’Institut technique et scientifique au service de l’apiculture (Itsap), de l’Université Aarhus au Danemark8), de technicien·ne·s des ADA et d’apiculteur·rice·s amateur·e·s et professionnel·le·s situé·e·s dans le sud de la France, en Provence et en Aquitaine, en région Centre, et au Danemark. Ces entretiens se sont déroulés dans le cadre de trois programmes de recherches interdisciplinaires9 et collaboratifs, associant anthropologues, biologistes, généticien·e·s, apidologues, bio-statisticien·ne·s, technicien·ne·s et apiculteur·rice·s. Dans le cadre de ces programmes, notre enquête ethnographique s’intéressait autant aux apiculteur·rice·s qu’aux scientifiques et technicien·ne·s impliqué·e·s dans les projets, ce qui nous a permis de documenter à la fois les pratiques des apiculteur·rice·s, leur rapport aux recherches scientifiques sur les abeilles, mais aussi les centres d’intérêt des scientifiques concernant les abeilles et l’apiculture. Les entretiens auprès des apiculteur·rice·s ont été suivis d’enquêtes ethnographiques réalisées auprès de douze apiculteur·rice·s au cours de la saison apicole 2018.

21À partir de l’ensemble du matériel ethnographique collecté dans les trois régions françaises, nous proposons d’analyser la réponse des apiculteur·rice·s à la crise qui affecte la santé des abeilles au travers de la description de trois cas d’apiculteur·rice·s provençaux resitués dans leur trajectoire personnelle. Ce sont trois figures qui incarnent des postures contrastées dans la gestion de la mortalité de leurs colonies. Le contraste se révèle dans un rapport spécifique et subjectif à la chimie relative aux traitements contre le varroa, articulé à un seuil de ce qui paraît pour chacun acceptable en termes d’intervention dans la vie de la ruche. Nous présenterons d’abord Philippe et Jocelyne, qui pratiquent une apiculture conventionnelle privilégiée pour son efficacité ; puis Sophie, qui questionne ses choix sans relâche ; enfin Étienne et Juliette, promoteurs d’une apiculture sans chimie de synthèse. La démarche que nous proposons se situe ainsi à la croisée de la « pensée par cas » (Passeron & Revel, 2005), couramment mobilisée en sciences sociales, et d’une approche inspirée des descriptions par la biographie et le portrait, approche fructueuse en anthropologie ces dernières années (Collectif B., 2020), développée dans la lignée des travaux d’Oscar Lewis (1961) ou, plus près de nous, de Sophie Caratini (2015) et Bernardine Evaristo (2020).

22Dans le texte, nous avons modifié les prénoms et noms des apiculteur·trice·s. Mais il faut rappeler d’une part qu’il·elle·s étaient volontaires pour participer aux recherches que nous avons menées et que, d’autre part, l’approche ethnographique consiste à contextualiser les pratiques apicoles, à montrer qu’il n’y a pas d’itinéraire technique indépendamment d’un·e apiculteur·rice qui le met en œuvre, avec son histoire personnelle, sa famille, son capital économique et social, son inclination pour une apiculture plus ou moins intrusive, intensive, extensive, interventionniste, ses désillusions, ses changements de cap, ses échecs et ses succès. La précision des descriptions rend de ce fait le souci d’anonymat un peu illusoire.

Philippe et Jocelyne, partisans de traitements conventionnels

23Philippe Durand est né en 1959 à Toulon et sa femme Jocelyne en 1960 à Forcalquier. Ils ont toujours habité en Provence. Philippe vient d’une famille d’apiculteurs amateurs : son grand-père, son père et son oncle avaient une cinquantaine de ruches. Enfant, il les aide, tient l’enfumoir et écoute leurs explications apicoles. Il commence sa vie active comme plombier puis cantonnier, mais abandonne assez vite ces métiers qui ne lui plaisent pas. En 1982, il est cantonnier à mi-temps et commence à monter son cheptel, restant pendant deux ans apiculteur pluriactif. Et puis, raconte-t-il, « À un moment donné, il faut choisir ! Ce qu’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre ! Mille métiers, c’est mille misères ! ». En 1984, avec quatre cents ruches, Philippe devient apiculteur professionnel. Jocelyne, sa femme, est issue d’une famille d’agriculteurs. Elle tenait alors une épicerie. À partir de 1994, elle devient conjointe collaboratrice sur son exploitation apicole. À l’époque, dit sa femme Jocelyne, ils n’avaient droit à aucune aide à l’installation. Philippe travaille alors avec l’aide de son oncle et de son père qui lui donnent des coups de main.

  • 10 Médicament contre le varroa dont la molécule active est le fluvalinate.

24Installée en apiculture en même temps que l’arrivée du varroa en France, cette famille Durand porte un regard rétrospectif sur les traitements et sur la pénibilité de l’infestation, croissante avec les décennies. Au début des années 1980, le varroa n’est pas encore arrivé dans le sud de la France. Philippe raconte : « les ruches aujourd’hui demandent beaucoup plus de temps qu’à cette époque-là, à cause du varroa. » Il se souvient que le varroa est arrivé sur leur exploitation en 1986. « Mais il n’y en avait alors pas beaucoup ; il suffisait de traiter une fois et il n’y avait pas trop d’évolution. Les traitements faisaient plus d’effet que maintenant. On faisait un traitement et on était tranquille pour l’année. » Jocelyne ajoute que les colonies résistaient davantage. « Nous on avait 3 à 5 % de mortalité, maintenant vous en avez 20 % ou 30 % ! Il faut traiter deux fois et ça prend du temps. Vous avez plus de mortalité, il faut rentrer plus de matériel, plus désinfecter, plus de manipulations. » Philippe raconte que dans les années 1990, il utilisait Apistan10 et que « ça marchait du feu de Dieu. Mais varroa s’est accoutumé au fluvalinate, et il elle a perdu toute son efficacité. Le fluvalinate était utilisé pour lutter contre l’araignée rouge, un acarien parasite des arbres fruitiers. Et ils se sont aperçus alors que les apiculteurs qui pollinisaient ces arbres fruitiers avaient moins de varroas que les autres. C’est comme cela que l’Apistan a été créé ! ».

25Leur fils Jérôme, né en 1983 à Manosque, commence par faire des études pour être professeur de sport, mais change finalement de voie et se réoriente, avec son père, dans l’apiculture, même si le contexte des années 2000 n’est pas très favorable à une installation comme apiculteur professionnel étant donné, dit-il, les fortes mortalités de cette période. Mais il persévère, passe le brevet professionnel responsable d’entreprise agricole (BPREA) en 2009, s’installe avec la dotation jeune agriculteur (DJA) en 2010 et intègre le groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) de ses parents. Sa femme Laurence, née en 1988, passe son BPREA après deux années d’études pour devenir laborantine. Son père, apiculteur amateur, possède une vingtaine de ruches. Laurence a aujourd’hui encore le statut de conjointe collaboratrice, comme sa belle-mère, Jocelyne, qui l’a eu de 1994 à 2015. Ce statut agricole offre une protection minimale en termes d’assurance et de cotisations retraite, mais il ne permet pas de rémunérer le travail effectué. Partis avec deux cents ruches en 1982, ils en ont plus de mille au moment de l’enquête, ce qui correspond à une exploitation importante pour la France.

26Leur exploitation apicole suit un schéma technique bien rodé et a atteint depuis longtemps une vitesse de croisière qui permet aux quatre membres de cette même famille d’en vivre convenablement. Avec plus de mille ruches, et quarante emplacements de ruchers, ils se déplacent beaucoup et souvent. À certaines périodes de la saison apicole, ils font de grands circuits de transhumance, roulant parfois jusqu’à huit heures pour aller chercher l’acacia ou le châtaignier en montagne et revenant en juillet pour la lavande en Provence. Avant de se déplacer si loin avec leur camion et leurs colonies, ils téléphonent à un agriculteur, ami de Philippe qui vit à proximité des sites où seront déposées les ruches, pour qu’il leur donne des informations sur l’avancée de la miellée d’acacia, car, dit-il, il faut mettre les ruches dès la première fleur d’acacia. Ils regardent aussi sur le bord des routes chez eux, dans les Alpes-de-Haute-Provence, car ils savent que lorsque les acacias de tel ou tel quartier de Forcalquier sont fleuris, c’est que les acacias de leur rucher dans le nord seront en fleurs une semaine plus tard. « On a toujours des repères ! » dit Jérôme. Ils s’appuient donc à la fois sur les observations de leurs collègues et ami·e·s agriculteur·rice·s ou apiculteur·rice·s qui vivent dans la région où ils vont aller transhumer et sur leurs propres observations locales des mêmes espèces d’arbres dont ils suivent attentivement le cycle de floraison.

27Ils produisent environ vingt tonnes de miel par an, ce qui donne une moyenne de vingt kilos de miel par ruche, vendu à 90 % en vrac et 10 % en direct. Ils ont toujours vendu leur miel à des grossistes, même dans les années 1990 quand le prix du miel était bas. Jocelyne se souvient que l’Adapi a alors joué un rôle important :

C’était un peu difficile dans les années 1990, car le prix du miel était tombé bas. Le miel avait chuté, il était tombé à dix-sept francs et même à quatorze francs, c’était pas cher ! Il fallait en faire du miel pour gagner sa vie ! Et il faut reconnaître que l’Adapi ils nous ont bien défendus. Ils se sont bien battus pour le miel de Provence, de lavande. Avant, le miel il n’était pas valorisé donc il est remonté en cote. Aujourd’hui les gens reviennent au naturel, c’est moins difficile !

28Actuellement, à dix euros minimum le kilogramme de miel de lavande en fûts, et huit euros le miel toutes fleurs, elle trouve que ce sont de bons prix pour les apiculteur·rice·s dont les revenus ont ainsi été multipliés par cinq en trente ans (et quasiment par dix pour la vente au détail, le prix du miel de lavande dépassant couramment vingt euros le kilo). Et comme il n’y a pas de stock, que la demande est forte et que l’on manque de miel, les prix ne sont pas près de baisser.

  • 11 L’Apivar est un médicament dont la molécule est l’amitraze. Ce médicament est le plus vendu en Euro (...)

29Depuis toujours, ils travaillent avec l’abeille noire, qui leur convient en termes de rusticité et de productivité, même si elle produit moins de miel que d’autres abeilles. Ils privilégient une abeille qui consomme peu et demande peu d’interventions, car ils préfèrent gérer un plus grand nombre de ruches que d’avoir à intervenir plus souvent sur chacune d’entre elles. En termes de lutte contre le varroa, ils ont toujours traité avec de la chimie de synthèse, globalement satisfaits de l’efficacité des produits même si, en trente-cinq ans d’apiculture, ils ont dû changer six fois de protocole de traitement. Aujourd’hui, ils traitent leurs colonies en plaçant dans les ruches des lanières Apivar imprégnées d’amitraze11. Même s’ils se disent satisfaits de l’efficacité de l’Apivar, ils aimeraient bien utiliser une autre molécule par peur de l’accoutumance des varroas. Les Durand adaptent la conduite de leur exploitation en fonction des subventions attribuées par les institutions européennes et françaises pour l’usage de telle molécule, au gré aussi de ce qui leur paraît acceptable pour la vie de l’exploitation et des abeilles. En effet, les pouvoirs publics incitent à l’utilisation de certains traitements – qui varient plus ou moins selon les années – par le biais des groupements de défense sanitaire apicole (GDSA), présents dans la plupart des départements français, qui les proposent aux apiculteur·rice·s à des prix attractifs.

  • 12 Technique de lutte contre le varroa sans chimie, qui consiste à encager la reine pour l’empêcher de (...)
  • 13 L’acide oxalique est un acide organique végétal utilisé en apiculture pour lutter contre le varroa. (...)

30Il ne saurait être question pour eux de procéder à l’encagement de reines12. Trop de ruches, trop de travail pour chercher la reine. Inenvisageable également d’utiliser de l’acide oxalique,13 car il n’est efficace que lorsqu’il n’y a pas de couvain. Or, leurs ruches ont du couvain en permanence, même tard dans la saison, car les reines ne s’arrêtent quasiment pas de pondre. Et puis, cela leur paraît peu souhaitable d’arroser les abeilles d’acide (oxalique ou formique). S’il faut se protéger le corps des projections d’acide en portant des bottes, des lunettes et des gants, c’est bien que le produit est nocif pour l’apiculteur·rice, et qu’il est également corrosif pour les abeilles.

31Selon les Durand, les principaux problèmes auxquels sont confrontées les colonies d’abeilles, sont le varroa, le climat, les produits phytosanitaires et le vol de ruches ! Mais une autre difficulté est soulevée par Philippe. En effet, la charge de travail a augmenté d’au moins 30 % depuis qu’il est apiculteur, en raison dit-il de l’obligation des traitements sanitaires (anti-varroas notamment), de la nécessité de renouveler le cheptel et de nourrir les colonies en l’absence de ressources mellifères suffisantes. Pour lui, le bon apiculteur est celui qui fait du miel et qui n’a pas beaucoup de mortalité. Avec l’expérience, il a progressivement appris à maîtriser une multitude de facteurs, tirant les leçons de l’année précédente et s’adaptant en permanence à l’évolution du climat, à la charge en varroa, aux intoxications, au prix du miel, etc.

Sophie, une apiculture du doute

32Sophie est née en 1972 à Montélimar. Elle a grandi à proximité de cette ville dans une famille ouvrière catholique ; son père travaillait dans une centrale nucléaire et ses grands-parents étaient agriculteurs. En 1992, elle passe un brevet de technicienne agricole dans les espaces verts et la conception de jardins. Elle travaille dans ce domaine jusqu’en 1999, dans une entreprise du nord de la Drôme. Mais les relations avec son patron se dégradent, il abuse de son autorité, refuse de rémunérer Sophie au même niveau que le personnel masculin alors qu’elle travaille sans compter ses heures. Les conditions de travail et la pression devenant insupportables, elle démissionne en 1999.

33En 1998, elle rencontre Pierre dans un cours d’aïkido dont il était l’animateur, et qui devient son compagnon. Ils vivent ensemble jusqu’en 2004 et Sophie apprend auprès de lui l’apiculture. Mais leur relation se détériore. Bien qu’elle participe activement aux activités de l’exploitation, Pierre ne reconnaît pas son implication et refuse de la déclarer comme conjointe collaboratrice et salariée de l’exploitation. Elle souhaite lancer une activité d’élevage de reines, mais ne bénéficiant d’aucun soutien de la part de son conjoint, elle abandonne ce projet. Elle finit par ne plus supporter le machisme de cet homme qui selon elle l’exploite sans vergogne. En 2003, elle part en Corse faire un stage d’apiculture, et en 2004 retourne vivre dans sa région d’origine, Montélimar, sans ressource.

  • 14 Certains apiculteur·rice·s louent leurs ruches à des agriculteur·rice·s pour que leurs abeilles pol (...)

34Les nombreuses épreuves qu’elle a traversées en tant que femme dans ses précédentes activités professionnelles et au sein du milieu apicole, où elle s’est systématiquement sentie exploitée, alimentent un vif sentiment d’amertume vis-à-vis des relations humaines en général, et des hommes en particulier. En 2005-2006, elle est embauchée par Icko, magasin d’apiculture réputé, pour faire du conseil et de la vente et travailler à l’entretien des ruches de la société. Mais elle part au bout d’un an, supportant mal l’autorité du patron de la société. Elle enchaîne alors des petits boulots et, avec l’aide financière d’une amie, achète ses premières ruches. Elle parvient à investir et à monter son exploitation grâce, notamment, au service de pollinisation14 qu’elle propose aux agriculteur·rice·s de sa région. Par exemple, c’est grâce à la pollinisation des melons qu’elle a pu acheter un camion. En 2010, alors âgée de 38 ans, elle s’installe comme apicultrice professionnelle à Valaurie, près de Montélimar. Elle a alors deux cents ruches. Jusqu’en 2012, elle continue ce service de pollinisation, activité qui requiert alors une organisation méticuleuse, car elle choisit volontairement de petites exploitations agricoles. En effet, à ses yeux, cette activité de pollinisation doit contribuer à l’amélioration des pratiques agricoles en encourageant l’échange avec les agriculteurs. Elle préside même pendant plusieurs années le Groupement régional des apiculteurs pollinisateurs professionnels (Grapp). Mais elle déchante rapidement en constatant que les apiculteur·rice·s ne sont pas reconnu·e·s par les agriculteur·rice·s comme des égaux ni même comme des partenaires indispensables.

35Elle s’investit dans d’autres structures de la filière apicole, syndicales comme le Syndicat de miel de Provence et des Alpes du Sud (Sympas) et la Confédération paysanne, ou plus techniques comme l’Association pour le développement de l’apiculture en Auvergne Rhône-Alpes (ADA AURA), l’Adapi, ADA France et l’ITSAP. Autant d’engagements qui lui permettent d’avoir un regard critique sur la structuration de la filière apicole. Toujours très impliquée, forte de ses convictions, elle siège notamment au Comité apicole et participe ainsi aux réunions d’orientation des projets de recherche pour les apiculteur·rice·s. Au sein de ce comité, elle se bat depuis des années pour obtenir des financements afin de mener des recherches sur le varroa. Elle a largement participé à la promotion du projet de recherche Viva dans le cadre duquel nous l’avons rencontrée. Au sein de la commission sanitaire de l’ADA AURA, elle s’intéressait déjà au varroa et travaillait sur les différentes techniques de traitement, notamment à travers une forme de recherche-prospection des initiatives et innovations qui avaient cours un peu partout. L’ADA AURA figure parmi les premiers promoteurs des méthodes biomécaniques en France, comme l’encagement de reines et le retrait de couvain.

36Sophie estime qu’il y a un matraquage médiatique de la part de nombreux apiculteur·rice·s sur la thématique des pesticides au détriment d’une véritable considération de la problématique du varroa. Elle trouve qu’il·elle·s sous-estiment l’impact de la présence de varroa dans les colonies. Pour elle, le principal enjeu scientifique est d’aider les apiculteur·rice·s à améliorer la gestion du varroa dans la conduite de leur cheptel et de leur exploitation apicole. Elle considère que les expérimentations scientifiques de l’INRA et de l’Adapi décontextualisent la complexité du terrain. Par exemple, elle regrette que l’évaluation de l’efficacité des traitements actuels, par les mesures Adapi à partir d’un prélèvement de cent abeilles qu’elle estime insuffisant, ne garantisse pas un niveau de certitude maximal.

37Sophie possède aujourd’hui environ trois cents ruches d’abeilles Buckfast et caucasiennes. Elle a subi d’importantes pertes ces dernières années, notamment en 2017 lorsque 60 % des reines de son élevage sont mortes. En 2018, elle constatait une dynamique de couvain très faible dans ses colonies. À cela s’ajoute le cumul d’années de disette avec un environnement dont les ressources pollinifères et nectarifères se tarissent à l’automne. Écœurée par ces constats et cette accumulation de mauvaises nouvelles, Sophie est démoralisée. Elle n’arrive pas à se relever des pertes qu’accusent ses jeunes colonies. Ce scénario morose prend l’allure d’une série dont les épisodes s’enchaînent chaque année et entament sa capacité de décision. L’idée d’arrêter l’apiculture la taraude. Face à ce constat amer et désabusé, elle s’interroge sur ses pratiques : est-ce sa manière de scruter les ruches, de trop près, ou ses traitements anti-varroas en biomécanique, ou encore ses circuits de transhumance qui expliquent cette situation morose ?

38Elle dit pratiquer une « apiculture à la loupe », passant en revue chaque ruche dans le détail. Soucieuse de l’état de ses ruches et de leurs abeilles, elle passe beaucoup de temps à les observer. Très précautionneuse et délicate, elle prend soin de n’écraser aucune abeille. Confier ses ruches à l’Adapi et aux technicien·ne·s relève pour elle d’une épreuve de confiance et elle tient à être toujours présente lorsqu’il y a des interventions : « Une ruche pour un apiculteur, c’est ses tripes ! ».

39Géographiquement située à la frontière entre le sud de la Drôme et le nord de la Provence, elle pratique une apiculture à cheval entre ces deux régions, allant chercher l’acacia, le châtaignier et le colza au nord de la Drôme et la lavande en Provence. Elle se sent constamment tiraillée entre différentes stratégies de miellées, et donc de débouchés commerciaux, et change très souvent d’emplacements. Sachant que la lavande est une miellée très rentable, elle se demande si elle ne devrait pas revoir toute la stratégie de son exploitation pour se focaliser sur celle-ci.

40Enfin, elle questionne ses traitements anti-varroas qui, selon les années, combinent des méthodes biomécaniques (encagement de reines, griffage et retrait de couvain), chimiques de synthèse (lanières imprégnées d’Apivar les mauvaises années) et chimiques organiques (acides formique et oxalique). Elle adopte en la matière une posture plutôt pragmatique, acceptant d’utiliser de la chimie de synthèse dans ses ruches, mais elle le déplore compte tenu de son attachement à des pratiques apicoles vertueuses, c’est-à-dire sans chimie. Mais l’efficacité prime ! Le griffage de couvain lui semble également contestable puisqu’il consiste à détruire les futures abeilles.

41À rebours d’une apiculture hors sol qui se caractérise pour Sophie par des nourrissements intensifs de stimulation, elle nourrit ses colonies exclusivement au pain de sucre, estimant que les abeilles doivent arriver à vivre toutes seules et que l’apiculteur n’est là que pour contrôler l’état de ses colonies. Elle marche à l’affect, gardant des colonies faibles que d’autres apiculteur·rice·s n’hésiteraient pas à mettre « hors circuit », les considérant comme des « non-valeurs ». Elle se justifie ainsi : « Je ne suis pas pro, je garde des non-valeurs, je ne veux pas les jeter. Mais il faut que je produise pour en vivre ! Je me dis que je ne suis pas pro, mais ce n’est pas vrai. Simplement, je travaille à l’affect. J’essaie de me mettre à la place de l’abeille. C’est du vivant ! » Elle résume bien là son rapport aux abeilles, empreint d’affects, ceux-ci l’empêchant de se positionner exclusivement comme une productrice de miels.

Étienne et Juliette, une apiculture sans chimie de synthèse

42Étienne est né en 1985 dans le Queyras. Après un diplôme universitaire de technologie (DUT) en thermique et énergie à Marseille en 2008, il revient s’installer dans le Queyras où il enchaîne des petits boulots et rencontre le père d’un de ses amis, Yves, grande figure de l’apiculture biologique en Provence. Yves lui propose de faire une saison apicole chez lui en production de gelée royale. Cette expérience résonne chez Étienne comme une révélation : « Il y avait vraiment un truc qui m’a bouleversé à l’intérieur ! Je me suis retrouvé à faire quelque chose qui me faisait vraiment vibrer. J’étais trop content de me lever le matin, ça me fascinait complètement. Je n’ai jamais bossé avec mon DUT et à partir du moment où j’ai découvert les ruches, je n’ai plus fait que ça ! » Il travaille plusieurs saisons chez Yves et, sur ses conseils, part faire un tour de France des apiculteur·rice·s pour mieux comprendre la diversité du métier. Il décide aussi de partir six mois en Amérique latine en 2009 pour y découvrir l’apiculture de cette région du monde. Il réalise en 2010 un documentaire sur l’apiculture en Uruguay. À son retour, alors âgé de 26 ans, il passe son BPREA à Hyères en 2011 et fait un stage chez Jean-Louis, grande figure lui aussi de l’apiculture régionale, réputé notamment pour ses compétences techniques en termes d’élevage et de sélection.

43Juliette a un tout autre parcours. Née en 1982, elle travaille quelque temps dans le milieu culturel, associatif et social, puis comme bénévole au sein de l’association Bzzz à Marseille. Cette association promeut une apiculture durable et la préservation de la biodiversité en organisant différentes animations et actions de sensibilisation. C’est au cours de l’une d’elles que Juliette et Étienne se rencontrent en 2016. Elle découvre avec Étienne une toute autre apiculture, professionnelle, avec des contraintes économiques de production de miel :

J’ai trouvé ça génial les transhumances ! Je me disais c’est fou, on commence à transhumer à la montagne, on arrive dans des endroits, des espèces de paradis sur Terre où tu amènes tes ruches à deux heures du matin, tu décharges, il n’y a pas un bruit, pas une maison ! Il y a des côtés un peu fous de liberté énorme qui m’ont sauté aux yeux. C’est une chance incroyable, tu es complètement indépendant et toujours en contact avec la nature. 

44En 2016, Juliette démissionne et s’installe chez Étienne à Gréoux-les-Bains pour travailler avec lui dans son exploitation apicole.

  • 15 Une hausse est une caisse en bois que l’on ajoute au-dessus des ruches pour permettre aux abeilles (...)
  • 16 La miellerie est le lieu où les apiculteur·rice·s extraient le miel des hausses, le filtrent et le (...)

45C’est en 2013 qu’Étienne achète ses premières ruches à Jean-Louis, tout en demeurant salarié apicole dans deux exploitations jusqu’en 2018. Cette année-là, il devient apiculteur professionnel avec deux cent quatre-vingts ruches. Formé auprès d’Yves à une apiculture biologique, il commence dès l’achat de ses premières ruches à en suivre les méthodes, adoptant notamment une gestion de l’infestation à varroa intégrée dans la gestion de son cheptel. Cela signifie que la prise en compte du varroa est associée tout au long de l’année à la gestion générale du cheptel : élevage de reines, préparation à l’hivernage visant à réduire la pression varroa au maximum, techniques de traitement biomécanique et aux autres interventions apicoles (renouvellement de cheptel, création de nouvelles colonies). Il bénéficie également de la qualité des reines et des essaims qu’il achète chez Jean-Louis, apiculteur éleveur chevronné, ce qui lui a permis, dit-il, d’avoir des lignées performantes dès le départ et de produire du miel rapidement. Bien entouré et conseillé par deux apiculteurs expérimentés au cours de cette période déterminante que constitue la phase d’installation, Étienne a cependant eu besoin du revenu de solidarité active (RSA) pour subvenir à ses besoins pendant que sa production de miel lui permettait d’investir progressivement dans son exploitation : achats de ruches, de hausses15, d’un camion, d’une remorque, etc. Ce n’est qu’en 2018 qu’ils peuvent devenir locataires d’une miellerie16. Jusqu’alors, ils extrayaient leurs miels chez des collègues ou ami·e·s apiculteur·rice·s en échange de coups de mains, notamment pour les traitements sanitaires.

46Très insérés dans les réseaux technico-scientifiques de l’Adapi, ils participent volontiers aux différents projets de recherche, que ce soit sur le varroa ou sur les questions de sélection, ce qui leur permet en retour de compléter leurs connaissances techniques apicoles. Leur approche du varroa sans chimie de synthèse les a conduits à accepter de participer à un réseau de testage proposé par l’INRAE portant sur l’amélioration de la génétique des abeilles et l’évaluation de leur résistance au varroa. En règle générale, ils suivent de près les travaux menés dans leur ADA et prêtent leurs colonies pour des expérimentations qui pourraient les aider à réduire les intrants. S’agissant du varroa, ils adhèrent à l’idée qu’une meilleure résilience des abeilles à l’infestation permettrait d’administrer moins de produits de traitement dans les ruches ; c’est important dans une période où, au contraire, on en est venu à allonger de façon significative l’exposition des abeilles à l’Apivar pour prolonger l’efficacité du traitement. Au bout du compte, Étienne et Juliette se positionnent en producteurs de miel et, dans cette perspective, donnent la priorité à une sélection génétique qui améliore la production de miel. La résistance au varroa vient ensuite. Au fond, pour eux, le varroa n’est pas un problème majeur car ils gèrent correctement l’infestation et ne se sont pas laissés déborder. Ils utilisent des méthodes de lutte biotechnique, comme l’encagement de reines en fin de miellée de lavande et la destruction de couvain, associées à l’usage d’acide oxalique en fin de saison et en hiver. Le varroa est ainsi pour eux un problème chronophage mais gérable, comparé à l’angoisse omniprésente que génèrent la météo et les miellées.

47Étienne aime la complexité technique de l’apiculture, notamment en matière d’élevage et de sélection. Il est tenté de se lancer dans de l’insémination artificielle des reines, bonne méthode dit-il, pour reproduire une abeille résistante au varroa en étant plus performant en termes de sélection sur son exploitation. Mais il émet des réserves éthiques et philosophiques à l’égard de telles pratiques au vu des conséquences négatives engendrées par ces excès de sélection génétique dans les autres filières, animales et végétales, avec des agriculteur·rice·s obligé·e·s d’acheter leurs semences à des sous-traitants et un appauvrissement considérable de la diversité génétique. Il se réjouit qu’en matière d’abeilles, la fécondation des reines se fasse à l’extérieur des ruches, de manière un peu sauvage et difficile à contrôler. « C’est une chance pour l’apiculture qu’il y ait autant d’apiculteurs de loisirs qui font un maillage de colonies sur un territoire et que la fécondation des reines reste un peu sauvage ! ».

48En résumé, on peut dire que le rapport à la nature d’Étienne et de Juliette mêle des considérations écologistes fortes à des pratiques apicoles très techniques et intrusives, approche que l’on retrouve souvent chez les apiculteur·rice·s et agriculteur·rice·s biologiques. Ils refusent toute utilisation de produits chimiques dans leurs ruches, préférant agir sur l’élevage et la sélection pour conserver un cheptel en bonne santé et le renouveler, et utilisant des méthodes de lutte anti-varroas biotechniques.

Conclusion

49Suivant le cadre d’analyse proposé par Giovanna Di Chiro (2008), qui articule les enjeux de santé environnementale aux logiques de reproduction sociale, l’enquête montre que la gestion de la crise de la surmortalité des abeilles s’enchâsse, pour les apiculteur·rice·s, dans des questions qui la dépassent, où l’approche technique de l’exploitation apicole est totalement liée à l’identité, à l’individualité sociale de chaque apiculteur·rice. La discussion sur l’état de santé des abeilles domestiques, focalisée pour la période contemporaine sur la gestion du varroa, se tient ainsi à l’aune des représentations du monde des apiculteur·rice·s. Il faut considérer simultanément leur représentation d’eux-mêmes dans le monde et leur représentation des abeilles, à la croisée de l’outil de production de miel et de l’être vivant. On voit que le rapport des apiculteur·rice·s à la santé des abeilles est médiatisé par leur rapport à la nature, qui s’exprime dans le discours tenu sur les médicaments proposés pour lutter contre le varroa et sur les alternatives aux médicaments, principalement l’élevage de lignées d’abeilles, rustiques ou productives, ou résistantes au parasite. Comme nous l’avons vu, les stratégies de lutte ont évolué depuis les années 1980 et sont clairement identifiées et connues des apiculteur·rice·s. Elles s’étalent sur un continuum allant du traitement naturel (sans chimie) aux médicaments disponibles en chimie conventionnelle (Dussy & Faugère, 2019 ; Faugère & Dussy, 2020).

50Pour certain·e·s, il est inenvisageable de mettre de la chimie de synthèse dans leurs ruches pour lutter contre le varroa ; ces produits les « dégoûtent », les rendent malades et appartiennent à un monde qu’il·elle·s rejettent catégoriquement dans leur vie en général (il·elle·s mangent « bio », votent « écolo », etc.). Pour d’autres, prendre soin de leurs abeilles signifie les traiter avec des produits chimiques de synthèse qui, disent-il·elle·s, sont au fond moins nocifs d’usage et les maintiennent en meilleure santé que des produits « bio » moins efficaces. En résumé, chaque apiculteur·rice professionnel·le négocie la crise de la surmortalité des abeilles en fonction de considérations idéologiques et pragmatiques qui évoluent au fil de leur trajectoire de vie. Mais dans tous les cas de figure, il·elle·s sont guidé·e·s par la perspective de produire et de vendre suffisamment de miel et d’autres produits de la ruche pour continuer d’en vivre.

Cette recherche a été financée par France Agrimer – Union européenne-Région SUD – Région Nouvelle-Aquitaine – Région Centre – INRAE – Europe-fonds Interreg.

Nous remercions les apicultrices, apiculteurs, apidologues qui ont bien voulu participer à l’enquête ethnographique, et remercions également Etienne Amiet, Philippe Hert, Constance Beri et Aurélie Rondreux pour leur participation à la collecte des données et aux discussions qui l’ont accompagnée.

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Notes

1 L’apidologie étudie scientifiquement le comportement et l’élevage des abeilles. Ce processus de scientifisation et le virage technoscientifique pris par l’apiculture en France à partir des années 1990/2000 sont similaires à ceux décrit par Laurent Cilia (2020) au sujet de l’apiculture commerciale aux États-Unis. Dans deux articles précédents (Dussy & Faugère, 2019 ; Faugère & Dussy, 2020), nous avons décrit et analysé le rapport des apiculteur·rice·s aux savoirs scientifiques et techniques. Ces deux textes résonnent fortement avec l’article de Laurent Cilia (2020).

2 L’Institut technique d’apiculture (ITAPI) est le premier institut technique apicole créé en France dans les années 1970. Il sera dissout au début des années 1990. L’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation (ITSAP) a été créé en 2009.

3 Fédération nationale des organisations sanitaires apicoles départementales, créée en 1966.

4 Association nationale des éleveurs de reines et des centres d’élevage apicoles, créée en 1979.

5 Le couvain est l’ensemble des œufs, larves et nymphes – les trois phases successives de développement des abeilles – contenu dans une ruche. Le « retrait de couvain » est une technique apicole qui consiste à enlever de la ruche un ou plusieurs cadres contenant ce fameux couvain pour le mettre dans une autre ruche.

6 Marie Astier, journaliste, relaie l’information dans le quotidien Reporterre et sur France Inter début janvier 2021.

7 Membre du conseil d’administration de l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF), l’un des principaux syndicats apicoles.

8 Le Danemark regroupe certains grands noms de l’apiculture contemporaine, et notamment un des éleveurs de reines le plus connu dans le monde de l’apiculture occidentale.

9 Projet de recherche « ViVa. Vivre avec varroa », financé par FranceAgrimer (2017-2019), projet franco-italien « Innov’Api » (financé par les projets européens Interreg, 2017-2020) et projet « Genobees » financé par le métaprogramme SELGEN de l’INRA (2016-2018). Outre les deux auteures de l’article, les personnes suivantes ont participé au volet sciences sociales du projet Viva et aux enquêtes : pour la région Provence, Etienne Amiet, diplômé d’un master 2 en sociologie, Constance Béri, ingénieure à l’ITSAP-Institut de l’Abeille et Philippe Hert, enseignant-chercheur Aix-Marseille Université, Centre Norbert Elias ; pour la région Centre, Aurélie Rondreux, doctorante au Centre Norbert Elias et dont la thèse porte sur les conservatoires d’abeilles noires en France.

10 Médicament contre le varroa dont la molécule active est le fluvalinate.

11 L’Apivar est un médicament dont la molécule est l’amitraze. Ce médicament est le plus vendu en Europe dans la lutte contre le varroa.

12 Technique de lutte contre le varroa sans chimie, qui consiste à encager la reine pour l’empêcher de pondre, le varroa se reproduisant dans les cellules de couvain.

13 L’acide oxalique est un acide organique végétal utilisé en apiculture pour lutter contre le varroa. Son utilisation, comme l’acide formique, autre méthode biologique de lutte contre le varroa, est dangereuse pour l’homme et pour l’abeille, et nécessite d’importantes précautions d’usage.

14 Certains apiculteur·rice·s louent leurs ruches à des agriculteur·rice·s pour que leurs abeilles pollinisent leurs cultures.

15 Une hausse est une caisse en bois que l’on ajoute au-dessus des ruches pour permettre aux abeilles de stocker davantage de miel que ce qui suffit à la vie de la ruche. En fonction de l’importance de la miellée, l’apiculteur·rice superpose les hausses et les récupère en fin de miellée pour en recueillir le miel.

16 La miellerie est le lieu où les apiculteur·rice·s extraient le miel des hausses, le filtrent et le conditionnent, en fûts s’il·elle·s souhaitent le vendre en gros, ou en pots s’il·elle·s souhaitent le vendre au détail.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Elsa Faugère et Dorothée Dussy, « Abeilles, apiculteur·trice·s et varroa : cohabiter en temps de crises »Anthropologie & Santé [En ligne], 22 | 2021, mis en ligne le 28 mai 2021, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/anthropologiesante/9593 ; DOI : https://doi.org/10.4000/anthropologiesante.9593

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Auteurs

Elsa Faugère

UMR Innovation, INRAE, Campus La Gaillarde – 2 place Viala – Bat 27 - 34060 Montpellier Cedex 02, France, elsa.faugere@inrae.fr

Dorothée Dussy

Centre Norbert Elias, EHESS, 2, rue de la charité, 13002 Marseille, France, ddussy@ehess.fr

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