Chantilly (Oise). Jeu de l’oie du Petit Parc (château de Chantilly)
Texte intégral
1Louis IV Henri de Bourbon-Condé (1692-1740) a fait aménager la zone boisée située au SE du château de Chantilly peu avant sa mort en 1740. Elle prend alors le nom de Petit Parc, entité paysagère comprenant plusieurs bosquets caractéristiques du style Louis XV, dont certains abritaient des jeux de plein air, notamment un jeu de l’oie grandeur nature d’environ 3,5 ha. D’après l’analyse de la documentation écrite, cet aménagement paysager était un espace boisé parcouru par une allée en spirale constituant le parcours de jeu sur lequel les joueurs pouvaient circuler et lancer leurs dés – en fait deux grosses boules en bois numérotées de 1 à 6. Cette allée était bordée de palissades à hauteur d’appui – probablement en charmille – et ponctuée de salles constituant les 63 cases du jeu. Les salles rectangulaires, symbolisant les cases simples, comportaient sur le côté droit de l’allée une borne en pierre carrée sur laquelle était gravé le numéro de la case. Les salles rondes, symbolisant les cases oie, comportaient une borne numérotée ainsi qu’une statue d’oie posée sur un socle monolithe situé du côté gauche de l’allée. Enfin, les salles spéciales du puits, du pont, de la mort, du cabaret, du labyrinthe, de la prison, étaient agrémentées de petits édicules, ou « fabriques », illustrant la thématique de la case. Ce jeu de l’oie a été aménagé aux alentours de 1737 et abandonné au début des années 1770. La presque totalité des bornes en pierre marquant ses cases sont toujours en place, de même que certains socles d’oie ainsi que le pont et le puits qui agrémentaient respectivement les cases n° 6 et n° 31. En revanche, l’allée et les structures végétales originelles ont disparu, le bosquet a actuellement l’apparence d’un sous-bois clairsemé. Dans le cadre d’un projet de restauration et de remise en fonction du jeu, et afin de compléter les données déjà acquises lors d’un diagnostic réalisé par l’Inrap en 2011, une prospection géophysique par la méthode électrique et quelques sondages complémentaires confiés à un archéologue spécialiste des jardins ont été réalisés. La prospection électrique menée en novembre 2012 avec l’aide de C. David, archéologue géophysicien, sur une surface de 4 500 m2 (soit 13 % de la surface totale du bosquet), a permis de repérer un certain nombre d’aménagements. L’intervention de décembre 2012 a mis au jour les fondations maçonnées du socle de la mort (case n° 58), du Labyrinthe (case n° 42) et de deux socles d’oie (cases n° 5 et 18), ainsi qu’une borne (n° 60) et plusieurs socles d’oie (cases n° 23, 27 et 41) conservés en élévation mais non repérés en 2011. Ainsi l’emplacement de quasiment tous les éléments maçonnés du jeu, y compris de ceux qui ont disparu en élévation, peuvent être situés précisément. En revanche, il ne reste aucune trace archéologique de l’allée en spirale et des tranchées de plantation des charmilles qui l’encadraient. L’absence de couche de recoupe ou de sable laisse penser que le parcours de jeu était soit en terre, soit revêtu de pelouse. Ce type d’aménagement minimaliste a très peu d’impact sur le sous-sol. De plus, les traces ténues liées aux piétinements des joueurs ont sans doute été rapidement gommées par l’intense activité biologique qui règne dans ce contexte de sous-bois, d’autant que la fréquentation du jeu, sur une trentaine d’années seulement, était très occasionnelle. La disparition des petites rigoles de plantation des charmilles, lesquelles, selon les principes du grand théoricien des jardins A.-J. Dezallier d’Argenville (1680-1765), ne devaient pas faire plus d’un pied de profondeur, s’explique également par la nature du sol. L’analyse stratigraphique des coupes latérales des trois sondages réalisés et l’analyse de la documentation historique ont permis de caractériser neuf grandes étapes chronologiques retraçant l’histoire de la parcelle. Une seconde campagne aura pour objectif la mise au jour des substructions maçonnées des socles et édicules manquants, et le relevé précis de tous les vieux charmes subsistant actuellement sur la parcelle. Ces arbres, certainement hérités des palissades de verdure originelles, renseignent quant à l’implantation de ces dernières ; cela permettra à l’architecte chargé de la restauration de disposer d’éléments tangibles pour élaborer un projet cohérent. Nous cernons mieux, par ailleurs, ce que pouvait être un jeu de l’oie grandeur nature du xviiie s. Il n’en existe que trois exemples connus en France, tous étaient traités comme des bosquets de verdure : celui de Choisy-le-Roi, détruit au xixe s., celui de Chamarande, fouillé par S. Hurtin dans les années 1990, et celui de Chantilly, qui s’apprête à renaître de ses cendres.
Table des illustrations
Titre | Chantilly, jeu de l’oie du Petit Parc. |
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URL | http://journals.openedition.org/archeomed/docannexe/image/10348/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1,1M |
Titre | Chantilly, jeu de l’oie du Petit Parc, « Plan du Petit Parc de Chantilly », anonyme, vers 1737, détail, Archives du château de Chantilly, CP-CHA-C-001-(03). |
Crédits | © Bibliothèque du château de Chantilly |
URL | http://journals.openedition.org/archeomed/docannexe/image/10348/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 935k |
Pour citer cet article
Référence papier
Cécile Travers, « Chantilly (Oise). Jeu de l’oie du Petit Parc (château de Chantilly) », Archéologie médiévale, 43 | 2013, 321.
Référence électronique
Cécile Travers, « Chantilly (Oise). Jeu de l’oie du Petit Parc (château de Chantilly) » [notice archéologique], Archéologie médiévale [En ligne], 43 | 2013, mis en ligne le 15 mai 2018, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/archeomed/10348 ; DOI : https://doi.org/10.4000/archeomed.10348
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