1Fouillé dans le cadre de la construction d’un lotissement, le site de la Mazurie est localisé entre deux sites médiévaux : d’une part, le château de Saint-Christophe, bâtiment aujourd’hui disparu qui se trouvait à 200 m au NO, et, d’autre part, une motte arasée, visible sur les plans anciens et située à 40 m à l’est de l’emprise du décapage. Le gisement se caractérise par des structures en creux en vis-à-vis de la motte et par un ensemble bâti cerné d’un grand fossé localisé au NO, le long de la route de la Mazurie et au plus proche du château.

2Les vestiges les plus anciens, outre une occupation antique peu importante et très limitée en surface, indiquent une fréquentation du secteur avant le x^e s. Quelques rares fosses ont livré du mobilier céramique carolingien et un denier en argent de Melle, en parfait état, attribuable au règne de Louis le Pieux (814-840).

3La première implantation importante du secteur, datée des x^e-xii^e s., est directement liée à la motte castrale puisqu’il s’agit d’une partie de sa basse cour dont seule la partie ouest a été décapée. Un système complexe de fossés successifs, au moins cinq, au tracé en crochets, est centré sur la motte et dessine des espaces plus ou moins densément occupés. Le système fossoyé est ouvert vers le nord et, au sud, quelques entrées se dessinent.

4Les creusements se densifient au fur et à mesure que l’on se rapproche de la motte. Ils témoignent d’une intense occupation des lieux sous la forme d’activités artisanales, agricoles et domestiques. Trente-quatre silos, groupés par ensembles de quatre ou cinq, ont été mis au jour. Les comblements ont livré peu de mobilier et sont constitués essentiellement de matériaux de remblaiement, pierres et marne.

5Un four domestique semi-enterré d’1,45 m de diamètre a une vaste aire de travail ouverte vers le nord, à l’abri des vents dominants. La sole apparaît à plus de 1 m de profondeur. Au droit de la motte, un bâtiment rectangulaire en pierre, en partie hors emprise, pourrait avoir abrité une forge. En effet, à l’intérieur ou à ses abords immédiats, de nombreuses structures très charbonneuses ont été découvertes dont certaines contenaient des battitures. En outre, un culot de fond de forge a été collecté. De très nombreuses fosses et trous de poteau, dont certains avec calage, permettent de repérer d’éventuels bâtiments construits en matériaux légers, peu lisibles. Enfin, un puisard de 3,50 m de profondeur a livré les restes osseux de nombreux animaux domestiques ainsi que du mobilier céramique et métallique.

6À une date que l’archéologie ne permet pas de définir précisément mais qui se situe aux environs du xiii^e s., le centre de cette occupation se déplace en se rapprochant de la route de la Mazurie et surtout du château en pierre dont aucune donnée historique ou archéologique ne permet de dater la construction. L’élément structurant de cette nouvelle occupation est un grand quadrilatère fossoyé qui enserre des bâtiments construits en pierre ainsi que des structures en creux périphériques.

7Cet enclos paraît avoir connu deux états, un premier plus petit et ouvert vers le nord et un second beaucoup plus vaste ouvert vers l’est. L’habitat prend alors une tout autre forme. Il se présente comme un vaste ensemble de bâtiments construits en calcaire dont le plan en L s’ouvre vers le nord. Deux vastes pièces principales ont chacune une superficie qui avoisine 60 m². La première, qui constitue la limite est de l’ensemble, est dotée d’un four adossé au pignon sud et soutenu par un muret interne. La sole du four se trouve au niveau du sol actuel et l’accès au four, à l’intérieur du bâtiment, se situe à environ 1 m de profondeur. L’ensemble de la pièce est marqué par la présence de très nombreuses structures en creux ainsi que par des niveaux de remblai et/ou d’occupation. Une seconde pièce, accolée perpendiculairement à l’ouest de la première, est très arasée et ne présente aucun niveau d’occupation. C’est le cas également de pièces périphériques qui se développent vers le sud de cet ensemble. Ce grand bâtiment, d’un seul tenant, couvre une surface totale au sol de plus de 160 m². Il présente une façade de 16,25 m de long au sud et de 18 m de long à l’est. De ce côté, un autre bâtiment arasé, dans la continuité de la pièce principale vers le nord et d’une longueur de 7,50 m, porte à 25,50 m la longueur de la façade est.

8Enserrée entre ces bâtiments en L et le fossé d’enceinte, la cour abrite de nombreuses fosses et notamment un puits dont le fond n’a pas pu être atteint pour des raisons de sécurité. Il a néanmoins livré le squelette entier d’un cheval doté de ses quatre fers.

9Un dernier bâtiment est isolé au sud de cet ensemble, à l’angle SO de l’enceinte. De taille modeste, 12 m², et peu fondé, il a livré un ensemble de tuiles canal parfaitement installées de chant contre son mur ouest.

10Les études du mobilier céramique (B. Véquaud) et métallique (M. Linlaud), en cours, montrent une continuité de l’occupation entre la période carolingienne et le xv^e s. Le lot céramique est constitué de plus de 6 000 tessons représentant 462 vases au minimum. Il atteste au moins jusqu’au xiii^e s. d’une occupation domestique courante où les pots à cuire, quelques cruches et des vases de stockage prédominent. À partir du xiii^e s., la vaisselle s’enrichit et matérialise une certaine qualité de vie.

11Le mobilier métallique quant à lui constitue un lot très important tant en qualité qu’en quantité. Près de 300 objets, en fer essentiellement, ont été mis au jour, des outils à vocation agricole ou artisanale (serpe, faucilles, coin, croissant, vrille), de la coutellerie (des lames de couteaux, une paire de ciseaux), des éléments de serrurerie (clefs et serrures), du mobilier équestre (nombreux fers d’équidés, clous de maréchalerie), des équipements de guerre ou de chasse (fers de trait) et du mobilier ornemental (boucles de ceinture et bague). Le mobilier est généralement en très bon état et certains objets ont un caractère exceptionnel, notamment un araire des x^e-xii^e s. de 52 cm de long, un étrier des ix^e-x^e s., un mors de bride du xiii^e s. et des serrures décorées du xiv^e s.

12Le site a également livré un lot de vestiges animaux important (ossements d’oiseaux et de mammifères, coquillages), des fragments de meules en pierre, un fragment de mortier en calcaire, une pierre à aiguiser portative et de la verrerie en petite quantité.

13Outre les structures et le mobilier découverts, au-delà de la densité de l’occupation et de son évolution dans le temps et dans l’espace qui feraient de ce site un gisement déjà très intéressant, c’est avant tout son contexte topohistorique qui présente le plus d’intérêt. Il est peu fréquent dans le contexte de l’archéologie préventive de fouiller, même partiellement, la basse cour d’une motte.

14Il est également peu fréquent de fouiller entre deux sites castraux, le château et la motte. On peut sans conteste rattacher ces structures et leur évolution à la présence de ces deux entités. Il faut alors s’interroger sur les raisons du déplacement du site castral d’une part, et, d’autre part, sur le devenir de la motte après l’abandon de la basse cour. En effet, bien que nous n’en ayons aucune preuve historique, il n’est pas saugrenu de penser que les deux constructions, la motte et le château, sont le fait d’un seul pouvoir seigneurial local.

15L’étude documentaire est très lacunaire en raison de la pauvreté des archives anciennes en Charente-Maritime. On sait néanmoins par les textes qu’un chevalier est présent à Saint-Christophe en 1220. De même, un Aymard de Saint-Christophe est mentionné en 1334. Les premiers seigneurs réellement connus apparaissent tardivement et certains auteurs évoquent la vente de la seigneurie de Saint-Christophe par le vicomte de Rochechouart à Pierre Furgon, bourgeois de La Rochelle puis écuyer et enfin maire de La Rochelle en 1476. La famille reste en possession du lieu jusqu’en 1680, date à laquelle le bien est saisi. À cette occasion, le château et ses dépendances sont décrits dans un texte riche en renseignements sur la construction mais muet sur son origine et n’évoquant pas la présence de la motte. Le château est alors très dégradé et sera restauré par son nouveau propriétaire, Pierre Chertemps du Seuil. Il sera saisi et détruit durant la Révolution.