1En amont d’un programme de construction de logements sociaux, une fouille préventive a été menée sur une parcelle réputée située à l’emplacement de l’ancienne église Saint-Symphorien. Les origines de cette église ne sont pas très claires, ni même d’ailleurs son histoire et son évolution au cours du Moyen Âge et de l’époque moderne. L’hypothèse d’une fondation mérovingienne a été émise, mais le réexamen des sources montre clairement qu’il s’agit d’une invention érudite moderne. C’est à partir du milieu du xii^e s. qu’apparaissent dans les textes l’église et la paroisse Saint-Symphorien. En 1305, le pape confirme la donation de l’église, avec celle de Saint-Romain, à l’abbaye Saint-Rémy, puis les deux cures sont réunies en 1468. La paroisse semble ne bénéficier que de peu de revenus. à la fin du xvii^e s., les habitants obtiennent la permission de démolir la nef qui menace ruine. Au cours de la Révolution, la paroisse disparaît et ses possessions sont vendues au titre des biens nationaux. L’église n’apparaît pas sur le cadastre de 1805, mais sans doute restait-elle à l’état de ruines, puisqu’en 1814, lors du siège de Sens, elle sert de refuge à des prisonniers ennemis évadés de l’hôtel-Dieu proche. Une partie seulement du cimetière lié à l’église paroissiale Saint-Symphorien a pu être étudiée et le recalage de cette dernière par superposition des plans anciens avec le parcellaire actuel montre qu’elle se situait sous la parcelle voisine, au sud.

2Le diagnostic préalable mené en 2004 avait proposé une datation de la fin du haut Moyen Âge pour les inhumations (carolingiennes, du fait de l’absence de trace de contenant et de mobilier), ce qui étayait l’idée de l’ancienneté de la fondation et de la nécropole associée. Toutefois, il est maintenant clairement établi qu’il s’agit d’une portion du cimetière utilisée au cours du bas Moyen Âge, manifestement entre le xiv^e (céramique à bord droit, à pâte beige et décor de flammules) et le xvi^e s. Bien que les sources attestent une occupation funéraire jusqu’à la suppression de la paroisse en 1793, cette partie semble avoir été préservée, peut-être parce que la mémoire des tombes était encore vivace. Il est également possible que l’usage se restreigne aux abords de l’église après le xvi^e s. ; il semble d’ailleurs que la paroisse soit modeste et peu peuplée aux xvii^e et xviii^e s. Ce n’est qu’après la Révolution de 1789 que des fosses de plantations et des dépotoirs viennent perturber l’horizon funéraire et signent l’oubli de cette partie du cimetière.

3La population inhumée est typique des cimetières paroissiaux de la fin du Moyen Âge. La représentation des adultes est nettement plus importante que celle des enfants et s’il existe une légère prédominance féminine, cette donnée est à prendre avec précaution, puisque beaucoup de squelettes n’ont pu être sexués ; cela ne reflète donc pas véritablement l’image de l’ensemble de la population. L’état sanitaire bucco-dentaire des individus est plutôt médiocre, mais peu d’entre eux sont atteints de pathologies, qu’elles soient d’origine traumatique ou dégénérative. Les modes d’inhumation, relativement simples (pleine terre avec ou sans linceul, coffrage, cercueil), sont caractéristiques de la fin du Moyen Âge. Aucune sectorisation fondée sur des critères d’âge, de sexe, de pathologie ou de pratiques funéraires n’a été observée. Il est sans doute plus probable que l’organisation funéraire ait été effectuée en fonction de regroupements (familiaux ?), perceptibles dans certains secteurs de la fouille.

4En 2004, la découverte d’une inhumation orientée N-S avait incité le responsable d’opération à envisager plusieurs horizons d’occupation. La réalité apparaît plus nuancée, et l’on doit admettre une continuité d’utilisation de cette partie du cimetière dans la période donnée, avec maintien des lieux et superposition des inhumations. Quant à cette orientation particulière par rapport à l’ensemble, elle reste un unicum.

5L’autre apport de cette étude est d’alimenter, modestement certes, la connaissance de Sens antique en pointant, là où la carte archéologique montrait un vide, un habitat très arasé et perturbé. Les quelques tesselles de mosaïque recueillies dans les comblements de sépultures confirment l’occupation environnante.