Terre-de-Haut (Guadeloupe). Site de la passe de la Baleine, Anémone, les Saintes
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Sujets :
épave sous-marine, bateau, embarcation, stockage, architecture navale, dendrologie, instrument de médecine, tonneau, bouletChronologie :
époque contemporaineNature de l'opération :
fouille programméeTexte intégral
1La troisième année de fouille pluriannuelle sur l’épave de l’Anémone a permis de clore un cycle de recherche entamé en 2015 et qui s’est prolongé à partir de 2017 dans le cadre d’une fouille pluriannuelle. Les résultats obtenus cette année confirment les données acquises au cours des différentes campagnes.
2Les sondages SD7, SD8 et SD9, ouverts dans la partie centrale de l’épave (soit 27 m2), ont permis de poursuivre l’étude des caractéristiques du flanc avant tribord de l’épave (quille, couples de levée, couples de remplissage, vaigrage, doublage en cuivre), de compléter la documentation du mobilier de l’épave, par l’étude des artefacts et de leurs fonctions, et de poursuivre la couverture photogrammétrique. La dernière phase d’échantillonnage des structures de l’épave a permis de finaliser l’étude xylologique.
3Les éléments recueillis au cours des différentes opérations ayant eu lieu sur le site formaient un tout homogène tant en matière chronologique, structurelle, matérielle que fonctionnelle.
4L’hypothèse de l’identification de l’épave comme étant celle de l’Anémone, proposée dès 2013 dans le cadre d’une thèse, est désormais confirmée par les résultats de l’étude dendrologique (en attente des derniers prélèvements effectués en 2019 par F. Langenegger, du laboratoire de Dendrologie de Neufchâtel). Sur 47 échantillons étudiés, 43 sont du chêne (Quercus sp.) soit 91,5 % des échantillons, ce qui semble correspondre aux canons de la construction navale française. L’analyse basée sur 6 échantillons parmi les 35 étudiés dans ce cadre a également permis de dater la période d’abatage d’une partie des bois utilisés dans la construction de l’Anémone : 1820. Par ailleurs, une des vaigres analysées présentant de l’aubier, elle a fourni une datation d’abattage de l’arbre dans la fourchette 1822-1825. Ces différents résultats concordent donc avec la période de la construction de l’Anémone entre mars et août 1823.
5Les résultats obtenus cette année en matière de culture matérielle confirment ceux des années précédentes, tant en termes de chronologie que de fonction. La réflexion autour du mobilier et de sa répartition s’est affinée cette année avec la mise en œuvre d’une réflexion à l’échelle de l’ensemble de l’épave : les plans de localisation du mobilier par type, en cours de réalisation, vont permettre d’appréhender les différents espaces et fonctions de l’épave. Même si le site a été pillé, sûrement à plusieurs reprises et sur une période assez longue, les premiers résultats de l’analyse semblent démontrer une certaine cohérence. Ces documents vont aussi permettre de réfléchir aux processus de formation du site, la localisation du mobilier semble pouvoir servir à montrer que le navire s’est déversé côté tribord.
6Cette année, parmi les ensembles fonctionnels étudiés, il faut noter le lieu de vie de l’équipage et du chirurgien mais aussi celui de la grande cale. En effet, quelques éléments liés au coffre du chirurgien de bord ont été retrouvés (clystère, pots à onguent, fioles). Ils renvoient non seulement aux fonctions du médecin de bord mais aussi à tous les marins ayant pu en bénéficier. Les différents éléments mis au jour confirment les fonctions de la grande cale avec la présence du lest mais aussi du stockage des vivres et des liquides, avec la présence de huit tonneaux alignés représentant une partie du stock d’eau et de vin. En théorie, celui-ci était constitué de 17 barriques dont deux de vin, et de 12 demi-barriques dont la moitié de vin.
7Sur le plan des assemblages et de l’architecture navale, d’importantes zones de concrétions ont limité les possibilités d’observation et de démontage cette année. La disposition de l’épave, couchée sur tribord et conservée dans cette zone jusqu’à la ligne de flottaison, a néanmoins permis de voir la quille dans sa hauteur et dans sa largeur, la zone de la pompe de cale et le galbord du côté bâbord.
8La quille, entièrement doublée, mesure 20 cm de large et 28 cm de haut avec sa râblure. Elle est complétée par une fausse-quille de 8 cm de haut, elle aussi prise dans le doublage. Des broches dépassent de la face inférieure de la quille, qui paraissent indiquer la présence d’une seconde fausse-quille en bois. La carlingue n’a pu être observée car elle se trouvait prise dans la concrétion. En revanche, la contre-quille était visible entre les varangues, surmontée par des clés. Elles sont rentrées par force et ne sont pas fixées aux autres structures. Elles présentent une « rainure » permettant à l’eau de circuler transversalement dans la coque, qui se trouve disposée du côté opposé à celui observé l’année précédente. Cette alternance marque une symétrie par rapport au maître couple du navire. Au niveau de l’emplanture du grand mât, une clé plus imposante que les autres renforce la maille dans cette zone soumise à de fortes contraintes physiques. La structure en tant que telle de l’emplanture, enserrée entre le puits à boulets et une zone de déversement de gueuses concrétionnées, était difficilement lisible, mais semble composite.
9Les membrures observées dans les sondages en 2019 sont au nombre de 25. Nous avons logiquement observé un système alternant deux couples de levée accolés suivis de deux couples de remplissage espacés. La maille, calculée « de gabariage en gabariage », c’est-à-dire d’un couple de levée à l’autre, reste, comme les années précédentes, proche d’1 m. La section moyenne relevée en 2017-2018 avait été évaluée à 12 cm de large par 12 cm d’épaisseur, et elle présentait une forme grossièrement carrée. La section moyenne relevée en 2019 donne 16,2 cm (avec une large majorité autour de 15 cm) d’épaisseur pour 12,25 cm de large. On constate donc une légère augmentation de l’épaisseur des membrures dans la partie centrale par rapport aux extrémités. L’importance des concrétions n’a pas permis de suivre les varangues sur tribord depuis la quille jusqu’à l’extrémité conservée de l’épave. Aucun écart varangue-genoux n’a donc pu être relevé. Un écart genou-allonge a en revanche été observé. Il présente un adent à mi-hauteur sur la tranche dans lequel s’encastre l’allonge. Les deux pièces sont ensuite assemblées par une carvelle.
10En 2019, 9 virures de bordé tribord et 2 virures bâbord ont été étudiées ainsi que 7 vaigres conservées à tribord et une à bâbord. Sur le vaigrage, prises dans les concrétions, des cloisons délimitent au moins 5 compartiments sur tribord dans la grande cale. Le premier est occupé par la pompe de cale, les deux suivants par le puits à boulets qui s’est effondré. Une zone est associée à un lieu de stockage et un lieu de vie, la zone en regard est occupée par des tonneaux.
11La pompe de cale est constituée d’un tuyau de bois entièrement pris dans la concrétion. Il mesure 11 cm de diamètre interne auxquels se rajoutent 7 cm d’épaisseur de bois, et s’enfonce sur près de 30 cm. Il est situé dans un caisson composé de trois cloisons, sans être centré.
12Le puits à boulet est constitué d’une grande concrétion d’environ 1 m de long par 90 cm de large, et environ 33 cm de haut, dans laquelle sont pris des boulets qui mesurent environ 12 cm de diamètre. Il est situé entre le couple de levée MB212-213 et le couple de remplissage MB215 qui marque le début de la zone de l’épave assimilée à l’emplanture du grand-mât.
13En plus de ces éléments, l’agencement de la cale de part et d’autre du grand mât a pu être renseigné : le lest composé de gueuses en métal a été en partie étudié pour un ensemble estimé de 29 gueuses soit 1,45 t (sur les 13 t embarquées en théorie) ainsi que l’agencement de 8 tonneaux identifiés comme des demi-barriques à travers leurs vestiges concrétionnés. Des renseignements complètent aussi les informations glanées au cours des différentes campagnes sur le doublage en cuivre à partir d’un ensemble de plaques et chiffres de tirant d’eau repéré en 2018, étudié en 2019 et identifié comme le doublage de l’étrave côté bâbord.
14Les analyses archéologiques de l’épave de la Passe de la Baleine ont à nouveau été confrontées aux données d’archives. Elles confirment les premières analyses et observations réalisées en 2016, 2017 et 2018. La confrontation des coupes manuelles réalisées sur le chantier et des coupes transversales du plan type de l’Anémone permet de constater que les coupes des deux extrémités présentent une déformation plutôt faible, tandis que la coupe 2019 est davantage écrasée. Les couples de levée et des couples de remplissage de l’épave se recoupent avec la coupe longitudinale du plan type tout à fait pertinemment, ce qui est un élément supplémentaire permettant d’associer l’Anémone à l’épave de la passe de la Baleine. La confrontation avec les sources ethnographiques, notamment la maquette de la Topaze, conservée dans les collections du Musée de la Marine, permettra de continuer la comparaison initiée en 2016 avec la documentation d’archive émanant des différents chantiers ayant construit ces unités tout en suivant le plan type de 1823. Cette année les écarts mis en évidence sont peu significatifs.
Table des illustrations
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Titre | Terre-de-Haut, site de la passe de la Baleine, Anémone, les Saintes, localisation du mobilier liée à l’artillerie sur l’épave de l’Anémone, 2015-2019. |
Crédits | DAO F. Bigot |
URL | http://journals.openedition.org/archeomed/docannexe/image/33844/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 374k |
Pour citer cet article
Référence papier
Jean-Sébastien Guibert, Hélène Botcazou, Franck Bigot et Fabien Langenegger, « Terre-de-Haut (Guadeloupe). Site de la passe de la Baleine, Anémone, les Saintes », Archéologie médiévale, 50 | 2020, 368-369.
Référence électronique
Jean-Sébastien Guibert, Hélène Botcazou, Franck Bigot et Fabien Langenegger, « Terre-de-Haut (Guadeloupe). Site de la passe de la Baleine, Anémone, les Saintes » [notice archéologique], Archéologie médiévale [En ligne], 50 | 2020, mis en ligne le 15 février 2021, consulté le 12 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/archeomed/33844 ; DOI : https://doi.org/10.4000/archeomed.33844
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