1L’année 2019 a été consacrée à la préparation de la publication des acquis du PCR « Épaves et naufrages en Loire » dont le site de Langeais est le lieu pivot.

2L’étude de ce site de naufrage dans toute son ampleur et ses questionnements entrent pleinement dans les principes énoncés pour le projet collectif de recherches « Épaves et naufrages ». Il répond par sa matérialité à la confirmation d’une Loire, fleuve conservatoire de sites archéologiques, laboratoire pour une étude de la dynamique fluviale, lieu d’une histoire événementielle autour du naufrage, territoire renouvelant l’idée d’un espace marchand et militaire au service des arsenaux du roi et de la République ensuite, pendant tout le xviii^e s. Ce site pointe, par sa topographie et l’étendue des vestiges dispersés, l’évolution toujours en cours du fleuve de Loire et témoigne de l’incision du fleuve et des conséquences du changement climatique sur l’espace fluvial et son patrimoine. Il prend part, grâce à sa qualité patrimoniale, au grand débat sur le patrimoine naturel et culturel du fleuve Loire.

3Du point de vue de la structure de la coque, et plus largement de son système architectural, les trois interventions archéologiques sur l’épave de Langeais ont confirmé les savoirs accumulés sur les chalands de Loire de la fin du xviii^e s.

4L’épave de Langeais est celle d’un grand chaland d’environ 25 m de long et au moins 3,80 m de large à la sole. Il s’agit d’un bateau de navigation intérieure à fond plat, construit sur sole, dont les bords sont constitués de virures disposées à clin et assemblées aux courbes par des gournables enfoncées à partir de la face interne et externe du bordé. L’ensemble des données permet de restituer une hauteur du bord sur 1,30 m de haut et un tableau arrière plat.

5Le chaland était construit selon le principe architectural « sur sole » tel que défini par E. Rieth. Ce modèle se traduit notamment par la mise en place et par l’assemblage provisoire sur un chantier, avant la pose et la fixation des râbles et des courbes, des virures à franc-bord de la sole. Les bords, élevés ensuite, étaient constitués de bordages assemblés à clin par des chevilles en bois.

6Trois aspects majeurs sont à souligner.

7Premier aspect : la morphologie strictement ligérienne du bateau (pratique de l’encouturement) laisse supposer que son lieu de construction était situé, en toute logique, dans les limites strictes du bassin de la Loire.

8Deuxième aspect : la forme massive des éléments de l’épave ne doit tromper ni sur la souplesse du chaland, si bien décrite par F. Beaudouin, ni sur la fragilité réelle de ce « vieux » bateau dont le corps architectural est usé. Les nombreux éléments de palâtre sur la sole, telles des rustines, témoignent d’un bateau constamment entretenu, repris, réparé sur des bois qui paraissent être de qualité moyenne (nombreux nœuds, fentes, etc.).

9Troisième aspect : l’encouturement comme l’étanchéité par palâtrage intérieur, très bien attestés sur l’épave de Langeais sont, comme l’indique F. Beaudouin, une des données essentielles de la construction des bateaux fluviaux. L’apposition par l’intérieur permet d’utiliser n’importe quelle pièce de bois pour la construction de la coque du bateau, même si elle présente des défauts graves, tels que nœuds et fentes. Il s’avère ainsi toujours possible d’étancher par palâtrage à la construction, mais aussi à flot, soit par simple reclouage, soit par remplacement du doublement des palâtres.

10Ainsi, le chaland de Langeais fait partie des chalands de Loire, bateaux conçus sans plan et qui se déclinent en une famille architecturale. Tout artefact est donc à prendre en compte dans un contexte scientifique général de connaissance sur l’architecture nautique et l’espace nautique ligérien.

11Le chaland de Loire du xviii^e s. est un bateau à fond plat, avec une levée avant et un tableau arrière, ses flancs sont bordés à clin, et le gouvernail axial est fixé sur le tableau arrière. La direction du bateau est assurée par la piautre, ou peautre, gouvernail spécifique avec un axe oblique, qui peut s’adapter aux faibles profondeurs de la Loire ainsi qu’aux différents enfoncements du bateau, dépendant du poids de son chargement. Le mât, gréé d’une immense voile rectangulaire, est rabattable sur l’avant afin de permettre le passage sous les arches des ponts. Sur le bord avant et arrière de la coque, plusieurs pièces de charpente spécifiques – les arronçoirs – dotées d’une série d’adents, sont rapportées sur le bordé et servent à bloquer l’extrémité des bâtons de marine lors de la manœuvre du bournayage.

12Construit entièrement en chêne, le bateau était utilisé dans les deux sens de navigation. À la descente ou avalaison, le bateau descendait à gré d’eau utilisant le courant qui exerce un maximum d’effet sur la grande surface du tableau arrière. À la remonte, sur la Loire, les mariniers utilisaient les vents dominant de secteur ouest et NO.

13La publication du PCR rendra compte tout à la fois de l’événement du naufrage en Loire et des données des campagnes de fouille sur le site naufrageur de Langeais.