1Préalablement à l’implantation d’un parc photovoltaïque de 30 ha, au lieu-dit Gerbié à Fanjeau, un diagnostic archéologique a mis au jour un four circulaire avec la sole conservée, qui a pu être fouillé manuellement. La commune de Fanjeaux se situe en bordure du couloir lauragais qui relie la Garonne à la Méditerranée, sur une position stratégique à la frontière des principautés des Trencavel et des comtes de Toulouse, surplombant un nœud de communication important.

2Le four se trouve en haut du versant nord d’un vallon qui va se colmater durant la phase d’activité du four ; non pas à cause de ses rejets de production, bien qu’ils servent de traceur, mais à la suite de l’érosion due à la mise en culture de la partie sommitale de la colline des Arrendiès à l’époque. Dans le comblement du dernier état d’un fossé relevé au pied du vallon, des rejets du four et des fragments de parois ont été découverts au milieu de vidanges de foyers. Ces rejets sont constitués de tuiles courbes, témoins de la production du four.

3À 100 mètres au sud, sur l’autre versant du vallon colmaté, nous avons mis au jour un niveau de tuiles similaires, étalé sur 90 m². Au sein de ce niveau, nous avons dégagé l’embase en pierre d’un poteau, quelques structures en creux dont trois fosses et un trou de piquet, ainsi que deux zones foyères dont une est matérialisée par deux petites dalles de terre cuite. Une serpe en fer, un clou ainsi que quelques scories signalent un petit bâti, espace artisanal probablement contemporain du four. Il mesure 4,57 m de longueur totale. La chambre mesure 2,30 m de diamètre pour une profondeur maximale de 1,10 m. Il est orienté NO/SE dans le sens de la pente, à l’abri des vents dominants, ce qui a facilité son creusement en sape et l’évacuation des déchets par l’effet de gravité. Il est remarquablement bien conservé au vu de son niveau d’apparition à 0,10 m sous la terre végétale actuelle. Il comprend une fosse de travail creusée dans une couche de limon argileux et une chambre de chauffe. Celle-ci a une forme circulaire rayonnante. L’intérieur de la paroi est altéré par la chaleur mais ne semble pas avoir été tapissé d’argile comme on peut l’observer parfois. Sur son pourtour, l’encaissant de la chambre de chauffe est rubéfié sur une dizaine de centimètres d’épaisseur.

4Sept arcs, taillés dans le substrat en grès, autour d’un pilier central ont été observés, mais douze peuvent être restitués. Ils mesurent environ 1 m de long sur 0,44 à 0,48 m de large. L’épaisseur minimale des arcs est de 0,25 m au niveau de l’accroche avec le pilier central.

5Le pilier central sur lequel s’appuient les arcs rayonnants semble, lui aussi, directement taillé dans le grès naturel. Il est tronconique et présente une section circulaire d’environ 0,70 m de diamètre pour une hauteur de 1,10 m. Il est plus large à la base et au sommet, dont la surface se trouve sur le même plan que la sole rubéfiée.

6La surface sur laquelle reposaient les tuiles à cuire est moins bien conservée ; mais les quelques lambeaux gréseux rubéfiés, conservés entre les arcs, semblent indiquer qu’à l’origine elle a également été réservée et taillée dans l’encaissant naturel en même temps que les arcs et la pile centrale. La sole fait environ 0,12 m d’épaisseur. Elle est percée par deux types de trous assurant la circulation de la chaleur de la chambre de chauffe au laboratoire. Les plus gros devaient être disposés sur le pourtour de la chambre de chauffe entre chaque arc de soutènement (soit entre 10 et 12 trous restitués) plus 4 autour du pilier central. Ils sont de forme ovale ou sub-rectangulaire. Le mieux conservé mesure 0,24 m de long sur 0,18 m de large. Ceux observés autour de la pile centrale ne sont pas verticaux mais légèrement de biais afin de conduire la chaleur au centre du four. Des trous plus petits de 5 à 6 cm de diamètre, dont le nombre est inconnu, devaient vraisemblablement être creusés entre les arcs, comme en atteste le morceau de sole découvert en surface du comblement.

7Ce four est doté d’un véritable alandier, c’est-à-dire un conduit couvert et voûté reliant la fosse de travail à la chambre de chauffe. Celui-ci a été creusé en terrier depuis la fosse d’accès dans le banc gréseux et la marne sous-jacente. Il mesure environ 0,75 m de long sur 0,70 m de large. Le fond de l’alandier accuse un pendage abrupt vers la chambre de chauffe. La voûte taillée dans l’encaissant est épaisse de 0,20 m à 0,25 m. La gueule de l’alandier, de section ovale, mesure 0,40 m de haut sur environ 0,80 m de large (EO). Une datation C réalisée sur un prélèvement de charbon issu de la couche charbonneuse à la base de l’alandier fournit deux intervalles de datation, l’un à 35 % (1040-1108) et l’autre à 60 % (1116-1218).

8Une ouverture est partiellement conservée sur 0,40 m de haut et 0,30 m de long. Elle est bâtie à l’argile crue mêlée à des petites pierres gréseuses rubéfiées. La porte mesure entre 5 et 6 cm d’épaisseur. Elle a été construite sur 1 ou 2 tuiles courbes posées au fond et qui ont pu servir de conduit ou d’arrivée d’air pour le tirage du four.

9La fosse de travail, dans l’axe du four, est un creusement de forme ovale qui mesure de 1,60 m de long sur 2,10 m de large pour une profondeur maximale conservée de 0,55 m. Dans sa partie ouest, le fond de la fosse d’accès est marqué par un léger surcreusement, ou fosse sub-rectangulaire, de 0,58 m de long, 0,34 m de large et 0,05 m de profondeur. La présence d’une pierre et d’un galet dans son comblement suggère un calage de poteau pour un appentis ou un abri couvrant la fosse d’accès. L’absence d’un tel aménagement en vis-à-vis, à l’est de la fosse, ne permet cependant pas d’étayer cette hypothèse.

10La nature et le mode de dépôt des couches composant le comblement final de cette structure traduisent un abandon volontaire, mais aucun élément ne permet de comprendre la fin de son fonctionnement

11Dans l’état actuel de nos connaissances, nous n’avons pas d’exemples de comparaison concernant un four circulaire de tuilier ayant fonctionné à la même période.

Fanjeaux, Gerbié, le four en fin de fouille vue du sud.

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Cl. T. Wibaut