1Localisée au NE de la place des Prêcheurs, en bordure de la rue Portalis, l’ancienne église conventuelle des Frères prêcheurs, classée au titre des monuments historiques depuis octobre 1988, est fermée au culte et au public depuis mai 2006 en raison d’importants désordres structurels. Les deux tranches du diagnostic réalisé en fin d’année 2019 et celui à venir en 2020 s’inscrivent dans la continuité des campagnes archéologiques menées à l’intérieur et aux abords de l’église depuis 2012. L’objectif était de reconnaître les dispositions antérieures de l’église (sol et aménagement) dans le transept, la nef et les collatéraux, le chœur et certaines des chapelles latérales.

2Le diagnostic a permis d’appréhender l’horizon d’installation de l’église à nef unique du milieu du xiv^e s. à la cote 193,90 m NGF, soit 1,10 m sous l’axe de circulation actuel de la rue Portalis. Deux nouvelles sections du mur gouttereau sud ont été dégagées dans le prolongement des maçonneries reconnues en 2012, alors que son pendant nord a pour la première fois été appréhendé. Est associé à ce dernier, un contrefort quadrangulaire situé au contact du parement extérieur. L’absence de chaînage entre les élévations restitue deux états de la construction et traduit la nécessité de renforcer des élévations de l’église (fig.).

3Les sols intérieurs en lien avec le premier état de la construction sont apparus médiocrement conservés. Un reliquat de mortier de sol a été appréhendé à la cote 194,24 m NGF, au contact du parement intérieur du mur gouttereau nord. D’autres points ont fourni des données plus allusives, restituées par la position d’une sépulture en coffre à la cote 194,05 m NGF, approximativement 0,88 m sous le niveau actuel de la nef.

4L’installation des chapelles latérales entraîne de profondes altérations dans les murs gouttereaux, dont témoignent les dérasements des élévations nord et sud. Le niveau de circulation extérieur ne semble guère avoir connu d’évolution entre le milieu du xiv^e s. et le xvi^e s. Les fondations des chapelles sont rehaussées d’à peine 0,10 m par rapport à celles de la nef. La proximité du dallage de la chapelle reconnue au niveau de la quatrième travée sud avec le niveau de mortier de la nef appréhendé dans la nef au nord, pose l’hypothèse de la présence à cet emplacement de l’une des premières chapelles latérales construites sur la nef dès le xiv^e s., un peu au-dessus de 194 m NGF. Ces niveaux sont trop bas pour être mis en rapport avec les autres sols reconnus de la chapelle. Par ailleurs, ils sont trop hauts pour un caveau et sa voûte restituée ou l’aménagement plus récent d’un tombeau dont le sommet ramènerait le niveau de circulation de la chapelle plus près de ceux déjà reconnus.

5Les niveaux de circulation des autres chapelles des xv^e et xvi^e s. appréhendés dans les sondages 1 et 3 sont en effet plus proches du niveau actuel de la nef. Le dallage initial en pierre de taille de la chapelle des Matheron (première travée nord) a été dégagé à la base du pilier médiéval ouest, directement établi sur l’arase du mur gouttereau nord, amenant le niveau de circulation de la chapelle à la cote 194,84 m NGF, 0,10 m sous le niveau de circulation actuel de la nef. Cette proximité des niveaux de circulation par rapport à l’actuel est perceptible dans trois des sondages ouverts dans la nef dont les plus hauts appartiennent à la chapelle du Roi (seconde travée sud), où subsiste un horizon de travail reconnu à la cote 194,78 m NGF, 0,23 m sous le niveau de circulation actuel du bas-côté.

6L’église subit de larges modifications avec l’intervention des architectes Vallon, dont les travaux réalisés entre 1691 et 1703 amènent à une complète restructuration de l’église et contribuent à lui donner la physionomie intérieure qu’on lui connaît aujourd’hui. Les chapelles latérales sont transformées en deux bas-côtés continus. Les nouveaux piliers de l’arcature latérale de la nef sont établis sur le tracé des murs latéraux nord et sud de l’église médiévale. Durant la même campagne de travaux, les sous-sols sont excavés afin d’installer des caveaux dans la nef et les bas-côtés. L’ensemble est scellé par un remblai de nivellement supportant un dallage en pierre de taille. À part dans les bas-côtés où il apparaît en place, il n’en subsiste aujourd’hui que quelques zones périphériques dans la nef et le transept, dans la chapelle des Matheron, aux cotes 194,90 à 194,93 m NGF, correspondant sensiblement au niveau actuel de la nef.

7Seul le caveau reconnu dans le quart NO du sondage ouvert dans le transept nord est réalisé dans le courant du xviii^e s., postérieurement aux travaux des frères Vallon.

8La grande porte située entre le transept et la galerie sud du cloître fonctionne avec le reliquat du sol dallé moderne. Cependant, l’absence de lien avec le mur nord du transept ne permet pas d’établir la stricte contemporanéité de cette ouverture avec la campagne des frères Vallon ou sa construction dans le courant du xviii^e s. Dans la galerie sud du cloître, la porte fonctionne avec une conduite d’alimentation en eau (194,89 m NGF), recouverte du sol de carreaux de terre cuite (194,96 m NGF) qui s’inscrit dans la continuité du revêtement reconnu en 2018 dans la galerie, à 12 m de distance à l’est.

9À l’époque contemporaine, l’église de la Madeleine est encore le cadre de profondes transformations dont les plus invasives correspondent aux campagnes de travaux des secondes moitiés des xix^e et xx^e s. Parallèlement à l’intervention d’Henri Revoil sur la façade de l’église de 1855 à 1860, l’intégralité du dallage de la nef et du transept est démontée et les sols excavés. Il est remplacé dans les années 1868-1875 par un revêtement de carreaux en pierre noir et blanc, encore aujourd’hui en place dans la nef et le transept, qui amène le niveau de sol actuel à la cote 194,93 m NGF, soit seulement 1 ou 2 cm au-dessus du niveau de circulation d’époque moderne. Des clichés photographiques de 1946 révèlent dans les bas-côtés un revêtement de damier de carreaux hexagonaux noir et blanc qui n’est aujourd’hui plus conservé, à l’exception du sol de la chapelle latérale Sainte-Geneviève située au nord du chœur. Ces dispositions entraînent une légère surélévation du sol de circulation des bas-côtés (195 m NGF contre 194,93 m NGF dans la nef).

10Une ultime campagne est menée dans les collatéraux entre les années 1946 et 1982, intervalle restitué grâce aux dates des prises de vues photographiques. Le revêtement de carreaux hexagonaux noirs et blancs est supprimé et remplacé par un carrelage de granito blanc encore en place aujourd’hui, qui amène le niveau des bas-côtés à la cote 195,04 m NGF, soit 7 cm au-dessus du sol de circulation de la nef.

Aix-en-Provence, états successifs de l’église de la Madeleine.

Agrandir Original (jpeg, 755k)

DAO S. Ranchin