1Dans le cadre de la réhabilitation de la sacristie de l’ancienne collégiale Saint-Tugal, située dans le centre historique de Laval, deux diagnostics ont été prescrits : l’un sur l’emplacement d’une rampe d’accès pour personnes à mobilité réduite (tranchée 4), et l’autre sur le tracé prévisionnel d’une tranchée de raccordement de ce bâtiment aux réseaux publics enterrés (tranchée 1 à 3). Ces aménagements recoupent respectivement l’emprise du chœur de l’église collégiale et celle d’un cloître à galeries attenant, dont ils ne restent que quelques pans de mur.

2La collégiale a été fondée par les seigneurs de Laval dans la seconde moitié du xii^e s. D’abord établie au sein du pôle castral, elle fut transférée à son emplacement définitif, dans le quartier du Bourg-Chevrel, vers les années 1220-1230. À la charnière des xiv^e et xv^e s., les seigneurs de Laval engagent, à la faveur de leur ascension marquée, notamment par l’obtention du statut comtal, une véritable refondation de l’établissement canonial amené à devenir leur nécropole familiale. Celui-ci bénéficie, tour à tour, d’un changement de vocable (années 1400), d’une fusion avec un autre chapitre séculier – les Trois-Maries à Montsûrs (Mayenne) – qui augmente considérablement son temporel (1444), ainsi que d’une importante série de travaux comprenant notamment la construction d’un nouveau chevet et d’un cloître (1444-1497).

3Malgré une surface d’investigation très limitée – 32 m² au total – les quatre tranchées réalisées en 2019 lors de ces deux diagnostics ont non seulement mis au jour des vestiges de ces édifices, mais ont illustré plus largement une occupation continue de ce secteur de la ville depuis les x^e-xi^e s. Quatre grandes phases ont pu être définies depuis les premières occupations domestiques du Moyen Âge central jusqu’à l’aménagement d’un parking en 1980.

4La première est caractérisée par un sol de terre battue avec foyer, et par des structures fossoyées, dont des trous de poteau d’1 m de diamètre, installés dans l’argile géologique. L’ensemble correspond probablement à plusieurs habitats, mais l’étroitesse de la fenêtre d’investigation et le manque de mobilier n’offrent aucune certitude. Deux datations 14C concordantes fixent néanmoins la chronologie entre le milieu du x^e s. et les premières décennies du xi^e s. Il est donc démontré que le secteur de la place Saint-Tugal est occupé précocement, bien avant son intégration supposée à l’espace urbain lors de la construction de l’enceinte de ville au xiii^e s. Rappelons d’ailleurs que Laval serait une ville d’accession médiévale dont le développement débuterait avec l’installation du site castral dans la première moitié du xi^e s. Cette découverte interroge ainsi les origines et la genèse de l’agglomération.

5La deuxième phase d’occupation du site est principalement matérialisée par une douzaine de fosses-dépotoirs subcirculaires datées entre le milieu du xiii^e s. et la première moitié du xv^e s. Elles ne présentent pas d’aménagement particulier et sont comblées par une terre argilo-limoneuse brune humifère a priori issue de la décomposition de déchets organiques. Une quantité non négligeable de restes céramique et de faune a été découverte. Ce mobilier semble correspondre aux rejets domestiques d’un ou plusieurs habitats établis à proximité immédiate, peut-être le long d’une rue d’axe N-S dont la surface de circulation, constituée de graviers damés, a été observée ponctuellement dans la tranchée 4.

6Dans la seconde moitié du xv^e s., cet espace change totalement d’affectation (phase 3). Il est en effet choisi par la communauté canoniale et les seigneurs de Laval pour aménager le cloître à galeries (décennie 1460) de la collégiale Saint-Tugal dans le cadre d’un vaste programme architectural comprenant également l’agrandissement de l’église. Le mur principal de la galerie nord et le mur-bahut de la galerie orientale ont été repérés au sein des sondages. Avec les éléments encore conservés en élévation, il est possible de restituer le plan de l’édifice dont les dimensions devaient avoisiner les 25 m de long pour 21 m de large, soit une surface hors œuvre d’environ 500 m². La largeur de la galerie orientale, observée en tranchée 2, est de 3 m dans l’œuvre. Ces dimensions en font un édifice de taille moyenne contraint par le tissu urbain préexistant. Pour autant, les collégiales dotées de cloîtres à galeries à cette période sont très peu nombreuses dans la région, ce qui souligne encore davantage l’importance symbolique et ostentatoire d’un tel équipement.

7Au sein des espaces de circulation de ce cloître, six sépultures individuelles et un ossuaire ont également été fouillés. La plus ancienne, où se trouvait un pot à feu, est datée de la fin du xv^e s. tandis que la plus récente est située au xvii^e ou xviii^e s. Tous les individus sont des adultes et deux d’entre eux sont assurément des hommes âgés. L’hypothèse qu’il s’agisse de sépultures de chanoines ou de clercs desservant l’église collégiale est donc privilégiée.

8Dans l’emprise du chœur nouvellement bâti, la tranchée 4 a mis au jour une succession de chapes de mortier constitutif du sol de l’église, ainsi qu’un muret pouvant correspondre à un emmarchement ou à une clôture de chœur. Une sépulture, vidée de son contenu à la fin de l’Ancien Régime, a également été repérée. Il pourrait s’agir de Jean de Laval-Châtillon (mort en 1398), dont le corps d’abord inhumé à la collégiale des Trois-Maries à Montsûrs, fut transféré en 1447 dans le chœur de l’église Saint-Tugal lors de la fusion des deux chapitres. L’emplacement d’une plaque funéraire apposée sur le mur est encore conservé.

9La Révolution française et la saisie au titre des Biens nationaux marquent un nouveau tournant dans l’histoire du site (phase 4). Malgré une conservation très partielle des niveaux archéologiques de cette période, le diagnostic montre que les galeries du cloître et le chevet de l’église furent démantelés et que le terrain reprit les fonctions de simple cour et de jardins, avant de devenir un parking dans la seconde moitié du xx^e s.

Laval, plan restitué de la collégiale et du cloître Saint-Tugal à la fin du xv^e s. et emplacement des tranchées des deux diagnostics.

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DAO H. Meunier