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Chronique des fouilles médiévales en France en 2019
II. – Constructions et habitats ecclésiastiques
II. 1. – Opérations de terrain

Saint-Gilles-du-Gard (Gard). Ancienne abbaye – parcelle 1152. Projet collectif de recherche « AEGIMAIOR ».

Responsable d’opération : Andreas Hartmann-Virnich
p. 277-278

Notes de la rédaction

Organisme porteur de la fouille : Ville de Saint-Gilles-du-Gard

Texte intégral

1Soutenus matériellement et institutionnellement par la DRAC Occitanie et la Ville de Saint-Gilles-du-Gard, les travaux du PCR « AEGIMAIOR » donnent lieu, depuis sa fin statutaire en 2016, à un suivi annuel régulier du chantier de restauration de l’ensemble du site abbatial sous autorisation de la DRAC Occitanie. En 2017, un premier relevé et diagnostic de la façade extérieure sud de l’ancien bâtiment claustral occidental et des maisons adventices qui se superposent au rez-de-chaussée voûté du xiie s. a été entrepris par Andreas Hartmann-Virnich en collaboration avec Heike Hansen. L’étude avait conclu, entre autres, à la survie d’importants fragments du parement extérieur du xiie s., tant au niveau inférieur qu’à hauteur de son étage. En outre, les restes d’une baie à croisée au second étage ont pu être attribués à une possible demeure canoniale, aménagée après la sécularisation de l’abbaye en 1538 au-dessus du volume médiéval devenu partiellement obsolète. Une étude archéologique de la façade septentrionale de l’étage du bâtiment claustral occidental roman par Andreas Hartmann-Virnich en 2018-2019 eut pour but de préciser sa chronologie relative complexe qui témoigne à son tour de l’importance des modifications consécutives à la sécularisation. En 2019, Heike Hansen et Andreas Hartmann-Virnich ont réalisé une nouvelle étude et un relevé des élévations médiévales conservées à l’intérieur de la maison n° 1152 qui surplombe l’angle SE de l’édifice, l’ancien mur-pignon occidental du bâtiment claustral sud et le passage intermédiaire. De la fin de l’année 2019 au début de 2020, la déconstruction du mur de soutènement remparé qui occupait l’emplacement de l’ancienne galerie occidentale du cloître depuis le xixe s., et qui avait fait l’objet d’un diagnostic par Andreas Hartmann-Virnich réalisé en 2018, donna lieu à une étude complémentaire des élévations romanes donnant sur l’ancien passage et des restes du mur de la galerie occidentale du cloître après son dégagement et nettoyage. Au terme de ces différentes interventions, il convient de résumer les conclusions de l’étude pluriannuelle du bâtiment claustral occidental qui avait débuté en 2013 par le relevé et l’étude stratigraphique des élévations intérieures de son rez-de-chaussée.

2Écarté du bâtiment méridional pour laisser un passage, le bâtiment claustral occidental fut la dernière des trois ailes romanes du cloître à être élevée (fig. 1). À l’instar du bâtiment sud, il fut construit d’emblée, vers le milieu du xiie s., avec l’arcade murale de la galerie jointive du cloître dont la banquette d’appui est conservée très en contrebas du sol remblayé de la cour actuelle dans un sous-sol voûté moderne à l’intérieur du soutènement adventice du xixe s. récemment supprimé. Dans œuvre, son niveau inférieur a une longueur de 25,18 m pour une largeur de 7,60 à hauteur de l’ancien cloître contre 7,36 m seulement à hauteur du bâtiment claustral méridional. La salle n’était pas voûtée à l’origine et son tiers sud plus étroit était probablement séparé par une cloison. Deux portes en plein cintre similaires au NE et au SE donnaient accès au cloître et au passage entre le bâtiment et le bâtiment méridional, en face de la porte dans son mur-pignon. Le relevé des restes du parement extérieur de la salle, désormais dégagé intégralement, permet de restituer une série de onze arcades sur pilastres engagés dont l’écartement régulier à intervalles de 2,10 m reprenait le module des arcades de la galerie sud. Sous chaque arc, à l’exception de la travée de la porte romane septentrionale, s’ouvrait une étroite baie rectangulaire, large de 15 cm à l’extérieur mais dont l’ébrasement intérieur atteignait une envergure de 0,65 à 0,71 m. Au nord, le grand volume s’étendait au-delà de l’emprise de l’église actuelle jusqu’à la limite du collatéral sud et du vaisseau central de sa crypte, et atteignait ainsi une longueur totale hors œuvre de 41,90 m. Dès le début du chantier de la grande abbatiale, vers 1180, la salle dut être raccourcie de près de 14 m pour faire place au parvis et à l’accès du portail sud. Un nouveau mur nord vint alors couper le volume de la grande salle, qui fut dotée en même temps d’un voûtement sur croisée d’ogives, divisé en trois travées par de puissantes nervures de section rectangulaire qui prennent appui sur des piédroits engagés dans les murs latéraux préexistants. En même temps, les fenêtres à l’est et au sud furent soigneusement obturées, et de très larges baies voûtées créées – ou agrandies – du côté ouest, en incrustant leurs ébrasements avec une précision remarquable dans les assises du parement. Ce changement s’inspirait des voûtes et baies de la crypte de la grande abbatiale, créées au tournant du xiie et du xiiie s. en abandonnant l’amorce des petites fenêtres primitives, et repris en même temps au déambulatoire du chevet.

3Les dernières études archéologiques ont révélé que la réduction de l’espace claustral devait dans un deuxième temps être compensée par un projet éphémère d’extension de tout le cloître vers le sud sur une longueur d’au moins 10 m (fig. 2). On décida alors d’ajouter aux arcades aveugles du cloître quatre travées supplémentaires en plaquant un nouveau parement avec le négatif des arcs en attente contre la partie méridionale du bâtiment occidental. Cependant, le projet, qui aurait nécessité la reconstruction complète du bâtiment méridional voisin, fut rapidement abandonné, en noyant la trace des arcs dans un parement à fleurs et en raccordant l’étage du bâtiment, qui restait encore à construire, au volume de l’aile méridionale restée en place. Par la suite, on encastra dans les murs des deux bâtiments claustraux un escalier sur voûte en berceau segmentaire, qui descendait au cloître en passant sous un arc à double rouleau de même forme qui raccordait la façade du bâtiment sud au bâtiment occidental. Plus au sud, la voûte prenait appui sur un arc-doubleau pour être prolongée par une voûte horizontale, toujours en place, qui soutenait un palier. Les layures sur les claveaux des arcs rappellent les techniques de taille du xiie ou du début du xiiie s. et suggèrent que les voûtes en pierre de taille, leur doubleau séparatif et l’arc d’ouverture sur l’espace claustral furent mis en place au plus tard dans la première moitié du xiiie s., pour créer un nouvel accès au second niveau, suite à l’abandon de la circulation à l’étage du cloître et son remplacement par la toiture en appentis pour son rez-de-chaussée. Pour laisser libre l’accès à la plus méridionale des deux portes romanes qui s’ouvraient en dessous dans le mur oriental de la salle basse du bâtiment ouest, la position et la pente de la voûte descendante de l’escalier, dont l’arrachement reste lisible, indiquent que les marches continuaient sur plusieurs mètres à l’intérieur de la galerie du cloître, où elles étaient sans doute réduites en largeur pour ne pas gêner la circulation au rez-de-chaussée. Le maintien de l’escalier, qui faisait face à l’escalier montant de la cour du cloître au parvis de l’église au nord, et qui perdura encore pendant les périodes tardives de l’évolution de l’abbaye avec des modifications et des destructions significatives à partir du xvie s., valut à une petite portion du mur de la galerie occidentale du cloître d’échapper à la spoliation de son bel appareil de pierre de taille au cours de l’époque moderne. De toute évidence, l’accès à l’étage des bâtiments sud et ouest fut donc préservé pendant un certain temps, peut-être encore jusqu’à la fin du xviiie s., sans doute pour desservir la maison du xvie ou xviie s. au-dessus dont les vestiges subsistent dans les élévations postrévolutionnaires. À cette époque, une nouvelle porte en plein cintre fut percée pour relier la travée médiane de la salle voûtée à la cour du cloître et à l’escalier de l’étage au sud, en abritant le passage entre les deux sous un appentis dont il subsiste les traces de poutre. Lors du relevé de 1791, cette construction avait disparu avec l’escalier qu’il avait protégé.

4La chronologie du bâti reflète les grandes lignes de l’histoire du monastère : au xiie s., la création d’un bâtiment à étage monumental, entièrement parementé en moyen appareil, clôt le chantier des bâtiments claustraux romans. À peine achevé, le bâtiment est raccourci au nord pour dégager le futur parvis de la grande abbatiale tardoromane, en ne conservant que les premières assises du mur oriental pour servir d’appui à la substruction de l’escalier de façade. La nouvelle façade septentrionale, elle aussi parementée en pierre de taille, subit au plus tard à partir de la sécularisation de 1538 les conséquences de la déchéance de l’ancien monastère. La création d’une prestigieuse maison canoniale, bientôt subdivisée avec le percement d’une seconde porte à l’ouest, marque les premières étapes d’une transformation en habitation individuelle, tandis que l’aire claustrale en contrebas devient un espace semi-public avec une première ouverture sur le parvis de l’église, remplacée en 1755 par un véritable portail monumental. Le coup de grâce donné au statut moyennement cossu des deux premières demeures jointives dut suivre la vente des biens nationaux à la Révolution, avec un remodelage successif de l’ensemble des portes d’accès et des fenêtres et l’ajout d’un second étage. Abstraction faite de ce dernier niveau, la qualité dégressive de ces interventions marque les dernières étapes de la déchéance du prestigieux cadre architectural roman.

Saint-Gilles-du-Gard, ancienne abbaye, plan tachéométrique de l’église avec les vestiges des bâtiments monastiques et l’emprise du bâtiment claustral occidental du xiie s. dans son second état raccourci.

Saint-Gilles-du-Gard, ancienne abbaye, plan tachéométrique de l’église avec les vestiges des bâtiments monastiques et l’emprise du bâtiment claustral occidental du xiie s. dans son second état raccourci.

H. Hansen, 2019-2020

Saint-Gilles-du-Gard, ancienne abbaye, relevé tachéométrique de l’élévation est de l’ancien bâtiment claustral occidental du xiie s. avec les surélévations post-médiévales, les vestiges du parement roman en moyen appareil, la restitution des arcades aveugles de la galerie occidentale du cloître attenant, et la restitution du prolongement abandonné au sud (à gauche).

Saint-Gilles-du-Gard, ancienne abbaye, relevé tachéométrique de l’élévation est de l’ancien bâtiment claustral occidental du xiie s. avec les surélévations post-médiévales, les vestiges du parement roman en moyen appareil, la restitution des arcades aveugles de la galerie occidentale du cloître attenant, et la restitution du prolongement abandonné au sud (à gauche).

H. Hansen, 2019-2020

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Table des illustrations

Titre Saint-Gilles-du-Gard, ancienne abbaye, plan tachéométrique de l’église avec les vestiges des bâtiments monastiques et l’emprise du bâtiment claustral occidental du xiie s. dans son second état raccourci.
Crédits H. Hansen, 2019-2020
URL http://journals.openedition.org/archeomed/docannexe/image/35663/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1000k
Titre Saint-Gilles-du-Gard, ancienne abbaye, relevé tachéométrique de l’élévation est de l’ancien bâtiment claustral occidental du xiie s. avec les surélévations post-médiévales, les vestiges du parement roman en moyen appareil, la restitution des arcades aveugles de la galerie occidentale du cloître attenant, et la restitution du prolongement abandonné au sud (à gauche).
Crédits H. Hansen, 2019-2020
URL http://journals.openedition.org/archeomed/docannexe/image/35663/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 264k
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Pour citer cet article

Référence papier

Andreas Hartmann-Virnich, « Saint-Gilles-du-Gard (Gard). Ancienne abbaye – parcelle 1152. Projet collectif de recherche « AEGIMAIOR ». »Archéologie médiévale, 50 | 2020, 277-278.

Référence électronique

Andreas Hartmann-Virnich, « Saint-Gilles-du-Gard (Gard). Ancienne abbaye – parcelle 1152. Projet collectif de recherche « AEGIMAIOR ». » [notice archéologique], Archéologie médiévale [En ligne], 50 | 2020, mis en ligne le 15 février 2021, consulté le 08 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/archeomed/35663 ; DOI : https://doi.org/10.4000/archeomed.35663

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Auteur

Andreas Hartmann-Virnich

LA3M UMR 7298 Aix-Marseille Université-CNRS

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