1L’église de l’abbaye de la Piété-Dieu de l’Épau, fondée en 1230, est un édifice à chevet plat avec trois chapelles orientées sur chaque bras du transept tandis que la nef ne dispose que d’un seul bas-côté au sud. L’ensemble est voûté d’ogives. Le grand comble, couvrant le vaisseau principal de la nef, le chœur et les deux bras du transept se caractérisent par des arases et des faîtages qui règnent pour se réunir au niveau de la croisée par quatre noues. Les extrémités se terminent toutes par des pignons découverts. En concertation avec le Service régional de l’archéologie, la Conservation régionale des Monuments historiques et le Département de la Sarthe, l’étude des charpentes a tenté d’apporter des éléments de datation objectifs permettant de mieux cerner la construction de l’église abbatiale.

2Au terme de cette étude des combles de l’église abbatiale de l’Épau, il apparaît qu’ils résultent de l’addition de cinq structures distinctes. Quatre charpentes, à deux versants inclinés entre 50° et 53°, s’articulent autour du tabouret qui supportait un clocher surmonté de la flèche attestée par la gravure de Gainière. Ces structures correspondent à deux grandes campagnes.

3La plus ancienne vers 1368-1377 ne concerne que le chœur. Il s’agit d’une structure qui se terminait par deux pignons en pan de bois dont l’oriental a disparu au début des années 1960, et l’autre lors de la réalisation de la croisée au xv^e s. En l’absence de lien, rien ne permet d’assurer une reconstruction de la voûte à cette occasion, mais les murs du comble sans finition sont réalisés pour recevoir un voûtement. Il est tentant de rapprocher cette réalisation de l’un des événements de la guerre de Cent Ans qui aurait conduit, en 1365, à la destruction partielle de l’abbaye.

4La seconde phase comprend la réalisation d’un clocher au droit de la croisée et des charpentes couvrant les deux bras du transept et de la nef en cinq tranches successives au rythme d’une par an entre 1428 et 1432. La première étape fut, en 1428, la reprise du pignon ouest de la charpente du chœur pour libérer l’espace de l’arc doubleau. Le tabouret de la flèche est conçu, avec des bois abattus en 1429, pour reposer sur les arcs doubleaux limitant la croisée. Donc, malgré la présence de mouluration et de décor en sous-face, il n’y a jamais eu de fausse voûte en bois. Il semble que ces décors résultent de la seule volonté du maître-charpentier et qu’ils ne devaient pas rester visibles ultérieurement. Le bras nord du transept est couvert par une charpente taillée en 1430. C’est probablement l’année suivante qu’est réalisée celle du bras sud du transept (bois abattus entre 1428 et 1442). Enfin la nef est réalisée en 1432. Comme il est assuré que les voûtes maçonnées sont postérieures au levage des charpentes et que les parements des maçonneries des combles sont restés bruts, il est donc possible de dater les voûtes, hormis celle du chœur, des années 1430. En combinant les résultats de l’étude des charpentes à un examen, certes superficiel, des maçonneries des élévations, on est conduit à proposer une reconstruction, voire une construction, de l’essentiel de cette abbatiale dans le second quart du xv^e s. Dans cette perspective, seul le chœur a été remis en état après les affres de la guerre de Cent Ans. Pour aller plus loin dans la validation de cette proposition, une étude des maçonneries serait nécessaire mais demanderait à pouvoir passer sous les enduits récents.