1Ensemble bâti hétérogène situé en bordure méridionale de la place de Verdun, l’immeuble Gayaud résulte du découpage, à partir de la fin du xviii^e s., d’un îlot d’habitation médiéval et moderne. Le vaste projet d’urbanisme qu’a été, entre 1776 et 1832, la construction du palais de justice et de ses dégagements correspondant à l’actuelle place de Verdun, ainsi que le percement du passage Agard, à l’ouest, entre 1846 et 1889, ont ainsi fixé les nouveaux contours de l’îlot et altéré les dispositions de l’immeuble. Celui-ci a connu par la suite de multiples affectations et travaux : un établissement d’accueil des sœurs des écoles chrétiennes établies depuis le début du xviii^e s. au niveau du n° 18 bis et qui font reconstruire les locaux à partir de 1790 ; une école de musique qui leur succède en 1879 : un immeuble de rapport reconstruit en bordure de la nouvelle place du palais de Justice (n° 20) et, enfin, une dévolution des locaux, en 1972, au ministère de la Justice avant leur délaissement en 2015. Les étages sont toujours inoccupés aujourd’hui et seuls des commerces occupent encore le rez-de-chaussée en bordure de la place.

2Propriété de la ville d’Aix-en-Provence, cet ensemble complexe d’une emprise au sol de 700 m², soit une SHOB de près de 2 220 m² répartis sur cinq niveaux, est aujourd’hui l’objet d’un projet de réhabilitation en vue d’y établir un complexe hôtelier. Ce projet a motivé la prescription d’un diagnostic afin d’évaluer le potentiel archéologique et architectural des bâtiments, fortement remaniés à l’époque contemporaine, mais aussi pour accompagner les décisions de réhabilitation. L’intervention conduite sur un mois et demi a porté sur les élévations et sur les sols de la cour.

3Les occupations antiques sont demeurées discrètes malgré la proximité de la porte d’entrée SE de la ville antique et de la voie aurélienne, dont le tracé est restitué sous la partie nord de l’immeuble diagnostiqué. Seuls un mobilier céramique résiduel et des fragments lapidaires en remploi dans les maçonneries les documentent. Le sondage ouvert dans la grande cour a surtout permis d’appréhender, entre 190,60 m et 190,90 m NGF, des niveaux médiévaux remontant au xiii^e s. qui pourraient correspondre au faubourg de la Madeleine, connu par les textes.

4Leur succède une nouvelle phase correspondant à l’intégration du site dans les limites urbaines, où l’absence de structure bâtie, dans la cour actuelle, pourrait déjà témoigner d’une organisation des bâtiments autour d’un vide central (entre 190,90 m et 191,80 m NGF), tel que cela apparaît par la suite à l’époque moderne. Les éléments ponctuels, antérieurs à la grande restructuration de l’îlot à partir du xvii^e s., conservés dans les élévations de l’immeuble, vont dans ce sens et fixent les axes du bâti moderne. Il s’agit, en particulier, des vestiges de deux murs conservés à l’angle SE de la grande cour qui donnent le pourtour nord d’un premier bâtiment, circonscrit au sud par la Petite rue des Carmes, et la limite ouest d’un bâtiment perpendiculaire. Les dispositions de l’îlot dit du « conseiller de Mouriez » dans l’enquête de capitation de 1695 sont mieux connues à partir du xvii^e s. pour lequel deux ensembles bâtis ont été mis en évidence :

• à l’est, une première habitation organisée autour d’une cour est restituée en façade de la Petite rue Saint-Jean. Sa datation reste difficile à établir, cependant les élévations primitives conservées permettent de délimiter son enveloppe. Certaines portent des décors, dont un possible motif héraldique associé à une ouverture ;
• à l’ouest, une seconde habitation tournée sur la grande cour en occupe les franges est et sud, englobant les restes du bâtiment médiéval. Dotée de caves (dont une antérieure) et de trois étages, elle affecte en façade un soubassement monté en pierre de taille, de type pierre de Bibémus, jusqu’à l’appui des fenêtres du rez-de-chaussée surélevé ; au-delà et en cœur d’immeuble, les maçonneries sont appareillées de moellons ou constituées d’un simple blocage de plâtras et tout-venant. La présence de trois petits bénitiers insérés dans l’épaisseur des murs permet l’attribution de l’édifice aux sœurs établies ici depuis 1690.

5Les travaux de la période contemporaine consécutifs à la création du palais de justice ont entaillé la frange nord de l’îlot de Mouriez, le déstructurant complètement. La pointe nord de l’îlot, au débouché de la Petite-rue-Saint-Jean sur la place de Verdun, est reconstruite dans la continuité de l’alignement dont fait l’objet l’immeuble ouest, suite à une ordonnance royale de 1840. Au revers de cette nouvelle façade courbe, les portions de maisons anciennes conservées ont été entièrement ré-enduites, afin de rendre son homogénéité au nouvel édifice.

6À l’ouest, le percement du passage Agard, à partir de 1846, achève la dislocation de l’îlot qui ne connaîtra plus, par la suite, que des réaménagements de surfaces liées aux nouvelles fonctions du bâtiment (conservatoire de musique, annexe du tribunal).

Aix-en-Provence, état des habitations des xvii^e et xviii^e s. de l’Îlot Mouriez et reprises contemporaines.

Agrandir Original (jpeg, 1,0M)

DAO S. Ranchin