Cahors (Lot). Rue Pierre Mendès-France
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Année de l'opération :
2019Sujets :
sarcophage, cuisine (pièce), édifice religieux, édifice funéraire, vaisselle de terre cuite, vaisselle de verre, foyer, dépotoir, milieu urbainChronologie :
Antiquité, Antiquité gréco-romaine, Antiquité romaine, Empire romain, Haut-Empire romain, Bas-Empire romain, époque médiévale, Haut Moyen Âge, Bas Moyen Âge, époque moderne, époque contemporaineNature de l'opération :
fouille programméeTexte intégral
1La fouille programmée de la rue Pierre Mendès-France a succédé à un diagnostic archéologique préventif réalisé en avril 2019, préalablement à l’aménagement des abords du nouveau complexe cinématographique de Cahors. L’un des sondages avait alors révélé, de manière totalement inédite, un sarcophage dans un ensemble chronostratigraphique bien préservé, succédant à une occupation antique, en marge des villes antique et médiévale, loin de la cathédrale Saint-Étienne. En l’absence de menace de destruction des vestiges en raison de leur profondeur, une fouille programmée a été sollicitée pour comprendre cet ensemble très singulier.
2Les vestiges antiques ont principalement été abordés sous forme de sondages après fouille des niveaux alto-médiévaux, afin de compléter les données du diagnostic et de préciser la chronologie et la fonction des ensembles bâtis. L’hypothèse d’une domus du Haut-Empire en limite nord d’agglomération est envisagée. Ces bâtiments sont partiellement détruits à la fin du Haut-Empire. Un mur est ensuite réutilisé à l’époque mérovingienne.
3La fouille des niveaux mérovingiens a confirmé l’importance et la complexité sédimentaire dans laquelle s’inscrit le sarcophage, par ailleurs en position isolée, mais singulière. Au moins trois espaces distincts ont pu être définis :
- à l’est, une pièce à fonction domestique ou technique probable (cuisine ?) comportait un sol en mortier maigre couvert de cendres et charbons ;
- au centre, une galerie N-S, reprenant le plan d’une galerie antique, lui a été ajoutée dans un second temps. Cette pièce de passage, probablement en appentis, a accueilli un sarcophage où a été déposée une femme âgée ; aucun mobilier n’accompagnait la défunte. Ce sarcophage en calcaire, assez fruste, au toit en bâtière scellé au mortier rose de tuileau, a été placé en travers de la galerie. Il est resté volontairement visible durant toute l’occupation, qui est datée de l’époque mérovingienne grâce à un abondant matériel céramique et à de la verrerie. Un foyer est resté actif au pied du sarcophage jusqu’à sa disparition totale par remblaiement, après récupération des murs alto-médiévaux. Cette configuration suggère l’inhumation d’un personnage d’une certaine importance ;
- à l’ouest, des espaces extérieurs de type « terres noires », bien que peu sombres et très stratifiés, semblaient dévolus aux rejets alimentaires ou à des activités annexes. L’activité semble s’y être poursuivie après la destruction des bâtiments orientaux.
4Si l’on excepte le sarcophage, la modestie et la nature des autres vestiges pourraient suggérer un simple habitat urbain, dont les contours restent indéfinis au regard de l’étroitesse de la fouille. L’importance des sols, intérieurs et extérieurs, et les couches d’occupations riches en matériel archéologique suggèrent, toutefois, une intense occupation.
5La vénération dont ce sarcophage a pu faire l’objet durant toute la première partie de l’époque mérovingienne suggère que nous pourrions être dans ou au voisinage d’un édifice à caractère religieux, peut-être un monastère. Serait-ce celui de Saint-Étienne-le-Supérieur, mentionné dans la vie de saint Didier, évêque de Cahors de 629 à 655, et dont l’église Saint-Barthélemy toute proche serait l’héritière ? Ou bien doit-on considérer une découverte toute proche faite en 1652 et évoquant les « substructions d’une basilique romaine, ainsi que cinq grands sarcophages d’une très belle pierre, ornés d’emblèmes épiscopaux », les auteurs de l’époque évoquant alors, sur la foi d’une toponymie que nous jugeons hasardeuse, que cette basilique « était celle dite des saints bretons […] Donatien et saint Rogatien ». Mais l’information essentielle de ce texte est celle de la découverte d’une basilique avec des sarcophages, pour lesquels on imagine mal l’invention de ces décors « épiscopaux » (on présume des crosses ou des mitres) sur les sarcophages. La datation reste incertaine, mais on peut imaginer qu’elle correspond au haut Moyen Âge. L’hypothèse d’une église ancienne ayant accueilli des évêques pourrait s’enraciner assez loin dans l’histoire du diocèse de Cahors. On sait ainsi que Didier, qui avait été formé dans sa jeunesse dans le monastère de Saint-Amans, hors de la ville à l’ouest, a souhaité y être inhumé par la suite. On sait également qu’une certaine Bobila, « sénatrice romaine » de l’Albigeois, qui avait fait des dons importants à l’Église cathédrale au temps de Didier, avait souhaité se faire inhumer auprès du saint évêque qu’elle vénérait. La présence d’une sépulture de femme à proximité d’une basilique en lien avec les évêques de Cahors pourrait s’appliquer à notre cas. Les découvertes réalisées à Cahors ces dernières années et concernant le haut Moyen Âge semblent indiquer une ville plus réduite que ce que l’on imaginait auparavant et peut-être contenue dans une enceinte réduite à quelques hectares seulement, laissant hors les murs un semis de basiliques funéraires ou de monastères dont la plupart sont attribués à l’épiscopat de Didier, dans le second quart du viie s. Un castellum tardo-antique est aussi présumé fonctionner encore à cette époque sur la colline du Mont-Saint-Cirq, outre-pont, en rive gauche du Lot. L’image d’une ville multipolaire ne doit pas surprendre. C’est probablement le cas de la plupart des villes de cette époque, où même certaines basiliques funéraires semblent avoir été ceintes de zones d’habitats plus ou moins denses, comme à Paris.
6À une époque indéterminée, mais sans doute durant le bas Moyen Âge, des terres végétales semblent avoir été progressivement apportées après l’abandon du site. Ensuite, sans que l’on puisse préciser exactement quand, a été étalé un important remblai d’argile orange avec de nombreux galets, éléments provenant de la terrasse alluviale sous-jacente. L’importance et la stratification de ce remblai pourraient indiquer un vaste creusement proche, peut-être celui du fossé de la ville close, distant d’une vingtaine de mètres.
7Enfin, dans les niveaux supérieurs de la fouille, des fondations très rapprochées ont été attribuées à un bâtiment du xixe s. appartenant à l’ancienne caserne de Cahors.
Table des illustrations
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Titre | Cahors, rue Pierre Mendès-France, plan des vestiges alto-médiévaux. |
Crédits | DAO L. Guyard, Département du Lot |
URL | http://journals.openedition.org/archeomed/docannexe/image/36026/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 660k |
Pour citer cet article
Référence papier
Laurent Guyard, « Cahors (Lot). Rue Pierre Mendès-France », Archéologie médiévale, 50 | 2020, 178-180.
Référence électronique
Laurent Guyard, « Cahors (Lot). Rue Pierre Mendès-France » [notice archéologique], Archéologie médiévale [En ligne], 50 | 2020, mis en ligne le 15 février 2021, consulté le 19 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/archeomed/36026 ; DOI : https://doi.org/10.4000/archeomed.36026
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