Le Crotoy (Somme). Mayocq
Notes de la rédaction
Organisme porteur de la fouille : Inrap
Texte intégral
1Au Crotoy, l’extension d’une carrière a été l’occasion d’engager un diagnostic d’archéologie préventive sur 6,6 ha. Une première tranche de ce diagnostic menée en 2018 avait livré une occupation datée du xe s. L’une de ses caractéristiques était l’association des structures avec de vastes amas de coquilles de coque consommées, dont le volume dépassait largement ceux d’une consommation domestique. Engagée en 2019, la deuxième tranche du diagnostic concernait des parcelles situées en marge du hameau de Mayocq, à environ 1 km au nord de la zone précédente. La littérature ancienne associe ce hameau à l’existence d’une abbaye et d’un point d’habitation dense, au moins jusqu’au xive s., date à laquelle aurait été opéré un transfert de la population vers Le Crotoy.
2Le diagnostic de 2019 a révélé, sur une bonne partie de sa surface, deux phases d’occupation diachroniques, l’une sur le nord et le centre des parties sondées, qui s’étend du viie au xe ou au xie s., l’autre sur la partie sud qui est datée du bas Moyen Âge.
3La phase ancienne est composée de groupes denses de structures variées (fossés, fosses et trous de poteau) qui occupent quasiment tout l’espace. Comme dans la tranche 1, on retrouve ces structures systématiquement associées à des rejets de coquilles de coques consommées, soit éparpillées dans les comblements, soit sous la forme de fosses dépotoirs ou d’amas de coquilles. À partir du résultat des tranchées de sondage, il est difficile d’établir une organisation de l’occupation, qui se développe donc de part et d’autre de la ferme nord de Mayoc. Un élément structurant peut néanmoins être identifié à travers un fossé qui semble marquer une limite entre un espace vide (vers le nord et l’ouest) et un espace occupé. Ses dimensions pourraient en faire un fossé d’enclos entourant une unité d’occupation.
4L’analyse de la céramique (étude de Vaïana Vincent, Inrap) confirme pour une bonne part les observations de la tranche 1. On retrouve ainsi la même homogénéité stylistique et de matériau, qui avait permis d’établir une datation du xe s. Les assemblages de référence proviennent des sites de Saleux « les Coutures » et de Dury, dans la Somme. L’élément plus inhabituel de l’ensemble – peut-être biaisé par le faible nombre de tessons – est la prédominance des pâtes grises, qui ne se retrouve pas dans les sites établis à l’intérieur des terres où, à la même période, les pâtes sont davantage de teinte claire. Ce faciès se rapproche en cela des sites littoraux du Nord où, passé la zone du Montreuillois, le mobilier céramique des xe et xie s. est essentiellement gris. On notera la présence de quelques fragments de céramiques façonnées dans une pâte coquillée très atypique.
5Dans la tranche 1, avait été évoquée une possible occupation plus ancienne. À première vue, tout semblait indiquer l’existence d’un bruit de fond situé plutôt à la fin de l’époque mérovingienne, au viie voire au viiie s. Dans la tranche 2, plusieurs structures sont clairement datées de cette phase. Nous pourrions donc être en présence d’une occupation continue, débutant au moins au viie s. et se poursuivant jusqu’aux xe-xie s., soit environ quatre siècles. Cette durée semble compatible avec ce qui est relevé dans la région pour cette période.
6Concernant les coquilles de coques, on peut reprendre également certaines hypothèses émises pour la tranche 1. Les coquilles sont systématiquement ouvertes, comme après la consommation du coquillage, avec les deux valves encore accrochées ; par ailleurs, on peut remarquer un phénomène de tri puisque la coque est l’espèce quasi exclusive, à l’exception de quelques coquilles de moules et de palourdes. Par ailleurs, les coquilles sont souvent associées, quand elles sont découvertes hors structures, à une matrice sableuse grise à noire, d’aspect cendreux. Toutes ces observations semblent argumenter en faveur d’une origine clairement anthropique de ces dépôts, liée à une consommation importante de ce coquillage. La différence, toutefois, réside dans l’absence de gros amas ; nous sommes plutôt face à une généralisation de la présence de coquilles dans les comblements des structures. En ce sens, cette zone d’occupation se rapproche davantage de celles des sites du littoral flamand.
7Plus au sud, un groupe de structures homogène est daté par la céramique du bas Moyen Âge. Il s’agit surtout de fosses aux comblements anthropisés, souvent charbonneux. On peut s’interroger sur la relation entre ce groupe de vestiges et les fermes de Mayoc, qui sont situées dans leur environnement immédiat, d’autant que les colluvions sommitales livrent régulièrement des tessons datés également du bas Moyen Âge. S’agit-il de l’occupation qui a précédé la construction de ces fermes ? Ou d’un état antérieur en lien avec un hameau de Mayoc tel que le décrit la littérature ancienne ? Le faible nombre de sondages ayant pu être réalisés ne permet pas de comprendre l’organisation de ces vestiges ni d’émettre la moindre hypothèse quelque peu étayée.
Pour citer cet article
Référence papier
Richard Rougier, « Le Crotoy (Somme). Mayocq », Archéologie médiévale, 50 | 2020, 186-187.
Référence électronique
Richard Rougier, « Le Crotoy (Somme). Mayocq » [notice archéologique], Archéologie médiévale [En ligne], 50 | 2020, mis en ligne le 15 février 2021, consulté le 19 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/archeomed/36131 ; DOI : https://doi.org/10.4000/archeomed.36131
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