1La rue des Pensées se situe sur le rebord du plateau qui surplombe la rive nord de la Loire. D’axe N-S, elle appartient au quart NE du centre-ville actuel. Elle a fait l’objet d’un diagnostic archéologique avec interventions ponctuelles, entre le 15 juillet et le 27 novembre 2019, dans le cadre de travaux de requalification de voirie et des réseaux existants.

2Les vestiges de destruction observés au sud de l’emprise semblent témoigner de la présence d’un secteur bâti avant le iii^e s. La présence d’un bâtiment, matérialisé par sa semelle de fondation en mortier et reconstruit sur la démolition d’anciens édifices, tend à indiquer une pérennité de l’occupation. À partir de la seconde moitié du iv^e s., l’enceinte du castrum place cette zone hors les murs. Le quartier se trouve à plus d’une soixantaine de mètres des fortifications. Aucun indice ne permet d’appréhender l’évolution de ce secteur entre la fin du Haut-Empire et l’époque carolingienne.

3Ce n’est qu’avec le haut Moyen Âge qu’une nouvelle occupation est perceptible. À cette période, la destruction d’anciens bâtiments semble contemporaine de l’édification de nouvelles structures. On observe des remaniements intervenant directement sur les structures existantes, notamment par la récupération probable de matériaux de construction. Les tessons de céramique collectés dans une tranchée de récupération correspondent à des formes du ix^e s. Deux maçonneries, orientées E-O et situées à moins de 9 m l’une de l’autre, prennent place dans l’espace actuel de la rue. Elles présentent une mise en œuvre très similaire (assemblage de blocs calcaires bruts liés par un mortier jaune composé d’argile et de chaux, assez sableux) qui tend à indiquer qu’il s’agit de maçonneries contemporaines pouvant peut-être appartenir au même bâtiment. D’autres exemples présentant les mêmes caractéristiques architecturales ont été mis au jour à Orléans ; le mobilier découvert dans les niveaux de construction et d’occupation associés à ces bâtiments évoque les vii^e-viii^e s. Ici, en l’absence de mobilier particulièrement discriminant, la chronologie proposée pour cet ensemble s’étend du ix^e au xi^e s., mais une autre maçonnerie observée à proximité pourrait dépasser ce cadre et combler le hiatus qui semble exister aux xi^e-xii^e s. Même si l’église Saint-Victor, aujourd’hui disparue, pourrait avoir été construite au sud de l’emprise au cours du xii^e s. Dans ce cas, il semble probable que des aménagements aient été nécessaires dans ce quartier de la ville.

4À partir du xiii^e s., l’occupation se densifie avec la construction de plusieurs bâtiments, l’implantation de structures annexes ainsi que d’espaces de circulation. Un bâtiment, d’une largeur intérieure de 3,50 m et d’une surface minimale de 17 m², occupe la quasi-totalité de la largeur de la rue actuelle. Les trois maçonneries qui le composent sont constituées de moellons calcaires liés au mortier de chaux et d’argile, à l’exception d’une pierre d’angle taillée utilisée en remploi. D’autres tronçons de maçonnerie, situés à proximité, laissent supposer la présence de tout un ensemble de bâtiments installés au cours des xiii^e et xiv^e s. Le fossé ainsi que les fosses et trous de poteau mis au jour constituent d’autres indices d’une occupation dense. Cet ensemble témoigne d’un quartier d’habitat dont le mobilier céramique reflète un contexte domestique sans particularité notable. L’évocation d’un quartier de faubourg est renforcée par la présence d’une couche dépotoir très riche en scories de fer, auxquelles sont mêlés deux fragments de creuset ainsi que des formes céramiques évoquant le vaisselier du xiv^e s. Elle confirme la proximité d’un secteur artisanal, probablement constitué de forges. D’un point de vue topographique, les chemins d’accès semblent se développer autour de l’habitat. Les lambeaux d’espace de circulation mis au jour (marne damée, sols dallés) s’apparentent presque tous à des revêtements de cour ou d’allée, à l’exception d’un possible lambeau de voirie (cailloutis). La question de leurs relations reste en suspens faute de n’avoir été observées qu’à travers l’étroite fenêtre des tranchées et des sondages réalisés, mais ces circulations semblent bien loin de former l’axe actuel de la rue des Pensées.

5Les guerres ont vraisemblablement impacté ce quartier de faubourg, proche des murs de la ville, et notamment la guerre de Cent Ans. Au cours du siège de 1428, plusieurs destructions d’édifices religieux ont lieu dans le quartier. C’est le cas de l’église Saint-Victor, de l’église de Saint-Euverte ou de la chapelle Saint-Michel. Ces mentions permettent de supposer la destruction de bâtiments alentour. En effet, l’occupation mise en évidence entre la fin du xiv^e et le début du xv^e s. marque un changement. Les bâtiments occupant l’espace de la rue actuelle semblent détruits et abandonnés, comme paraît l’indiquer la phase de remblaiement qui leur succède. Ces remaniements pourraient peut-être correspondre à cette période troublée.

6Divers vestiges marquent fortement la reconstruction du quartier et la mise en place d’un nouveau parcellaire. Deux piédroits sont encore visibles, noyés dans la maçonnerie du mur gouttereau ouest d’une habitation située à l’extrémité sud de l’emprise. Ils correspondent aux restes en élévation de l’église Saint-Victor, datant probablement d’une reconstruction de la façade ouest de l’édifice, plus spécifiquement celle du portail du collatéral sud, dont seul le départ de l’arc, bûché, est visible. D’après les caractéristiques techniques (trace d’outils) et stylistiques, les vestiges pourraient correspondre à une construction des xv^e-xvi^e s. Le dégagement de l’extrados d’une voûte, au sud de l’emplacement de l’église Saint-Victor, a engendré l’exploration d’une vaste cave ayant révélé un ancien parcellaire laniéré, courant au Moyen Âge à Orléans. La cave présente des caractéristiques techniques et architecturales permettant de proposer une datation de la seconde moitié du xv^e s., sans pouvoir totalement exclure que les murs soient plus anciens. Ces éléments indiquent donc la construction de nouvelles habitations à cette période. C’est d’ailleurs à la fin du xv^e s. qu’une seconde accrue de l’enceinte vient protéger les faubourgs situés à l’est, intégrant notre emprise à la ville.

7Enfin, l’ensemble des niveaux de circulation, mis au jour au nord de l’emprise, peuvent marquer la position définitive de la rue des Pensées. De part et d’autre de celle-ci, les habitations actuelles prennent place entre les xvi^e-xvii^e s. et le xviii^e s. Au sud, il est plus difficile d’appréhender l’évolution de la voirie, le xvii^e s. ayant vu l’installation d’un perron pourvu d’un escalier à deux rampes devant l’église et le surbaissement de l’axe de la rue. La destruction de cet accès monumental a probablement endommagé les niveaux sous-jacents. L’emplacement d’un puits a néanmoins été conservé en partie, malgré de gros arasements. La période contemporaine est représentée par l’installation de bordures de trottoir suivant quasiment l’axe actuel de la rue des Pensées, la mise en place de la première voirie puis l’installation de la rue telle qu’on la connaît aujourd’hui, intégrant le passage de nombreux réseaux.

Orléans, rue des Pensées, vestiges de l’église Saint-Victor.

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Cl. Pôle d’archéologie de la ville d’Orléans