1Cette opération de fouille s’est déroulée d’avril à novembre 2019 sur une surface de 5416 m² répartie en trois zones. Le secteur est une ancienne zone marécageuse située en dehors de l’enceinte du xii^e s. ; aucune trace d’occupation humaine n’a été révélée avant le Moyen Âge central, si l’on excepte la découverte de quelques tessons de céramique antique résiduels. Cet espace est ensuite intégré à la ville lors de la construction de l’enceinte de réunion qui s’étend sur ces zones humides à partir de 1222, sous l’impulsion du comte Thibault IV. Ainsi, un premier canal est creusé vers le milieu du xiii^e s., mais la zone n’est pas encore lotie car très peu de structures de cette période ont pu être repérées : quelques puits, des fondations de solins en craie évoquant de petites annexes plutôt que de l’habitat, un réseau de fossés de drainage, etc. Elles donnent l’image d’une zone périphérique, en fond de parcelle, sans doute une zone vivrière, dédiée à l’horticulture et au maraîchage selon toute vraisemblance, ce dont devraient témoigner les analyses palynologiques et carpologiques entreprises. Un texte mentionne d’ailleurs la présence d’une vigne en 1168 dans cette zone.

2La découverte inattendue d’une zone d’inhumations (59 individus a minima), en dehors de tout cimetière paroissial, pose de nombreuses questions. La gestion des corps, en tous sens et dans des positions atypiques (sur le côté, sur le ventre), la présence exclusive d’hommes, d’après les observations de terrain, ainsi que de simples morceaux de corps et de nombreux crânes seuls, nous conduisent peut-être vers un lieu d’inhumation en lien avec des exécutions judiciaires. Une première datation C centrée sur le xiv^e s. semble indiquer une chronologie de la fin du Moyen Âge/début de l’époque moderne pour cet ensemble.

3Les structures en eau témoignent également d’une évolution spatiale des canaux, avec des recreusements successifs du sud vers le nord. Leurs aménagements évoluent également avec certains canaux entièrement aménagés en bois : pieux et palplanches, bassins et écluses (notamment pour les xv^e-xvii^e s.). Ces éléments relient le canal de la Planche Clément, à l’ouest, au canal de l’Île ou au cours de la Vieille Seine en aval, vers le NE. Ils figurent sur les plans anciens de la ville de Troyes, tel celui de Coluel de 1769.

4Puis, à partir de 1760-1765, des bains publics s’installent sur le secteur avec le percement d’un nouvel axe, la rue Neuve des Bains. Ce sont les premières constructions d’importance sur cette ancienne zone humide. Une pierre de fondation a été retrouvée mentionnant les généreuses donatrices. L’élévation de ces constructions nous est connue par des gravures du xix^e s. L’ensemble des maçonneries est fondé sur pieux. Les canaux fonctionnant avec ces bains sont également figurés sur le cadastre de 1838 et s’accordent parfaitement avec les données recueillies sur le terrain. À nouveau, ces canaux sont entièrement aménagés en bois et l’on peut suivre leur évolution jusqu’à leur comblement définitif qui n’intervient que dans les années 1930.

5Enfin, une usine textile s’implante contre la rue Neuve des Bains ; les fondations des murs gouttereaux et des piliers sont encore édifiées sur pieux, ainsi que des bâtiments construits au nord sur de véritables plateformes de pieux de plusieurs centaines de mètres carrés. Cette usine sera démantelée au début des années 1950 pour laisser la place à des logements sociaux, objets de réhabilitation et de reconstruction dans le projet actuel.

6Plus généralement, la quantité de mobilier recueilli va permettre de progresser dans l’étude du vaisselier de la fin du Moyen Âge et de l’ensemble de la période moderne. Les études paléoenvironnementales vont offrir une fenêtre sur les forêts du secteur (dendrologie et dendrochronologie) et sur l’évolution d’une zone humide intégrée à la ville.

Troyes, « Planche Clément », plan des zones 1 et 2 concentrant la majorité des vestiges.

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DAO S. Lemeunier et V. Marchaisseau, Inrap