Emmanuelle Boube, Alexis Corrochano et Jérôme Hernandez (dir.), Du royaume Goth au Midi Mérovingien, Actes des 34es Journées d’archéologie mérovingienne (Toulouse, novembre 2013)
Emmanuelle Boube, Alexis Corrochano et Jérôme Hernandez (dir.), Du royaume Goth au Midi Mérovingien, Actes des 34es Journées d’archéologie mérovingienne (Toulouse, novembre 2013), Bordeaux, Ausonius Éditions (Mémoires, 56), 2019, 560 p
Texte intégral
1Ce fort volume réunit 41 contributions présentées à Toulouse du 6 au 8 novembre 2013 et offre un riche panorama de la recherche sur les ve-viie siècles, transition cruciale entre monde antique et monde médiéval. Cette brassée d’études s’arrête en premier lieu dans le Midi français mais aussi dans plusieurs régions voisines, jusqu’à embrasser une large part de l’Europe et même à réussir une percée jusqu’aux Indes !
2Reposant en très large part sur la présentation de données archéologiques exhumées au cours de la dernière décennie et restées inédites, cette somme prend toute sa place dans la série des publications de l’AFAM, cette Association française d’archéologie mérovingienne qui, depuis 1979, a su créer un lieu de rencontre et de construction d’une connaissance restée jusqu’alors partielle et éparse, et fait émerger une communauté scientifique dont la vitalité ne se démentit pas depuis lors.
3Une première section, la plus mince et la moins novatrice, réunit les contributions fondées sur l’analyse des sources écrites, dossier scruté sous toutes les coutures depuis plus d’un siècle et qui justifie toujours quelque mise au point. La deuxième section est consacrée aux lieux de pouvoir dans les villes, particulièrement la capitale du premier état goth, Toulouse, dont la parure monumentale des ve-vie s. émerge à la faveur d’amples fouilles préventives. C’est le cas en dernier lieu d’un grand édifice exhumé sur le site de l’École d’Économie (50 x 40 m) bâti dans une zone funéraire ancienne et interprété comme un mausolée princier, sur le modèle du monument romain de Maxence. En large part épierré ou recoupé au fil des transformations urbaines, l’édifice pose quelques problèmes de datation que soulignent deux séries de dates 14C réalisées sur des sépultures antérieures ainsi que sur les remblais de construction, datations étalées entre la fin du ive s. et le début du viie s. Dès lors, la datation du monument à la seconde moitié du ve s. repose sur du mobilier céramique lié aux remblais de construction. Le problème est que ce mobilier, point crucial de l’analyse, n’est ni présenté ni même évoqué en note, absence surprenante au regard de l’enjeu d’une telle datation qui peut situer l’édifice avant, pendant ou après la royauté wisigothique. Espérons une publication prochaine qui donnera un dossier plus consistant à cet égard.
4La troisième section, funéraire et « internationale », s’arrête sur l’épineux problème de l’ethnicité ou ethnogenèse des populations « barbares », question abordée principalement à la lumière de la stylistique du mobilier vestimentaire ou plus localement grâce à la découverte de crânes déformés, morphologie habituellement attribuée à certaines populations germaniques.
5La quatrième section prend un peu de hauteur et propose une lecture territoriale des contacts de population, principalement à travers la cartographie des pièces de culture matérielle, plaque-boucles et fibules… auxquelles on ne pouvait échapper ! Si ce volet convenu peut lasser le non-spécialiste, il faut rendre justice aux spécialistes de tenter une approche géographique de ces corpus d’objets, approche encore timide mais qui propose parfois de croiser la carte de diffusion de cette quincaillerie avec les cartes du peuplement et de la toponymie, comme y invite un essai sur la frontière du Lauragais, entre Toulousain et Septimanie aux faciès mobiliers si différents.
6Cette lecture ethnoculturelle, dont on connaît les limites et les dérives identitaires, gagne fort à être pratiquée conjointement à une analyse de la topographie funéraire ainsi qu’à l’étude anthropologique des caractères anatomiques discrets, comme le montre une étude cas sur la ville d’Angers. Où l’attribution culturelle des mobiliers vestimentaires demeurait entachée d’ambiguïté (qui se déplace : hommes ou objets ?), leur croisement avec l’analyse des dispositifs spatiaux et des singularités biologiques donnent plus de poids à l’identification des populations migrantes.
7L’ouvrage se termine par une cinquième section réunissant les actualités de la recherche sur la Gaule mérovingienne. Entre autres contributions à la connaissance de l’artisanat, on y trouve un « scoop » concernant l’identification de perles en verre provenant du sous-continent indien, largement attestées dans de nombreuses sépultures des régions mérovingiennes et wisigothiques, nouveau signe manifeste que le commerce lointain n’était pas rompu après la disparition de l’empire de Rome.
8Comme un appel à quitter le monde des morts, ici prépondérant comme à l’accoutumée, cette dernière section livre aussi deux communications traitant des formes de l’habitat, opportune invitation à s’intéresser au monde des vivants, tel que traité dans la publication des journées mérovingiennes tenues en 2016 à Montpellier, récemment parue et complément indissociable des journées toulousaines. Riche moisson que ces deux volumes sur la Gaule méridionale. (J. Hernandez, L. Schneider, J. Soulat [dir.], L’habitat rural du haut Moyen Âge en France [ve-xie s.], Actes des 36es Journées d’Archéologie Mérovingienne [Montpellier, octobre 2015] Mémoires de l’AFAM n° 36, Archéologie du Midi médiéval supplément n° 9, Carcassonne, 2020, 496 p.)
Pour citer cet article
Référence papier
Claude Raynaud, « Emmanuelle Boube, Alexis Corrochano et Jérôme Hernandez (dir.), Du royaume Goth au Midi Mérovingien, Actes des 34es Journées d’archéologie mérovingienne (Toulouse, novembre 2013) », Archéologie médiévale, 51 | 2021, 314.
Référence électronique
Claude Raynaud, « Emmanuelle Boube, Alexis Corrochano et Jérôme Hernandez (dir.), Du royaume Goth au Midi Mérovingien, Actes des 34es Journées d’archéologie mérovingienne (Toulouse, novembre 2013) », Archéologie médiévale [En ligne], 51 | 2021, mis en ligne le , consulté le 25 mars 2023. URL : http://journals.openedition.org/archeomed/39595 ; DOI : https://doi.org/10.4000/archeomed.39595
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