1Ce projet collectif de recherche, qui associe le Centre Michel de Boüard, la municipalité de Caen et la Fabrique de patrimoines en Normandie, a été présenté, avec les grandes lignes de l’histoire du site, dans la chronique précédente. Il vise principalement à rassembler une documentation archéologique et historique très dispersée et à mieux articuler données du sous-sol, élévations, textes et documents iconographiques, sans a priori chronologique et dans le cadre d’un important projet de mise en valeur de l’ensemble de l’espace castral.

2La seconde année d’activité a permis d’accroître l’ample récolte de documents textuels et iconographiques effectuée en 2019. Ces sources améliorent notre connaissance des bâtiments et des défenses du site, mais révèlent aussi l’évolution de la population abritée par l’enceinte, de la résidence ducale du xi^e s. à la caserne moderne et contemporaine. Le tabellionage de Caen est désormais dépouillé – avec quelques lacunes – pour les années 1395-1451. L’accent a été mis sur les fluctuations des occupants du château au cours de cette période, en particulier leur remplacement presque systématique au cours de « l’occupation anglaise » (1417-1450), qui refluent pour la plupart vers les paroisses voisines. Pour les xv^e-xvii^e s., de nombreux documents issus de divers fonds complètent cette double approche des sources. La période moderne a également été abordée, d’une part, à travers les mentions dispersées dans les chroniques générales et locales et dans les journaux tenus par les Caennais ; d’autre part, par une analyse systématique des archives du Génie au xviii^e s. Enfin, la base iconographique, auparavant réalisée pour les plans des xvi^e-xix^e s., a été accrue par l’intégration de nombreuses photographies documentant la caserne au début du xx^e s. et révélant également la présence de nombreux bâtiments médiévaux et modernes détruits par les bombardements de 1944, mais surtout par les choix opérés lors de la restauration du site dans les années 1950-1960.

3Le travail de terrain s’est développé avec la prospection géophysique (radar-sol et électrique) des deux tiers des espaces accessibles intra-muros. Si l’épaisseur des remblais n’a pas permis de déceler le fossé séparatif qui existait probablement entre le complexe palatial et le quartier Saint-Georges, de nombreuses anomalies sans rapport avec les bâtiments attestés par les plans depuis la fin du xvi^e s. laissent envisager la découverte de structures inconnues jusque-là. La Porte des Champs a fait l’objet d’une étude de bâti qui sera suivie de datations dendrochronologiques de la charpente et des cloisons en pan de bois. La construction de ce châtelet au cours du xiii^e s. semble se confirmer mais le monument a subi un exhaussement et de très nombreuses modifications par la suite. Un souterrain passant sous la porte puis une caponnière barrant tout le fond du fossé permettaient, entre autres, d’accéder à la barbacane voisine, sous le pont-levis. Parallèlement, plus de 1000 graffitis de prisonniers des deux geôles jouxtant la porte Saint-Pierre ont été relevés, en utilisant la Reflectance Transformation Imaging (RTI), méthode qui s’est avérée particulièrement adaptée à l’enregistrement de ce type de vestiges. Abordant des techniques et des thèmes très divers, ils ont principalement été tracés entre 1805 et les années 1880.

4Troisième axe de recherche, l’analyse globale des collections de mobilier exhumées lors des nombreuses opérations archéologiques effectuées depuis les années 1960, dans le château ou dans les îlots d’habitats jouxtant sa contrescarpe, a permis d’aborder deux thèmes : les témoignages numismatiques – concernant près de 350 éléments (monnaies, jetons et poids de ville en plomb) – et les 11 662 objets métalliques découverts à ce jour.

5Enfin, le système d’information géographique (documentant toutes les données géolocalisées) est progressivement enrichi et une thèse de doctorat, destinée à fournir une synthèse de l’évolution architecturale du château de Caen au cours d’un millénaire d’existence, a été initiée.

Caen, Château, porte Saint-Pierre, prison 2, détail des graffitis de la paroi ouest (DAO Clément Letor, Centre Michel de Boüard – Craham [UMR 6273]).

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