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Chroniques des fouilles médiévales en France en 2020
II. – Constructions et habitats ecclésiastiques
II. 1 – Opérations de terrain

Bleurville (Vosges). Ancienne abbaye Saint-Maur

Responsable d’opération : Cédric Moulis
p. 217-218

Notes de la rédaction

Organisme porteur de la fouille : Nord-est archéologie (Nea)

Texte intégral

1Bleurville est un site qui s’est développé sur les restes d’une villa gallo-romaine, comme l’attestent les découvertes de structures thermales dans le village et des maçonneries mêlant pierres et briques sous l’église Saint-Maur. Cette dernière, fondée vers l’an Mil par Renard II, comte de Toul, est érigée en abbaye féminine par le pape Léon IX en 1050. En 1128, l’abbaye est transformée en prieuré masculin, qui devient dès lors peu actif. Il subit des dégradations durant les guerres de Bourgogne, si bien qu’en 1500-1501, les bâtiments sont dits ruinés. Après sa mise à sac lors de la guerre de Trente Ans, une grande partie de la nef est détruite, ainsi que les bas-côtés ; seules les deux premières travées du premier âge roman sont conservées. Entre 1704 et 1722, une toiture unique à tout l’édifice est posée après arasement des murs. Le clocher est réduit en hauteur. Le site est vendu comme bien national en 1794 et intègre une exploitation agricole. En 1973, l’abbé Pierrat fait détruire les aménagements agricoles et, à cette occasion, des éléments architecturaux réapparaissent. Les excavations qu’il réalise aux deux extrémités du transept révèlent l’ampleur de la crypte (18 × 10 m), qui présente trois absides et passe pour être la plus ancienne de Lorraine avec celle de Saint-Maur de Verdun.

2Le phasage relatif et la datation absolue de la crypte et de ses éventuelles transformations ainsi que la caractérisation des techniques mises en œuvre dans les constructions étaient les grandes problématiques étudiées cette année. Si l’abbatiale présente encore des élévations d’une certaine ampleur, la majeure partie des bâtiments claustraux a disparu. La reconnaissance par une couverture géophysique du potentiel bâti enfoui a permis d’en identifier une partie, au sud de l’abbatiale. De manière plus hypothétique, des perturbations observées sous l’église pourraient être liées à l’amputation d’une travée de la crypte et à la présence d’une possible sépulture de prestige au centre de cette dernière.

3La photogrammétrie de l’ensemble des élévations du bâtiment a été réalisée. L’interprétation des données relatives à la mise en œuvre des matériaux complète le phasage de l’église et livre de précieuses informations sur le plan des structures et leur imbrication. Ainsi, les deux travées du premier âge roman de l’église ont été finalement assez peu modifiées dans les parties basses, si ce n’est par le bouchage des arcatures qui séparaient la nef des collatéraux, aujourd’hui disparues. On retient principalement qu’une alternance de piliers et de colonnes composés de modules de grès séparent les travées mesurant 3,40 m de long pour 7,20 m de large. La partie sommitale a en revanche subi des transformations liées essentiellement à l’implantation de niveaux de planchers lors de la transformation du bâtiment en grange au xixe s.

4Le chevet semi-circulaire présente certains éléments qui correspondent à son état initial. Il est ainsi rythmé par deux contreforts en grès peu saillants. Une pierre panneresse succède à deux pierres et boutisse, ce qui permet une bonne cohésion avec le cœur de maçonnerie. Le parement extérieur du chevet est composé de modules calcaires en petit appareil (0,23 × 0,10 m). Les joints gras sont composés d’un mortier de chaux associée à du sable, des galets et de l’argile, lui conférant une teinte blanche à légèrement rose pâle.

5Les investigations menées en 2020 sur la crypte suggèrent que la construction est plus complexe que supposée jusqu’alors. La diversité des colonnes qui supportent les voûtes d’arêtes laisse penser qu’il pourrait s’agir de pièces en remploi, et pour quelques-unes d’entre elles, leur origine antique paraît vraisemblable. Six analyses radiocarbone permettent de proposer pour le moment quatre étapes dans l’évolution de la crypte. La première indiquerait sa construction au xe s. Une reprise de certaines bases de voûtes d’arêtes au niveau d’au moins sept chapiteaux se caractérise par l’emploi d’un mortier cendreux daté des xie-xiis. Un enduit beige-gris est venu recouvrir l’ensemble au xiiie s., avant qu’il ne soit partiellement repris au cours du siècle suivant. Certaines colonnes de la crypte sont fixées à leur chapiteau par un goujon scellé au plomb. Des prélèvements ont été effectués sur l’alliage ferreux pour déterminer sa composition exacte et son mode de fabrication. De même, l’analyse isotopique des plombs permettra de tirer des enseignements techniques, ainsi que sur la circulation des matériaux qui le composent, en s’appuyant sur une base de données de sites des Vosges et de la forêt Noire.

Bleurville, ancienne abbaye Saint-Maur, élévation intérieure nord de la nef, du transept et du chœur.

Bleurville, ancienne abbaye Saint-Maur, élévation intérieure nord de la nef, du transept et du chœur.

Photogrammétrie R. Janvier, Le Patriscope

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Table des illustrations

Titre Bleurville, ancienne abbaye Saint-Maur, élévation intérieure nord de la nef, du transept et du chœur.
Crédits Photogrammétrie R. Janvier, Le Patriscope
URL http://journals.openedition.org/archeomed/docannexe/image/40973/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 658k
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Pour citer cet article

Référence papier

Cédric Moulis, « Bleurville (Vosges). Ancienne abbaye Saint-Maur »Archéologie médiévale, 51 | 2021, 217-218.

Référence électronique

Cédric Moulis, « Bleurville (Vosges). Ancienne abbaye Saint-Maur » [notice archéologique], Archéologie médiévale [En ligne], 51 | 2021, mis en ligne le 20 mars 2022, consulté le 16 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/archeomed/40973 ; DOI : https://doi.org/10.4000/archeomed.40973

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Auteur

Cédric Moulis

Université de Lorraine

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Responsable d’opération

Cédric Moulis

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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