1Le phénomène de désertion des habitats au cours des derniers siècles du Moyen Âge est très marqué en Alsace où les études historiques menées depuis la fin du xix^e s. ont recensé plusieurs centaines de cas. Pourtant, aucun de ces villages n’avait fait l’objet de travaux approfondis avant l’opération menée sur la maison forestière de l’Elmerforst. Celle-ci est située à environ 35 km à l’ouest de Strasbourg, dans le canton de Wasselonne, et plus précisément à 4 km au NO de la commune de Balbronn. Le site se trouve à l’intérieur d’une vaste forêt, l’Oedenwald, et se présente sous la forme d’un vallon avec des pâturages. C’est à cet endroit que les archives et les plans des xvi^e, xvii^e et xviii^e s. localisent le village disparu d’Elmerforst. Le site serait mentionné pour la première fois en 754, sous le nom de Elpherwilere. Plus assurée est sa mention en 1284 : le village y apparaît doté d’un tribunal et d’une chapelle. En 1367, l’évêque de Strasbourg Jean III de Ligny décide de rattacher cette dernière à l’église-mère de Westhoffen car, « comme nous l’apprenons, les fidèles de cette chapelle ont presque entièrement disparu […] » (Archives départementales du Bas-Rhin, H 553). En 1412, le village est à nouveau cité. Il semble encore habité aux xvi^e et xvii^e s., comme l’attestent différents plans. Mais, en 1663, la chapelle menaçant ruine doit être détruite. Une nouvelle chapelle est construite en 1732, alors que le site est occupé par des forestiers. L’actuelle maison forestière date de 1755. En 1941 enfin, la chapelle, à nouveau délabrée, est dynamitée. Ce sont ses vestiges qui sont actuellement visibles à l’arrière de la maison forestière.

2Les sondages ont intéressé deux secteurs : dans le premier, situé à proximité des ruines de la chapelle, la fouille avait pour objectif de confirmer l’hypothèse selon laquelle l’édifice de 1732 aurait été bâti sur les fondations de la chapelle médiévale. Un sondage a révélé un angle de bâtiment construit en pierres de taille (grès rose), ayant la même orientation O-E que la chapelle de 1732 ; un autre a permis de localiser une partie du cimetière, vraisemblablement contemporain de la structure du premier sondage.

3Le choix du second secteur a été fondé sur les plans du xvi^e s., sur lesquels est porté un bâtiment en pierre sur deux niveaux, avec pour objectif d’en reconnaître le plan, la superficie et les caractéristiques techniques. Les dimensions de l’édifice se sont révélées importantes (un des murs mesure plus de 11 m de longueur). Son appareil, conservé sur trois assises du côté nord, est réalisé en blocs et moellons de grès, confirmant ainsi sa représentation du xvi^e s.

4Le mobilier recueilli corrobore l’occupation plus ancienne du lieu, notamment dans le secteur de la chapelle : deux fragments de céramique du xiii^e s. et un carreau d’arbalète du milieu du xiv^e s. ont été retrouvés à ses abords immédiats. La maison en pierre, quant à elle, semble plus récente : sa maçonnerie comporte de la tuile plate, qui apparaît vers la fin du xv^e s.

5La poursuite des fouilles permettra de reconnaître l’emprise du village et éventuellement de cerner les causes qui ont amené à sa désertion.