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AccueilNuméros37Chronique des fouilles médiévales...I. – Constructions et habitats ci...I 1.- Sites fouillésSanta-Maria-Poggio, Costa Verde (...

Chronique des fouilles médiévales en France en 2006
I. – Constructions et habitats civils – environnement rural et urbain
I 1.- Sites fouillés

Santa-Maria-Poggio, Costa Verde (Haute-Corse). Le Pont génois du Bucatoggio

Responsable d’opération : Daniel Bernardin
p. 201-203

Texte intégral

1Le pont génois qui enjambe le cours du Bucatoggio, près du bourg de Santa-Maria-Poggio, est situé au sud de la commune de San Nicolao. Il est construit au confluent avec le ruisseau Erbajolo et en amont de celui de Mortete. Implanté, vraisemblablement dans un but économique, en un lieu situé à un carrefour de chemins, le pont du Bucatoggio était emprunté par les colporteurs, les troupeaux et les muletiers de la pieve de Moriani. Une importante partie de l’économie locale desservant les forges installées sur le cours de la rivière, les moulins et hameaux environnants transitait par ce pont de pierre.

2Remontant semble-t-il au xive s., la pieve de Moriani comptait cinq bourgades. L’activité rurale se développa autour de l’agriculture, sous l’impulsion d’un noble local, don Parsio de Battisti, au début du xviie s. Cet érudit, instruit des dernières nouveautés en matière de progrès, met en place une politique agricole qui fit de celle-ci, en 1639, une région en plein essor économique. Il est considéré comme le « père de l’agriculture du Morianincu ».

3Le paysage économique du xviie s. entraîne une mutation sociale de la classe dirigeante. Celle-ci va développer l’activité sidérurgique de la côte orientale, jusque-là réservée aux Génois et à leurs alliés bastiais. Deux forges vont ainsi naître sur le cours du Bucatoggio, l’une en 1615, l’autre en 1705.

4Le pont génois du Bucatoggio semble appartenir au contexte architectural indissociable de la petite chapelle du site archéologique de la piévanie, dont les ruines se trouvent à une centaine de mètres du pont, sur la rive droite du Bucatoggio. Elle joua sûrement un rôle de protection des piétons et troupeaux passant le pont. Les retardataires ou ceux surpris par la nuit ou le mauvais temps savaient pouvoir trouver un refuge dans la chapelle. Le pont enjambe un modeste défilé. Dressé à 44 m d’altitude, aux pieds des premiers contreforts du Monte Négrine, il se compose de quatre parties : une voie d’accès ou chemin de terre ; deux piles et leurs culées, un éperon courbe au nord, des tympans aveugles ; l’arche, les parapets, la chaussée et son dos d’âne ; le tablier.

5Le pont est constitué d’une arche unique élevée à 5 m de hauteur pour une portée de 17,50 m. L’arche est composée de claveaux proprement assemblés. C’est la partie de l’ouvrage la mieux appareillée et la mieux conservée. Sous la voûte, on aperçoit encore les traces de coffrage du gabarit ayant servi à construire et à soutenir le cintre de l’arche pendant sa réalisation. Les piles ont fait l’objet d’une grande attention. Elles s’appuient sur des culées assises sur des socles rocheux granitiques. La pile sud, côté amont, repose sur un affleurement rocheux aménagé en terrasse qui joue un rôle d’éperon. Il protège la culée contre les crues brutales du torrent. La pile nord est adossée à la barrière rocheuse de la rive gauche. La culée est ancrée au socle rocheux de la falaise qui avance dans la rivière. Côté amont, elle est flanquée d’un éperon arrondi. À cet endroit, le cours du Bucatoggio est à la sortie d’une courbe, qui charrie ses eaux en droite ligne sur la culée de la pile nord du pont. Si en temps normal, en période de basses eaux, ce dispositif ne présente guère d’intérêt, en période d’orages ou de montées des eaux, le torrent, grossi des eaux de pluie et de ruissellement, entraîne troncs d’arbre, souches et rochers qui viennent heurter de plein fouet la base de la pile. Aussi le maître d’œuvre de l’ouvrage préféra-t-il, à un éperon doté d’un avant-bec aigu ou en pointe, une section courbe. L’éperon courbe avait l’avantage de permettre un meilleur glissement des eaux et des débris sur sa surface arrondie et offrait une plus grande surface de friction : sa résistance s’en trouvait renforcée. Ce contrefort s’élève depuis le socle rocheux à une hauteur de 3,70 m, soit à 0,80 m du niveau de la chaussée.

6Le tablier du pont est long de 26,50 m. Il est en assez mauvais état, tout comme sa chaussée, recouverte à l’origine d’un dallage grossier constitué d’une couche de très gros galets de rivière mêlés d’autres éléments plus élaborés. Le dos d’âne présente un assemblage différent, plus régulier. Le dôme central est matérialisé par trois rangées de pierres posées de chant et parallèles entre elles. Ce mode de construction se retrouve sur une longueur de 3,20 m. C’est sur le sommet du dos d’âne que la structure de la chaussée est le mieux conservée. Il semble qu’au-dessus des claveaux de la voûte, la chaussée ait été dallée d’une seconde couche de pierres, d’environ 15 à 20 cm d’épaisseur, avant la pose du dallage définitif. Cette structure constitue l’arête dorsale de l’ouvrage. Les parapets sont quant à eux totalement absents. Si l’on suppose pour chacun une largeur de 40 cm, la chaussée se réduirait à 1,70 m de large. Près des extrémités, elle s’élargissait jusqu’à 2,60 m-2,80 m. La maçonnerie de l’ouvrage se compose d’un mélange de chaux grise et de sable d’origine alluvionnaire semble-t-il et de provenance locale. Les berges sablonneuses du Bucatoggio ont pu fournir la matière première.

7Ce type de monument nous paraît relever de plusieurs styles ou courants d’architecture correspondant à différentes périodes de construction : aux xiie-xiiie s. : pont pisan à arche unique en « dos de cheval » ; à partir du xive s. : pont génois à arche unique à dos d’âne ; à partir du xviie s. : pont génois à arches multiples ; aux xviiie-xixe s. : pont génois modernisé.

8Ces hypothèses reposent sur l’étude architecturale comparative de plusieurs monuments. Nous avons constaté qu’un édifice religieux, église, chapelle ou oratoire, était souvent associé à ces ouvrages. Cette installation à proximité des ponts n’était pas le fruit du hasard ; une telle présence poursuivait probablement un but charitable, celui de porter assistance aux voyageurs en difficulté.

Pont génois de Santa-Maria Poggio sur le Bucatoggio (cl. Daniel Bernardin).

Pont génois de Santa-Maria Poggio sur le Bucatoggio (cl. Daniel Bernardin).

Cl. Daniel Bernardin, Reconstitution : Stéphane Bouquet.

Reconstitution du pont génois de Santa-Maria-Poggio sur le Bucatoggio.

Reconstitution du pont génois de Santa-Maria-Poggio sur le Bucatoggio.

Cl. Daniel Bernardin, Reconstitution : Stéphane Bouquet.

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Table des illustrations

Titre Pont génois de Santa-Maria Poggio sur le Bucatoggio (cl. Daniel Bernardin).
Crédits Cl. Daniel Bernardin, Reconstitution : Stéphane Bouquet.
URL http://journals.openedition.org/archeomed/docannexe/image/45840/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 540k
Titre Reconstitution du pont génois de Santa-Maria-Poggio sur le Bucatoggio.
Crédits Cl. Daniel Bernardin, Reconstitution : Stéphane Bouquet.
URL http://journals.openedition.org/archeomed/docannexe/image/45840/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 529k
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Pour citer cet article

Référence papier

Daniel Bernardin, « Santa-Maria-Poggio, Costa Verde (Haute-Corse). Le Pont génois du Bucatoggio »Archéologie médiévale, 37 | 2007, 201-203.

Référence électronique

Daniel Bernardin, « Santa-Maria-Poggio, Costa Verde (Haute-Corse). Le Pont génois du Bucatoggio » [notice archéologique], Archéologie médiévale [En ligne], 37 | 2007, mis en ligne le 15 janvier 2023, consulté le 16 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/archeomed/45840 ; DOI : https://doi.org/10.4000/archeomed.45840

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Daniel Bernardin

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