1La rue de Lucerne est située dans le faubourg de la Krutenau qui s’étend sur la rive droite de l’Ill, à l’est de l’ellipse insulaire. Ce faubourg médiéval est doté durant la première moitié du xv^e s. d’une enceinte maçonnée qui, en principe, passe non loin du site, le long de l’actuelle rue de Lucerne. Il s’agit d’un faubourg qui, jusqu’au xvii^e s., est peu urbanisé et plutôt réservé à des activités rurales et artisanales. Notre connaissance de ce secteur reste cependant très incomplète.

2La fouille, qui fait suite à un diagnostic, a permis quelques avancées notables concernant l’organisation du quartier médiéval et moderne. Aucune occupation n’est attestée avant le xv^e s., époque à laquelle est aménagée une grande fosse quadrangulaire profonde d’environ 2,20 m, dans laquelle étaient disposés des bassins rectangulaires en bois dont seule la partie inférieure était conservée. Incomplètement dégagée, la fosse contenait au moins quatre bassins, accolés et reliés à un puisard par l’intermédiaire d’un conduit, éléments également en bois. Un chenal, très partiellement reconnu à la limite de la fouille, pourrait être associé à ces aménagements. Datée du début du xv^e s. (expertise dendrochronologique d’une partie des éléments en bois), cette structure a ultérieurement servi de dépotoir. La présence de très nombreuses céramiques de poêle jetées dans la fosse montre qu’elle disparaît totalement du paysage avant la fin du xv^e s. L’interprétation de cet ensemble, par manque d’éléments de comparaison, reste encore hypothétique. Il pourrait s’agir d’une réserve à poissons : en effet des activités de pêcherie à la Krutenau sont mentionnées dans les textes.

3La disparition de cette construction ne devait pas être suivie d’un réaménagement immédiat ; il faut attendre le xvii^e s. pour qu’une première réorganisation ait lieu. Le site, rehaussé entretemps d’au moins 1 m, reste inoccupé et sans attribution particulière. La réoccupation allait, dans un premier temps, être à caractère résidentiel, mais seules des latrines en bois, très bien conservées, en témoignent, datées par dendrochronologie vers 1665/1666. Une dernière structure précède les constructions des xix^e et xx^e s., une maçonnerie en briques jaunes, très particulière, de forme octogonale et de 4 m de largeur en moyenne. La partie conservée, soit 6 assises de fondation, était posée sur un plancher en bois, lui-même établi sur un réseau de 42 gros piquets dont 8 groupes de 4 répartis en périphérie ainsi qu’un ensemble de 10 disposés en croix au centre. Des analyses par thermoluminescence effectuées sur un lot de 5 briques situent la construction vers 1710 (± 40 ans). Dans l’immédiat, cette structure n’a pas trouvé d’interprétation satisfaisante (soubassement de tourelle, d’escalier, de four, voire de cheminée ?).