1Le chantier archéologique de l’Esplanade à Metz est situé dans le cœur historique de la ville, dans un secteur particulièrement bien documenté (fouilles récentes, archives). Il s’agit d’un espace urbain occupé sans discontinuité depuis le i^er s. L’aménagement actuel de la place remonte au xix^e s. par abaissement de plusieurs mètres des terrains concernés. L’intervention archéologique avait pour objectif d’étudier les vestiges non détruits lors de ces travaux.

2La fouille a mis au jour les restes d’une citadelle militaire du xvi^e s. L’auteur de ses plans est un architecte italien du nom de Rocco Guerrino, arrivé en France avec la suite de Catherine de Médicis. Cette réalisation trouve sa place dans l’histoire européenne : l’occupation des Trois-Évêchés, dont Metz, par les troupes françaises en 1552, et la riposte infructueuse de Charles Quint qui incita le roi de France Henri II à renforcer l’enceinte médiévale de la ville. Le projet de la Citadelle naissant à partir de 1560 assurait ainsi la sécurité de la ville par le sud, créait du côté nord un no man’s land, à l’origine de l’actuelle place de la République, permettant en outre de contrôler les réactions des Messins qui venaient juste de perdre leur indépendance. Par la suite, Rocco Guerrino construisit d’autres citadelles : Kassel, Kustrin, Peitz, Friburg, Grunwald, Heidelberg, Dessau et Spandau (Berlin), cette dernière étant la copie conforme de celle de Metz.

3La citadelle était constituée d’une zone centrale rectangulaire occupée par plusieurs bâtiments, dont le plus bel exemple, à Metz, est sans conteste le Magasin-aux-Vivres. Cette partie centrale était entourée d’un rempart maçonné à plan carré, renforcé à chaque angle par un bastion. Des fossés généralement à sec ceinturaient cet ensemble. Selon certains documents, le bastion champenois surplombait le fond du fossé d’environ 22 m et le mur du grand cavalier situé en retrait le surplombait de 31 m.

4Les vestiges mis au jour se rapportent à un tronçon du mur d’escarpe nord ainsi qu’à une partie du bastion NO, le bastion Saint-Pierre. Le rempart est conservé sur 3 m d’épaisseur. Son parement intérieur et son fourrage, non visibles, sont constitués de moellons marno-calcaires bleus et de blocs de récupération (calcaire blanc ou jaumont) issus de la démolition des anciennes habitations médiévales du secteur. La face visible du rempart, ouverte sur le fossé, présentait à l’origine un revêtement de briques rouges (récupérées fin xviii^e-début xix^e s. lors de la restitution du secteur à la ville) régulièrement alternées tous les 4 m avec des bandes harpées de blocs en calcaire. Plusieurs constructions, dont certaines étagées sur deux niveaux en sous-sol, ont été reconnues dans le périmètre du bastion : un magasin à poudre situé dans la partie centrale, une petite cave, et deux casemates communiquant certainement par des couloirs avec des chambres de tir. L’examen de la maçonnerie du bastion semble indiquer que la présence des oreillons ne faisait pas partie du plan initial, alors qu’elle est confirmée par tous les plans dès 1575. Il se pourrait qu’il ait à l’origine existé de vastes embrasures de tir, peut-être à l’air libre, qui auraient été mises sous casemate par la suite. Ces emplacements de tir à découvert sont connus par d’autres exemples à la même époque.