1Le château de Saumur occupe le sommet d’un promontoire dominant d’une quarantaine de mètres les vallées de la Loire au nord et du Thouet au SO. L’effondrement d’une partie du front nord de la citadelle en avril 2001 a dangereusement aggravé les désordres qui affectaient l’aile NE et la tour nord du château médiéval, rendant nécessaires de lourds travaux de confortement des fondations. Le suivi archéologique des travaux programmés sur trois ans (2004-2007) a permis de continuer les recherches menées par A. Opritesco entre 1991 et 2001. La réalisation de sondages dans les sols et dans les maçonneries a livré de nombreuses informations qui, couplées avec l’étude des parties en élévation et l’analyse des sources documentaires, offrent la possibilité de mieux appréhender le détail des différents programmes architecturaux qui se sont succédé, notamment entre le xi^e et le xv^e s.

2De la tour romane, dont l’existence a été mise en évidence en 1992, ne subsiste que la partie inférieure transformée en cellier à la fin du xiv^e s. Il s’agit d’un puissant édifice de 19,5 m x 17,4 m hors œuvre, aux murs épais de 2,9 m, et dont les élévations étaient scandées de contreforts rectangulaires. Les dégagements récents ont entraîné la découverte de fentes d’éclairage à ébrasement intérieur, qui éclairaient un niveau de cave dont la hauteur sous plafond devait dépasser 10 m. L’utilisation systématique de pierre de taille de moyen appareil et, plus généralement, les techniques de mise en œuvre orientent la datation sur le xi^e s.

3Des apports massifs de remblai semblent correspondre à un emmotement de la tour romane, intervenu vraisemblablement dans des délais assez courts, ainsi que le suggère l’état de conservation des parements protégés par la terre. La plate forme sommitale, 6 à 8 m au-dessus des terrains environnants, se développe essentiellement au sud de la tour, la présence du coteau limitant les possibilités d’extension au nord.

4Saumur passe dans le domaine français en 1203. La construction de la forteresse dans la première moitié du xiii^e s. vient circonscrire la motte et la tour romane qui occupe le centre du dispositif. De plan trapézoïdal, le château se compose de quatre tours cylindriques à base talutée, reliées par des courtines. La tour nord, fortement restaurée dans les années 1810-1814 et remblayée jusqu’au rez-de-cour, a été entièrement vidée pour les besoins des travaux. La partie inférieure se présente sous la forme d’un espace cylindrique de 4 m de diamètre pour 8,8 m de profondeur, dépourvu de niveau de plancher et maigrement éclairé en partie haute par deux fentes de jour, difficilement utilisables pour le tir. Une poutre noyée dans la maçonnerie devait correspondre à la sablière du plancher du rez-de-cour ; elle jouait également un rôle de tirant. Un tel chaînage de bois avait déjà été observé en 2001 sur la tour ouest contemporaine. Les deux tours nord et est comportaient au moins trois niveaux et étaient couronnées par des hourds. D’autre part, les traces de plusieurs bâtiments en pierre et en pan-de-bois, adossés aux courtines NE et SE, ont été mises en évidence. Les séquences stratigraphiques observées révèlent une superposition de niveaux qui témoigne d’une occupation durable du site aux xiii^e et xiv^e s.

5De très importants travaux sont engagés dans le dernier tiers du xiv^e s. par les ducs d’Anjou ; la forteresse du xiii^e s., dont les tours et les courtines sont dérasées, sert de socle pour l’édification d’un château aux allures de palais. La reconstruction, qui débute avec Louis I^er, achevée par son fils Louis II, s’étale sur une trentaine d’années. Des sources comptables croisées avec les observations archéologiques permettent de suivre assez précisément l’avancement du chantier de l’aile NE, entre 1368 et 1376, ainsi que la chronologie du rehaussement des deux tours nord et est. La tour romane, provisoirement conservée en élévation, n’est voûtée qu’au début de la seconde campagne correspondant à l’édification de l’aile NO et de l’escalier d’honneur. Ce dernier prenait naissance au niveau des caves ; un sondage archéologique a en effet permis la découverte des deux révolutions inférieures, condamnées au xvii^e ou xviii^e s. Leur dégagement a livré des morceaux des marches de l’escalier d’honneur avec une main courante moulurée. Plus généralement, l’étude du château révèle des aménagements luxueux témoignant du rang princier des commanditaires : décor sculpté, pavements de mosaïque glaçurées, lambris…

6La dépose d’une partie du pavage de la cour a entraîné la mise au jour des fondations des bâtiments reconstruits entre 1810 et 1814 à l’emplacement de l’ancienne aile NO, dans le cadre des aménagements pénitentiaires. Le suivi des travaux de reconstruction du bastion effondré a fourni l’occasion de mieux appréhender la topographie médiévale de tout le secteur situé au NO du château, notamment le mur d’enceinte de la basse cour, dit mur de Boile, dont des portions ont été identifiées au nord de la tour nord. La construction du front NO de la citadelle date des années 1590-1593. Toutefois, le croisement entre l’analyse archéologique et les documents d’archives montre que si les canonnières sont bien contemporaines des remparts, les casemates qui les desservent datent seulement du milieu du xvii^e s.