1L’abbaye cistercienne de Mègemont se situe à quelques 18 km au SE d’Issoire. Il s’agit d’un établissement fondé en 1206 par le comte d’Auvergne Guillaume VII, pour une petite communauté de moniales cisterciennes.

2L’opération de fouilles programmée mise en œuvre durant l’été 2006 fait suite à des relevés d’élévation effectués en août 2005. Il s’agissait initialement d’établir la chronologie relative des différentes unités de construction du mur pignon du croisillon nord du transept de l’église de Mègemont. Celui-ci constitue un élément essentiel, situé entre l’espace purement ecclésial de l’établissement monastique et ses parties conventuelles, pour cerner la chronologie de ces différentes structures. Ces ouvertures, repérées dans la maçonnerie, suggéraient divers partis pris de circulation de la salle du chapitre (rez-de-chaussée de l’aile est du cloître) et des dortoirs (étage) à l’église. Cette première constatation a pu être validée et datée. Trois périodes ont été reconnues et identifiées :

• la fin du Moyen Âge : circulation axiale entre l’aile est et le transept à l’étage (accès au rez-de-chaussée inconnu) ;
• le xvii^e s. : même type de circulation avec l’ajout d’un accès plus à l’ouest, en bordure de cloître, au rez-de-chaussée ;
• le xviii^e s. : accès supérieur et inférieur superposés et déportés à l’ouest de l’aile, formant une enfilade d’axe nord-sud avec l’ensemble des pièces du nouveau bâtiment des moines encore en élévation.

3Ces premiers résultats posaient le problème de la morphologie de ce même ensemble au xiii^e s., période à laquelle est rattachée la construction de l’église dont le bâti a fait l’objet d’une analyse par Nolwen Fravalo, et de l’ensemble de l’établissement cistercien que la tradition place autour de 1206. À l’emplacement de l’ancienne salle capitulaire, le niveau de circulation actuel étant largement surélevé à la suite de la construction d’un dallage au xix^e s., le relevé pierre à pierre se trouvait incomplet. Il a donc été décidé de pratiquer un sondage à l’aplomb de ce mur afin de compléter les observations engagées et peut-être de repérer les indices d’un niveau de circulation médiéval.

4Cette vérification s’est accompagnée d’une fouille un peu plus extensive s’inscrivant dans la démarche de réhabilitation des lieux par « Les Amis de l’Abbaye de Mègemont ». Afin de donner à voir au public une salle capitulaire en harmonie avec le bâti du xviii^e s. de l’aile est du cloître, il a été procédé à l’excavation des niveaux d’époque contemporaine jusqu’aux premiers vestiges maçonnés plus anciens. Deux pièces au sol « clouté » (c’est-à-dire plantées de blocs de basalte à chant), délimitées à l’ouest par un mur d’orientation nord-sud percé d’une porte pour chacune des pièces ont été mises au jour : seuls les deux seuils subsistent ainsi que les trois premières assises d’un ébrasement à feuillures. Ce mur est parallèle aux murs gouttereaux du xviii^e s. qui encadrent ces vestiges. Les deux espaces sont séparés par un mur trop large pour être un simple mur de refend, ce qui laisse penser que l’ensemble pouvait être voûté. Plus au nord, un autre mur est-ouest a été repéré, mais pas complètement dégagé. L’espace au sol correspondant à la partie méridionale de l’aile est du cloître se divisait donc à une époque donnée en trois cellules. Une telle disposition associée au peu de soin apporté à la surface de circulation semble fort éloignée de ce que l’on attend dans une salle capitulaire. La chronologie relative des vestiges bâtis porte à croire à des aménagements de la fin du xvii^e s., époque à laquelle, dans bien des établissements, l’observance de la règle n’était plus rigoureuse et la nécessité d’une salle du chapitre attenante à l’église ne semblait plus essentielle.

5Un sondage plus profond a été ouvert à l’aplomb du mur pignon du transept afin de cerner la chronologie de ces vestiges : un second sol de dalles en roche basaltique non-jointives, précairement posées sur un remblai meuble, est apparu. Dans la faible épaisseur de sédiment séparant le cloutage du dallage, un tesson de céramique glaçurée moderne a été trouvé, prouvant la chronologie moderne de ces constructions. Le remblai débute au niveau du ressaut de fondation du mur pignon du xiii^e s. et semble se poursuivre en profondeur. Cette observation implique la destruction des niveaux de circulation médiévaux pour l’installation de la construction décrite ci-dessus.

6Par ailleurs, le relevé de trois murs repérés dans l’ancien espace claustral a été effectué afin d’élaborer une restitution éventuelle de l’ensemble du bâti monastique. Ces maçonneries (dont il ne reste qu’une ou deux assises) ont été mises au jour par l’action de la pelle mécanique (travaux communaux). Il apparaît par chronologie relative que ces murs sont antérieurs au xvii^e s., ce qui amène des questionnements sur le faciès du cloître durant la période médiévale et la Renaissance.

7Enfin, un inventaire du lapidaire déposé et son relevé ont été engagés à des fins conservatoires : les blocs feront l’objet très prochainement d’une analyse comparatiste.

8En conclusion, les observations sur l’élévation du pignon nord du transept ont été poursuivies jusqu’au ressaut de fondation. Aucun sol médiéval n’a été mis au jour. Seul un niveau de dallage de pierres basaltiques posées à chant a pu être dégagé. Daté de la fin du xvii^e s., il fonctionne avec les pièces décrites plus haut, aménagées dans l’espace du chapitre. Les niveaux d’occupation les plus anciens ont-ils disparus au profit de la reconstruction du monastère à l’époque moderne ? Ces remaniements tardifs ne prennent plus en compte le plan cistercien, dicté par la liturgie, au profit d’une architecture fonctionnelle plus adaptée à une vie civile.

9À l’avenir, c’est l’étude comparée du lapidaire médiéval de Mègemont, aidé s’il est possible des sources archivistiques, qui permettra une approche structurelle du bâti médiéval, notamment en abordant les divers types de supports verticaux déposés dans l’abbaye, colonnes, colonnettes et piliers de toutes dimensions dont il faudra déterminer la topographie initiale.

Chassagne. Abbaye de Mègemont. Lapidaire n° 6, chapiteau à crossette.

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