1La deuxième campagne sur le site du prieuré Saint-Crépin a débuté en juillet 2006 et devrait se dérouler jusqu’en juillet 2007. Cette opération concerne une surface de 6 000 m², sur l’emplacement des bâtiments de la ferme monastique dépendant de l’abbaye bénédictine de Lyre. La fouille n’étant pas achevée, les datations proposées et les hypothèses énoncées sont à prendre avec mesure.

2L’occupation de ce secteur débute à la charnière des vi^e et vii^e s., avec l’implantation d’un vaste cimetière. Ce dernier forme une bande de 45 m de largeur pour une longueur de 67 m environ, soit une surface de plus de 3 000 m². Son organisation est régulière, puisque nous pouvons suivre les rangées du nord au sud et d’est en ouest. Différents types d’architecture funéraire ont été observés : contenants en bois, coffrages, sarcophages (certains en calcaire, d’autres en plâtre) ainsi que des bords de fosses moulés au plâtre.

3La densité du cimetière est surprenante, puisque nous pouvons observer 4 à 5 niveaux de recoupements pour cette période. De nombreuses sépultures ont livré un riche mobilier : céramiques complètes, plaques boucles, fibules, fers de lance, lames et scramasaxes.

4Dans l’ensemble, les squelettes sont extrêmement bien conservés. Certaines sépultures sont cependant très altérées et contiennent seulement quelques fragments d’ossements. Les deux sexes sont représentés, ainsi que différentes classes d’âge. Les plus jeunes sont concentrés autour de l’édifice cultuel.

5Ce dernier, situé dans la partie nord de la fouille, a été partiellement mis au jour. Deux états ont été identifiés pour l’heure. Dans un premier temps, nous observons une abside au nord et une autre à l’est. Une troisième abside vient se greffer au sud dans une seconde phase ; elle recoupe deux sarcophages en calcaire coquillier dont la forme (cuve trapézoïdale et couvercle en bâtière) est attribuable au vii^e s.

6Cet édifice est vraisemblablement détruit à la charnière des x^e et xi^e s. par la construction d’un second bâtiment dont le plan et les techniques de construction rappellent les églises préromanes. Nous espérons affiner la chronologie en effectuant des datations ¹⁴C sur les sépultures recoupant le bâtiment mérovingien.

7Le deuxième édifice est doté d’une nef rectangulaire de 12,50 m sur 8,50 m hors œuvre. Un épaulement et un mur de chaînage signalent la transition avec une abside plus étroite mais assez profonde de 6,25 m de largeur pour une longueur de 7,50 m hors œuvre. Les maçonneries, liées au mortier, présentent un appareillage en opus spicatum.

8Cette église accompagne un agrandissement sensible du cimetière aux quatre points cardinaux jusqu’au xi^e s., voire au début du siècle suivant. L’extrémité occidentale a été décrite dans les chroniques de fouilles d’Archéologie Médiévale (t. 36, p. 328).

9Une périphérie d’habitat contemporaine de cette deuxième grande phase a été mise au jour au SE de l’emprise de fouille. Il s’agit essentiellement d’une zone d’ensilage, avec de nombreux silos et de petits greniers. Les habitations étaient vraisemblablement organisées autour de l’actuelle rue de la Libération.

10La fonction paroissiale de l’église et le cimetière sont visiblement abandonnés lors de la fondation du prieuré Saint-Crépin, à la charnière des xi^e et xii^e s. Si ce n’est trois grandes fosses à vocation artisanale situées en limite sud de l’emprise de la fouille, aucun bâtiment attribuable à cet événement n’a été mis au jour. Il faut en fait attendre le xiv^e s. pour voir apparaître la ferme monastique.

11Celle-ci s’organise autour de l’ancienne église qu’elle transforme. L’abside est détruite au profit d’un chevet plat. Si la fonction religieuse et funéraire du chœur est maintenue, il n’en est pas de même pour la nef. Une tour escalier est greffée au NE de l’ancienne nef, une cheminée construite le long du mur nord et une « descenderie » de cave aménagée le long du mur sud. Cette partie de l’église semble donc réaffectée à une fonction civile.

12Un corps de bâtiment est accolé dans son prolongement à l’ouest. Un vaste cellier de 50 m² est accessible par un large escalier situé dans son angle NO. La fondation d’une pile située au centre laisse envisager quatre croisées d’ogives qui devaient couvrir cet espace. Toujours au xiv^e s., un agrandissement s’opère à l’est, sous la forme d’une petite cave voûtée, soutenue par deux arcs doubleaux chanfreinés, de 4,50 m de longueur pour une largeur de 3,75 m.

13La grange dîmière est construite au nord. Bien que dénaturée par l’enduit et la couverture moderne, son ossature est intégralement préservée.

14À la charnière des xv^e et xvi^e s., une annexe est accolée à l’ouest, mais sa fonction n’a pu être déterminée faute de niveaux de sols. Ce qui semblerait être un séchoir à grain est accolé au nord et des cuisines sont construites au sud de l’ancienne église. Leur organisation rappelle singulièrement celle des cuisines du château de Vatteville-la-Rue, fouillées par A.-M. Flambard Héricher, datées en revanche du xiv^e s. Nous pouvons en effet observer une dalle évier, une large cheminée et un four à pain.

15Des aménagements tardifs du xvii^e s. viennent compléter le plan actuel des vestiges, avec en particulier deux bâtiments circulaires situés au sud de la clôture du domaine Saint-Crespin. La fonction de ces derniers reste pour l’heure indéterminée.

16Enfin, l’ensemble prieural est visiblement abandonné ou en ruine dès le xvii^e s., comme l’atteste le riche mobilier mis au jour dans les niveaux de démolition.