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Chronique des fouilles médiévales en France en 2006
V. – Installations artisanales
V B3. – carrières, mines et métallurgie : projets collectifs de recherche

Sainte-Marie-aux-Mines (Haut-Rhin). Altenberg. Mines et métallurgie à l’Altenberg, Sainte-Marie-aux-Mines, xe-xive s. Premiers résultats.

Responsable d’opération : Pierre Fluck

Texte intégral

1Un nouveau programme de recherches en archéologie des métaux vient d’être initié par l’université de Haute-Alsace, concernant l’évolution des mines et des fonderies de plomb – argent de Sainte-Marie-aux-Mines du xe au xvie s. Sous l’égide du CRESAT (EA 3436), la première campagne a fédéré l’université de Paris VI, l’UMR 5060 Métallurgie et Cultures de l’université de Technologie de Belfort-Montbéliard, l’UMR 9956 CNRS-CEA (Saclay), le LAM (Nancy-Jarville), l’INRAP et les associations (Fédération Patrimoine Minier et Association Spéléologique pour l’Étude et la Protection des Anciennes Mines).

2Quatre prospections géophysiques, deux missions de topographie dont une couplée à une approche géochimique itinérante des sols, une étude souterraine et quatre sondages en ont constitué les principales opérations 2006. Celles-ci ont procuré à notre connaissance de l’Altenberg (le secteur médiéval de Sainte-Marie-aux-Mines) des savoirs nouveaux porteurs d’implications prometteuses. Mais au contraire de certitudes, la plupart de ces actions ont généré des questionnements nouveaux parfois inattendus. Mieux, les questions posées par la métallurgie médiévale ont montré la nécessité absolue d’intégrer dans notre champ d’investigations à venir au moins une fonderie d’époque Renaissance.

3Un des premiers apports de ces opérations est la confirmation de l’urgence à mettre en oeuvre des protocoles de datation : si les terrains médiévaux sont extrêmement chiches en éléments datants, la totalité des sondages en revanche, y compris dans le milieu souterrain, ont rendu possible des échantillonnages de qualité dans le domaine de la matière organique datable (charbon de bois, bois).

4Dans le domaine de la préparation des minerais, un sondage dit S5 sur une présumée laverie médiévale d’altitude a mis au jour une étendue de dépôts lités déposés par l’eau, mais la laverie elle-même n’a pas été localisée. Un questionnement ouvert concerne la pertinence du lavage comme technique industrielle, n’y avait-il pas intérêt à conserver le minerai en présence de sa gangue (comme ajouts pour les fours), et cela sous forme de morceaux calibrés plutôt que de petits grains, comme nous le font supposer les résultats de l’approche archéométrique des scories du site voisin ?

5Les sondages entrepris sur les fonderies (trois sites en 2006) ont apporté des résultats variables et contrastés. Sur le site de Pfaffenloch (S1), les sondages ont montré l’existence d’une très forte flexure de la surface d’occupation de « l’an Mil », qui pourrait bien correspondre au talus d’adossement des fours, que semblerait d’ailleurs dessiner la double anomalie magnétique. Au plan des matériaux, une gamme étendue de déchets archéométallurgiques calés stratigraphiquement s’offre dès à présent à l’investigation archéométrique, qui pourra ainsi bénéficier de l’apport du quantitatif, et affiner considérablement les premiers résultats obtenus.

6Mais c’est sans doute le site d’Echery (S4) qui a apporté les résultats les plus spectaculaires. Il se trouve indéniablement en ce lieu, excentré par rapport à l’Altenberg car enclavé géographiquement dans la terminaison aval du Neuenberg (le principal secteur d’activité du second xvie s.), une fonderie de type médiéval, et les minerais qui y étaient acheminés sont ceux des mines du haut Altenberg. L’hypothèse hardie au départ mais attrayante d’une fonderie « hydraulique » plutôt fini-médiévale, au débouché d’un chemin creux issu du haut Altenberg, et en même temps au voisinage du ruisseau de Saint-Pierre-sur-l’Hâte, s’est trouvée consolidée par la découverte d’un tesson de facture xiiie s. Les stratigraphies mises au jour appellent diverses questions : pourquoi tant de minerais acheminés entiers avec leurs gangues, même pas triés, encore moins lavés, alors même qu’une laverie paraît implantée sur le haut Altenberg ? Un parti qui peut nous paraître économiquement peu pertinent… Devons-nous y voir la manifestation du souci de verser dans le four des ajouts, en particulier à base de carbonate de fer ? Pratiquait-on le bocardage, comme semblerait l’indiquer une unité stratigraphique incluant des micro-scories concassées ? Cette fonderie s’accompagnait-elle alors d’une laverie ? Enfin, l’une des fenêtres ouvertes sur le site fait surgir l’espoir très concret de localiser l’un des fours, ce qui augure une bonne chance de succès pour la fouille à venir.

7Ces sondages se veulent des préambules à la fouille. Au vu des premiers résultats, les fouilles à venir seront de toute évidence plurielles, l’enjeu certes ambitieux à présent affiché consistant à développer une fouille pour chacune des différentes époques de cette longue histoire qui s’étend du xe au xvie s. Les époques que nous pouvons déjà pressentir sont le premier xe s. pour un site proche de la mine dite « Vieux-Saint-Guillaume », le premier xie s. pour le site du Pfaffenloch, le xiiie ou le début du xive s. pour Echery, deux autres sites restant pour l’instant non datés. Cette concentration, dans un rayon de moins d’1 km, de fonderies ainsi échelonnées dans l’histoire est une chance tout à fait exceptionnelle pour la recherche.

8Dès lors, il devient envisageable d’entrevoir l’Altenberg comme un lieu incontournable où étudier, dans la dimension diachronique, l’évolution des techniques de la métallurgie du xe au xvie s., et celle de leur application industrielle. Il apparaît opportun, au vu de l’ampleur prise par les opérations, de donner au programme à venir la forme (pour 2008-2010) d’un PCR « Mines et métallurgie xe-xvie s. ».

9Un thème nouveau : les ateliers d’éprouveurs. Une recherche nouvelle est appelée à se poursuivre dans le cadre d’un doctorat dès la rentrée 2007. Les essayeurs (ou éprouveurs) sont les personnes en principe assermentées qui testaient les teneurs en métal précieux des minerais. On se projette par là-même à la charnière entre sciences et techniques, entre mode de pensée alchimique et préchimie, entre le savoir-faire d’un individu et les enjeux économiques du temps. Les épreuves influencent directement les types de fours et d’opérations qu’auront à héberger les fonderies industrielles : leur étude se place donc en amont de celle des fonderies. Très peu de fouilles ont, à l’heure actuelle, éclairé par le terrain le domaine des ateliers d’éprouveurs.

10Il se trouve que fortuitement, l’intérêt de Sainte-Marie-aux-Mines, et de l’Altenberg en particulier, vient de rebondir avec la découverte, à l’occasion d’un « sauvetage » réalisé en avril 2006 sur un site de Fertrupt, d’un creuset d’essayeur. Ce lieu apparaît ainsi révélateur de la demeure, ou peut-être plutôt de l’atelier, d’un éprouveur du xvie s. (daté d’après la très riche céramique de poêle livrée par le site). La recherche se prolongera par une approche analytique et par une phase d’archéologie expérimentale.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Pierre Fluck, « Sainte-Marie-aux-Mines (Haut-Rhin). Altenberg. Mines et métallurgie à l’Altenberg, Sainte-Marie-aux-Mines, xe-xive s. Premiers résultats. » [notice archéologique], Archéologie médiévale [En ligne], 37 | 2007, mis en ligne le 12 juin 2019, consulté le 04 décembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/archeomed/47770 ; DOI : https://doi.org/10.4000/archeomed.47770

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