1L’achèvement de la fouille de la tour de Saint-Maurice, préalable à la restauration, et le sondage réalisé à l’est, devant le seuil de la porte, ont permis, cette année, d’atteindre et d’explorer les niveaux liés au bâtiment antérieur et de proposer une chronologie globale de l’occupation du site, confortée par les résultats des recherches documentaires menées à Chambéry et à Turin. Le plan général de ce bâtiment primitif, tel qu’il peut être restitué grâce aux éléments maçonnés mis au jour lors de cette troisième campagne, s’apparente à celui d’une aula : il s’agit d’une vaste construction rectangulaire (env. 13 x 8,60 m), offrant un espace intérieur de plus de 70 m² auquel on accédait par une large porte à deux vantaux, percée dans le mur sud, seul conservé en élévation. L’appareil de ce mur formé de petits moellons de calcaire soigneusement équarris et disposés en assises régulières, soulignées de joints tirés au fer, est, dans la région, caractéristique du xi^e s. ; cette aula pourrait correspondre au castrum de Conspectus mentionné dans la documentation aux alentours de 1070. D’abord excavé (phase I), l’intérieur du bâtiment a reçu un nouvel apport de terre bientôt percé de profonds trous de poteau régulièrement disposés le long des murs et au centre du bâtiment, dans lesquels étaient enfoncés les piliers d’une structure charpentée, à la fonction énigmatique (phase II). Elle paraît liée à quelques aménagements maçonnés (croûte de mortier et moellons de molasse et de tuf retrouvés calcinés au fond d’une fosse). L’analyse au radiocarbone des vestiges de l’un de ces piliers permet de fixer cette installation entre 1025 et 1225, avec une forte probabilité pour qu’elle soit antérieure au xii^e s.

2Après avoir partiellement brûlé, cette structure sur piliers fut démontée et un nouveau remblai fut étendu sur l’ensemble du bâtiment (phase III), marqué par quelques menus aménagements. La découverte, sur ce niveau de sol, d’un denier de l’église de Vienne permet de dater cette dernière phase d’occupation du début du xiii^e s. au plus tard, sans contradiction avec le reste du mobilier mis au jour dans les niveaux correspondants (céramique à pâte grise, clés, boucles de harnais, appliques décoratives en bronze).

3La destruction de l’aula, au début du xiii^e s., coïncide avec la reprise en main de la seigneurie de Saint-Maurice par le seigneur de Gerbaix, potentat local, qui fit édifier, sur les vestiges de l’antique castrum – l’un des plus anciens de Savoie –, une tour de plan carré, ouverte à l’est par une porte percée dans le seul mur construit ex novo. Cette tour, dont il ne reste plus aujourd’hui que le niveau inférieur, réservée au stockage des récoltes, resta habitée jusqu’à sa destruction par un violent incendie survenu au milieu du xiv^e s. (cf. chronique de fouilles 2002 et 2003). Le site fut alors abandonné pour celui de Mauchamp, à 500 m en contrebas, qui semblait aux Ravais, grands commis de l’État savoyard et nouveaux détenteurs de la seigneurie, plus propice à la défense de la nouvelle frontière delphino-savoyarde, fixée au cours du Guiers par le traité de Paris (1355).