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Chronique des fouilles médiévales en France en 2003
III. – Constructions et habitats fortifiés
III 1. – Sites fouillés

Neuvy-Deux-Clochers (Cher). Tour de Vesvre

Responsable d’opération : Victorine Mataouchek

Texte intégral

1Le site de la Tour de Vesvre se situe dans le Sancerrois, au nord du département du Cher, sur la commune de Neuvy-deux-Clochers, au lieu-dit La Tour. Ce site est composé d’un ensemble seigneurial fortifié assez complexe. On y trouve une motte castrale de 30 m environ de diamètre et une dizaine de mètres de hauteur, encore ceinte d’un réseau de fossés. À 200 m de cette motte, se situe la Tour de Vesvre proprement dite, construite sur un plan quadrangulaire de 21 m de long et 15 m de large pour une hauteur de 27 m. Cette tour est encore couverte d’une toiture et comporte plusieurs niveaux de planchers intérieurs, elle est implantée au centre d’une large plate-forme chemisée avec tourelles d’angle et entourée d’un fossé. Enfin, un petit manoir, aujourd’hui en ruine, a été construit contre l’angle NO de la tour. Les éléments de datation du site sont assez imprécis. La première mention connue d’un seigneur de Vesvre remonte à 1034, sans que l’on sache s’il s’agit du seigneur de la motte ou de la tour. Une tradition voudrait en effet que les deux sites relèvent de deux seigneuries distinctes, peut-être deux frères qui se seraient partagés un domaine préexistant. La tour est plus souvent datée de la fin du xiie ou début xiiie s. Enfin, le manoir est sans doute construit aux alentours du xvie s. La réalisation d’un important programme de restauration de la tour de Vesvre, classée Monument Historique, est à l’origine de l’intervention archéologique qui a consisté, dans un premier temps, en la surveillance des travaux de reprise en sous-œuvre des murs de refend des caves. Notre intervention doit se prolonger, en 2004, par l’étude des quatre faces extérieures de la tour. Plusieurs niveaux d’occupations antérieurs à la tour ont déjà été mis en évidence, ils se caractérisent par une succession de sols, le plus souvent associés à des couches d’occupation comportant beaucoup de charbons de bois et des couches de remblais argileux scellant l’occupation antérieure. Une fosse et plusieurs éléments structurels fonctionnant avec ces sols ont été observés : trous de poteau, trou de piquet et peut-être un mur, identifiable pour l’instant par la tranchée de récupération qui recoupe sa tranchée de fondation. Un très abondant mobilier archéologique est associé à ces niveaux : céramique (provisoirement datée des xe-xie s.), faune variée et abondante, tabletterie, objets métalliques (serpette, clous, etc.), verre (gobelets à pâte fine). L’importante présence de charbons de bois pourrait être liée à des activités artisanales, nous avons ainsi retrouvé des scories de forge avec peut-être un résidu de bac de trempe et des fonds de creuset de verre ainsi qu’un fragment de paroi de four de verrier. Ces niveaux sont installés au sommet d’une plate-forme, composée d’un feuilletage de couches de végétaux très épaisses et de couches argileuses assez homogènes, dont la hauteur est estimée à 2 m environ. La présence d’eau piégée dans ces couches a permis un très bon état de conservation des matières organiques. De nombreuses pièces de bois (poutres, troncs, pieux ou planches) posées à plat ont été dégagées. La présence de mortaise dans les poutres, ou la disposition à plat des pieux, montre qu’il s’agit très certainement d’éléments réemployés, provenant de constructions antérieures. La présence de ces bois n’est pas encore expliquée. Il pourrait s’agir d’une armature interne de la plate-forme. Il semble toutefois que ces bois sont plutôt localisés en périphérie de la plate-forme ou en rupture de pente. Un épais madrier était encore assemblé avec un pieu qui l’ancrait dans les remblais argileux sous-jacents. Outre ces bois, les couches de végétaux comportaient aussi de très nombreux branchages, feuilles, litières de paille et des fruits (noisettes, glands, noix). Nous avons également mis au jour de nombreux fragments de cuir avec des traces d’aiguilles (lanières et probables éléments d’habillement). Ces couches contenaient aussi un peu de faune (dont un arrière-train de bœuf en connexion), du mobilier céramique (les fragments les plus anciens ont été datés de la deuxième moitié du ixe s.), du verre et des objets métalliques (dont un éperon et une boucle de ceinture). Plusieurs litres de prélèvements ont été effectués en prévision d’une étude carpologique (graines) et des macro-restes. De même, la plus grande partie des pièces de bois a été prélevée à des fins d’étude xylologique et dendrochronologique. Plus d’un tiers d’entre eux correspondent à des pièces de grand format (entre 1 m et 2 m de longueur). À la base de la plate-forme, le sol naturel est composé d’un sédiment argileux vert très fin, pouvant correspondre à un environnement semi-marécageux. Des souches encore en place de jeunes arbres et d’arbustes coupés net au ras du sol témoignent de l’essartage préalable à la création de la plate-forme. Le mode de construction de la plate-forme, avec ce dépôt de couches de végétaux piégées dans des couches d’argile, pourrait être interprété comme la volonté de créer des couches intermédiaires et bien isolées qui puissent absorber l’eau, très présente dans le sous-sol. Le site est, en effet, implanté en fond de vallée humide. La construction de la plate-forme répond donc à un double objectif de mise hors d’eau et de surélévation d’une résidence aristocratique. La qualité et la variété du matériel archéologique, ainsi que le mode d’implantation sur plate-forme, indiquent qu’il s’agit très certainement d’une résidence, qui pourrait être à l’origine de la constitution de la seigneurie de la Tour de Vesvre. Il s’agit donc d’une découverte tout à fait exceptionnelle sachant que peu de sites de cette qualité et de cette période ont pu être fouillés jusqu’à présent dans la région.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Victorine Mataouchek, « Neuvy-Deux-Clochers (Cher). Tour de Vesvre » [notice archéologique], Archéologie médiévale [En ligne], 34 | 2004, mis en ligne le 15 septembre 2023, consulté le 18 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/archeomed/52828 ; DOI : https://doi.org/10.4000/archeomed.52828

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Responsable d’opération

Victorine Mataouchek

Opération(s) dirigée(s) par cet archéologue

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-4.0

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