Saint-Sauveur-le-Vicomte (Manche). Le château
Texte intégral
1Les investigations archéologiques menées en août 2002 et en juillet 2003 dans la basse-cour du château ont enrichi de connaissances nouvelles l’histoire de la forteresse médiévale. L’étude des sources écrites permet d’attribuer l’essentiel de la construction à l’époque de la guerre de Cent ans, durant une phase de travaux entreprise vers 1346 par Geoffroy d’Harcourt et, achevée avant 1375. Les comptes royaux des xive et xve s. apportent des renseignements sur l’existence d’un grand logis, d’un bâtiment à usage de cuisine et d’étables compris dans le périmètre de la basse-cour. Les textes permettent de suivre l’évolution de la chapelle du « as chastel », jadis située dans le même secteur. Fondée vers la fin du xe s., celle-ci était desservie par une communauté de chanoines qui ne comptait pas moins d’une dizaine de clercs. Quelques décennies plus tard, les chanoines sont remplacés par des moines bénédictins venus de Jumièges. Vers 1080 ces derniers partent s’établir hors du château, sur le site de l’actuelle l’abbaye. Toujours desservie par les religieux, la chapelle continue cependant de fonctionner et fait l’objet de plusieurs restaurations ; une première fois en 1291 et une seconde fois en 1417. Elle existait encore en 1528 mais semble avoir disparu au siècle suivant. Les archives de l’abbaye mentionnent des inhumations dans la chapelle jusqu’au milieu du xiie s. L’existence d’une nécropole associée à l’ancien sanctuaire, déjà suggérée au xixe s. par la découverte fortuite de plusieurs sarcophages, a été confirmée par les sondages archéologiques récents. Tandis qu’en 2002 deux individus inhumés en pleine terre avaient été mis au jour, cinq sarcophages en calcaire coquillier ont été dégagés en 2003. La date généralement attribuée à ce type de cuves funéraires (vie-viiie s.) tendrait à suggérer que cette nécropole préexistait à l’établissement du château. Les sondages archéologiques ont révélé l’existence de plusieurs bâtiments, venus se superposer à la nécropole. Ces édifices, datant probablement du xive s., s’inscrivaient dans une nouvelle topographie de la basse-cour. La construction des remparts semble avoir déterminé l’apport d’une importante quantité de remblais, atteignant plus d’un mètre parfois au-dessus du niveau du xe ou xie s. L’un des bâtiments fouillés subsistait encore avant les bombardements américains de 1944. Les substructions conservées montrent de multiples traces de reprises à l’intérieur d’épaisses maçonneries médiévales liées avec un mortier ocre brun. L’interprétation des sources écrites permet d’identifier les vestiges d’une ancienne cuisine, signalée par un acte de 1394. Un second bâtiment, situé immédiatement à l’est du précédent a été mis au jour en juillet 2003. Il s’agit du sous-sol excavé d’un édifice qui comportait initialement au moins un niveau d’élévation. L’ensemble a été remblayé, apparemment, dès la fin du xive s. ou au début du xve s., à l’aide de débris de constructions et de rejets de cuisine. Les remblais comprenaient, aussi, une monnaie à l’effigie du Prince Noir, de nombreux fragments de céramique, deux fragments de mortier, et pas moins de quatorze boulets (entre 280 g et 47 kg). Les cinq sarcophages, évoqués précédemment, occupent le fond de ce bâtiment. L’excavation du sol lors de sa construction a occasionné la destruction partielle des sépultures, ne laissant en fait subsister, sous le niveau d’occupation du xive s., que les fonds des cuves funéraires. Au même niveau a, également, été repéré un individu inhumé en pleine terre, au squelette en mauvais état de conservation et quelques autres ossements. En 2004, de nouveaux sondages devraient permettre de vérifier l’étendue de la nécropole et de déterminer l’emplacement et la forme d’autres bâtiments médiévaux disparus.
Pour citer cet article
Référence électronique
Gérard Vilgrain-Bazin, « Saint-Sauveur-le-Vicomte (Manche). Le château » [notice archéologique], Archéologie médiévale [En ligne], 34 | 2004, mis en ligne le 15 septembre 2023, consulté le 17 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/archeomed/52883 ; DOI : https://doi.org/10.4000/archeomed.52883
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